LES CHAOLEY DE RAWAI BEACH, ANCIENS NOMADES MARINS

Les premiers habitants de Rawai furent assurément les Chaoley (sea Gypsies), installés durant la seconde guerre mondiale. Probablement originaires d'Indonésie, ces nomades de la mer ont finit par se sédentariser au sud de Phuket. Durant les 20 dernières années, ils ont su tirer profit de l'essor touristique à Phuket.

Les Thaïlandais et les Chinois de Phuket, ont longtemps privilégié la ville de Phuket, en laissant la liberté aux Chaoley de s'installer sur les côtes Est de l'île. Le gouvernement a quelquefois évoqué une possible expulsion des Chaoley sans jamais y donné suite. Mais ces dernières années, leur domaine à Rawai, en bord de mer, attise les convoitises des promoteurs non-scrupuleux. Aujourd'hui, il semblerait que les hautes instances aient adopté une autre manière d'agir en prenant la défense des gitans de la mer.
GAMINS CHAOLEYS A RAWAI PHUKET THAILANDE
Publié par Rawai.fr - Mis à jour le 10/11/2025

QUI SONT LES GITANS DE LA MER ?

VILLAGE DES GITANS DE LA MER RAWAI PHUKET

En Asie du Sud-Est, on distingue 3 principales communautés chez les nomades de la mer, les Moken, les Moklen et les Urak Lawoi. Les Chaoley (Chao : gens / Ley, diminutif de thale : mer) de Rawai regroupent des individus de ces 3 communautés, motivés par la sédentarisation. Ils furent longtemps experts en natation, plongée, apnée et pêche.

Les Moken, aujourd'hui, restent un peuple traditionnellement nomade, comme leurs ancêtres, ils vont de criques en criques, y restant le temps de profiter des poissons et des ressources de l'endroit mais repartent ensuite afin de laisser la nature rétablir la balance écologique. Il est très difficile de suivre la trace de leur style de vie historique et culturel car ils ne possèdent aucune langue écrite. Leur origine varie selon les sources, mais les ethnologues les plus aguerris estiment que les Moken sont issus de la migration austronésienne qui a débuté il y a quelques milliers d'années (entre 3 et 5000 ans), au sud-est de la Chine. La seconde étape importante de cette migration se situe au XVIème siècle environ, lorsque les Moken de l'archipel Riau-Lingga (Indonésie) remontent vers la mer d'Andaman. Ils se sont ensuite principalement installés aux Surin islands au nord de l'île de Phuket.
Les Urak Lawoi et les Moklen, eux se sont installés sur les côtes. Trois villages de gitans de la mer sont campés sur Phuket. L'un à Rawai semble être le plus ancien (probablement débarqué durant la seconde guerre mondiale). Un autre à Sapam Coast à 8 km au nord de la ville de Phuket, et le troisième sur l'île Sirey accessible au départ de Phuket town.

Les Moken sédentarisés en provinces de Phuket, Phang Nga, Krabi, Ranong et Satun se sont adaptés aux cultures locales et ont abandonné l'utilisation et la construction de leurs embarcations traditionnelles (kabang) pour mieux s’intégrer. Tous les Moken qui veulent se sédentariser sur les côtes thaïlandaise sont persuadés qu’ils doivent abandonner leurs particularités culturelles pour une meilleure insertion. 

Leur façon de vivre a rapidement changé ces dernières années, mais en voyant leurs sourires, tout laisse à croire qu' ils ont conservé une joie de vivre inaltérable. Ils parlent leur propre langue proche du malais mais influencée par le thaï. Ils suivent leur propre croyance animiste qui attribue une âme aux animaux, aux choses, etc...
La légende dit qu'une femme chaoley fut changée en tortue de mer à tête humaine. Depuis, les gitans de la mer associent les tortues à des soeurs du genre humain et leurs consacrent une cérémonie pendant laquelle ils ont le droit de les pêcher et les manger...
Dans leur vie quotidienne, ils pratiquent encore couramment le troc. Mais vu le flux touristique incessant, une micro-économie s'est récemment développée : marchés aux poissons et coquillages, restaurants, commerces de souvenirs et transports en long-tail vers les îles voisines.
Quand vous visiterez ces villages vous pourrez découvrir les qualités indéracinables de cette ancienne culture : Insouciance, liberté, couleurs, hospitalité et faible criminalité.

NOMADE DE LA MER A PHUKET

ENTRE OUBLI ET EXCLUSION...

JEUNE FILLE MOKEN A RAWAI

Malgré leur exposition, les victimes Moken du tsunami de décembre 2004 ont été peu nombreuses. Leur savoir traditionnel les a épargnés. La fureur apaisée, la vie aurait pu reprendre comme avant, entre oubli et exclusion, mais libre de ses mouvements. C'était compter sans la seconde vague – la vague humanitaire.
Cette ethnie, qui vivait aux marges des lois de la globalisation et de la pensée néolibérale, n'a eu d'autre choix que de se plier à la volonté d'acteurs humanitaires animés par des stratégies ignorant les réalités locales complexes.

