LA LETTRE DE THIERRY 

Voilà maintenant plus de 10 ans que Thierry Costes poste régulièrement sa lettre sur notre site. Ce personnage endiablé, évoque différents aspects de sa vie d'insulaire. Sans inhibition aucune, il partage avec son habituelle éloquence, ses réflexions, ses certitudes et ses doutes, ses errements et ses émotions tropicales.

 Mon nouveau roman LAMBEAUX D’AZUR (extrait) Le 15 avril 2024

ÉCRIRE

Après de multiples pérégrinations en compagnie de quelques fleurs de lotus rencontrées en chemin qui honorent le genre féminin de cette nation, je me fais une retraite en solitaire sur un rivage oublié afin de noircir quelques pages et avancer ainsi dans la rédaction de mon nouveau roman sur des lambeaux d’azur. Je deviens schizophrène dans ces moments, un syndrome d’écrivain, j’ai besoin de cultiver ma solitude pour me fondre dans cet élément sur un flux d’encre digne d’un tsunami. Je coupe court avec le monde des humains et ne vis qu’entre ciel, terre et mer quitte à ne parler qu’aux oiseaux qui inondent ces tropiques. J’ai un faible pour les calaos, ce piaf magnifique qui souvent ne se balade qu’en couple. J’ai pour habitude de me rendre sur une ile relativement inconnue qui baigne dans la mer Andaman où je peux les observer à souhait. Dès mon réveil en buvant mon premier café sur la terrasse de mon bungalow, ils m’offrent des ballets nuptiaux par milliers, des farandoles inouïes passent tout autour, un nid je vous dis.

En général, je reste ici un mois au plus, quelquefois davantage. Passé ce délai, je redeviens nomade, il me faut à nouveau repartir sur les routes vers l’horizon, renouer avec le genre humain et batifoler au gré des ambiances diurnes ou nocturnes à la rencontre de mon prochain. Je ne peux exister longtemps sans rencontre, mon côté latin. Autant me faut-il être seul pour me plonger dans ma prose, autant me faut-il me mélanger aux autres pour retrouver une nouvelle inspiration. J’ai besoin de ces deux univers contraires. Je vogue sur ces deux atmosphères.

A cette heure, je m’isole en ce début de mousson, moi seul flâne dans ce décor tropical déserté, un cadre insulaire s’offre à ma plume. Dès le crépuscule, des chauves-souris géantes à l’envergure de rapaces flottent dans l’air sous la pleine lune, Par chance, elle sont frugivores, hors de question de penser au royaume des vampires, elles sont inoffensives même si à vrai dire elles font un peu flipper à nous frôler de leurs ailes démesurés dans la nuit des iles.

Cette ile est une couronne de jungle qui flotte sur l’océan, je ne m’aventure que peu dans son milieu bourré de serpents, je reste pour l’essentiel accroché à mon pupitre sur la terrasse de mon bungalow qui borde les flots. Un village de pêcheurs à proximité me fait office de cantine, un mode de vie séculaire semble animer ce lieu perdu dans la vaste immensité, seule une grappe d’humanité ignorée de tous s’ébroue en ramenant les filets sur le rivage au retour de la pêche. Une plage immense s’étend à l’infini, livrée aux oiseaux ainsi qu’aux varans en surnombre qui font penser aux dragons de Komodo. A en croire les locaux, des crocodiles marins seraient présents de l’autre côté de l’ile bordé de mangroves, on comprend aisément pourquoi personne ne s’y aventure jamais de peur d’une mauvaise rencontre, pas facile de faire face à un géant saurien.

Trois jours que je n’avais mis les pieds au village. Je me nourris de poissons séchés que j’achète au kilo dans ce cas quand l’inspiration est là et coule dans mes veines sans discontinuer, j’en perds le sommeil parfois et ne dors que lorsque je suis épuisé. Je tombe en fait sans réaliser, toute mon énergie partie en fumée dans la furie de ma plume sur mes cahiers. J’ai aussi quelques réserves de bouteilles, du rhum thaï que je trouve chez le seul épicier du bled. Cet alcool me fait office d’essence pour tenir encore quelques heures sur mon pupitre à me tordre la cervelle et arriver au bout de mon inspiration du moment. J’y ajoute dans mes verres du Red Bull ou M150 selon les stocks disponibles à l’épicerie, cela me tient éveillé presque sans fin. Je maitrise la technique pour surfer un temps fou sur mon élan sans m’effondrer, je peux passer deux jours facile à écrire ainsi sans bâiller. Mais la chute ensuite est terrible, pas même un tsunami ne réussirait à me réveiller.

Quand les villageois ne me voient des jours durant, il y en a toujours un ou deux qui viennent avec un repas jusqu’au bungalow, souvent des bouts de poulet accompagnés de riz gluant ou bien un poisson frais délicieusement cuisiné, un régal. Parfois, ils m’envoient carrément une ambassade et m’emmènent d’autorité afin que je partage quelques agapes chez eux. Ils m’offrent gite et couverts le temps de reprendre en leur compagnie quelques forces, je ne reviens que le surlendemain dans mon bungalow. De me voir apparaître à chaque mousson dans leur ile où peu viennent, ils ont fini par m’adopter et me font volontiers fête lors de mon arrivée, je fais maintenant partie du paysage et j’ai droit à des accents sincères de fraternité.

 MISS MEIJI Le 13 avril 2024

Une fille extraordinaire apparaît dans ce sud thaïlandais, la réincarnation d’une princesse pour sûr. Alors que je viens me restaurer dans ce bouge à deux balles, la Belle me tend un menu en langue siamoise. Trop compliqué de tout déchiffrer, il me faudrait carrément une heure pour tout lire. Je lui demande de composer mon repas en toute confiance et de me commander les meilleurs plats selon elle sans considération aucune quant au degré de piments dans l’assiette. Elle affiche une moue qui en dit long m’avertissant que je risque de faire une syncope vu qu’elle n’aime que des mets dignes des flammes de son paradis à elle question gastronomie, un feu qui pourrait peut-être m’envoyer direct en enfer si mon palais ne peut supporter un tel électrochoc. J’insiste quitte à m’évanouir ensuite.

Son sourire diabolique aurait dû pourtant freiner mon élan de gourmet, je m’attends au pire. Il est possible que je confonde la lumière qui inonde ses prunelles avec la saveur de son festin. Qu’importe, je finirai jusqu’à la dernière miette pour ne pas la décevoir de peur de subir ses reproches. Sauf que je n’avais aucune idée de la fièvre qui bientôt allait m’habiter.

Sachant que probablement elle aura à appeler le SAMU après avoir ingurgité ses plats préférés dans mon assiette, elle essaie de m’attendrir pendant que sa mère me prépare en cuisine des mixtures épicés façon Thaïlande. Elle me montre son nouveau bébé, un lapin devenu son copain, dénommé Kratay dans sa langue, une mode nouvelle dans ce pays, beaucoup adopte un lapin comme animal de compagnie. Chats et chiens sont désormais obsolètes, c’est fini, ce rongeur est devenu leur nouvel ami.

J’ai eu le malheur de lui dire que l’on en raffole en France, version civet ou moutarde, ne dites jamais ça à une Thaïe. C’est là que le malaise survint. Elle me regarda tel un monstre soudainement apparu et fila en cuisine dire je ne sais quoi à sa mère. Pensez qu’elles sont toutes un peu sorcières à leurs heures dans cette contrée. Quand mon repas arriva, j’ai cru saisir dans son regard un air de malice. J’ai tout avalé sous sa surveillance sans faille, elle n’aurait pas aimé que je ne finisse tous ces mets amoureusement préparés. Me voyant hésiter dans les dernières bouchées, elle m’encouragea à tout ingurgiter sous peine d'animosité si jamais. Je vous avoue que mon palais était déjà brulé et que mon ventre ne cessait de bizarrement gargouiller. Elle ne m’a pas laissé le choix et m’obligea à finir tous les plats. Son humeur variait mi-colère mi-joie en fonction de mon appétit. Elle me promit un baiser si je mangeais jusqu’au dernier grain de riz imbibé d’atomique démence version épices. Soumis au mystère féminin qui la caractérise tellement cette fille est jolie, sans broncher j’obéis. Sans surprise, il a donc fallu en fin appelé une ambulance…

J’apprends aujourd’hui sur mon lit d’hôpital après sa visite qu’elles en ont rajouté grave puissance mille en cuisine dans mes plats force piments afin de m’apprendre à ne plus oser mettre un lapin dans mon assiette. Le chirurgien m’informe qu’il me faudra subir une délicate opération pour éliminer ma guirlande d’hémorroïdes, il me met direct sous morphine tellement je vais en chier dit-il.

Elle est cruelle Melle Meiji !

 VOYANTE Le 01 avril 2024

Je vous préviens, c’est mal barré. Je viens de consulter Madame Soleil, la locale, celle qui officie près du temple de Chalong, elle doit bien être centenaire à cette heure, la reine des cartomanciennes, une star sur cette ile. Elle me dit qu’elle n’aurait jamais imaginé vivre si longtemps, elle pensait mourir jeune, c’est moyen d’entendre ça chez une personne qui est censée lire l’avenir et qui en a fait son job sa vie durant, limite escroquerie.
Faut dire qu’elle n’avait prévue ni le tsunami ni la pandémie, ni pas grand-chose non plus. Par contre, c’est elle qui déclencha cette paranoïa inouïe il y a neuf ans de ça sur Phuket quand elle annonça que l’ile entière allait couler, elle donnait même le jour où cette furie allait nous engloutir force apocalypse. La plus aveugle des voyantes en somme.

Sauf que Phuket n’est pas le Krakatoa, il n’y a aucun volcan ici. A peu près tout le monde l’a crue, les idiots comme les pseudos cérébraux dans notre petit monde insulaire, l’ile s’est vidée ce jour-là, nous étions seuls avec Nina. Bon, elle a fait un bide la liseuse de bonne aventure, Phuket flotte toujours dans les eaux de la Mer Andaman et compte parmi les plus beaux rivages, rien n’a bougé hormis le chiffre d’affaire de la vieille qui s’est effondrée, un grand flop, ils l’ont tous boudée juste après, avant que presque tous reviennent pour connaître les numéros gagnants du prochain loto si jamais. C’est là qu’elle a commencé à téter grave au goulot, elle doutait de sa magie, elle me dit avec fierté lorsqu’elle est bourrée que c’est la gnole qui l’a ainsi conservée et sûrement sauvé. Depuis, elle nage dans l’eau de vie.

Je la connais depuis un bail, Madame Soleil, c’est en 1994 que je l’ai sur Phuket rencontrée sans pourtant jamais ne l’avoir consultée, je ne suis pas branché sur l’avenir, le présent seul m’occupe depuis toujours. Je m’arrêtais souvent fumer une clope et papoter avec elle entre deux bières sur la terrasse de sa boutique où elle bayait des heures au quotidien à la gloire des corneilles. J’aime bien discuter avec les vieux ici qui me content leur jeunesse à Phuket quand moi je naissais à peine sur un lit d’épines dans la Ville rose sur les bords de la Garonne.

Bref, pour la première fois, brisé que je suis par le trépas récent de ma comptable et amie, j’ai confié ma main à la vieille aujourd’hui, elle voulait tant en lire les lignes qui déterminent mon destin selon elle. Je n’aurais jamais dû le faire, ses prédictions sont terribles, sans appel, c’est définitif me dit-elle, elle n’a jamais vu aussi clair, je vous en donne le verdict. Je vais donc mourir, jusque-là c’est pas vraiment un scoop, nous en sommes tous là aujourd’hui ou demain. Sauf que je vivrai, à l’entendre, jusqu’à mes 91 balais, et donc, je n’ai pas fini d’en chier trente ans encore m’a-t-elle avoué sans sourciller d’un air bonhomme. Saloperie de voyante.

 ORAISON FUNÈBRE Le 25 mars 2024

Une tristesse immense me saisit, Tan nous a quittés. Quelle injustice ! Cette fille extraordinaire, et si jeune, avait pourtant un mode de vie exemplaire sans alcool ni tabac, sans aucune de ses dérives qui caractérisent souvent le genre humain. Son sourire trônait au quotidien, et son rire était un hymne à la joie. Je ne sais comment faisait-elle pour n’arborer ainsi que des dièses, une philosophie à nul autre pareil la distinguait dans la foule et sa présence nous amenait toujours une lumière presque surnaturelle, elle rayonnait comme personne dans notre monde.

Non seulement elle était ma comptable depuis vingt ans, depuis la création de Siam Evasion, mais elle était aussi mon amie très chère, ma petite sœur siamoise avec qui il faisait si bon respirer dans ce monde fou. Elle a vu naitre ma fille, Nina, sur cette ile, toutes deux des filles de Phuket, toutes deux des enfants de la Mer Andaman. Tan faisait partie de notre famille. Et je ne sais me consoler sur l’heure après une telle perte. Je ne peux retenir mes larmes.

Une tristesse immense me saisit, Tan nous a quittés. Mais comment vais-je faire pour retrouver un élan joyeux après tant de peine ? Je suis inconsolable. Le temps nous guérit de tous les maux dit-on, je n’en suis pas vraiment certain. Il nous faudra pourtant vivre désormais sans elle, ce sera tout sauf facile. Et que personne ne vienne me parler de karma quant à elle, elle ne méritait pas de mourir, cette fille trônait dans le genre humain, sa présence nous rendait meilleur, on n’osait plus face à elle délirer sur quelques accents mauvais sous prétexte de frustrations en chemin dans notre quotidien.

Cette fille symbolisait la quintessence de la vie, elle était sans tâche contrairement à nous tous, une déesse pour ainsi dire. Elle nous laisse seuls maintenant, plus jamais nous ne reverrons ce rayon de soleil qui illuminait nos jours. Plus jamais nous seront mystifiés par cette aura lunaire qui la caractérisait. Ça va être galère de vivre sans elle. Mais comment va-t-on faire ?

Une tristesse immense me saisit, Tan nous a quittés. C’est pas gagné pour retrouver le sourire ici-bas. Il me faudra du temps pour m’y faire. Nina, ma fille, me dit que le souvenir de son rire – une ivresse digne d’une bulle de champagne - devrait suffire pour nous faire survivre.

Adieu Tan, au plaisir de te revoir dans l’au-delà…
Thierry

 L’ÉTERNEL FÉMININ Le 17 mars 2024

Je ne trouve rien de plus beau qu’une fille en ce monde.
J’ai beau chercher, je ne vois rien d’égal au genre féminin. Même les plus moches, les plus vieilles, les plus niaises, je les trouve presque toutes magnifiques, alors imaginez quand elles sont jeunes jolies et brillantes. Ils ont dû me shooter au mythe d’Orphée dès ma naissance ou bien me balancer un extasy dans mon biberon au plus jeune âge, je ne vois d’autre explication. A moins que la sage-femme qui aida ma mère à m’enfanter m’ait lu alors ces quelques vers de Rimbaud dès ma venue en ce monde pour en finir de me voir brailler comme tous les nouveau-nés :

« Amoureuse de la campagne
Semant partout
Comme une mousse de champagne
Son rire fou »

Cela m’a calmé pour toute éternité et m’a définitivement enlevé tout esprit critique. J’aurai passé mon existence sur les chemins des enfers en quête d’Eurydice entre un croissant de lune et l’étoile du berger, et ce n’est pas le Cerbère qui m’a fait changer de route.
Vous pouvez me mettre devant le coucher de soleil le plus exceptionnel à se déchirer d’accents lyriques, me faire assister à une aurore boréale, me planter devant les chutes d’Iguazu, du Niagara ou bien celles de Victoria Falls, rien n’y fait, je suis collé.

J’ai beau eu essayer de me libérer de ce syndrome, de lire Platon, Aristote ou bien Homère, d’écouter Charlie Parker, Jimmy Hendrix et Miles Davis afin de revisiter le genre masculin, de me refaire tous les épisodes de Thierry la fronde ou bien du Chevalier Bayard et d’extrapoler dans le culte des héros d’Ulysse jusqu'à cet abruti de Rambo, j’ai fait choux blanc, seules les filles méritent mon intérêt, c’est à pleurer. J’ai tenté de boire, de pratiquer le yoga et le bouddhisme tantrique ou bien de me griser à de multiples sports pour me soigner de cet attrait perpétuel aux femmes seules, rien n’a marché.

Et rien ne semble s’arranger aujourd’hui, c’est pire encore depuis que je vis dans une société matriarcale, Thaïlande oblige, je vis carrément sous la dictature de ma fille et de sa mère, je suis niqué, elles m’ont toutes deux lobotomisé avec leurs airs de Cléopâtre et leurs jolies grimaces.

J’ai même fait un stage en hôpital psychiatrique en les priant de me soumettre à une session intensive d’électrochocs pour me ramener à la raison. Que dalle, je suis aussi fou qu’avant. Médecine, pharmacopée et psychiatrie n’ont pu me soigner, elles ont déclaré forfait. Une fois encore les toubibs m’ont dit : « C’est niqué, votre cas est désespéré ». J’ai donc essayé la natura, les champignons magiques, le peyolt, le poulet aux hormones, la vache folle, les perturbateurs endocriniens… zéro ! Un cas unique dans l’humanité m’ont dit les plus grands spécialistes.

Je me suis aussi converti dans toutes les religions qui existent puisque toutes ces folles poussent tout azimut vers le patriarcat, je n’ai pu aller contre ma nature. Seules les filles m’interpellent, même mes copines me qualifient de féministe extrémiste. Faut dire que ma fille me fait un briefing tous les matins : « Papa, une femme a besoin d’un homme comme un poisson d’une bicyclette. Seuls toi, mon copain, Shiva, Dionysos et cette folle de ladyboy avec des couettes qui bosse en jupe au 7/11 à coté de chez nous, sont des garçons biens. »

Je suis donc condamné à me faire l’avocat du genre féminin jusqu'à mon lit de mort, mon credo, mon panthéon, ma raison de vivre, mon souffle ici-bas et tout là-haut aussi. Mon oxygène !
Vivent les filles !

 MÉTAMORPHOSE Le 04 mars 2024

Un air de Siam flotte en moi, je ne peux me défaire de ces atmosphères qui m’accompagnent depuis tant de temps, depuis toujours ou presque me semble-t-il. Pourtant, ma terre natale est si loin dans l’espace, sur un autre continent, si lointaine dans ma mémoire, dans mes souvenirs, quelques réminiscences à peine. J’ai épousé ces éléments qui m’entourent il y a maintenant des décennies, telle une autre vie dans la même existence. Moi, enfant de l’Occident, j’ai divorcé avec ce que l’on pourrait appeler la mère-patrie, je n’ai aucun accent de nostalgie ni aucun élan de rejet pour autant quant à cette terre qui m’a vu autrefois naitre, sans ne rien renier, mais je ne respire que dans cette contrée, là-bas, dans les confins de l’Asie, je n’existe qu’ici sur les rivages de la Mer Andaman.

Ne vous égarez pas non plus en extrapolant sur une quelconque conversion sous prétexte que je vis au pays du Bouddha, je reste à ce titre le fils de Socrate, d’Homère et de Spinoza même si j’ai tendance à mêler Iliade et Ramayana dans mon imaginaire. Disons, pour faire court, que je suis devenu moitié-Dionysos et moitié-Shiva. Fasciné par ce mystère féminin, je suis peut-être davantage Orphée, sauf que mon Eurydice à moi a franchement pris un profil thaïlandais en chemin, un air digne de Manorah. On ne passe pas tout ce temps dans cette contrée sans bouleverser ses codes amoureux, mon icone a forcément aujourd’hui, à vrai dire depuis longtemps, ce petit minois à l’air siamois.

Ne m’en veuillez pas d’être ainsi métamorphosé, d’avoir ainsi basculé dans un univers kafkaïen, on ne vit impunément si longtemps sur ce continent sans prendre quelques accents d’Extrême-Orient. Mais tout n’est pas que libido, il existe d’autres thèmes. C’est pourquoi je compose aujourd’hui avec ma nouvelle petite sœur aux yeux d’Asie, une étudiante brillante qui ne pourra jamais continuer ses études universitaires sans mon aide tellement elle n’a plus un sou vaillant pour étudier encore.

Et n’allez pas imaginer des phantasmes à deux balles de blaireau moyen épinglé par #metoo, il est hors de question de prétendre à un droit de cuissage, ce n’est pas mon credo, je suis un gentilhomme sans être néanmoins un saint. J’ai pour habitude depuis des années d’aider ainsi quelques petites fleurs de ce royaume quant à leurs études, ma griffe humaniste. Ne comptez pas sur moi pour glisser un billet dans un tronc d’église, de mosquée ou de temple, tous les clergés sont si riches. J’ai gardé ma foi agnostique et préfère dilapider quelques menues monnaies, quelque liasse pour ces filles qui ne souhaitent que poursuivre leurs études sur les chemins de la connaissance., un joker pour elles dans ce monde vénal.

Alléluia !

 MOI CIGALE 2 Le 25 février 2024

Je mate le large, assis sur un rivage improbable en Mer de Chine. On aurait pu qualifier mon existence de nomade ou presque, par épisode, par intermittence. Il est bien évident que tout être a quelques points de repère autant qu’il se la joue globe-trotter. Nous avons tous un port d’attache quelles que soient nos pérégrinations dans ce vaste monde. Terre natale ou pas. Le mien est Phuket en Thaïlande, la Perle de la Mer Andaman. Où que j’aille en balade durant des mois, des années, c’est là que mes pas me ramènent. Faut dire que j’ai connu cette ile il y a longtemps, elle n’était pas comme aujourd’hui la troisième place balnéaire de la terre, un rêve alors, mais je ne fais point partie de ceux qui râlent sans cesse sous prétexte que tout a changé désormais, les nostalgiques m’emmerdent. La mélancolie seule m’anime.

Pour l’heure, je traîne mes savates quelque part au bord du Pacifique, en Mer de Chine méridionale pour être précis. La houle danse dans ce décor de mousson, le moindre bateau serait directement avalé dans ces flots dantesques. J’ai atterri là par hasard. Je crois bien que ma vie n’est que hasard. Le hasard, un des plus beaux mots de la langue de Molière. Je sais bien que beaucoup pensent que le hasard n’existe pas, j’ai du mal à les croire. Je fais confiance au hasard pour m’orienter. Ma boussole à moi. Je me suis laissé guider par les atmosphères, toujours au hasard, dans ce long cours sur des lambeaux d’azur. Il est possible que tout ne soit que hasard.

Je n’ai pour dire vrai jamais tracé de plan sur la comète, pas même une carte ne serait-ce quant à ma route. Un billet d’avion aller suffit pour m’envoler. Je voulais juste embrasser l’humanité, ma race, dès mon plus jeune âge. Ma seule quête. Et suis parti ainsi au hasard sur les chemins de Katmandou jusque chez les Papous à la rencontre de mes sœurs et frères terriens, côté Asie. Je voulais tout voir, tout connaître, tout savoir : us et traditions, arts cultures et religions. Je voulais tout vivre sur ce continent qui, je ne sais pourquoi, m’attirait tel un aimant. J’ai bien sûr essuyer quelques galères pour toucher à l’ile ultime, mais dans quelle vie il n’y a de tempête ? C’est inhérent à toute odyssée, Ulysse en témoigne.

Ainsi, J’ai vécu sur ces rivages oubliés, sans fin et sans retour...

Je me suis saoulé aussi aux parfums des villes, j’ai plongé au cœur de la furie de ces cités insomniaques dans la moiteur des tropiques. Calcutta, Bangkok, Singapour, Jakarta ou Manille. Une fièvre anime ces capitales du bout du monde, une arène comme aucune autre. Une multitude s’affaire en mode diurne ou nocturne, une fourmilière. J’oscillais ainsi selon ma flamme entre foule et accent bucolique. Je passais direct des rues de Pattaya aux jungles de Sumatra ; des marchés de Vientiane, Phnom Penh ou Saigon aux sylves de Khao Sok, sanctuaire des tigres et des gibbons ; des casinos de Macao au royaume des géants sauriens sur l’ile de Bornéo.

Je passais en revue les plus grands festivals du continent, les plus grandes kermesses du panthéon hindouiste, les plus grandes scènes ramayanesques au cœur des foules en transe, à Bénarès, à Bali ou au Tamil Nadu, partout où l’âme de l’humanité résonne sur ce diapason brahmanique qui trône jusqu’aux temples d’Angkor et de Borobudur.

Je mate le large, assis sur un rivage improbable en Mer de Chine…

L’horizon porte maintenant de noires promesses. Une nasse ténébreuse emplie de mousson inonde l’espace, des contrastes étonnants naissent entre ciel et mer. Il en est toujours ainsi avant l’orage sous ces tropiques, avant le déluge.

Des bourrasques furibondes déferlent sur cette grève oubliée, je suis seul sur ce rivage. Pas une âme qui vive à dix lieues à la ronde. Ce spectacle des éléments en furie ne se la joue que pour moi, unique spectateur dans cet immense théâtre, un opéra apocalyptique pour ma pomme seule dans le palais des vents. C’est la saison des tempêtes, le temps des typhons, la fête de la mousson.

Je n’en mène pas large dans ce cyclone qui s’annonce au loin, presque à portée de main dans ce décor singulier. Mais qu’importe, je danse sur cette plage du bout du monde avant que l’ouragan ne m’emporte, mon côté cigale. Tant que la pluie ne tombe, que des trombes d’eau ne se déversent sur mes pompes, je chante. Pas longtemps certes, la première averse me renverse.

 LE ROMAN DE L'ÉTÉ ! juillet 2023

ROMAN THIERRY COSTES 2023
Une odyssée dans les confins de l’Asie en mode cigale sur un air de mousson entre volcan, tsunami et pandémie. Les aventures de Raphael Maltese dans les cités écarlates sans sommeil ou bien dans les jungles et sylves à la lisière des confins insoumis aux pays du soleil levant. Une ode au genre féminin dans cet Extrême-Orient si fascinant, si envoutant. Une échappée belle et un parfum de Siam...

« Finis joie et sourire, business et tourisme, un plongeon dans l’abime, le gouffre grand ouvert comme la gueule d’un monstre. Tel Job, je me réveille indigent dans un parfum d’apocalypse sur le panthéon des déshérités, cloué sur le fronton de Dame Misère dans les jardins du Siam. Je suis damné. Entre le sourire du Bouddha et les larmes d’Allah, je reprends la couronne d’épines issue de mon baptême. Un raz-de-marée économique comme jamais est venu tout bouleverser, les prières ne suffiront plus, seules les fourmis survivront à ce marasme. Moi, je suis né cigale. »

Thierry Costes, né à Toulouse, la ville rose sur un bouquet de violettes entre Canal du Midi et Garonne, vit en Asie depuis trois décennies, il quitta la France après cinq années passées en université sur une bulle de jazz. Mystifié par ce continent asiatique dès son premier voyage, si tôt, son attrait fut tel qu’il ne put dès lors vivre ailleurs en ce monde. Il est aujourd’hui directeur d’une agence de voyage sur l’ile de Phuket afin d’immiscer aux touristes cet élan culturel singulier qui caractérise les gens du Siam, son pays d’adoption. Amoureux de Thaïlande, il ne cesse de nous interpeller sur ce royaume, dièses et bémols mélangés, sa partition. Sa fille même a ce regard si particulier : des yeux d’Asie.


 LE VOYAGE À PATTANI Le 29 octobre 2023

Petite fleur du jardin d’Allah à foudroyer les anges, je suis mystifié par ton élégance. Ta beauté, à tomber par terre, n’a d’égale en ce monde. Tu es la plus belle et tu le sais. Pas un Terrien, femme ou homme, ne te croise sans attirance, ils ne peuvent s’empêcher de te mater, ils sont tous scotchés, à deux doigts de tomber dans les pommes. Moi, le premier.

Quand je t’ai vu passer en arrivant à Pattani sur le parvis de la grande mosquée, je me suis pincé pour savoir si je ne rêvais pas. Tu es la seule à être venue me parler, en te moquant un peu certes de me voir contempler les minarets, je te sais davantage nourrie d’études que de prières dans ta vie universitaire, les chemins de la connaissance t’occupent bien plus que les louanges à Dieu. Les livres te passionnent, et non pas le Livre.

Toi, la réincarnation de la reine de Pattani et de la princesse Mahsuri à Langkawi, deux personnages majeurs et hauts en couleur dans l’Histoire de ces lieux, un électron libre en somme, tu traverses ce monde à ta guise, et pas un n’a à redire, pas même un imam n’ose te biaiser. Du haut bourgeois jusqu’au pauvre hère, quelle que soit leur sphère, ils ouvrent grand les yeux lorsque tu apparais. Asana, tu es intouchable. Tu es la lumière, un savant mélange de soleil et de lune, à la fois brillante et si jolie, une étoile filante. Ô Seigneur !

Moi, bohème et vagabond sur le fil des tropiques, amoureux d’Asie et de mousson, autrefois infatigable voyageur sur ce continent qui m’attire depuis toujours tel un aimant, aujourd’hui perché sur les routes du Siam seulement, aux quatre coins du royaume, mais plutôt Sud entre Mer de Chine et Mer Andaman… je suis ma route en égrenant quelques proses en guise de petits cailloux sans pour autant retrouver mon sentier comme dans le conte du Petit Poucet, je chemine sans boussole ni GPS en me laissant volontiers porter par les atmosphères, par les vents, en quête d’éphémère sur ce parcours épique qui est le mien et qui occupe à plein temps mon présent.

Épris de légendes et d’odyssées sur la terre des volcans et des raz-de-marée, davantage Shiva que Dionysos aujourd’hui dans mon aventure ramayanesque sur le sanctuaire des Apsaras, métamorphose aiatique oblige, j’erre sans fin dans cette contrée, mon souffle n’existe que dans ces confins. Sachez que c’est ici qu’est né le monde, je ne plaisante pas. Le plus vieux des bouquets géants de forêt primaire en ce monde, notre genèse, notre berceau à tous, est Khao Sok bien sûr, dans le sud-thaïlandais, la première cathédrale végétale de notre univers alors que tout le reste sur le plateau continental n’était que sable, cailloux et poussière où que l’on aille.

Si le premier arbre a poussé sur cette terre, un putain de Dipterocarpaceae à toucher les nuages, c’est donc là que furent les premiers chasseurs/cueilleurs, le premier signe d’humanité. Ne vous étonnez donc pas si vous voyez le plus beau sourire de votre existence lors de quelques vacances en Thaïlande. Ève est née ici, je l’ai rencontrée, elle s’appelle Asana, une fille de Pattani.

Je l’invite à me suivre si le cœur lui en dit, elle acquiesce sur un éclat de rire… et me prends la main en m’entrainant en courant comme une dingue sur la grève pour une balade improvisée sous la ronde des astres entre écume et lambeaux d’azur sur ce rivage qui l’a vu naitre dans la province de Pattani. Elle rit, danse et embrasse le vent. Elle m’offre un baiser au milieu des éléments. J’en tremble encore. Ma vie entière reste suspendue à ce baiser.

 UNE PROSE DANS L’AIR DU TEMPS AU ROYAUME DE SIAM Le 19 août 2023

C’était aujourd’hui un Bouddha Day. Le plus grand de l’année. Une foule immense se pressait au temple. Une atmosphère bon enfant présidait, des rires fusaient dans la lumière des visages, les Thaïs ne savent vivre sans rire... Et puis des élans mystiques comme s’il en pleuvait dès agenouillés devant l’idole, trois bâtons d’encens au bout des doigts et un humble aparté dans le silence des dieux.

Certes, Bouddha n’a rien de divin, tout le monde le sait, et ce peuple en premier. Sauf que presque personne ici n’en a cure, ils vont tous lui demander un miracle une fois les billets de loterie en poche, à qui demander sinon ? Tous les croyants du monde ou presque, dans toutes les religions, sont ainsi. La plupart des fidèles ne prient que pour gagner le gros lot quoi qu’on en dise, les autres ne sont là que pour la guérison miracle de leurs cancers pour faire court. Qu’importe.

Une couronne de Street Food entourait le temple, pas un Thaï ne bouge de chez lui si rien à grignoter en chemin. Le temple seul ne suffirait jamais à réunir la foule dans ce pays. Mystique d’accord, mais pas le ventre vide, une maxime. Le grand prêtre arrive dans son habit de bonze, Il préside sur un air de guide dans l’écho des mantras en mode sanskrit et pali, deux langues issues de l’Inde antique où le Bouddha naquit. C’est l’heure du vide pour soigner ses peines. C’est le temps de zapper la furie du monde et de s’abandonner une minute ou deux ne serait-ce sous le regard des anges. Une mini psychothérapie en somme.

Temples, églises, mosquées, synagogues et autres lieux de culte sont des hôpitaux pour les âmes, malades ou non, l’humain est ainsi fait, un animal mystique. Prêtres, rabbins, imams et bonzes, vous êtes des genres de psy, des toubibs au mieux dans la dépression existentielle, des rebouteux souvent quand un être se présente devant dans toute sa détresse. Clochers, chédis ou minarets sonnent aux quatre coins sans frontières. Oh, mon Dieu !

Il fallait maintenant tourner trois fois autour du temple une bougie à la main. Le crépuscule s’en était allé. Nuit noire. C’est davantage fun la nuit question bougie, ça rajoute du mystique. Sauf qu’un grand vent éteignait toute flamme, ce qui déclenchait de grands rires, chacun se refilant un briquet pour rallumer la mèche sans long succès. Les trois tours du temple accomplis, tous se ruèrent à nouveau sur les stands de bouffe entre vendeurs de brochettes et barbe à papa. La kermesse touchait presque à sa fin.

Les filles, en surnombre, trônaient dans cette foule sur un air gai. Je sais bien que c’est pas géant de mater les meufs au temple, c’est péché dit-on. Mais les Thaïes sont si jolies qu’il est quasi impossible de se la jouer Bouddha seulement, l’œil est forcément attiré vers ces belles comme nulle autre. Si le monde des religions n’était empli que de déesses sur nos autels, je serais pour sûr le plus fervent croyant, une véritable grenouille de bénitier. La vie prochaine, je veux renaître sur Vénus, il y en a marre de Mars.

C’est vrai quoi, j’ai beau être né dans le christianisme version catholique, il y en a trois qui me gavent depuis longtemps : le père le fils et le Saint-Esprit. Seule la vierge Marie me branche, me fascine, qu’elle soit vierge ou non par ailleurs, là n’est pas le thème. J’aime bien Marie-Madeleine aussi quitte à déplaire aux culs-bénis. Faut dire que ma mère et toute sa race sont nées à Lourdes, il est probable que cette trace soit inhérente à mon existence telle une griffe. J’ai beau faire le malin avec ma foi agnostique, on touche pas à Marie, c’est ainsi, le fantôme de ma daronne serait capable de me pourrir mes nuits. On touche pas à Marie, madeleine ou non, on n’est pas chez Proust, c’est dit.

 UNE ÎLE EXTRAORDINAIRE Le 19 juin 2023

Quelques jours de vacances sur Koh Yao Noi. J’adore cette île, vraiment, un havre de paix loin des turpitudes et embouteillages de Phuket, loin des foules de Koh Phi Phi, si loin de l’industrie de masse version tourisme. Une nature resplendissante et des arbres séculaires issus de la genèse sur un parterre de forêt primaire, une véritable cathédrale végétale plantée sur les plus beaux rivages de la mer Andaman. Un rêve.

Un chapelet de formations karstiques s’égrène sur l’océan entre Koh Yao et Krabi, des paysages à couper le souffle. On peut rester ainsi des heures sur la plage à contempler ce spectacle étonnant. Très franchement, cette île compte parmi les plus beaux panoramas qui existent en ce royaume. Il est probable que je m’y exile dès que ma fille en aura fini avec ses études en université. Pour l’heure je me dois de rester sur Phuket, Nina et business obligent.

6h du mat, je me réveille et m’en vais direct déjeuner avec les locaux, Kao Man Kai ou bien Canom Jin, un régal au milieu des rires qui fusent sur les visages dans la lumière de l’aube. Les enfants, eux, se préparent en se marrant pour un oui ou pour un non avant de filer à l’école après avoir avalé cuisses et ailes de poulet accompagnés de riz gluant. Tout le monde est cool ici, à Koh Yao Noi, le stress ne les a point encore submergés, je retrouve cet axiome philosophique premier qui caractérise ce peuple singulier : Tout ce qui n’est pas amusant n’est pas digne d’intérêt.

Je repars peinard après ces agapes et palabres pour une balade insulaire pendant que les calaos me composent dans l’azur un ballet multicolore, des farandoles. Il y en a de partout, ces oiseaux magnifiques me fascinent, je ne me lasse de les observer et peux rester un temps fou à les mater et les suivre jusqu’au crépuscule.

Dès la nuit tombée, ce sont les chauve-souris géantes qui prennent le relais, une envergure de dingue digne d’un rapace, elles dansent sous le firmament en quête de leur substance. Pas de soucis, ce ne sont des vampires, elles sont fructivores et butinent les grappes qui abondent d’arbre en arbre entre jungle et rivage. Minuit sonne, c’est l’heure des grands-ducs, chouettes et hiboux se jettent dans l’arène sur un concert de hululements à terrasser tous les rongeurs qui zonent dans le coin. Un des leurs, le chef des hiboux, se pose sur une branche près de moi, il est aussi gros qu’un aigle, il me mate sans ciller, je ne peux soutenir son regard, c’est impossible, ses yeux sont immenses comme la nuit.

J’ai la vague impression d’un voyage dans le jardin d’éden, c’est à regret que je quitterai cette ile. Mais ma fille m’invite dans son sillage à rejoindre la cité de Phuket pour sa rentrée universitaire. Bye bye Koh Yao Noi, je reviendrai pour sûr, dans peu, tant cette ile m’a enchanté.

 LA VIE QUI TIENT DEBOUT Le 09 février 2023

La vie qui tient debout malgré tout, tsunami et pandémie n’auront suffi à nous mettre à genoux. La misère nous a quittés, pour peut-être mieux rebondir encore au prochain cataclysme, sait-on jamais. L’heure est donc joyeuse, l’âme légère, la volupté renait, le rire a remplacé les grimaces, Le temps des cerises après l’enfer de Dante. La vie qui bondit de tout coté, les filles sont plus jolies que jamais, chacun de leurs sourires nous mystifie dans l’air du temps. Déconnez pas, c’est vachement important les filles, depuis tout petit je suis baba devant le mystère féminin, ne venez donc pas me reprocher de vivre dans une société matrilinéaire.
De plus, mon seul enfant est une fille, elle n’aurait pas aimé naitre dans un pays à l’accent patriarcal., elle est carrément indomptable cette chipie. Elle a décrété que ce serait elle la reine des libellules, à chacun son trip. Faut dire qu’elles sont perchées les meufs de ce royaume, nous ne sommes que peu de chose face à elles tellement elles dominent la sphère. En gros, on compte pour rien les mecs, on fait juste partie du paysage, on peut brasser du vent tant qu’on veut, il y a peu de chance que l’on déclenche ici une tempête. J’aime bien, ça calme direct le genre masculin. On jouit comme ailleurs sans se la faire chant du coq après le rut, sans faire le malin, on attend que la Belle grimpe au rideau pour oser un : Yes !
Je disais quoi, là ? Je pars toujours en live dès la plume en main, sinon pourquoi écrire ? Sans ergot de seigle, je suis capable de communiquer avec la lune, mon univers à moi. Par contre, avec les frères Martiens, j’ai du mal, silence radio malgré les meilleures beuh qui nous sont offertes aujourd’hui dans les Center Weed de l’ile. Je continue donc mes apartés avec Séléné qui ne me répond que quand je suis vraiment bourré, elle m’ignore tant que mon ivresse n’ait atteint des sommets, elle exige que je lui chante mille et une sérénades à la clef avant d’opérer. Je ne suis que son objet.
Dans l’attente du miracle ou bien de l’apocalypse, je ne saurais vraiment dire, je me ressers un verre impunément à l’aube du crépuscule qui se la joue délires écarlates sous la voute avant que la nuit ne tombe, le cinoche des tropiques. Je m’abandonne pendant que Madame s’affaire sur son chopping on line. Ma fille, elle, joue l’apprentie professeur dans la province de Krabi, elle enseigne l’anglais aux tout-petits chez Elisabeth à Natacha School avant son entrée en université en juin, l’école de la vie.
Le monde redevient vivable. Les oiseaux même ont changé de mélodie, ils nous la jouent aujourd’hui hymne à la joie, ils ont abandonné le mode requiem. Seuls coqs et crapauds-buffles n’ont changé leurs refrains, toujours cet air crétin, ces deux-là ne figurent sur le panthéon de mon bestiaire. Mes deux préférés dans le règne animal sont la cigale et le gibbon. Quoique la cigale des tropiques exagère un chouia dans les aigus, tu deviens carrément sourdingue si tu te chopes un nuage de ces bestioles en chemin. Le gibbon, lui, est le meilleur réveille-matin, dès que le jour pointe, il réveille la terre entière, la plus grosse gueule du livre de la jungle, mais pour écouter cet opéra lyrique sur la canopée, il faut se trouver au cœur des sylves sous nos latitudes. C’est pas si loin.
Ça y est ! La nuit triomphe à grand renfort de voie lactée sur Phuket, un ballet d’étoiles perchées sur la voute se la fait entrée en scène, des Stars en veux-tu en voilà, un parterre. Ça envoie du lourd. Des feux follets déboulent de partout, des poisson-lune flânent à fleur d’eau sur le rivage, des myriades de lucioles viennent nous mystifier dans la nuit des tropiques... Je veux pas dire mais c’est bien mieux la vie sans frontières, surtout quand l’on vit et travaille sur une place balnéaire, c’est moyen sinon. Saloperie de pandémie. Il est hors de question que l’on nous remette sous cloche, virus ou non. Le monde ne vit que sur le tourisme ici. La civilisation des loisirs.
La vie qui tient debout malgré tout, tsunami et pandémie n’auront suffi à nous mettre à genoux.