Lors d'un récent meeting entre membres du gouvernement et représentants de la communauté Chaoley, de nombreux problèmes ont été évoqués. Le représentant de Rawai, Sanit Saechua estimait sur les côtes Andaman, en Thaïlande, 12 000 Gypsies séparés dans plus de 30 groupes différents. Il déclarait qu'en dépit de la publicité accordée à leur style de vie différent lors du désastre de 2004, ils vivaient encore comme des citoyens de seconde classe et ne bénéficiaient pas des même droits et avantages que les citoyens thaïlandais. L'absence de droit de propriété sur les terres est le principal problème. La plupart de ces populations sont basées sur les côtes et n'ont pas de titres de propriété. Certains de leurs villages sont répertoriés, d'autres non. Yupa Chaonam de la communauté de Phi Phi Island, expliquait lui, qu'ils n'étaient pas autorisés à construire ou entreprendre le moindre projet. Mr Sanit déplorait également que 30% des Gypsies vivant sur le territoire thaïlandais ne possèdent pas de carte nationale d'identité. Ils n'ont donc pas accès aux services publics, notamment la santé. De plus, ils ne peuvent pas voyager sans être considérés comme des étrangers en situation illégale, ils sont donc emprisonnés lors des contrôles policiers et douaniers. Le gouvernement thaïlandais assure qu'il met tout en oeuvre pour résoudre ces problèmes en instaurant des mesures spécifiques permettant de protéger la culture traditionnelle de la minorité gypsy face à la politique touristique menée.

Affaire à suivre donc, en souhaitant que les droits de ces petits villages soient respectés pour éviter leur disparition.

LES CHAOLEYS DE RAWAI EN 2023

RESTAURANT DU VILLAGE DES CHAOLEYS A RAWAI

Le village Chaoley de Rawai beach n'est pas devenu en 2023 une attraction touristique incontournable... Jadis, il présentait pourtant un charme discret et les traditions de ses habitants perduraient et intriguaient. Aujourd'hui, la petite rue qui longe la mer n'est qu'une étendue de magasins de souvenirs sans grand intérêt et de restaurants de fruits de mer... Plus loin vers le cap, on construit toujours les gigantesques casiers de pêche et on entretient les long tails les plus anciens mais la pêche n'est plus l'activité économique principale.

Dans le courant des 20 dernières années, on a progressivement constaté un changement d'humeur chez les Chaoley, l'ambiance locale et l'accueil semblaient perdre en qualité et en naturel. Comme si l'afflux touristique massif les agaçait. Il faut reconnaître que les visiteurs d'aujourd'hui ont le don d'exaspérer. Les "instagrameurs" et amateurs de selfies ne sont plus les bienvenus dans la ruelle, à tel point que les panneaux d'interdiction de photographier ont fleuri un peu partout.

Ces dernières générations de descendants Moken n'ont plus grand chose de Moken. Les traditions disparaissent au grand désespoir des anciens. Le fric a pris le dessus. La sédentarité les aura privé de cette liberté unique dont ils jouissaient à naviguer de côtes en côtes. Le mépris des gouvernements successifs, le tourisme effronté et invasif ont définitivement annihilé leur différence culturelle.

Des événements majeurs de l'histoire récente ont marqué et transformé cette peuplade nomade. Le tsunami, ses "aides" humanitaires, le surtourisme, le marché immobilier, le dédain des Thaïlandais de Phuket, la crise sanitaire et un manque général de reconnaissance ont progressivement engendré chez les Chaoley de Rawai, une perte d'identité, un sentiment d'injustice et d'exclusion, une colère et une marginalisation.

Cette ethnie, comme la plupart des petites communautés, se fragilisent et suffoquent face aux incohérences du monde moderne. La confrontation est inégale, la puissance et la violence du capitalisme libéral maltraite et pulvérise l'homme réfractaire et minoritaire. 

C'est ainsi. Le peuple Moken rend son dernier souffle...

CHASSEUR MOKEN PHUKET
PAPY MOKEN PHUKET
Crédits photo : Christophe Entem

RAMA IX EN VISITE CHEZ LES CHAOLEY

RAMA IV 1952 RAWAI PHUKET
Bhumibol Adulyadej en 1952, à Rawai, Phuket, dans son rôle de souverain adulé et proche du peuple - ou en pleine campagne médiatique ? 
Durant tout son règne, le roi Rama IX a toujours exprimé sa réelle priorité de protéger l'ethnie Moken présente sur le territoire thaïlandais.
« Prosternez-vous jeunes Chaoley, devant le roi de Thaïlande et remerciez-le de sa considération et de ses promesses ».
70 ans plus tard, certains Moken de Thaïlande n'ont toujours accès ni à la propriété, ni à la nationalité thaïlandaise...

"KOH LANTA SEA GYPSIES" PAR RAPHAËL TREZA

Découvrez l'excellent documentaire de Raphaël Treza, un réalisateur et musicien français, qui présente le quotidien d'un pêcheur chaoley de Koh Lanta.  Sur la chaîne YouTube de Raphaël, vous pourrez visionner d'autres reportages de qualité, tournés en Asie du Sud-Est et diffusés sur les chaînes de télévision Discovery Channel Asia et Arte :

  • "Hallucinogen Honey Hunters" (2010)
  • "Cobra Gypsies" (2015)
  • "Borneo Death Blow" (2018) 
  • "Mystery Mind Maps" (2019) 

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