 UNE ANNÉE À KOH PHI PHI (1991)  Le 28 JUIN 2022

Je m’en allais flâner un an sur ces iles aujourd’hui fameuses, sauf que dans ces temps The Beach n’était pas née, DiCaprio n’avait encore ici foutu les pieds, Hollywood n’avait point débarqué. J’ai dit à ma copine :
- Ça te dirait une année entière là-bas à buller sous les cocotiers?
- Chiche !
Nous sommes ainsi partis dès le premier ferry, ni elle ni moi n’avions beaucoup de bagages, un petit sac à dos pour deux suffit, le charme des tropiques, un rien vous habille dans les iles.
L’arrivée fut triomphale, tous les palmiers se courbaient à notre passage, des nuées de piafs nous composaient l’hymne d’un éternel été pendant que le rivage se la jouait Grand Turquoise au milieu d’un cirque karstique bien mieux qu’à Gavarnie dans les Pyrénées. Un cinoche inouï, presque trop beau pour être vrai, on s’attendait à tout moment de voir un réalisateur débouler avec un mégaphone en gueulant :
- Bon, vous me roulez ce décor tropical, on envoie maintenant celui des neiges éternelles avec le yéti pour la scène suivante. On branche la clim à moins vingt degrés, tous à vos anoraks.
Et son régisseur essoufflé déclarant sur un air affolé :
- Boss, on a perdu le yéti !
- Putain, il est où ce con de yéti ? Je fais comment moi maintenant pour la fin du film ?
- Il m’a dit que son histoire s’arrêtait à Koh Phi Phi, et puis il est parti.
- Saloperie de yéti !
Enfin, bref, cette ile était si belle que l’on aurait pu croire facile à un décor de cinéma, le sable était trop blanc, la mer trop belle, les gens trop souriants et la bouffe trop bonne.
Il nous fallut des jours pour réaliser que ce n’était pas un rêve, les scolopendres étaient trop réelles dans les bungalows. Hormis cette satanique bestiole, tout le faisait bien si ce n’est quand les nonos débarquaient parfois lors de la mousson, il n’y a pire qu’eux. Vous connaissez les nonos ? Prononcez nono en éludant le s final, les anglophones disent sunflies. Un petit moucheron des sables en journée qui vient vous visiter sur la plage, vous ressentez une légère piqure avant de l’écraser sans pitié sur votre épiderme. Jusque-là, tout va bien. Et puis la nuit venue, vous commencez à vous gratter grave, des démangeaisons de ouf, une piqure de moustique à côté c’est de la gnognote. Vous grattez jusqu’au sang, même en dormant, et quand la gratte atteint la folie, au fil des jours tout devient furoncle, l’ile devient une armée de zombies, pire qu’une léproserie. Ah oui, j’oubliais tant que nous sommes dans les calamités, un banc de méduses folles apparaissait rarement, la Medusa Vampirella Sanguinola qu’elle s’appelle je crois, une tuerie.
Ça, c’était pour les bémols dans cet océan de dièses, en général la partition était parfaite. Koh Phi Phi est une ile, ou plutôt deux, extraordinaire. Un joyau de la terre. C’est ainsi qu’une année passa si vite. Plonger dans le Grand Bleu, bayer aux corneilles, paresser, rêver… fut désormais notre tasse de thé. Faut dire que c’est pas dur d’adopter ce mode de vie insulaire, ce flegme tropical, rien de sorcier, il suffit de se fondre dans cet élément singulier, se lâcher quoi. Je conseille à tous ceux qui sont en plein burnout d’arrêter les cachets et les séjours en HP, quelques mois sur cette ile devraient facilement avoir un meilleur effet.
Un an à oublier le temps, à se vautrer sous les cocotiers avec sa moitié dans ce décor à couper le souffle, on a vu pire. Un an à se la jouer loup de mer au milieu des poissons-clowns et autre poisson-lune. Quelques pointes noires version requin venaient ramener leur fraise aussi, elles nous fonçaient dessus à fond de train et, au dernier moment, nous esquivaient sur un pas de danse pour nous méduser avant de disparaître dans l’océan. Un ban de némos nous raccompagnait toujours sur le rivage. Des heures ainsi à nager, plonger, jouer dans la mer Andaman au quotidien.
En ce début des années 90, ne vous imaginez pas que nous étions seuls sur Koh Phi Phi, cette ile était déjà très visitée mais le béton n’avait encore tout recouvert, loin de là. La plupart des touristes venaient en excursion journée de Phuket ou de Krabi, peu y résidaient, les structures hôtelières d’alors n’offraient que des bungalows plus ou moins luxueux, plutôt moins, disséminés sur le rivage, cela n’aurait jamais suffi à loger tout le monde. Phi Phi dans ces temps-là n’était encore défigurée même si elle reste aujourd’hui belle, un rêve.
Nous allions souvent diner chez Hugo, Tata Resto, sa fille Alizée courait pieds nus dans le village ou bien sur le rivage en mode chipie, un enfant encore, un petit singe doublé d’un poisson-lyre, une petite sauvageonne haute en couleur à la jolie grimace, une fille des iles qui devint Miss Thaïlande dans ses vingt ans. Hugo, arrivé ici dans les années 80, le mec était venu deux mois en vacances mais n’a jamais pu repartir, fut mystifié. Le jour du départ, il lui restait cent dollars, il se trainait péniblement avec son sac à dos sans élan sur le chemin du port pour prendre ce satané ferry qui le ramènerait à terme vers l’hexagone, il était dégouté. Plus il y pensait, plus il se disait que rien ne l’attendait là-bas, chez lui, avait-il seulement un chez lui ? Il s’arrêta pour manger une dernière soupe dans un boui-boui avant de quitter l’ile, il y venait souvent et discutait avec la patronne, elle était tellement vieille que tout le monde ici l’appelait Yaï (grand-mère en thaï), elle voulait rentrer chez elle dorénavant et s’éteindre lentement dans son village de la province de Krabi où personne ne l’attendait, elle désirait juste se reposer, ne plus rien faire, bayer aux corneilles jusqu’à son lit de mort qu’elle sentait proche, à tort, elle vit encore.
La vieille comprit aussitôt qu’Hugo avait le blues, il ne voulait rentrer, c’était bien la première fois qu’elle le voyait déprimé. C’est avec elle qu’il s’était initié dans la langue siamoise, il y restait à chaque fois deux heures alors que dix minutes auraient suffi pour avaler sa soupe, Les deux papotaient ainsi sans sablier, le temps n’était point compté…
- Dis, Hugo, tu me parais pas si content de rentrer chez toi. Si tu continues à afficher cette mine, je vais finir par pleurer, c’est dommage pour les adieux.
- Yaï, je ne veux pas rentrer, je n’ai rien à faire en France, rien de très palpitant, je n’ai vraiment rien à faire à Nantes, j’aimerais tant rester à Koh Phi Phi.
- Il te reste combien question budget en fin de course ?
- 100 dollars pour toute fortune.
- Ça te dirait pour cette modeste somme de reprendre ma baraque à nouilles ?
- Tu déconnes, là ?
- Pas du tout, je pense à me retirer aujourd’hui dans ma jungle natale, j’en ai marre. Je pense depuis des mois à tirer ma révérence, je ne rêve que de mon village, ma maison de repos à moi. Je ne veux m’éteindre que là-bas. Pour être sincère, je pense fermer boutique. Je m’en vais Hugo.
- Nous sommes tous les deux sur le départ, quoi. Mais c’est dommage de laisser ainsi ton business, il n’existe encore des restos dignes de ce nom sur Phi Phi, et tes soupes de nouilles sont magiques, celle aux champignons est divine.
- Hugo, t’es vraiment certain de ne pas rentrer chez toi ?
- Yaï, j’ai juste l’impression de mourir presque en y pensant après deux mois ici, un chemin de croix
- 100 dollars, dis-tu ?
- Au mieux.
- Tu sais quoi ? Tu me files tes cent misérables dollars, et je te la file ma baraque à nouilles, les meilleures de l’ile comme tu me dis. Je rentre chez moi contrairement à toi.
- Putain ! Du lourd, je le crois pas ! Je ne rentre plus, la vieille, je reste là ! Banco !
- C’est vendu !
C’est ainsi qu’Hugo devint roi de Koh Phi Phi et Alizée reine de la mousson. Pendant ce temps, ma belle et moi, l’idylle touchait à sa fin, plus de thune, il me fallait direct rentrer à Phuket pour faire prof ou guide afin d’engendrer un peu de blé et ainsi continuer l’aventure...

 NOUVEAU ROMAN  Le 22 JUIN 2022

Thierry Costes

LAMBEAUX D’AZUR

roman

Épigraphe : « Il faut des flambées de délires pour incinérer les chienneries de la vie quotidienne. » (Muriel Cerf)

ASIE
Métamorphose

 Moi, j’irai sur les chemins de Bénarès, je deviendrai Sâdhu dans les transes du Gange, je vais rejoindre ces pouilleux adorateurs de Shiva, me couvrir de cendres comme eux. A leur exemple, je fumerai au shilom du Black Bombay dans leurs temples d’illuminés en récitant les Agamas, ces textes millénaires en langue sanskrite à la gloire de leurs dieux. Je porterai le lingam au sommet du Mont Arunachala avant de me couper les couilles et renaitre sous l’enveloppe de Parvati comme le font les Katoeys de Bangkok ou de Phuket dans leur ballet nocturne sous les néons de Patpong et de Patong. Je dédierai mon dernier foutre aux cinq éléments dans la torpeur des temples de l’état du Tamil Nadu, berceau du shivaïsme. Je renaitrai Apsara, ces danseuses mythologiques qui, de leurs danses frénétiques, transcendent toute volupté dans un élan ivre et fou à la barbe de Shiva ou de Vishnou, de tout le panthéon hindou. Je marcherai sur les idoles et ma grâce mettra tous les dieux à genoux, ces chiens épris de ruts et de bacchanales, je leur ferai mordre la poussière et les mystifierai dans leur furie lubrique. Je briserai leurs statues obsolètes avant de m’évanouir dans les transes de ma jouissance sur leurs quelques gouttes ridicules de sperme. Je suis la lumière, je vivrai mille ans encore, je trancherai tous les chibres dans un élan orgiaque jusqu’à l’extinction finale, j’en ferai tous des eunuques, ils erreront jusqu’à la fin des temps avec des voix de crécelles. Je vais mettre tous les mâles au tapis, je suis la réincarnation de Parvati.

Les cinq premiers compagnons du Bouddha furent eux aussi des Sâdhus, ils fumaient du chanvre pour nourrir leur jeûne et portaient des locks à la Bob Marley avant de se raser le crâne à la mode Gautama en suivant les pas de Siddhârta. De pouilleux perchés à la gloire de Shiva, ces cinq garçons hirsutes en quête d’illumination devinrent bonzes, ces extrémistes ivres de défis célestes épousèrent la voie du milieu si chère à leur Maître, c’est ainsi que naquit le bouddhisme. Aucun d’eux désormais ne marcha sur le feu, pas un ne se pendit aux crocs de boucher pour épater la foule, finies les transes du Thaipusam et les délires ensanglantés de cette fête haute en couleur et folle de l’hindouisme pour honorer Shiva et Parvati quel qu’en soit le rite dans un bain d'hémoglobine. Ça suffit ces conneries. Fini le cinéma. Rideau !

… etcétéra…

 POUSSIÈRE  Le 21 JUIN 2022

Moi, une poussière sur la planète terre, je ris, et pleure aussi, tellement je suis baba devant cette énigme issue d’un mystère. Si je ne vivais sous les tropiques, je pense qu’ils m’auraient direct placé à l’asile, sans rire, comment exister sans ce ballet de palmiers et ces nuées de poissons-clowns ? Pensez que je ne dors jamais quelle que soit l’heure dans la nuit des iles, je m’évanouis c’est tout. J’ai un faible pour le firmament, j’ai passé tant de temps la tête dans les étoiles, je suis copain avec les astres. Et quand c’est la mousson, je me nourris de pluie. Ma vie défile sur un rivage perdu sous des lambeaux d’azur. Eternelle Asie. Je ne vis que dans l’exil.
Moi, une poussière dans l’atmosphère, je fais chanter ma plume quand les cigales crissent. J’ose une prose à l’appel des muses dans ces nuits d’encre. Je batifole dans l’alchimie verbale. Je taquine Molière, Rimbaud et Céline sans exercice de style, juste un tremplin. Je ne pourrais vivre sans écrire. Certains aiment se taire, surtout ne pas penser, libre à eux, moi c’est le contraire, mes tripes et cervelle ne cessent de s’agiter, elles ne me foutent jamais la paix, une malédiction, le moindre feu follet les met en transe, je ne pourrai jamais les dompter.
Moi, une poussière dans cette zone singulière, je m’évapore du crépuscule jusqu’au parfum de l’aube. Je baguenaude sur ce rivage, mes mille et une tropicales nuits. Le jour, je vogue sur la grève jusqu’à l’ivresse, extasié par le large, par l’horizon. Je parle aux crabes, aux oiseaux, aux nuages. Je danse avec l’écume sur un parterre de coquillages. Je m’enivre de mousson et embrasse le vent sous la ronde des astres. Ô Seigneur, je me noie du spleen des iles dans ces confins d’Extrême-Orient, j’en ai le vertige.
Moi, une poussière de lune sur cette lagune légendaire, je vis, non pas comme un VIP ou un béni-oui-oui mais comme une bohème, c’est dit, l’école des Poètes Maudits. Moi non plus je t’aime, mon thème. Dans la furie des éléments, la vie, j’ai appris depuis longtemps que demain est tellement incertain qu’à tort ou à raison, je ne pense qu’au présent. Peu importe les volcans et tsunamis qui passent, j’y ai déjà goûté dans cette existence-là, mais s’il vous plait, plus de pandémie, je ne veux finir comme Apollinaire.
Moi, une poussière dans la langue de Molière, j’aime tel un peintre jeter quelques tâches d’encre sur la page vierge et blanche. « Au commencement était le verbe… », c’est Jean qui le dit dans les évangiles, c’est bien la seule connerie qu’il n’ait dite, même si je reconnais son talent de romancier dans l’Apocalypse, il envoie du lourd le mec, il est hors sol, une pluie de missiles qu’il balance dans sa prose. J’aurais bien aimé vivre à cette époque et me mélanger à cette bande de pouilleux qu’on appelle les apôtres.
Moi, une poussière sous la plante de vos pieds – c’est ainsi que l’on s’adresse au Roi du Siam en aparté -, je ne vis que d’éphémère. C’est ma chance ou bien mon drame, ma tragédie, je ne vis que dans l’urgence. Je ne sais appréhender ce monde hormis aujourd’hui, je n’ai aucune conscience du lendemain et ne vis pas dans la nostalgie. C’est ainsi.
Moi, une poussière sur la planète terre, je ris et pleure aussi. C’est la vie. Si je ne vivais sous les tropiques, je pense qu’ils m’auraient direct placé à l’asile.

 GRIMACE  Le 20 JUIN 2022

Sans rire, ça craint trop là, je me meurs ! J’ai beau être bon en général, ça va pas le faire. La pandémie m’a tué.
Pensez que j’ai survécu aux volcans de Java et de Bali ; à un serial killer sur Goa qui en a trucidé plus d’un ; au yéti qui venait sans gène se la jouer racaille des cités dans les rues de Katmandou en after ; aux requins-tigres à Arugam Bay sur l’ile de Sri Lanka, je n’avais jamais vu une telle concentration de squales, le moindre baigneur qui ose un plouf ressort manchot et cul-de-jatte, le seul menu affiché dans les restos qui longent ce rivage est une variation sur le thème du requin : soupe, curry, barbecue, frit, en papillote ou bien court-bouillon, il y en a aussi en sushi.
Attendez, c’est pas tout, j’ai pris cher, la liste est encore longue mais je vous promets de faire court. Ainsi, j’ai échappé à une mort certaine en goûtant aux barbes à papa dans les faubourgs de Calcutta, huit jours d’hosto quand même, limite trépas ; aux pangolins et chauve-souris dans la cité de Wuhan en Chine ; à la cervelle de singe encore vivant dans les restos chics de Pékin ou de Tokyo ; à la furie de tous ces fous en Nouvelle-Guinée chez les Papous qui me prenaient pour une poupée Barbie ; aux embrouilles des geishas, des sumos, des ladybar, des katœil (ladyboy) et autres camionneurs sur la route de la Soie.
Vous pensez que c’est fini, que tant d’épreuves ne peuvent se concentrer sur la vie d’un seul individu, que l’on n’en a jamais vu autant dans l’histoire de l’humanité sur un être unique, que ça suffit. Et bien non, pas du tout, ça ne fait que commencer. Les légendes grecques de la mythologie me font bien rire, A côté, Hercule est un petit joueur avec ses 12 travaux, j’en ai eu mille, je n’étais pourtant pas baraqué comme lui au départ, je ne le suis toujours pas, j’ai usé de ma cervelle pour ne pas périr et de beaucoup de chance. C’est ainsi que j’ai dû affronter typhons, cyclones et ouragans, Ulysse peut aller se rhabiller direct avec ses comptines à deux balles dans l’Odyssée. Neptune ou Poséidon, c’est selon, ne m’ont jamais fait couler malgré leur furie. Héphaïstos ne m’a pas non plus foudroyé, il ne m’a pas cloué sur son enclume dans sa forge. Je ris toujours dans l’écume sur les iles. Enfin, n’exagérons rien, mon accent méridional, j’en rajoute toujours un chouia, disons que je souris jaune pour être sincère depuis cette pandémie venue de l’Empire du Milieu, ça commence à bien faire ces chinoiseries.
Certains ont beau penser que Ganesh ou Sainte Rita feront des miracles, libres à eux ; pour d’autres la Vierge, blanche ou noire, sera le seul salut ; d’autres encore ne sauront se consoler que devant le mur des lamentations. Qu’importe, ils ne feront confiance qu’aux prières au pied de leurs autels toutes confessions mélangées pour ne pas devenir fous dans cette misère. Sachez que je ne me moque pas, bien le contraire, moi-même j’aboie toutes les nuits devant l’astre lunaire, je ne saurais me ranger dans une quelconque chapelle. Depuis ma naissance à peu de chose près, que vous en riez ou non, j’ai des conversations inouïes en aparté avec Séléné, la sœur d’Hélios, ma reine à moi. Il me suffit de la regarder, de lui parler, en hiver ou en été, pour aimer la vie encore et toujours… Ne comptez pas sur moi pour un suicide, je suis trop dans la lune.
Ah oui, j’oubliais, j’ai échappé même au tsunami à Phuket en 2004, l’année où ma fille est née, c’est pour dire. Mais là, c’est moyen. J’ai fait très fort jusqu’aux dernières Pâques, résurrection oblige grâce à quelques touristes à la clé pour survivre tant bien que mal depuis, mais c’est mort désormais. Je suis damné. Entre le sourire du Bouddha et les larmes d’Allah, je reprends la couronne d’épines issue de mon baptême. Un raz-de-marée économique comme jamais est venu tout bouleverser.
Sauf qu’on ne joue plus là, on tombe dans l’urgence. Au secours !... Aristote a beau dire que le rire est le propre de l’homme, seule une grimace aujourd’hui s’affiche sur ma face.

 AICHA  Le 18 JUIN 2022

Quand j’y pense, j’ai tout eu cette année, j’ai tout chopé : la covid comme presque tous sur cette ile à quelques exceptions près malgré de multiples vaccinations à la sauce chinoise, Sinovac oblige ; la dengue hémorragique comme d’hab, ma quatrième, dernier épisode ; le paludisme qui nous fait un grand retour triomphant dans le sud-thaïlandais depuis quelques mois après pas loin d’un demi-siècle ici pourtant disparu ; la variole du singe récemment, une calamité ; les puces du chat que Miamiaow m’a refilées sans vergogne, sans le moindre sentiment de culpabilité ; l’invasion des scolopendres, nous avons maintenant un marteau dans chaque pièce dans la demeure, un génocide ; la furie de mon proprio à coups répétés de préavis et de grimaces dantesques ; le spleen de ces nuits sans fin devant l’astre lunaire ; et même le cancer du compte bancaire. C’est pas rien.
C’était déjà pas terrible les deux dernières années avec cette foutue pandémie, mais là c’est le bouquet. Et encore je ne vous ai pas tout dit sur ces fléaux, j’avais oublié la faim qui déferle quand ça lui chante, mais heureusement Aicha veille, ma musulmane préférée, la fille de l’imam, je suis entouré de mosquées entre Bang Khonti et Sayuan pour ceux qui connaissent Rawai dans le sud de Phuket, elle est toujours là pour venir nous offrir ses soupes miraculeuses, une fille formidable. Sans elle, ce serait souvent galère.
Je discute souvent avec son père, le seul déjà debout dans la nuit à cette heure quand je m’en vais flâner sur le rivage au réveil, il s’apprête alors à la prière et juste avant que le muezzin ne chante, on bavarde ensemble, de tout et de rien. Il me sait païen mais il est certain que je finirai par devenir musulman en essayant de trouver les bons arguments qui pourraient me faire basculer en islam. Je n’ose lui dire que sa fille seule pourrait me convertir. Depuis que j’ai aperçu son sourire, j’ai arrêté de lire Spinoza et autres conneries, je suis prêt à faire un pacte avec le diable si nécessaire pour partager avec elle mon lit, ma vie. Le vieux, toujours branché sur son délire, en rajoute un bras.
- Penses-y, quatre meufs à la clé si tu embrasses notre foi. Et si une te gave, tu peux la répudier, c’est notre joker.
- Ah oui quand même ! C’est vachement moins cool dans les autres religions, ça demande réflexion avant de dire non à ton invitation.
- Quatre super gonzesses, c’est pas que dalle, c’est de la balle !
- J’avoue, c’est du lourd.
- T’es le roi du slip.
- Ok, on se calme l’imam. Dis, t’en as combien de femmes toi?
- Beh j’en ai qu’une, tu connais les musulmanes d’ici, si tu oses prendre une seconde épouse, elle t’égorge direct, elles ne sont pas branchées dogme sur cette ile.
Sur ce, je l’accompagne jusqu’à son tapis et le laisse s’agenouiller devant son dieu avant de disparaître sur la grève en quête de chimères. Au retour, je le retrouve apaisé sur le parvis de la mosquée, je le préfère ainsi, à croire que la prière a fait son effet, il ne parle plus de meuf, il est barré dans sa sphère métaphysique, il plane et sourit en face des éléments sur le rivage de Bang Khonti. Il me raccompagne jusqu’à chez moi, le jour pointe à peine à l’horizon…
Une heure se passe, des flaques de soleil éclaboussent de partout, les palmiers dansent dans l’azur, des nuées de piafs multicolores chantent l’hymne à la joie dans l’air du temps… On sonne à ma porte… C’est Aicha qui vient nous amener ses délicieuses soupes.
Finalement, elle n’est pas aussi pourrie que ça cette année-là.

 SALOPERIE DE SINGES  Le 16 JUIN 2022

Dites, sans plaisanter, je crois bien que j’ai chopé la rage du macaque variolé. Je déconne pas. Je ne le savais encore car les médias n’en parlaient pas. Ce fut dès la fin avril qu’une irruption de boutons fleurit sur mon épiderme, un machin de fou, trois semaines avec des bubons pesteux sur les bras et le torse, j’en ai encore ô combien de stigmates, je n’avais alors jamais contracté ce genre de syndrome dans ma vie.
Par contre, rien à voir avec les photos trash que l’on peut voir sur le continent africain via internet, ils ont dû prendre ces photos dans une léproserie à mon avis. C’est hier que j’ai réalisé en voyant des photos de types, Europe et Thaïlande mélangées, ayant chopé ce virus depuis, c’est exactement les mêmes symptômes que les miens, je n’aurais jamais su sinon. Je mettais ça jusqu’alors sur le compte des hautes températures qui déferlent sur Phuket à Pâques par ignorance, je n’imaginais d’autres causes, c’est pourquoi je n’ai consulté un toubib ni pris de médocs, je me trompais. Un autre que moi aurait grave flipper, limite suicide, particulièrement Narcisse, il faut casser tous les miroirs chez soi afin de ne contempler plus encore cette rivière de bourgeons qui ruisselle sur ta peau, une acné sévère et généralisée. Mais rien de grave en somme hormis écorner son image un mois à peine.
Ne vous amusez pas à gratter sinon le tout devient furoncle, vous êtes avertis. Moi, je n’ai pas cette manie du grattage, je vis au royaume des moustiques depuis si longtemps, ils me sucent tout azimut, facile deux litres de sang à l’année, une tuerie. Les sangsues me prélèvent encore deux litres sans pitié lors de mes excursions «Voyage au cœur de la forêt primaire», saloperie de jungle. Vous comprenez aisément qu’en fin d’année, je ne rêve que de messe de noël afin de me ressourcer au calice et reprendre quelques gorgées de sang du Christ, un bon pinard quoi, afin de revivre, je comprends mieux ce thème de la résurrection depuis que je vis sous les tropiques. Donc, pas de gratte en cas de lèpre du bonobo, qu’on se la joue gorille ou non.
L’air de rien, j’ai bien dû refiler le bébé à quelques-uns en chemin à Phuket, je remarque que dans tous les endroits où je suis passé ce mois-là, ils sont tous atteints de gratouille, certains jusqu’au sang, des plaies terribles recouvrent leur corps entier. J’ai noté parmi eux trois suicides, mais ne venez pas me mettre ça sur le dos, ils devaient avoir sûrement des ennuis conjugaux, tout le monde en a. Ce qui me chagrinerait davantage, c’est d’apprendre que leurs femmes les aient quittés juste parce qu’ils étaient pestiférés, ça change la donne, j’en ai quelques regrets et éprouve un sentiment de culpabilité. C’est pourquoi j’ai été tout de suite me confesser pour expier mon péché, j’étais vraiment désolé d’avoir ainsi diffusé la coqueluche de l’orang-outan sur l’ile, le prêtre m’a donné l’absolution direct. Sauf qu'il est mal aujourd'hui le curé, il va pas bien du tout le Père Pustule, il fait pitié à voir, j’ai oublié de lui dire qu’il ne fallait surtout pas gratter si jamais il était lui aussi sujet à une telle calamité, seules les prières peuvent le sauver désormais.
Ceci dit, je discutais ce matin au marché après la messe avec deux bonhommes issus du panthéon des expats sur Phuket, la crème, du très lourd, en allant chercher mon bol de riz, et les mecs m’ont débité tellement de conneries à la minute que j’ai immédiatement pensé qu’il devait forcément exister une autre forme de la variole du chimpanzé, celle-ci cérébrale, un variant bien plus grave. Vous en pensez quoi ?

 UNE PLUIE DAMOUR  Le 10 JUIN 2022

J’aime bien les histoires d’amour à deux balles, des trucs de la zone qui finissent mal, misère oblige, au diable les beaux salons. Sauf qu’une histoire d’amour, ça vaut jamais deux balles, c’est toujours du lourd quoiqu’on en pense… le temps que ça dure, pas longtemps, un vol d’éphémères en somme. Nous ne vivons dans un conte de fée même si certains se la racontent version hollywoodienne, pensez que d’autres se suicident par amour, un crève-cœur souvent. Et pourtant on en redemande, quitte à mourir encore, mourir d’amour !...

Si je mate dans ma rue, cinq maisons au plus qui se disputent l’espace au royaume des scolopendres, une hécatombe que les romances. La première des cinq baraques, une histoire d’amour extraordinaire, à tel point qu’ils se détestaient à la fin, ils se balançaient grave des bouteilles à la gueule dès l’apéro, des invectives comme s’il en pleuvait… un soir sur deux ils dégainaient même haches et couteaux, l’amour vache.

Par contre, dans la seconde maison, j’avoue qu’on ne rencontre tous les jours une telle flamme, respect ! Tout le monde admirait ce couple, ils étaient faits l’un l’autre pour vivre ensemble et procréer mille et un bébés tel qu’on nous la raconte depuis toujours, depuis tout-petit, du très lourd, vraiment. Sauf qu’au moindre bémol ça part en couilles ces conneries, ils étaient trop haut dans les dièses. Il a suffi d’une embrouille pour que le mec pète un câble, il a fumé sa femme sur un coup de sang. Faut dire qu’il est Russe, tout le monde l’appelle Poutine dans la rue, et elle Ukrainienne, c’est pas géant par les temps qui courent.

La troisième bicoque dans la rue, c’est un peu spécial. Lui est vendeur de cacahuètes sur les marchés et, elle, ne vend que des casse-noisettes, c’est évident que ça allait dégénérer entre eux à terme, ça n’a pas loupé, ils se sont carrément étripés sous la pleine lune la nuit dernière sur un sombre deal de noix de cajou paraît-il. La mafia des peanuts, quoi.

Quant à la quatrième baraque, celle du fond qu’on ne voit jamais tellement une couronne de jungle l’entoure, on l’appelle la maison aux serpents dans le quartier, une histoire d’amour inouïe s’y passe, qu’on se le dise. La meuf cueille des lotus dans les marécages aux aurores qu’elle revend à prix d’or ensuite au temple, la rumeur prétend qu’elle serait millionnaire depuis un demi-siècle qu’elle enfume les bonzes. Le mec, lui, est grossiste dans le business de l’encens, il aurait le monopole dit-on sur tout Chalong, il vend des bâtons à la tonne. Ils se sont rencontrés au temple il y a trois jours et apparemment ils sont partis pour que ça dure mille ans malgré leur âge. C’est beau.

La cinquième cabane de la ruelle, la mienne, c’est moyen. Ma fille joue du violon à minuit sous les palmiers dans le jardin tellement elle est perchée pendant que son copain, le dingue étudiant aux beaux-arts, se la joue peintre sur la terrasse. Ils commencent à me gaver les deux tourtereaux, limite expulsion, je suis à deux doigts de les virer, c’est insupportable de s’aimer ainsi, des love en veux-tu en voilà, des mamours à la pelle, des « je t’aime » en farandole, une pluie de baisers sur un air de mousson et je sais plus quoi encore, le délire. Ils s’écrivent même des mots doux via sms alors qu’ils sont toujours ensemble. On n’arrive plus même à se la jouer idylle avec Miamiaow, ce putain de chat qui squatte grave le sofa.

Ça craint les histoires d’amour…

 DIALOGUE  Le 07 JUIN 2022

Pendant que Poutine bombarde et que la rage du singe variolé se propage, je m’allume une cigarette en buvant un café dans cette aube nouvelle… Mon toubib a beau me dire qu’il faut calmer les clopes sous prétexte qu’un léger voile apparaît après X-ray et que bientôt mes poumons ressembleraient à un champ de guerre en Ukraine, je doute qu’il dise vrai, c’est toujours parano un médecin, ça voit tumeurs et cancers partout, ça flippe grave.

- Ne m’embrouille pas toubib, ça craint ou non ?

- Non, pas encore, mais un voile est carrément clair sur la radio.

- Arrête ton délire, un voile c’est jamais clair, tu te crois en Afghanistan ou quoi ?

- Je suis sérieux, ça peut dégénérer.

- Je peux m’en rouler quelques-uns ou non avant l’apocalypse ou je me jette direct du pont ?

- C’est mieux d’arrêter de fumer au cas où.

- Les clopes, c’est ok, je te promets ne fumer désormais que des herbes médicinales.

- Ah non, tu n’as pas compris, finie la fumette ! Tes poumons sont presque dignes d’un mec déjà incinéré.

- Ah oui, quand même !

- Tu vas crever quoi si jamais le voile fait boule de neige.

- Les grands mots de suite.

- Ça commence toujours par un voile…

- C’est quoi ces conneries, toubib, t’as lu ça où dans tes grimoires ? Pense que je consulte un ermite vivant depuis des décennies dans une grotte perdue au cœur des sylves qui me dit que je vivrai mille ans vraisemblablement comme lui, réincarnation oblige, le mec fume comme un pompier tout en ayant éradiqué le tabac, il ne consomme que des herbes salvatrices pures issues de sa putain de jungle, il pète le feu au milieu des cobras et pythons réticulés qui inondent son milieu, il ne sent plus même la morsure des scolopendres, c’est pour dire.

- C’est quand qu’il a fait son dernier X-ray des poumons ?

- Je ne sais, mais quand la lune apparaît sur le firmament, il me dit que seules ses herbes thérapeutiques lui donnent cet accent lyrique, poumons cramés ou non. C’est ainsi qu’il rajeunit à l’entendre.

- Il est perché le mec, non ?

- Certes, mais toi et moi, tu crois pas que nous sommes perchés aussi ? J’ai du mal à croire qu’il faudrait lui jeter la pierre, X-ray ou non, le bonhomme ruisselle de lucidité contrairement à nous, il jubile dans sa forêt primaire et danse avec chauve-souris et pangolins au quotidien. Pense qu’il est végétarien aussi, il ne bouffe que des champignons dans son royaume, aucune toxine à la clé. Balaise !

- Du lourd !

- Dis, docteur, t’as des cancers toi déjà ?

- Un chapelet.

- Je te le dis, toubib, il faut que tu le consultes vite cet anachorète, il va te faire revivre, il détient des potions miraculeuses le mec dans sa caverne, crois-moi. Je l’appelle Panoramix pour tout te dire.

- C’est quoi son adresse ?

- Je t’explique. Après trois heures facile de marche au milieu des épineux et autres galères sur ce chemin de croix dans Khao Sok, la plus âgée des forêts primaires intouchées dans ce monde, tu verras un éperon rocheux, un monolithe karstique, c’est là qu’il vit. Oublie les coordonnées GPS dans cette zone, rien ne passe sous la canopée. Certes, tu rencontreras en chemin des bandes vindicatives de macaques qui vont te pourrir la vie, des chiens ces singes, tu choperas aussi des guirlandes de sangsues accrochées à tes chevilles et poignets dès le moindre grain, il en est ainsi de l’accueil dans ce bordel de ronces. Et là, tu verras un type sans âge, un mélange savant entre Bouddha et Bob Marley, un mec perché sur son rocher.

- Ah ouais, pas aisée la randonnée.

- Flippe pas toubib, je t’accompagnerai, j’ai toujours besoin d’un leurre dans ce milieu. Pense que c’est le sanctuaire des panthères noires là-bas, sans toi je ne m’en sortirai jamais vivant.

- Tu me prends combien pour le trip ?

- Pas cher, juste un bras. Par contre, je ne vends que des tickets aller, pour le retour tu te démerdes. Moi, je reste là-bas.

- Autant j’y reste moi aussi. T’es libre quand ?

- On y va demain toubib !

 CHAUD, LES ÉLECTIONS ! Le 06 MAI 2022

Je me réveille dans Zemmour Land, ça fait zarbi. Beh oui, ils ont tous voté Zemmour les expats ici quand l’on mate les résultats des élections à Phuket, pareil à Koh Samui et ailleurs dans ce royaume du bout du monde, il culmine sur le panthéon, il emporte pour ainsi dire tous les suffrages. Loin derrière dans les quelques miettes qu’il reste, Le Pen arrive en second. A eux deux, ils ont tout raflé sous nos tropiques, carton plein. Macron, troisième, apparaît quelque peu dans la pénombre. Mélenchon, lui, est aux fraises, le quatrième. Et puis c’est tout. Ah non, j’oubliais, il paraît qu’un a voté Poutou, des battues s’organisent pour le trouver, branlebas de combat.

Moi, j’ai pas été voté, je flippais trop de me faire lyncher, une queue de dingue attendait devant le guichet de l’agence consulaire quand je suis arrivé, ils portaient tous des tee-shirt « Zemmour for ever », j’ai pas osé me mettre au milieu, en deux minutes l’histoire aurait pris un parfum de bûcher. Faut dire que les mecs étaient à bloc, ils écoutaient tous Radio Poutine dans la foule en attendant de voter, certains arboraient même un grand Z dans leur dos comme les tanks russes en Ukraine.

Je matais à l’écart cette bande d’ahuris en me fumant une clope quand l’un deux pointa dans ma direction son doigt vengeur en haranguant ses potes : « Les mecs, un arabe ! » sous prétexte que sur mon tee-shirt était inscrit « Nous sommes tous des immigrés » puisque tous Français vivant en Thaïlande. Un mouvement de foule digne d’un tsunami m’entoura de tout côté, j’étais cerné. Le plus virulent m’apostropha, le chef de la horde probablement, en me demandant dans quel pays du Maghreb mon père était né, je lui ai répondu qu’il était Aveyronnais, ce qui lui coupa immédiatement le sifflet, j’appris plus tard que le type était lui aussi originaire du Rouergue. Le bonhomme se mit à réfléchir sans fin, j’ai cru qu’il allait faire direct un AVC, que sa cervelle allait exploser, mais un éclair soudain de lumière traversa son cervelet, et si ce n’était mon père le coupable, c’était forcément ma mère l’Africaine pensa-t-il à voix haute. J’étais vraiment désolé pour lui, de le décevoir ainsi quand je lui dis que ma maman était née sur le toit des Pyrénées, pas même une goutte de sang venue d’ailleurs dans sa lignée à regret, le gonze était dégouté.

Heureusement, un type arriva pour voter, il portait un sweet aux couleurs de l’Ukraine, ce qui déclencha dans les rangs des zemmouriens une ire digne des croisades, leur courroux atteignait au paroxysme, nous étions à deux doigts du pugilat, un air d’apocalypse flottait dans l’atmosphère, on sentait cette vibration qui précède les cataclysmes. Un couple arriva au guichet pour voter, un badge Macron accroché sur la poitrine, ce fut la goutte d’eau qui déclencha le raz de marée, un flot d’injures débordait de la grande bouche des fans de Zemmour et autres lepénistes, des grimaces terribles les animaient. Quelques mélenchonistes aigris se joignirent aux enragés d’extrême droite pour vociférer moult invectives sur le couple de macronistes qui se barra dare-dare en se faisant caillasser. Les voyant tous focaliser sur d’autres que moi, je profitais de la diversion pour vite m’arracher et m’enfuir les jambes à mon cou loin de la meute sans même avoir voté. Un chat qui trainait là me suivit, apeuré par cette furie, et nous sommes partis tous les deux faire un sitting sur un rivage oublié, ivres de mousson sous des lambeaux d’azur.

Chaud les élections !

 COQ EN STOCK Le 13 MARS 2022

Ils sont quand même barrés les coqs dans cette contrée, bien plus criards et sonores que leurs cousins d’Occident, puissance mille, ils doivent les élever tout bébé à l’ecstasy, c’est pas possible, ils chantent sans discontinuer toute la nuit, à s’en faire péter le bec et le gosier. Il n’y a que le matin qu’ils vont se pioncer sachant le monde bien réveillé. Dans ma rue, c’est le burn out complet, le chant du coq a fait plus de victimes que le coronavirus cette année. On a bien organisé quelques battues dans le quartier mais ces putains de volatiles vont se planquer sur la canopée, allez les choper là-haut, le dernier qui a essayé de les déloger s’est viandé copieusement une fois arrivé sur la cime du palmier, un faux pas l’a direct envoyé au pays de ses ancêtres, il a glissé sur une chiure de poulet, un saut de trente mètres dans la fureur de vivre. Il est tombé la tête la première, et croyez-moi, une noix de coco est facile plus solide que la tronche d’un bonhomme, y avait de la cervelle partout, on ne distinguait plus la matière grise de l’hémoglobine dans ce bain de sang. Sa veuve pleure encore, inconsolable.
Un voisin militaire nous a dit que le napalm seul pourrait venir à bout de ces bestioles à plume, il en a braqué quelques bidons dans sa caserne mais rien n’y a fait hormis éradiquer les pelouses de toutes les résidences environnantes, un super désherbant en somme, mais rien de quoi effrayer nos coqs en pâte, un peu comme si l’on pissait dans un violon, vous voyez. Du coup, tous les foyers se sont équipés d’un lance-flamme autour pour envoyer la sauce dès la nuit tombée, sus aux poulets. Il y a eu quelques morts mais seulement dans le genre humain, tous les coqs ont réchappé au massacre. Disons qu’il faut un certain temps et une sacrée dextérité pour maitriser l’usage d’un lance-flamme, ma voisine a cramé maladroitement son mari à son premier coup d’essai, la rumeur prétend qu’ils étaient sur le point de divorcer.
Y a bien un légionnaire en face qui a fait un carnage, mais il est tellement crétin qu’il ne sait différencier un poulet d’un canard ou même d’un lapin. Faut dire qu’il a pris cher en Afghanistan, un missile sol-sol dans le cervelet - ou petite cervelle si vous préférez, tel que ses camarades à la guerre le surnommaient -, il avait pris le machin à l’envers, un nouveau modèle, et s’est pris le missile air-air direct dans la tronche quand il a fait feu malgré des années de métier, un bras cassé.
Résultat des courses, pas un coq n’a péri. Au contraire, ils prolifèrent et la ramènent comme jamais, ils ont carrément redoublé en décibels du crépuscule jusqu’à l’aube, une fanfare énorme, des vocalises sans fin comme s’il en pleuvait, un opéra lyrique démultipliée, un tintamarre inouï jusqu’au bout de la nuit. Nous rêvons tous de grippe aviaire, ici, aujourd’hui.

 UKRAINE MON AMOUR Le 03 MARS 2022

Actualité criante, je sors de mon silence…
La guerre sur le continent européen, sidérant. Poutine le Grand se prend encore pour le tsar de toutes les Russies avec ses pulsions dignes d’Ivan le terrible, un vieil élan nostalgique le ramène à ses fantômes sur un air joué par les orgues de Staline. Le type n’a pas compris encore que les peuples de ces pays qu’il persécute n’en ont rien à branler de la gloire de son empire, ils sont aujourd’hui dans leurs mentalités bien plus proches de l’Europe que de la Russie, j’écoutais ce matin à ce propos l’interview de la Présidente de la Géorgie qui subit toujours les affres de l’ogre russe.
Le truc chiant avec les adorateurs de Poutine, c’est que dès qu’on s’élève contre la guerre d’Ukraine, ils argumentent direct avec les guerres dernières de l’OTAN comme si nous applaudissions ces conflits récents, leur genre manichéen est dément, ils veulent à tout prix nous ranger dans un camp. Je signale en passant que Poutine n’y a pas été de main morte non plus ne serait-ce qu’en Syrie où il a pilonné tous azimuts comme les autres. Dans ma vie, je me suis toujours opposé à cet élan guerrier de la Guerre du Vietnam jusqu’à la Guerre d’Ukraine. La guerre est toujours le pire, la force étrangère occupante à grand renfort d’armes a toujours tort aux yeux de l’Histoire contrairement à la résistance, la nuance est de taille. Il faut donc que les groupies de Poutine arrêtent de nous enfumer pour amoindrir son crime avec leur argumentaire nauséabond en lui cherchant mille et une circonstances atténuantes sous prétexte de géopolitique pour en fin de compte le dédouaner malgré leur mine quelque peu effarouchée au bruit des bottes et au son du canon.
La seule attitude crédible dans cette guerre d’Ukraine est d’exiger que ce chien enragé ramène ses dogues et sa maudite armée chez lui. Mais pour qui se prend-il ce type pour ainsi générer guerre et exode dans ce pays de 44 millions d’habitants ? Saloperie de Poutine.
Certains d’entre vous penseront que c’est si loin l’Ukraine vu d’ici, à Phuket, et que la guerre n’est pas près de débarquer sous nos tropiques, c’est pas certain. La preuve, je vis dans une petite rue sur cette ile, à peine dix maisons la composent ainsi qu’un petit hôtel toujours complet, seuls Russes et Ukrainiens y résident depuis longtemps. Hormis quelques orgies force vodka, ils se sont toujours fondus ensemble dans le paysage jusqu’à présent. Maintenant, c’est la guerre, ils se balancent invectives et mobilier les uns les autres dans le buffet, ça craint.
En nocturne, les Ukrainiens viennent chez moi pour se recharger en cocktail Molotov, une arme pourtant russe comme son nom l’indique. J’ai choisi mon camp, c’est Miss Ukraine qui m’a convaincu de transformer ma terrasse en camp retranché la nuit. Deux transfuges russes nous ont rejoint, ils se battent aujourd’hui aux côtés des Ukrainiens, je pense qu’ils sont eux aussi tombés amoureux de Miss Ukraine, ça va finir en peau de boudin cette histoire, on va tous se balancer entre nous des cocktails à la gueule pour être sûr d’être le premier à mériter le baiser final.
C’est pourquoi je viens vous solliciter pour nous aider jusqu’à la lutte finale, il nous manque du blé pour alimenter nos cocktails Molotov ou non, l’essence est si chère aujourd’hui, et la vodka n’en parlons pas. Je vous laisse, là, un putain de Russe s’est planqué dans le jardin, on fait direct un lâcher de cobras et varans pour le déloger. Cheer !

 CROISIÈRE Le 16 FÉVRIER 2022

Je prenais maintenant le large… Invité par un couple de mécènes amoureux de littérature, d’écrivain paumé, de poète maudit, je refusai de les suivre à bord tout d’abord de peur de finir moussaillon et me taper toutes les galères inhérentes à ce statut si jamais leur humeur changeait dans la tempête. Je finis par accepter succombant à leurs prières, je serai leur hôte et non leur sujet, me dirent-ils à l’unisson. C’est ainsi que la parenthèse malaise commença.
Ces deux-là m’offrirent un interlude sur leur yacht, une balade dans les îles en mer Andaman entre Thaïlande et Malaisie. Je culminai alors dans la misère tellement je me débattais dans mes écrits perchés, j’y passais tout mon temps, j’étais davantage que schizophrène. Lassé de mon pupitre et de ma plume qui me tyrannisaient depuis l’aube, je traînais tous les soirs au port. Ainsi, je les rencontrai une fois la nuit tombée, le ventre de Ratanachai à Phuket était déjà vide à cette heure, l’armée de travailleurs immigrés birmans qui d’habitude s’y affairaient roupillait dans les bidonvilles tout autour, seule une guinguette siamoise à deux balles restait ouverte où nous écumions ensemble des pyramides de bières entre délires et fous rires.
Mais que pouvaient bien faire ces deux aristos dans cette sphère ?... Ils ajoutaient un pont, tout de bois de teck fait, sur le château arrière de leur coque de noix, d’où leur présence sur ce site insolite composé de chantiers lunaires, réparations en tous genres pour chalutiers, navires marchands et yachts naufragés. Leur âme mélancolique les poussait à zoner dans les bas-fonds le temps d’une escale, les soirées mondaines et croisières en solitaire ne suffisaient point pour les satisfaire, ils voulaient eux aussi humer la pourriture dans la Cour des miracles afin de se sentir vivants.

Nous sommes ainsi partis une fois leur bateau à flot, nous touchions à des rivages magnifiques de vague en vague, des peuples fraternels nous accueillaient d’étape en étape, d’île en île, et nous invitaient à un permanent banquet sur la plage. L’océan nous offrait des corbeilles de rêves question pêche, même la Bible n’aurait imaginé de tels miracles. Faut dire aussi que leur navire, moitié arche de Noé - un caniche débile dénommé Pacha nous accompagnait pour le meilleur et surtout pour le pire - moitié Tour d’Argent question gastronomie, recelait mille et un trésors dans la cale. Ils avaient embarqué une véritable cave avant leur escapade, avant de larguer les amarres. Des vins insensés couraient sur les étages, des liqueurs macéraient depuis le fond des âges. Ces deux-là pouvaient définitivement affronter cyclones et typhons, volcans et tsunamis, leur ivresse dépassait en délire la furie des éléments.
Lui, appelons-le Pascal pour le flatter, n’avait rien d’un agneau, son allure rappelait davantage celle d’un commando à lui tout seul, ses mains étaient dignes de celles d’un boucher. Tard, sur le pont, dans un état second, quand les liqueurs fortes comme du métal bouillantinvitent aux confidences, le bonhomme osait avouer quelques secrets, des machins qui tourneboulaient en boucle dans sa cervelle où il était question de contrats, de tueries, de charniers, le mec oscillait entre furies et cauchemars dans ses souvenirs à lui à force de whisky et de brandy. Au fil des soirées sous la ronde des astres, il semblait évident que ce type avait probablement assassiné des bataillons entiers avant de se la jouer gentilhomme dans la douceur des tropiques. J’hésitais entre mercenaire et tueur à gages quant à son ancienne vie. Qu’importe, il cuisinait comme un chef à ses heures et nous composait au quotidien des plats à faire pâlir Bocuse lui-même. Il n’était plus sur son champ de guerre au moment des agapes, mais en vacances avec sa muse et la bohème que j’étais, un temps de grâce dans son existence.
Elle, un savant mélange entre Eurydice et Falbala dansait sur une flaque de soleil dans l’azur, elle flottait dans l’atmosphère échappant ainsi au monde des mortels, elle sublimait notre voyage, notre épopée. Elle était vraiment perchée la meuf. Elle avait beau afficher une ligne sans faille quant à sa plastique, elle mangeait et buvait comme quatre au moment des ripailles. Elle redevenait terrienne une fois la fourchette en main. Une dextérité inouïe animait ses doigts dès le plat posé, elle nous piquait les meilleurs morceaux sous notre nez avant même qu’on n’ait pu bouger. Elle riait en nous voyant bouche-bée.
Tous les matins au réveil, elle partait nager longtemps avec ses cousins dauphins, et revenait, toujours en riant, un collier de perles et de coquillages dans son panier. Elle avait carrément pété les plombs Shéhérazade, oui, je la soupçonnais de tourner à l’ecstasy pendant que l’autre, son amant, le boucher, comptait ses bouteilles de brandy dans la cale. Il y passait un nombre incalculable d’heures dans sa putain de cale, il devait sûrement y planquer un tas d’oseille, un pognon de dingue.
Ils devenaient vraiment chelous ces deux-là de jour en jour. En attendant, je me contentais de manger ma gamelle comme Pacha, en bayant aux corneilles à volonté pendant que Rambo filait pécher dans les mangroves sur son dinghy. Il amenait toujours un flingue avec lui, la canne à pêche ne semblait pas suffire. Je lui demandais pourquoi à plusieurs reprises… « Au cas où ! »fut sa seule réponse. Au cas où quoi ? Je n’ai jamais su vraiment. Au cas où, c’est tout, me disait-il d’un air entendu après m’avoir lancé un regard moitié complice moitié inquiet. Un vrai dingue.
Autant ces deux venaient-ils de se faire la belle, échappés d’un asile peut-être, je remarquai qu’ils faisaient toujours un pas de côté en croisant un infirmier, un toubib, ils changeaient carrément de trottoir lorsqu’un hosto ou une clinique surgissait sur notre route lors d’une escale. Ils se méfiaient des blouses blanches, c’était flagrant. Je me baladais donc avec deux psychopathes, c’était maintenant clair, lumineux. Perdu dans ces quelques pensées, je m’ouvrai une autre bouteille de Margaux sur leur bateau ivre tout en matant la danse des nuages sous la voute avant de sombrer d’un sommeil de plomb sur le pont.

Putain !... Je me réveille attaché dans la cale devant l’autre sadique. Il avait dû flairer que je sentais l’embrouille… Je le vois s’affairer sur quelques lames et tenailles, je flippe ma race… Voyage au bout de l’enfer… Pacha n’en finit plus de me titiller, cette saloperie de clébard nain se lâche, sûr qu’ils viennent de lui injecter la rage. Il est tellement con ce cabot qu’il s’acharne sur une de mes pompes avant de prendre un grand coup de sandale par Caligula. Pacha s’encastre sur une caisse de Romanée-Conti avant de tenter de disparaître dans les oubliettes au vu du courroux de son maître. Ce dernier finit par le trouver derrière le Petrus — un chien de luxe, quoi — et l’égorge direct en criant Allah ou Akbar ou un truc dans le style, je me souviens plus très bien.
Mata Hari, sa meuf, nous rejoint habillée de cuir façon sado-maso et me fouette sans pitié devant son amour de boucher. J’ai beau plaider mon innocence, elle redouble de violence pendant que l’autre cinglé se marre juste avant de s’approcher à couteaux tirés, il me saisit par le col… Je tente de négocier une rédemption à l’aube de mon trépas, rien n’y fait. Je l’assure de ma loyauté, il n’en a cure. Il s’approche encore, je crains le pire… et abat le masque en me criant sur un air hilare : « Poisson d’avril !».
Je refais surface, ce n’était qu’un mauvais rêve. Je suis toujours là, sur le pont, en nage, le soleil au zénith, ces deux ahuris ont viré de bord, la grand-voile me faisait ombre jusqu’alors, j’ai frôlé l’insolation par leur faute. Ils me sourient d’un air bienveillant, j’esquisse une grimace.
Falbala sabre une bouteille de champagne et nous rions ensemble de mon cauchemar. Je revis maintenant. Bocuse nous a préparé des sashimis, il a pêché un thon pendant mon sommeil, une brochette de langoustes honore également la table. Un élan fraternel nous unit, c’est bon l’amitié. Sauf qu’un détail me chiffonne, je me demande où est bien passé Pacha, je ne l’ai point aperçu depuis mon réveil, j’ai beau l’appeler, rien, pas le moindre chien à bord. Serait-ce possible que je ne rêvasse qu’à moitié ?... Je sens que l’atmosphère change tout à coup.

 ALLER SIMPLE Le 09 FÉVRIER 2022

L’asphalte défilait en trombe sur le parebrise, des bouquets de jungle surgissaient de partout dans l’azur, on aurait cru un chemin qui menait au bout du monde, au cœur de la matrice. La route se rétrécissait au fur et à mesure de cette folle chevauchée, mangée par la végétation délirante du lieu, elle butait à l’horizon sur une montagne haute jusqu’au ciel, une cathédrale végétale digne de la Genèse, un univers peuplé de géants verts - shorea, ficus étrangleur, flamboyant, pandanus et autres dipterocarpacea inondaient l’espace -, les rois de la canopée, des arbres multi centenaires se dressant fièrement à la conquête de la couronne du soleil dans la gloire des tropiques.
Je fonçais à tombeau ouvert sur la lisière des confins insoumis, il me faudrait après continuer à pied, je n’avais pris que le billet aller et franchis ainsi le point de non-retour sans regret. Je m’enfonçais dans les sylves sur le domaine des Génies, la terre de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs qui finirent tous dans les bistrots des villes à se noyer dans la gnole. Plus d’essence, plus de route, plus une âme. Je marche vers mon berceau, j’ai mille ans, un lit d’épines au milieu des palmes. Quelques totems animistes rappellent la trace des derniers chamans venus s’éteindre là. La dernière frontière. Je continue dans ce no man’s land, je largue toute amarre, l’ivresse des profondeurs. Je m’offre aux dents des sylves, les fourmis sont les pires, pas une cigale ne traine par ici.
La nuit tombe, je continue encore. Une armée d’ombres défile, le royaume des fantômes. Des feux follets m’arrivent de tout côté, ça bombarde comme jamais, c’est la guerre des lucioles dans la haute forêt. La faune entière se planque, terrée, tous aux abris quand mille et un hiboux débarquent dans leur sanctuaire, que des Grands-Ducs passé minuit, une cour, un parterre, des foules de chouettes hululent derrière eux telle une horde de groupies venue assister au show, un vrai bordel que cette jungle, très loin du récit des naturalistes. C’est maintenant le bal des mygales en ouverture, un exercice de haute voltige sur leurs toiles gigantesques… avant que les Grands-Ducs n’entrent en scène pour un opéra lyrique, le clou du spectacle. Les fauves, dociles comme des toutous, occupent le premier rang, ils ne veulent rien rater du concerto, mais une bande de pangolins irrévérencieux leur gratte la première place, niquées les panthères.
Y a même une famille éléphant qui se joint ce soir à la troupe pour improviser un ballet rose à faire pâlir Hicolas Nulot, aucune morale ces pachydermes. Exceptionnellement, une troupe de crocodiles marins des mangroves du coin est venue présenter son nouveau spectacle : La rage du saurien. Gibbons et pitons réticulés participent à la danse, c’est la rave de la jungle, bien loin des histoires débiles que nous content les spécialistes de ce milieu sauvage, des conneries que cette fable de chaine alimentaire, le genre animal ne pense l’essentiel du temps qu’à se défoncer et faire son cinéma dans son arène en mâchouillant des herbes folles et des champignons magiques, son cabaret à lui, n’en déplaise aux puristes et autres ushuaiaistes. Le genre animal est aussi dingue que le genre humain, qu’on se le dise. Il suffit d’observer mon chat cinq minutes pour en avoir pleinement conscience.
La preuve ultime, je discutais en aparté avec mes plus proches cousins dans ce milieu insolite, avec trois macaques chelous pour être précis qui zonaient en quête de rapines, trois voyous. Et bien ces effrontés ne pensaient qu’à braquer le miel des abeilles royales des sylves. Faut dire que tout est royal dans cette putain de jungle, aucune règle, chacun n’en fait qu’à sa guise, ils sont tous rois ou reines de quelque chose, une révolution éternelle, une véritable anarchie règne dans ce bouquet de forêt primaire. Une utopie.

 LE ROMAN DE LA VIE (synopsis) Le 06 FÉVRIER 2022

Jusqu’à 8 ans, je voulais être toubib á force de jouer au docteur avec les filles de mon âge, le genre féminin m’a embrouillé d’entrée dans l’existence, je n’avais d’yeux que pour elles, j’étais grave perché, j’étais mystifié et rien depuis n’a changé. A 10 ans, je me voyais cosmonaute tellement j’étais dans la lune, je me pensais Sélénite, arrivé sur terre par accident sur une météorite. A 12, l’âge con, je jouais aux billes ou courais derrière un ballon me prenant pour le roi Pelé. A 14 ans, le temps des révélations, je voulais devenir hippie, le seul statut intéressant dans la société me semblait-il, je venais de rencontrer le messie, il s’appelait Hendrix Jimmy. A 16, je partais en stop avec un pote, guitare en bandoulière, jusqu’au Sud de l’Italie, des babas nous avaient planqué dans leur minibus rose pour passer la frontière, j’avais dit à mon père que je partais camper à Villefranche de Lauragais mais le camping fut complet à notre arrivée et Naples n’était pas si loin, nous restions sur le continent européen. A 18, passeport en poche, vint le temps des grandes envolées, si Rimbaud s’était enfui tôt dans les confins de l’Asie, je ne vois pas pourquoi moi j’aurais passé mes vacances à St Sulpice les Bains ou bien au Cap d’Agde.
Quelques années en fac de Lettres et sciences humaines ensuite, les années jazz, manière d’apprendre la paresse et m’égarer plus encore sur le chemin des Poètes Maudits tout en bossant fort mes gammes sur quelques mélodies barrées entre Charlie Parker et Miles Davis dans les transes de Bob Marley. Assez de temps pour prendre conscience que le boulot n’était vraiment pas fait pour moi, trop rêveur, trop fainéant, tant d’autres postulaient pour un emploi que je préférais passer mon tour et leur laisser gentiment ma place, mon côté humaniste. Quitte à ne vivre que de bohème.
A 31 ans, dégouté des affres de l’hiver, je déménageais sur le continent asiatique, version tropiques, là où les cocotiers s’épanouissent, au pays des cigales et des grillons qui nous composent sans interruption l’hymne d’un éternel été, mousson ou non, je laissais définitivement aux autres le réveil au clairon dans les brumes hivernales d’Occident, marre de se les geler.
A 33 ans, j’écrivais mon premier roman, rien ne me semblait plus bandant que d’écrire ainsi des proses dans l’air du temps, je n’étais toujours pas partant pour chercher un vrai boulot, partagé que j’étais entre l’oisiveté du crapaud et la contemplation du néant. Ce n’est qu’à l’âge de 42 ans que je paniquais grave soudainement quand j’ai vu naitre ma fille sans un rond, pensant qu’il lui faudrait autre chose dans l’estomac que quelques poèmes, ça bouffe grave les mioches, ça ne pense même qu’à ça, des ventres. Ne sachant rien faire, je ne pouvais frapper aux portes afin de me faire embaucher, tous m’auraient ri au nez.
C’est donc à ce moment-là que je créais ma société d’excursions pour prétendre à une relative prospérité, à quelques billets qui furent tous engloutis par ma môme tout du long, je n’ai jamais pu thésauriser, un vrai tsunami sur le compte bancaire, un effroyable ouragan dans les finances que la naissance d’un enfant, j’aurais su ça avant que j’aurais direct conseillé à sa mère l’avortement, voire carrément l’abandon dans une mangrove à l’horizon sous le firmament au sanctuaire des varans. Au fil du temps, nous nous sommes habitués l’un à l’autre, je pensais même que plus tard elle financerait ma retraite vu le retard que j’ai pris pour cotiser, mais je m’aperçois à regret qu’elle est aussi feignasse et dingue que moi, c’est désolant, elle ne pense qu’à lire, dessiner, peindre et composer quelque blues ou requiem entre violon et piano. C’est pas gagné ma retraite. Je finirai clochard sous le pont Sarasin, le seul pont sur cette ile, c’est certain.
Je réalise, à cette heure où je vous parle, qu’à mon âge, j’ai passé autant de temps en Asie qu’en France. Pile poil. C’est inouï. La vie est un roman.

 LE TEMPS QUI COURT Le 17 OCTOBRE 2021

On atteint des âges inouïs chemin faisant sans pour autant être comptable du temps qui passe, tout file si vite, à la vitesse de la lumière à vrai dire. Le temps qui court sans qu’on puisse lui faire la cour, sans détour. Depuis toujours, j’ai l’impression d’être en roue libre, sans frein aucun, le vertige. Certes, je fais pas mal de pauses sur ma route si j’en crois les quelques êtres qui m’accompagnent dans l’existence dont ma fille qui ne cesse de me dire que je serais plus oisif que le crapaud encore, elle a lu Rimbaud je pense. Bien sûr, dans le monde du labeur, personne ne m’appela jamais Stakhanov, je fus trop bercé par le chant des cigales, trop distrait, j’ai bayé trop tôt dans le lit des corneilles, je n’aurais jamais la médaille du travail, l’âme des poètes maudits m’a davantage inspiré que celle des saints ou des héros de la reconstruction – moi, mon thème, c’est plutôt la déconstruction, tous dogmes mélangés, vous voyez ? C’est ainsi, j’ai besoin de pauses pour humer l’air du temps, pour observer la danse des nuages et des vagues, pour scruter le large entre firmament et horizon. Mais ne vous y trompez pas, les émotions passent aussi vite, que ce soit pour celui qui conduit un bolide à une vitesse record ou pour ce pèlerin lyrique assis sur le rivage qui se déchire au fil des paysages sur des lambeaux d’azur dans la rage de la mousson.
J’ai chevauché les varans de Komodo, les tigres du Bengale, j’ai même fait du rodéo sur les sauriens de Bornéo. J’ai murmuré à l’oreille des éléphants, leur susurrant de tendres mots afin que le pachyderme ne se la joue barjot. Poursuivi par un gorille, je suis monté sur la cime du Kilimandjaro pour qu’enfin il me lâche le dos, petit joueur le gorille, un rigolo. Au Népal, j’ai marché sur les neiges éternelles sous ecstasy pour rencontrer le yéti, c’est un baba des Seventies qui m’avait refilé dans ma jeunesse ce plan inouï, le mec avait passé des années à Katmandou autrefois dans ses années folles, il en avait oublié Paris. J’ai rencontré la bête sur le plus haut sommet, le mont Everest je crois me rappeler, il était content de voir un mec aussi perché que lui, nous avons ensemble bu l’apéro tels deux nouveaux amis. Franco, je lui demandais comment faisait-il pour tenir seul ici, le monstre m’avoua qu’en haute saison tant d’alpinistes trainaient dans les environs qu’il leur braquait leurs gourdes de gnole quand tous dormaient, la nuit. Il pouvait toute l’année tenir ainsi, un savant mélange de cigale et de fourmi. Même là-haut, on boit jusqu’à la lie.
Plus tard, j’ai traversé les océans sur une coque de noix à moitié pourrie, et me suis posé au pays des volcans, tout d’abord à Bali. Epris de transes ramayanesques, j’ai dansé sans fin au son du dalang jusqu’à la furie. Aujourd’hui, je vis toujours sur une ile dans les confins de l’Asie où je passe mon temps à chevaucher en journée calamar géant et requin-tigre pour garder la forme avant de rejoindre quelques étoiles de mer dans les bas-fonds la nuit. Bon, je vous abandonne là, une raie-manta m’emmène dans la province de Krabi, une vraie lambada pour un tournage inédit, à voir prochainement dans Koh Lanta et RATE Reportage spécial biographie, qu’on se le dise, l’odyssée d’un immigré sans boussole, sans compas, sans astrolabe, perdu sous les tropiques, le héros que je suis entre dengue, tsunami et pandémie tout au fond de l’Asie. Ma vie, quoi. A ne pas manquer, tous à vos wifi !
Le temps qui court, ainsi, dans la furie des éléments sous la ronde des astres pendant que ces dingues de transhumanistes veulent nous faire vivre mille ans, c’est sans moi. J’attends déluge et apocalypse avec gourmandise.

 RÉPONSE  D'EMMANUEL MACRON Le 03 SEPTEMBRE 2021

Suite à ma récente requête et supplique à Macron dans ma lettre au Président (voir la lettre du 1er août), je reçois un coup de fil à l’instant de l’Élysée, je vous livre notre échange téléphonique :
- Dis, petit con, tu m’as pris pour l’Abbé Pierre ?
- J’avoue, oui, Sir Emmanuel.
- Comment ça Sœur Emmanuelle ?
- Mais non, Sir comme disent les Anglais.
- Ah bon, je préfère, sinon tu vas en chier plus encore, je t’envoie direct Benalla, il va te calmer lui.
- Et pour mes aides ?
- Ça y est, ça te reprends. Tu m’as déjà vu avec un bonnet rouge et une hotte sur le dos avec un putain de traineau ?
- Pardon ?
- Tu m’as pris pour le père noël ou quoi ? Abruti !
- Je vous en prie, soyez poli.
- Fais pas trop le malin, j’en fais de la charpie, moi, du petit Thierry.
- Alors je vais crever sans une aumône de votre part ? Monseigneur, je suis aux abois.
- J’aime bien quand tu m’appelles ainsi.
- S’i vous plait, Votre Altesse.
- Bon, je vais pas te laisser tomber pour autant malgré ton insolente plume.
- Ah bon, il reste un espoir donc ?
- Oui, enfin, rêve pas trop. Je t’envoie un de mes portraits avec une dédicace et une carte LREM gratos.
- C’est tout ? Pas de pognon ?
- Comment ça, c’est tout ? C’est déjà énorme, non ?
- C’est pas géant.
- Comment ça, c’est pas géant ?... Benalla ! Benalla !... Putain, il est où ce con de Benalla ? Il doit être encore en train de tabasser quelques manifestants. Ah, le voilà : Alex, va régler son compte à ce clochard sur Phuket, pète-lui les doigts pour en finir avec ses lettres.
- Vas y, Manu, envoie-le ton Benalla, je l’emmène direct dans mon excursion «Voyage au cœur de la forêt primaire», t’es pas prêt de le revoir ton cerbère.
- D’un autre côté, ça m’arrange bien que ce benêt disparaisse, il va pas me manquer.
- Manu, c’est négociable, il suffit juste de fixer un prix.
- OK, Thierry, combien tu veux ?
- 20 mille en avance, et un bras après qu’il se fasse bouffer par un python réticulé.
- Ça marche, je t’envoie 20 mille bahts.
- Je parlais en Euro.
- Ah non, ça va pas le faire.
- 10 mille alors ?
- 500 euros, pas plus !
- Putain, elle vaut pas cher la peau de Benalla.
- C’est un bras cassé. Dis, tu me prends combien pour la peau de Marine en excursion ?
- 200, pas davantage.
- OK, Thierry, je t’envoie 200 euros.
- Manu, je parlais en bahts.

 LETTRE AU PRÉSIDENT EMMANUEL MACRON Le 1er AOÛT 2021

Assommé de misère depuis un an et demi, depuis que je ne peux exercer mon activité professionnelle faute de touristes, pandémie oblige, j’ai appris que l’ambassade de France accordait des aides aux expatriés en difficulté en cette année 2021, 112 euros pour ma pomme et 70 euros pour ma fille encore scolarisée. Je n’ai eu que tard cette info ne bénéficiant que sporadiquement d’une connexion internet, et j’ai de suite postulé en mars dernier pour en bénéficier ne sachant comment me nourrir seulement. A dire vrai, depuis mon statut d’étudiant où je fus boursier, il y a quatre décennies de ça, je n’avais jamais demandé quoi que ce soit à la république française, pas le moindre euro, pas même la Sécu. Je fais partie de ceux qui sont partis tôt faire la vie sous d’autres cieux que l’hexagone, à l’autre bout du monde, me débrouillant tout seul contre vents et marées. Je n’ai jamais pensé, parce que Français, que l’état était un genre de père noël, je n’ai jamais profité du système quelle que soit ma galère du moment tout durant. Je remercie néanmoins l’école de la République jusqu’à l’université de m’avoir offert un enseignement d’excellence, je n’oublierai jamais.
Le 25 mai dernier, ne voyant toujours pas la moindre aide venir, je me décidai à écrire au Président Macron pour l’interpeler face à ces aides jamais perçues jusqu’alors, et lui relatais en toute objectivité mon agonie sous nos tristes tropiques, je croyais qu’ils avaient perdu mon dossier pour dire vrai, le facteur pas de chance pour la seule fois où je prétendais à une obole depuis mes vingt ans. Une réponse laconique me fut envoyée sans pour autant faire avancer le schmilblick d’un pouce, sans effet donc, une lettre morte en somme. Je vous donne la copie de ma Lettre au Président.
Aujourd’hui, le 1er août, presque six mois après avoir demandé cette aide, je n’ai reçu avec ma fille jusqu’à ce jour que deux versements de 200 euros alors qu’un fonctionnaire consulaire m’a téléphoné début juillet, pour la Saint Thierry sans plaisanter, m’assurant que je recevrai courant juillet le retard de ces aides, un mensonge de plus à la clé puisque ce ne fut aucunement le cas, seule la misère me reste fidèle faut croire, la seule qui ne ment jamais, la seule qui tient ses promesses.

Monsieur le Président,

Excusez-moi si ma plume tremble, c’est la première fois de mon existence que j’écris à un président. Et pour tout vous dire, je n’aurais jamais cru, un jour, le faire. Les circonstances du moment, saloperie de pandémie oblige, me poussent donc aujourd’hui à vous écrire en désespoir de cause face à cette misère. Sachez que j’ai attendu le moment ultime pour vous adresser cette missive, je ne me serais jamais permis sinon. Mais la situation est si grave que j’ose un cri, façon Edward Munch, dans la nuit des iles sous nos tristes tropiques. Laissez-moi tout d’abord vous dresser le tableau, me présenter. Je m’appelle Thierry Costes et vis à Phuket où, il y a presque vingt ans, j’ai créé une petite société d’excursions, Siam Evasion, afin de générer quelques revenus pour nourrir les miens. Étonnamment, ma petite entreprise fut d’entrée un succès, c’est ainsi que j’ai collaboré avec le Club Med Phuket pendant plus de quinze années question balades tropicales pour ne prendre que cet exemple. Je vous rassure, je n’ai jamais fait un pognon de dingue, je n’ai jamais gagné des millions, je ne bossais que 120 jours par an au plus, mais assez pour vivre bien et permettre à ma fille, Nina Costes (17 ans déjà), d’étudier dans une des meilleures écoles de Phuket. Je ne l’ai jamais emmenée en vacances dans un autre pays que la Thaïlande où elle est née faute de moyens suffisants mais elle a eu au moins ce privilège de bénéficier d’un enseignement d’excellence, c’est déjà pas si mal. Sauf que là, c’est mort, je n’ai pu assurer ses frais de scolarité l’année passée faute de business, et cette année cruciale où elle passe l’équivalent de la Terminale avant la faculté la voit exclue de son lycée malgré de brillants résultats, faute de paiement. C’est cruel mais c’est ainsi. Mais tout ceci n’est rien à côté de ce qui suit.
Nous ne pouvons même nous nourrir aujourd’hui, Nina et moi, et tous les samedis venons quêter un sac de riz et quelques soupes lors des distributions hebdomadaires pour indigents sur Phuket. La zone, quoi. Pire encore, ce matin, le propriétaire de notre demeure sous les cocotiers nous a signifié un préavis pour quitter les lieux ce mois-ci après plus d’un an de loyers impayés. Nous atteignons ainsi le stade de clochards désormais. J’ai bien tenté de remplir un dossier pour bénéficier d’une modeste somme allouée aux expats français ici, de l’ordre de 200 euros mensuellement il paraît. Aussi modeste que cette somme soit, elle est salvatrice dans ce marasme, ne serait-ce que pour se nourrir seulement, mais après deux mois d’agonie depuis le dossier rempli et accepté, je n’ai pas même reçu un Euro symbolique, c’est à pleurer. Tous ceux qui restent ici dans notre communauté touchent cette aide sans trop attendre, il est surprenant que le plus déshérité d’entre tous, moi en l’occurrence sans arrogance aucune, ne touche que dalle pour l’instant. Et cette somme ne peut être suffisante pour nous donner un toit ainsi qu’un lycée sur Phuket cette année pour que Nina puisse finir son cycle scolaire et passer son baccalauréat. Une misère. Que faire ?
Depuis mon statut d’étudiant où j’ai eu l’honneur de bénéficier quelques années durant d’une bourse, il y a longtemps déjà, je n’ai jamais sollicité la moindre aide de notre république. Enfant de Rimbaud, je suis parti danser sur les rivages et cratères au pays des volcans et des tsunamis. Davantage cigale que fourmi, j’ai erré ainsi entre palmes et épines dans les sylves et les cités d’Asie. Ce fut mon odyssée. Mais que faire aujourd’hui dans cette extrême misère pour survivre hormis sucer des cailloux pour tromper notre faim et dormir dans la rue ? C’est pourquoi je lance cet : Au secours !
Monsieur le Président, du haut de ma détresse, je vous salue, et la magnifique Nina vous salue aussi. On a beau être misérable, il nous reste un semblant de panache pour cette dernière révérence avant le trépas. S’il vous plait, Sir Emmanuel, trouvez une solution par compassion parce que nous, là, on est déjà moribond.

« Je suis de race inférieure de toute éternité. J’attends Dieu avec gourmandise. Maintenant je suis maudit. » (Arthur Rimbaud)

Très cordialement
Thierry Costes

 SEUL DANS LA NUIT Le 22 juillet 2021

Il errait dans cette ville fantôme, pas une âme ne montrait sa face, pas même aux fenêtres, un désert urbain. Seuls quelques chiens fouillaient les poubelles sans fraternité aucune, le moindre nonos était disputé à grands coups de gueules, des rixes terribles entre crocs et grognements. Il continua de déambuler sans but dans cette cité qu’il avait pourtant connue autrefois fourmillante, où la vie ne s’arrêtait jamais entrainant les foules dans une ronde incessante qu’il soit midi ou bien minuit.

La pandémie avait tout balayé, tout éteint, le monde vivait désormais confiné, enfermé, cloitré, terré. De temps à autres, quelques scooters apparaissaient dans les rues amenant des repas commandés, seuls les boys Home Delivery semblaient fonctionner animant par intermittence les artères de la cité. Ambulances et pompes funèbres assuraient également leurs services, à se demander par ailleurs pourquoi ces connes d’ambulances continuaient à faire crier leurs alarmes alors que pas un chat n’était dehors pour freiner leur course, des dingues en furie qui ne savaient conduire sans les décibels à donf pour nous faire plus encore flipper, des tarés.

Ecoles, commerces et marchés étaient tous fermés, pas un lampion à l’horizon ne venaient éclairer banques et boutiques, on aurait pu facilement croire qu’une bombe à neutrons lâchée dans les faubourgs ou dans le cœur même de la ville avait soustrait toute vie dans ce désormais néant, ce vide. Parcs, piscines et gymnases étaient barricadés afin que pas un ne sorte son nez ne serait-ce que pour oser une promenade, un jogging, quelques pompes ou une brasse coulée. Suicides et dépressions atteignaient des records jusqu’alors jamais atteints, les explosions au gaz étaient coutumières pour ceux qui ne savaient mettre fin à leurs jours sans emporter avec eux les voisins dans leur tombe, les affres de l’existence dépassaient ô combien les réjouissances malgré Facebook et Netflix.

Les animaux domestiques pissaient et chiaient sur les balcons si balcon il y avait, sinon c’était litière pour tous une fois pâtés et croquettes avalées, on ne comptait plus ceux qui craquaient et balançaient direct leur cleps par les fenêtres tellement ils étaient dans la merde. Les piafs en cage finissaient dans la casserole ou bien dans la gueule du chat, c’est selon, il n’y avait plus de compassion.

Il errait dans cette ville fantôme, la faim au ventre, le blues aux tripes. Pas un piéton autre que lui ne sillonnait trottoirs et boulevards, pas même un clochard pour échanger un mot en partageant un verre de mauvais pinard quand il se fait tard. Aucun bus ou camion, pas la moindre auto pour se jeter sous les roues et en finir au plus tôt dans le noir. Pas un seul pont non plus dans cette cité aujourd’hui moribonde pour se jeter à l’eau. Il était condamné à survivre, à moins d’avoir les couilles de se faire hara-kiri, mais c’était un pleutre, le courage lui manquait pour partir ainsi, il n’aurait pas osé non plus se mettre une balle dans la cervelle de peur de se manquer et, de toute façon, il détestait flingue et fusil, il n’avait jamais touché une arme de sa vie. Seule la plume le branchait, il aurait voulu mourir de mélancolie, mais c’est long ces conneries avant de s’éteindre, il faut passer sur ses cahiers, sur sa feuille des années, des décennies, un temps infini. Mais peut-être ne voulait-il pas en finir hormis sur un élan de poésie.

Il errait dans cette ville fantôme, dans cette cité aujourd’hui maudite, il marchait hagard au hasard des rues, des avenues, le spleen au ventre, sa tête pleine de drames, de folies. Il déambulait sans but, sans espoir, sans plainte, sans lendemain, sans bruit. Il errait ainsi, seul dans la nuit.

 LA VIEILLE (suite) Le 18 Juillet 2021

Je fis donc le pèlerinage jusqu’à l’endroit où l’on retrouva sa dépouille, un gardien du parc national m’accompagna à l’aube, on partit dès six heures, le versant Est de la montagne nous offrait de la clarté jusqu’en fin de matinée, l’heure où il nous fallait redescendre, l’obscurité est reine de ce coté dans l’après-midi et la pénombre tombe vite quand l’astre solaire éclaire l’autre versant de ce relief haut de presque deux mille mètres, le point culminant du sud-thaïlandais, un des plus hauts du royaume de Siam, le troisième je crois. On marchait déjà depuis trois heures dans cette putain de jungle, je me demandais comment la vieille avait pu marcher ainsi au milieu des cobras et des épineux, c’était super loin et très abrupt, on ne progressait qu’en s’accrochant aux branches en jetant un regard avant pour ne mettre la main sur une mygale ou un scorpion et autres folies qui peuplent cet univers. Elle avait choisi une sente qui menait au sanctuaire des panthères, les noires me dit mon guide, je reconnaissais bien l’âme joueuse de mon hôte, son dernier caprice. Peu de rangers, les seuls qui sillonnaient ce géant massif forestier, osaient s’aventurer jusque-là, la végétation était trop dense et on avait peine à progresser, un enfer pour arriver sur ce plateau où une pause s’imposa avant de remettre ça pour atteindre la tombe de mon amie ici enfouie. Une heure encore à gémir dans ce paquet de ronces pour enfin toucher au graal.

Un arbre mort surgissait dans ce sous-bois, le boss des rangers me dit que la foudre l’avait abattu, c’est là que la vieille s’abandonna, là où ils retrouvèrent un bout de squelette et son sarong qui permit de l’identifier, c’est grâce à ce bout de tissu que l’on put mettre un nom sur ces quelques os. D’ici, on entendait les chutes d’eau, tout près, ce sous-bois était définitivement un joli endroit qui contrastait avec ce parcours de combattant effectué et digne d’un chemin de croix. On aurait voulu ne plus redescendre et rester là à attendre la nuit, mais le chef des rangers ne fut pas de cet avis. Je luis dit que je redescendrai seul et qu’il était inutile de m’attendre, il me regarda ahuri et ne put se résoudre à me laisser seul ici. J’insistai, et puis finalement, il partit en me promettant de ne pas rester là passé midi. Sur ce versant de la montagne me dit-il pour la énième fois, l’obscurité s’installe tôt, le crépuscule s’annonce dès 14h, personne dans cette jungle folle ne survit dès que tombe la nuit.

Je m’installai, donc, et composai une petite prose que je laisserai au pied de ce géant mort qui autrefois fut roi dans cette forêt, cet arbre trônait sur la canopée avant d’être noirci par la foudre. Au vu de la circonférence de son tronc, tout au moins ce qu’il en restait, on pouvait imaginer que sa hauteur atteignait alors cinquante mètres facile, il touchait aux nuages. Un dieu, quoi. Il vivait là depuis mille ans peut-être, lui seul pouvait accueillir mon amie centenaire à son pied. Je sortis de ma musette un magnum de gnôle pour boire une dernière fois avec l’esprit de la vieille, je suis certain qu’elle aurait aimé cette idée, nous avons bu tant de bouteilles ensemble. Je me posai sur un tapis de fougères, sortit carnet et plume pour composer une oraison funèbre, et me servit un premier verre.

Je ne tardai pas à m’en boire un second, et puis un troisième à la gloire de ce petit bout de femme qui n’avait déjà plus d’âge lors de notre rencontre, elle qui m’hébergea et me soigna des jours et des nuits autrefois quand dans mon cœur il faisait froid. Je lui devais bien ça à la vieille, ce pèlerinage insensé dans ce bouquet de forêt primaire inouï, un des plus impressionnants dans le Sud-Est de l’Asie, Khao Luang national Park, le domaine des grands fauves, tigres et léopards, un no man’s land vieux comme le monde, une jungle infranchissable dans les confins insoumis. Je me devais de venir là puisqu’elle avait décidé de mourir ici. Je n’osais penser à la redescente dans l’après-midi, il paraît que c’est pire que la montée, je n’étais pas vraiment sûr de retrouver mon chemin à vrai dire, mais sur une montagne pas besoin de boussole, il suffit de suivre la pente pensais-je, un vrai bordel ceci dit dans cette jungle. Du coup, je me refis quelques autres verres cul sec pour chasser l’angoisse naissante. Je n’avais aucune idée de l’heure sur le moment, je n’avais ni portable ni montre, ma pendule était céleste. Sauf qu’au cœur de la forêt primaire, on ne voit jamais le ciel, du sol au plafond on ne voit que du vert avant que tout ne devienne sombre, le royaume des ombres.

J’oubliai vite ma crainte à grand renfort de brandy, la vieille n’aurait pas aimé que je lui fasse faux bond sous prétexte que je flippais de passer la nuit avec elle pour une ultime ivresse dans ce lieu où vivent les grands félins, où naissent les chutes d’eau de Krung Ching, le domaine des dryades, les nymphes des sylves. Ainsi boosté, je continuais ma prose à la mémoire de cette vieille dame qui fut mon amie le temps de quelques mois au pied de cette montagne sacrée, son berceau et sa tombe. A force de verres, je touchais au fond de la bouteille. Par chance, j’en avais emporté une deuxième que je pensais laisser pleine au pied de l’arbre mort comme une offrande pour que le fantôme de la vieille vienne se rincer le gosier, je me promettais tout de même d’y laisser au moins la moitié en entamant cette seconde et dernière bouteille de gnole. Pour vous dire la vérité, j’étais déjà bourré dès le premier magnum vidé, mais le ressenti n’est pas le même au milieu de la jungle. Et je ne savais toujours pas quelle heure pouvait-il être alors que Super Ranger m’avait fait jurer que je ne dépasserai pas midi pour redescendre. Je me persuadais qu’il devait être midi dix au pif puisque le soleil nous avait quitté, il avait changé de côté, et me resservis gaiement un grand verre pour oublier cette putain d’heure.

J’avais sûrement trop bu, je voyais maintenant une panthère devant mon nez, une noire, je ne voyais que ses yeux qui me fixaient, une autre venait, elles étaient deux maintenant, à moins que je voyais double déjà, je ne saurais dire, je n’osais bouger, j’étais fasciné par ce spectacle, les deux fauves n’avaient que quelques mètres à faire pour me bouffer, un seul bond suffirait. J’avais beau me pincer et me mettre des claques, les deux monstres étaient toujours devant moi. Je ne rêvais point, j’étais pas dans la merde. Etrangement, les deux sœurs siamoises sont restées là à me mater, j’en ai complètement oublié l’heure pour tout vous dire, c’est pas tous les jours qu’on se retrouve face à des panthères. Autant en voulaient-elles à ma bouteille d’eau de vie, par précaution je m’enfilai une sacrée rasade pour me donner du courage, il était hors de question que je partage au vu du peu qu’il restait. L’une d’elles s’approcha et se posa à deux mètres à peine de moi, je flippai la race des miens tout en serrant fort la bouteille. Elle rugissait, la magnifique, une dentition exceptionnelle, je ne savais la marque de son dentifrice mais c’était du lourd, du blanc, rien que du blanc, phosphorescent, elle aurait fait fureur chez les industriels de la bouche, une super Star. Par contre, elle en rajoutait grave sur les grognements, son langage à elle, que de la gueule. Je me décidai à lui lire l’ébauche de ma prose à la gloire de mon amie sorcière qui était venue jusque-là pour mourir dans leur sanctuaire à elles. Du coup, Bagheera m’écouta religieusement, elle ferma enfin sa grosse bouche, et m’applaudit même lors du point final, elle fut apparemment séduite par mon alchimie verbale et appela direct sa frangine pour venir écouter de plus près. J’avais enfin un public désormais. C’est ainsi que je me décidai à passer la nuit ici.

 LA VIEILLE Le 04 Mai 2021

La prose qui suit est une histoire vraie, j’ai bien connu cette Dame autrefois, je me devais de la sublimer sans pourtant romancer en guise d’oraison funèbre. Elle s’appelait Manorah.

Abruti de miasmes, plaies et fièvres mélangées, je pris pied dans une bourgade improbable dans la province de Nahhon Sri Thammarat sur les bords de la mer de Chine. Une vieille rencontrée au marché insistât pour soigner mes blessures et ma faim, elle me prit sur sa pétrolette et m’emmena d’autorité chez elle où je repris forme humaine au fil des jours. Elle avait beau ne posséder qu’une maison à moitié bouffée par les termites où poules et canards venaient s’ébattre, sa demeure me paraissait tel un palais. Son jardin était digne de Babylone, une Babylone ruinée et dévastée, où seuls un papayer mâle et un manguier atrophié poussaient au milieu d’une jungle qui envahissait le lieu. Je ne savais quel âge donner à cet ange déchu, la vieille était presque centenaire mais portait belle, elle avait perdu ses trois enfants et son mari alcoolique à quelques mois d’intervalle, il y avait longtemps. Son fils était mort à vingt ans d’une overdose et ses deux filles d’un accident de bagnole. Le mari, lui, était parti dans une cirrhose foudroyante, ça lui pendait au nez. La vieille survivait seule avec ses souvenirs et sa bouteille de gnole qu’elle débouchait au crépuscule. On aurait dit qu’elle attendait de crever, mais la mort ne voulait pas d’elle, alors elle vivait ainsi sans larme ni sourire. Cette dame m’a peut-être sauvé, toujours est-il que j’ai passé chez elle un séjour digne d’un royal invité entre ses petits plats, ses pansements et les quelques rasades de gnole partagées sous la voute dans ce havre de paix.
Elle vivait là, presque recluse. Sa baraque était posée au pied du point culminant du sud de la Thaïlande, la plus haute montagne, Khao Luang, deux mille mètres d’altitude, une jungle dense épousait ce relief où l’on pouvait admirer les plus impressionnantes cascades du royaume, Krung Ching Waterfall. Je baguenaudais souvent dans ce sanctuaire de la vie sauvage mais rejoignais toujours la bicoque de la vieille avant que la nuit ne tombe de peur de me faire bouffer dans ce nid de cobras et de pythons réticulés. Tigres et panthères noires peuplaient cette cathédrale végétale, il valait mieux déguerpir tôt, avant que la chaine alimentaire ne se déclenche pour une nouvelle orgie nocturne, pas un n’aurait pu survivre plus de quelques heures dans cette jungle au clair de lune. Et puis la mamy se serait inquiéter de ne me voir redescendre pour l’apéro, elle aurait pris son vieux fusil pour venir me chercher dans ce panthéon de prédateurs une fois la nuit venue, elle n’avait peur de rien, elle vivait là depuis toujours et ce n’est pas un léopard qui l’impressionnerait.
Je la rejoignais dans les feux du crépuscule, on se buvait à deux une bouteille de gnole en matant les chauve-souris qui passent. Les grillons seuls brisaient le silence. Des fois, elle me confiait quelques secrets sur ce monde sauvage et insoumis qui l’entourait, elle me racontait des histoires de vieux hideux qui se métamorphosaient en chouette dans les tréfonds des sylves après leur râle dernier. Elle me contait le ballet des sylphides et oréades sur les cimes de Khao Luang lors de la lune noire, je buvais tous ses mots et écoutais religieusement ses songes entre mythes et légendes. Je plongeais dans ce monde irréel sans frein et revenait sur le plancher des vaches dès qu’elle me sommait d’aller chercher une autre bouteille de gnole sous son lit pour finir la soirée.
Je passais des jours magnifiques à ses côtés sur un accord parfait, je me régénérais. Un matin, je l’ai quittée, je reprenais route et balluchon, elle me mit une poignée de feuilles, d’herbes et de billets dans ma musette ainsi qu’une bouteille de gnole et nous nous sommes dits adieu. La veille, lors de notre dernière soirée ensemble, elle me conta une histoire étrange et drôle en forme de testament, elle en avait marre de vivre, un siècle de chienneries suffisaient me dit-elle, peut-être irait-elle s’éteindre sur les hauts de sa jungle natale où naissent les chutes d’eau de Krung Ching et rejoindre naïades et dryades, là-bas, dans son rêve à elle.
Je ne l’ai jamais revue, la vieille, je suis repassé chez elle un an après, sa maison était maintenant entièrement bouffée, le royaume des termites. On me dit au marché qu’elle était partie une nuit dans les profondeurs de Khao Luang, sur sa montagne sacrée pour une ultime randonnée, elle n’est jamais revenue. Quelques mois plus tard, des rangers ont retrouvé son corps au pied d’un arbre mort, seuls quelques os restaient, un bout de squelette, et son sarong de fête qu’elle ne mettait que pour aller au marché tous les lundis, son seul jour de sortie. Elle gisait dans la haute forêt, sa dernière demeure, sa tombe, son mausolée.

 CLOCHARD Le 20 Mars 2021

Je repartais dans les transes du voyage, je redevenais nomade.
Après avoir marché sur le feu et me transpercer de partout dans les transes du Festival Végétarien de Phuket, je me suis jeté dans les flammes du buisson ardent à la barbe de Moïse, j’ai touché aux affres de l’apocalypse sous le regard halluciné de Saint-Jean avant que l’archange Gabriel, protecteur des écrivains, ne me délivre du purgatoire d’un froissement d’aile. J’ai plongé dans la marmite atomique des dieux mais ils m’ont banni du panthéon sous prétexte que j’étais trop irrévérencieux, ils m’ont chassé des lieux. Le diable même n’a pas voulu de moi, il faisait pâle figure quand je l’ai rencontré, il faisait pas le fier dans les enfers, il était aux abois, il n’avait plus de voix. Bouddha lui aussi me dit qu’il n’avait besoin d’un tel dingue sur ses pas. C’est pourquoi j’ai épousé la foi de Shiva, le cousin de Dionysos, les deux seuls qui m’ont dit bravo, ils m’ont renvoyé sur Terre pour aller faire mon show.
Ainsi retombé sur le plancher des vaches j’ai fait du rodéo sur les crocodiles marins, j’ai chevauché les varans de Komodo. J’ai fait le singe au milieu des cobras royaux, j’ai même nargué les scolos (scolopendres). Je me suis noyé aussi dans la jungle des cités avant de renaître écolo dans les sylves de Bornéo. J’ai marché dans les laves du Krakatoa en solo, j’ai dansé sur le cratère du Gunung Agung à Bali en pays Indo. Et puis j’ai pécho tous les coronas viraux, les plus balaises, et je les ai terrassés tel un héros.

J’ai zoné ainsi entre sylves et cités en composant des proses niaises, des ritournelles mauvaises, des refrains moyens, des poèmes sans fin. Je trouvais du charme au mauvais gout, un intérêt dans le déglingué, j’osais une autre approche, je recomposais une esthétique faite de morceaux choisis entre cruel et moche. Une nouvelle harmonie naissait dans mes illuminations, je voyais un prince en croisant un pouilleux, la pourriture même n’était pas à déconsidérer, des flaques de soleil apparaissaient dans cette Cour des miracles, les cieux prenaient une autre couleur.
J’aime les gueules amochées, les nez de travers, les dents cassées, les yeux qui louchent, les cicatrices, les grimaces horribles, les billes de clown, le regard cyclope des borgnes, les airs dans la lune… j’aime l’imparfait. J’aime les laids, les gros, les trépanés. J’aime le sourire des lépreux. J’aime les nuls et bras cassés qui vivent sans importance hormis quand ils sont bourrés. J’aime ces clochards célestes qui se moquent de tout.
J’aime les peintures délavées, les enluminures démodées, les habits rapiécés, les sculptures amputées, les ruelles puantes, les façades délabrées, les monuments en ruine, les horloges figées, les échelles bancales. J’aime la poussière, les toiles d’araignées, les vitrines glauques, les miroirs brisés, les vomissures qui sèchent sur le pavé, les tôles cassées des bidonvilles, la boue des bas quartiers.
J’aime la zone, l’anarchie, le chaos de ces jardins abandonnés devenus jungles dans la cité. J’aime le désordre sacré qui règne dans les boutiques de ces vieux bouquinistes, le bordel triomphant sur les étals non rangés. J’aime ces bouquins qui se passent de main en main, arborant annotations au crayon à papier, brulures de clope et taches de café, des livres qui vivent. J’aime entendre des psaumes de fidèles qui chantent faux dans quelques chapelles oubliées. J’aime le silence des dieux.
J’aime les tombes où poussent herbes folles, coquelicots, mousses et lierre, qui font la nique aux mausolées. J’aime ce ciel des tropiques chargé des fièvres de l’apocalypse, prélude du déluge, où des lambeaux d’azur s’évanouissent.
Et après tout ça, certains osent dire que je n’aime rien. Ma vie n’était plus que mélancolie, je l’ai noyée dans un tsunami. Le spleen est une essence, non pas une calamité. Le spleen est d’une lucidité effroyable, il est probable que lui seul nous fait survivre dans ce marasme, un tremplin inouï. La vie est d’une terreur remarquable, il est impératif de surfer sur cette vague avant de se suicider.

Je posais mon balluchon pour un temps, je squattais une jolie maison en ruine au cœur de Phuket-Ville, un vestige à l’architecture sino-portugaise dans Chinatown. Sûr que cette bâtisse avait eu autrefois son heure de gloire. Aujourd’hui encore, malgré les décombres, elle affichait un certain cachet, elle ne défigurait aucunement le quartier mais au contraire le rehaussait en prestige. Je m’éclairais à la bougie mais un puits dans la cour intérieure me donnait toute l’eau que je voulais, douche à volonté. J’étais roi dans ce palais des vents, je me la jouais grave pour tout vous dire, un cinéma inouï. Je me composais des personnages en fonction de mes historiques phantasmes après avoir fouillé le passé de cette demeure anciennement seigneuriale. Ainsi, j’étais valet ou bien maharaja, nabab ou bien eunuque, à la fois petit prince et le dernier des intouchables, je mélangeais tous les genres et me métamorphosait volontiers en dieu ou bien en gueux. Tous les soirs se jouait sur ce théâtre d’ombres une odyssée sur un air de mousson, un cortège de fantômes peuplait ce lieu hanté et m’accompagnait dans un opéra fabuleux.
Je me nourrissais de grappes d’insectes sur les marchés, surtout cancrelats et vers à bois, ne riez pas, c’est délicieux, protéiné à souhait, sans sucre ni sel ajouté, un met diététiquement parfait. Au retour, dans mon palais sans clé, une guirlande de fruits chaque jour était à l’entrée posée, je n’ai jamais su si elle était là, en offrande, pour quelques Génies et divinités ou bien si elle m’était destinée, je la mangeais sans penser déplaire aux esprits habitant le lieu, j’étais moi-même un peu chaman à mes heures perdues, je côtoyais elfes et djinns, ce monde m’était familier.
Je restai un temps dans ce palais des vents avant de continuer mon chemin sur la route des temples oubliés hors de tout réseau urbain, les bonzes me nourriront, ils ne voient pas grand monde dans ces campagnes perdues, ils auront toujours pour moi un coin à offrir pour passer la nuit. Je déambulais ainsi avec ma misère en quête de frissons bucoliques, et m’arrêtais à loisir papoter avec serpents ou oiseaux de paradis. Imbibé de fièvres, je m’en remettais aux sylphes pour toute guérison. Je mâchouillais des herbes maudites, les seules qui vous ressuscitent dans les transes paludéennes. Titubant, j’offrais des lambeaux de chair aux épineux de la haute forêt, je donnais généreusement mon hémoglobine aux sangsues reines dans ce milieu. Les fourmis seules, ces salopes, me persécutaient dans cette jungle ; moi, je suis né cigale.

Au diable espoir et sagesse, je marche sur les braises, je danse sur les cratères, je vole entre ombre et lumière lunaires quitte à me casser les dents une fois encore sur l’escalier des gémonies. Ni crainte ni frayeur devant l’abîme, je saute volontiers, ne serait-ce que pour amuser les dieux. La raison m’a quitté, je ne vis que par étincelle tel un feu follet. Les vents de mousson m’entraînent au loin vers un horizon incertain, qu’importe le destin. Ma vie est une baudruche brisée que les alizés emportent au large dans les confins de l’Asie.

 LETTRE DE NINA À MONSIEUR KLEIN Le 20 octobre 2020

Monsieur Marc,

Comment vous remercier de votre générosité, de cette fraternité que je ne connais plus aujourd’hui, Thaïs et Farangs mélangés, hormis vous dans ces temps de misère extrême ? C’est miraculeux quand on n’a même plus un baht vaillant pour acheter le moindre plat, nos assiettes sont vides depuis des semaines si ce ne sont quelques bouchées de riz noir qui ne calment aucun appétit.

Mon père revient à la maison avec des mets par vous offerts dont je n’ose rêver depuis longtemps déjà. J’avais mis une croix sur ma faim jusqu’à ces jours fastes grâce à vous, la vie est si différente le ventre plein, une lumière illumine désormais mon quotidien, ce n’est pas rien.

Je n’ai pas le talent littéraire de mon père, c’est pourquoi il a traduit mes sentiments dans la langue de Molière dans cette lettre que je vous adresse. Je n’ose même pas imaginer ce qu’il en serait aujourd’hui de nous sans vous.

Monsieur Marc, sachez que je vous remercie bien davantage que mes mots l’expriment, je suis à vrai dire sans voix devant votre miséricorde. C’est insensé que des êtres tels que vous existent encore dans ce marasme inédit où l’espoir n’est plus de mise. Je ne crois ni à l’enfer ni au paradis, je suis comme mon père agnostique, je n’ai pas été éduqué dans la lueur des cierges, des psaumes et des prières, mais quand une pensée m’effleure à votre endroit, je me dis que le miracle existe.

Du plus profond de mon cœur jusqu’au plus haut de ma flamme, je vous dis mille et une fois MERCI !

Nina
(traduction Thierry Costes)

 UNE POIGNÉE DE CONFETTIS Le 18 septembre 2020

Que l’on soit Grand ou petit, que l’on se gausse ou non du haut de sa misère quelle que soit sa situation bancaire, il n’est pas certain au bout du compte que le sort soit si diffèrent hormis pour certains l’estomac bien rempli, et pour les autres un bol de riz, ce n’est pas rien. Il en est ainsi entre tsunami et pandémie. Il en est ainsi dans la vie. Juste une poignée de confettis et quelques refrains au mieux, un chapelet de prières au pire dans le silence des dieux.

J’essaie de gérer entre spleen et mélancolie sur un tremplin de blues à l’heure du crépuscule, mais c’est pas facile. Des écarlates en délire sur des lambeaux d’azur incendient les cieux imbibés de mousson. Un volcan céleste déferle sur nos tropiques, on pourrait se damner pour vivre ça encore et toujours pour le peu qu’il reste à vivre. Il suffirait qu’une fille passe, là, pour presque croire en dieu, elles seules ont ce pouvoir de nous mystifier. Seuls le vent, la pluie, la neige et l’écume osent les imiter.

Tiens, justement, une fille arrive, elle vient illico me prendre la tête sous prétexte que je ne porte pas le masque alors que nous ne sommes que deux sur ce rivage à mater le large, elle et moi, elle exagère. Elle me prête le sien et rit dans la lumière des iles, elle est vraiment cinglée cette meuf.  Trois petits chats noirs de chez noir la suivent et se jettent sur moi, ils me prennent pour un gros poisson. Nous sympathisons et partageons ensemble quelques sardines trouvées miraculeusement dans le filet d’un pêcheur oublié sur la grève, on se croirait presque dans la Bible, ne manque plus qu’une bande de pouilleux mystiques pour faire office d’apôtres dans cette scène digne des évangiles.

Les trois bébés panthères ne nous laissent que quelques arrêtes, qu’importe. Miss Corona sort de son chapeau une bouteille de rhum et nous buvons à cette amitié nouvelle, à cette trêve dans ce monde devenu ténèbres. Sans espoir aucun – l’espoir, c’est de la merde, une pollution de l’esprit, un leurre -, nous divaguons gaiement, la tête dans les étoiles et les pieds plein de sable, nous rions de tout et de rien sans penser à demain.

Tous les cinq, nous partons ainsi en balade sur ce rivage perdu entre ciel et mer, en quête d’un bateau ivre, d’une jonque folle, d’une barque ailée, nous voulons quitter cette terre devenue aujourd’hui purgatoire, asile de dingues, et rejoindre enfin ce bout de lumière, là-bas, où naissent tous les vents, tous les feux follets. Sans adieu et sans regret, nous embarquons dans cette nuit maintenant d’encre, nous partons pour un ultime voyage au pays des volcans et des tsunamis, nous irons danser sur les cratères, de la lave jaillira de nos pores, de nos artères, nous irons chanter dans l’aube nouvelle sur le fil de l’abime sans espoir ni prière. La vie, cette chienne, nous offre parfois une poignée de confettis sur un parfum d’ivresse au milieu du néant. 

Thierry Costes - Siam Evasion

 MOI, JE SUIS NÉ CIGALE (CHRONIQUE D'UNE FIN ANNONCÉE) Le 29 avril 2020

Cela fait maintenant dix-sept ans que me suis lancé dans l’industrie du tourisme sur Phuket. Je prenais alors un virage à 180 degrés dans mon existence après une vie nomade faite d’errances littéraires sur les chemins qu’Arthur Rimbaud traça dans notre imaginaire collectif. Comme lui, je fis deuil de cet univers grisâtre qui m’a vu naitre, l’hiver me dégoutait, je rêvais de tropiques, d’un monde tout en couleur et partis sans me retourner humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliés dans les confins de l’Asie entre volcans et tsunamis.

Je voulais mordre la poussière dans la cour des miracles et partager mon repas aux cotés des lépreux dans les faubourgs de Calcutta. Je voulais entrer dans les flamboyants palais et enlever Roxelane à la barbe des maharajas ; suivre les pas de ces fous illuminés qu’on appelle sadhus et me baigner dans ce Gange sacré à l’appel de Shiva ; me perdre dans les sylves des confins insoumis ou bien dans la multitude des bidonvilles de Manille, de Bangkok et de Jakarta. Je parcourus des contrées où bouillonnaient des peuples inconnus et plongeai dans un patchwork de cultures métissées. Je rêvais de lune, de vents, de mystères, de soleils brillants, de mousson et d’écume. Mon balluchon plein de rimes, de métaphores, je m’en allai ainsi sur les chemins du monde.

Une insolite rencontre et la naissance de ma fille sur une ile quelque part dans l’Océan Indien me sédentarisa, et c’est ainsi que naquit ma petite entreprise (Siam Evasion) qui réjouit nos jours et nos nuits à l’abri de toute misère durant presque deux décennies. Pourtant les débuts furent tout sauf évidents, j’obtins mon premier permis de travail en 2004 dans ce royaume, quatre jours avant le tsunami, il est des cieux plus cléments pour se lancer dans cette aventure du business. Ce fut une hécatombe. Malgré tout, survivant, il était possible de s’en sortir encore. Aucun touriste, certes, mais tous les journalistes venus des quatre coins de la planète avaient besoin de nos services pour circuler sur les décombres. Les frontières n’étaient pas fermées comme aujourd’hui, les avions se posaient sur le tarmac de Phuket, une certaine vie économique subsistait dans ce cimetière hurlant. La vague n’aura pas suffi à nous couler.

Et puis, cette saloperie de virus, ce fameux corona, il y a peu, vint m’abattre en plein envol, me briser la nuque, direct au tapis. Tous confinés, même pas le droit de vider son spleen face aux éléments dans la tempête, à la niche comme des clébards. Finis business et tourisme, un plongeon dans l’abîme, le gouffre grand ouvert comme la gueule d’un monstre. Tel Job, je me réveille indigent dans un parfum d’apocalypse sur le panthéon des déshérités, cloué sur le fronton de Dame Misère dans les jardins du Siam. Je suis damné. Entre le sourire du Bouddha et les larmes d’Allah, je reprends la couronne d’épines issue de mon baptême. Un raz-de-marée économique comme jamais est venu tout bouleverser, les prières ne suffiront plus, seules les fourmis survivront à ce marasme. Moi, je suis né cigale. 

Thierry Costes - Siam Evasion

 LE MONDE BOIT... ET LE CORONAVIRUS PASSE Le 12 avril 2020

Confiné, confiné, ai-je une gueule de confiné ? Faut croire que oui. C’est pour ça que je ne fais plus de selfie. Comment exposer son portrait dans les transes du confinement, hein ? A ce propos, il paraît que le groupe Pernod-Ricard a décuplé son chiffre d’affaire tellement le monde picole pour oublier qu’il ne peut bouger de sa piaule. Les stocks s’épuisent, des blindés entourent les livraisons d’alcool désormais, c’est la guerre. La faim, passe encore, mais la soif, c’est un truc de dingue, non ? Bref, le monde boit et le coronavirus passe.

Le pire, c’est qu’on ne peut même plus se réunir au club des alcooliques anonymes, ils ont arrêté les réunions. Du coup, tous se sont remis à boire. Il paraît qu’aujourd’hui le nombre de pancréatites et autres cirrhoses fatales dépassent la malaria. Pas un n’en parle, silence. De plus, tous les anciens fumeurs se sont remis à fumer, et les non-fumeurs commencent à tâter au mégot tellement ils se font chier. Les dégâts collatéraux du corona. Tous les sportifs, libérés grâce au report des jeux olympiques – la nouvelle vient de tomber -, se jettent sous les tonneaux, on se lâche, c’est la fête, direct au goulot. Je vous dis pas, demain, comment l’humanité va se réveiller une fois le virus oublié. Un monde de zombies hantera nos rues, les gouvernements seront obligés de créer « L’Apéro Populaire » tellement les foules seront imbibées. Plus rien à branler de la soupe, ils ne voudront que du lourd.

En attendant, je me replonge dans mon confinement. Ce soir, c’est soirée beaujolais. Hier, c’était téquila à donf, j’ai fini tard, j’ai croisé un troupeau d’éléphants roses dans mon salon à l’aube, un vrai safari. Bref, je dors le jour, je zone la nuit entre mes quatre murs, et me relis quelques pages d’Une saison en enfer : « Boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant ». C’est pas moi qui le dis, c’est Rimbaud, personne ne pourra donc m’en faire porter le chapeau. Le monde boit, le coronavirus passe.

Oh putain, ils viennent d’en choper un, il n’était pas confiné. Ils l’ont tous balancé aux keufs en le voyant passer chelou dans l’avenue sur un air de corona. Faut dire que beaucoup n’ont plus à faire que ça, mater par la fenêtre et dénoncer à tout va. Que faire ?... Hier, ils en ont lynché un à deux pas de chez moi, il n’avait par le certificat de sortie, ils l’ont cloué direct au pilori, ça rigole pas dans ma rue, c’est l’hallali. Dès la nuit, des milices patrouillent dans la gloire du corona, pire que la Saint-Barthélemy. Sur les réseaux sociaux, c’est criant aussi, la plupart appelle au pugilat quant aux récalcitrants.

Les psychiatres ont fermé boutique tellement de dingues sonnent au portillon, un monde fou, pire que les Galeries Lafayette au moment des soldes. Des cohortes de cinglés se pressent dans leurs cabinets et avouent démences et forfaits sur le divan face au confinement. Même Freud et Lacan ne retrouveraient pas leurs petits névrosés dans ce bordel ambiant.

Chiens et chats diffusent le corona désormais, il parait, saloperie de bestioles, des battues s’organisent pour tous les buter. Canaris, perruches et poissons rouges sont en sursis, on attend les tests avant le massacre, ça va saigner. C’est le bal des gémonies.

Surtout, déconnez pas, on se lave les mains consciencieusement pendant 20 secondes toutes les trente secondes, on met le masque de Zorro, on dit bonjour à la dame sur son balcon, on se pose dans une séance de méditation plutôt que d’étriper son voisin qui tourne en boucle « On the road again » de Lavilliers et « Sur la route » de De Palmas toute la sainte journée.

Et n’oubliez pas, boire ou conduire, il faut choisir.

 DIEU, SOCRATE, LE CORONAVIRUS ET MOI Le 11 mars 2020

Mis à part quelques foyers encore perchés, nous en avons enfin fini avec ces prophètes du malheur qui faisaient autrefois leurs choux gras dès qu’une épidémie frappait à notre porte. Leurs déclarations grandiloquentes sur une éventuelle punition de dieu ne fait donc plus recette, c’est tant mieux. Faut dire que tous ces mystiques délirants nous ont bassinés pendant des siècles lors de toute pandémie en nous imposant prières collectives et marches mortuaires où chacun se refilait le bébé (cholera, peste noire ou grippe espagnole), un tremplin à virus. Exit, donc, les vendeurs d’apocalypse et autres anges noirs qui ne savent conjuguer qu’avec dieu ou diable.
Restent des légions de dingues, tous ces fachos en herbe qui profitent de ce thème du coronavirus pour amplifier la haine. Ainsi, ils préconisent un enfermement total, le rejet de l’autre, la fermeture des frontières, ils stigmatisent à tout va et nous diffusent leur psychose plus dangereuse encore que le virus lui-même. Pour tous ceux-là, le coronavirus n’est qu’un prétexte, un alibi, une chance souvent, seule leur furie les anime, ils font feu de tout bois. J’en ai même entendu un, hier à l’apéro, qui voulait rayer de la carte la Chine, la Corée, l’Iran et le nord de l’Italie après les avoir gazés par avion, un grand humaniste devant l’éternel, un prix Nobel. J'ai vite compris pourquoi tout le monde l'appelait Socrate dans le troquet.
Toujours est-il que ce fameux virus m’a cloué au tapis question business comme à peu près tous ici, à Phuket. La haute saison s’est arrêtée d’un coup. Ça démarrait pourtant très fort cette année, un pognon de dingue, et puis zéro, la misère. Des Jardins de Babylone, nous sommes tombés direct dans la cour des miracles. Ne flippez pas, je ne suis pas en train d’ouvrir une collecte de fonds pour construire un nouveau mur des lamentations, pas du tout. C’est juste pour bavarder et se taper une bière ensemble, que faire ?  
Bref, aussi potentiellement dangereux que soit ce coronavirus, je vous signale que la grippe normale fait en hiver en France mille morts par semaine, c’est donc comparable et non pire, ce n’est pas la peste noire. C’est bon de relativiser dans ces temps de furie. Par contre, j’ai noté que la connerie progresse à vitesse grand V, une véritable pandémie aujourd’hui, ça fait pitié.
Quant à moi, je me soigne. Ma fièvre s’est stabilisée à 41 degrés, elle n’est pas montée plus haut depuis 8 jours, j’en déduis donc que je suis sur la voie de la guérison. Comme quoi, il n’est pas si méchant que ça ce corona-machin, faut croire que les médias en rajoutent ô combien.
Atchoum

 AUPRÈS DE MON ARBRE  Le 11 février 2020

Après un début de haute saison inouï - pas le temps de dire ouf depuis noël -, je bulle enfin sous la voute. Ne fantasmez aucunement sur mon compte bancaire, ma comptable m’a tout volé malgré des bénéfices records. Elle s’est barrée avec la caisse dans la nuit des îles. Elles sont balaises ces comptables. Elle m’a envoyé un sms avant de décoller. La petite fleur était désolée, elle voulait vivre à Paris me dit-elle alors que moi né en France veux vivre en Thaïlande où elle est née, le monde à l’envers. Je ne lui donne pas six mois pour revenir après la morsure de l’hiver.   

Aujourd’hui, un ballet de chimères peuple mes jours et mes nuits désormais, je m’évapore entre réel et imaginaire, je paresse comme jamais dans la douceur des tropiques mode cigale et grillon. Je baguenaude sur des accents bucoliques, et me perds volontiers entre jungle et rivage sans recourir aux ruses du Petit Poucet.

Au-delà de Phuket où je vis, mon aire de balade concerne davantage les provinces tout autour, Phang Nga et Krabi surtout. J’en connais tous les recoins, tous les monolithes karstiques me saluent avec panache au passage, pas un seul boyau de mangrove m’est inconnu dans cet univers de palétuviers. Je courtise Ficus étrangleurs. Pandanus et Choréas, de véritables cathédrales végétales ornent les sylves du sud-est asiatique. Je vous avoue que je voue un culte aux géants verts des jungles d’ici, ce milieu me fascine. Saviez-vous où le plus grand arbre du monde a été identifié ?

Des chercheurs se sont rendus au cœur de la forêt de Bornéo pour mettre en évidence et décrire le plus grand arbre tropical au monde. Appartenant à l'espèce Shorea faguetiana, le végétal culmine à plus de 100 mètres de haut et afficherait une masse de plus de 80 tonnes sans ses racines. 

Imaginez un arbre aussi grand qu'un terrain de football. Un arbre tellement haut qu'il est difficile d'apercevoir sa cime depuis le sol. C'est un nouveau record que des scientifiques viennent de mettre en évidence en Malaisie, celui du plus grand arbre tropical au monde.

Moi, le plus haut que j’ai vu dans le sud-thaïlandais faisait déjà 70m, il trônait sur un océan chlorophyllien dans ce bouquet géant de forêt primaire intouchée de Khao Sok sur le sanctuaire des grands félins. Il s’est fait foudroyer dans un délire de mousson, il a creusé un sillon digne d’un boulevard dans sa chute. Un massacre. Il fallait être dix personnes en se tenant par les mains pour le ceinturer de son vivant, on se tordait le cou pour apercevoir sa cime auréolée d’une couronne de soleil au-dessus de la canopée.

Il était mon temple, ma chapelle, un phare sur mon chemin de Compostelle. Il fut mon psychanalyste des années durant, je m’allongeais à son pied sur un tapis de fougères, mon divan quoi. Cet arbre était presque millénaire, il trônait là depuis toujours. J’erre encore dans les sylves en quête de son ombre, de son essence, de son aura sur le chemin des apsaras en chantant Brassens : « Auprès de mon arbre, je vivais heureux… ».

J’ai même baptisé ma fille sous son feuillage en lui appliquant sur le front de la bave de mygale et des excréments de crapaud-buffle tel qu’on le préconise sur quelques manuels et guides animistes. Je voulais qu’elle s’imbibe de la puissance des éléments entre palmes et épines dans ce berceau de la genèse, avant son retour triomphal dans la cité. Je la voyais déjà botaniste ou bien égérie de la faune et flore sauvage à l’exemple des amazones. Et bien pas du tout, elle veut faire architecte et construire des baraques partout, un océan de béton je vous dis.

Elle a beau me dire qu’elle veut réintroduire flore et faune dans l’univers de la cité - un élevage de scolopendres en somme sous nos latitudes -, je suis certain qu’elle a pété les plombs. Elle a pour idée de reconstituer les jardins de Babylone dans un délire tropical, un panthéon de la civilisation sur un balcon de rafflesias, cette fleur géante qui ne se nourrit que de chair fraiche. Les poules ont désormais des dents proclame-elle sur un ton mordant, les requins n’ont qu’à bien se tenir, ils n’ont plus seuls ce privilège aujourd’hui. Même les fleurs sont carnivores dans cette jungle urbaine qui nous entoure, leur empire.

Je vous laisse, là, ma comptable m’envoie un SOS de Paris en me suppliant de la réembaucher. La petite fleur de lotus n’a plus un sou vaillant malgré son larcin, les maisons Vuitton et Chanel l’auraient ruinée me confie-t-elle. Elle attend juste dans sa suite au Ritz que le coronavirus s’estompe avant son retour. Elle a un cadeau pour moi ose-t-elle, elles sont balaises ces comptables. Je suis sûr qu’elle va me ramener une tour Eiffel « made in China ».

 PHUKET, LE PORT D'ATTACHE.  Le 09 décembre 2019

Année 1999. 
Me voici au bord de la route à tendre le pouce encore pour rejoindre enfin Phuket, mon terminus. Un chapelet de misère trône dans ma besace : quelques herbes, un reste de riz noir et un bout de calamar tellement sec que je me suis pété deux ratiches entre molaire et incisive. Trois manuscrits me suivent aussi dans ce seul bagage, romans et romances mélangés, un patchwork d’émotions et d’émois tout au long de mes insolites pérégrinations dans ces différentes contrées du Sud-Est asiatique, une plongée sans bouteille au pays des volcans et des tsunamis.  
J’arrive de Malaisie, de Langkawi pour être précis. Parti en bateau-stop, nous nous sommes perdus en mer des jours et des jours, des années-lumière. Les marins à bord étaient tous des bras cassés, nous avons essuyé trois naufrages avant de toucher au rivage, un véritable miracle. Tous atteints de scorbut, de cécité et d’œdèmes cutanés, nous débarquons tels des illuminés au milieu des vivants. A peine terre touchée, les flics m’ont direct embarqué, mon passeport s’était noyé dans les multiples cyclones et tsunamis durant la croisière. Le nez cassé par un retour de bôme, la peau cramée par le sel et le soleil, ils ont pensé que j’étais un ressortissant birman en quête d’asile. Ils ont très vite compris que j'étais Français avec mon accent pourri dans la langue de Shakespeare, et m’ont relâché après quelques formalités administratives, le temps de signer une tonne de papiers afin de se dédouaner quant à leurs supérieurs hiérarchiques.  
Bref, je reviens en Thaïlande, je quitte la Malaisie après m’être promené dans les mangroves, les sylves et les villes de cet état devenu aujourd’hui une Arabie saoudite dans le Sud-Est asiatique, la police religieuse règne dès que l’on quitte les deux ou trois places touristiques. Il est hors de question d’avoir la moindre relation amoureuse hors du mariage. Et pourtant, elles sont vraiment jolies, les filles, comme partout en ce monde. Comment ne pas tomber amoureux ?
Débarqué du ferry, je touche au sol thaïlandais : Satun. Je marche jusqu’aux confins de la ville et tend mon pouce, la première bagnole qui passe s’arrête et m’emmène jusqu’à Krabi, un saut de géant. Nous nous arrêtons vingt fois en chemin pour casser la croute, les Thaïs ne pensent qu’à manger, un appétit gargantuesque les anime.
Des paysages inouïs roulent sous nos paupières entre jungles et rivages parsemées de formations karstiques, des monolithes calcaires se dressent sous l'azur dans ce decor surréaliste. A chaque stop, des cascades de rires inondent ce peuple libéré des cancers de l’humanité me semble-t-il, une volupté comme nulle part ailleurs inonde l’atmosphère. Un vrai mystère sur la planète Terre... Vous savez quoi? J’ai comme une envie soudaine de ne plus bouger d’ici. C’est ainsi que je suis devenu sédentaire après mes années nomades. 
Ça y est, je franchis le Pont Sarasin qui relie l’ile de Phuket au continent sous la pleine lune de ce novembre 1999 en plein festival des lumières : Loy Kratong. Des guirlandes de sourires fusent de toute part, ici pas de charia ni de code amoureux prédéfini, chacun n’en fait qu’à sa guise, une terre de liberté. Juste un élan matrilinéaire imbibe les yeux des filles, elles sont reines dans ce royaume, pas un seul garçon ne leur fera baisser les yeux. 
C’est sûr, c’est ici que je veux vivre !

 CONTE DE NOËL  Le 24 novembre 2019

Ils commencent tous à me bassiner avec leur syndrome du bonheur, noël ou non. C’est vrai quoi, ils sont relou à force. Partout, où qu’on aille, ils se la jouent confrérie au pied du sapin le temps d’un selfie alors qu’en réalité ils dégomment tout le monde dès qu’ils rentrent dans leur crèche, le royaume des « gossip » une fois à table, l’arène du quand-dira-t-on, une carcasse de fiel sur un fumet nauséabond en guise de dinde, une buche dans la bile. 

Ce matin encore, mon voisin - riche à millions – m’accueillait au saut du lit pour me dire qu’il fallait positiver à l’approche des fêtes alors que les huissiers sonnent à ma porte et saisissent mon mobilier : 2 chaises, 1 table, et 3 lampes. Ils n’ont pas touché aux lits tellement les matelas respiraient la vermine, la misère criait de partout dans ma demeure. Grands seigneurs, ils nous ont laissé le sapin, faut dire que le chat l’avait déjà mis en mode tsunami. 
 
Sur ce, je file me boire un café, un bouquin de Michel Houellebecq sur le fauteuil du passager. Je l’aime bien cet auteur, il nous croque la vie d’aujourd’hui sans ambages, sans nous mystifier, il n’y a aucun espoir, c’est définitif. Je viens de finir son dernier bouquin, Sérotonine. Il y a du Baudelaire, du Céline et du Cioran là-dedans mais surtout du Houellebecq. De page en page, on navigue bien loin du monde des bisounours, c’est du « live ». Même un épisode de la Peste Noire Bubonique au XIVème siècle ne peut vous mettre davantage le blues, c’est du lourd. Lire Sérotonine et mourir.

Des confréries abondent de partout sur mon chemin, la trêve de noël. Des religieux, des dingues de bagnoles et de « tuning », des fans de foot ou de rugby, des joggers fous, des alcolos anonymes, des gilets jaunes, des écolos, des chantres de l’extase ou de l’apocalypse chantent noël. Je file dare-dare avant d’écouter leurs prêches et m’avale trois cafés mode expresso au bord de l’AVC dès que je peux enfin me poser dans ces décombres.

Putain, je le crois pas, ils achètent déjà tous les cadeaux dans les Lotus, Central, BigC et autres cathédrales du Big Market. Une véritable marée déferle dans les boutiques, limite tsunami. Racailles et bobos, prolétaires et jet set, jeunes et vieux, athées ou bien mystiques du monde entier, c’est cette année à Phuket qu’ils passeront les fêtes. 
Les « Lady bar » arborent toutes le chapeau du père noël dans les rues de Patong Beach, seul cet attribut les habille pour ainsi dire sous nos tropiques. Même les salons de massages body-body affichent leurs promotions de noël : la pipe à deux balles et le sourire du petit jésus !

 LA THAÏLANDE POUR LES NULS EN UNE SEULE LEÇON : LIBIDO OU LAMBADA ?   

Pour ceux qui ne le savent encore, j’adore ce pays : la Thaïlande. Par contre, je note que l’univers des touristes n’a pas suivi l’évolution de ce royaume depuis plus de deux décennies, ils en sont encore à des aprioris aujourd’hui dépassés sur à peu près tout sujet. Sans faire d’angélisme pour autant sur ce pays, je vous donne juste mon humble avis pour vous éclairer si jamais. 

Question libido par exemple. Ici, les repères sont déconcertants pour beaucoup issus des religions du Livre. Il n’y a pas vraiment de code amoureux dans ce royaume, chacun n’en fait qu’à sa guise. Homo ou hétéro, chacun nique selon son élan de volupté sans se soucier aucunement de cette morale obsolète qui gangrène toute autre société hormis le Siam.

Dans tous les milieux, déshérités ou argentés, ce troisième genre est légion en Thaïlande comme tout le monde le sait, et c’est tant mieux. Cette singulière culture thaïe - le seul pays de la planète Terre à jouir d’une culture matriarcale à l’échelle d’un pays tout entier quelle que soit la confession - autorise toutes les « dérives » du moment que l’on prend son pied tant que cela soit consenti entre adultes. Faut dire que le poids des religions est vraiment plus « light » que nulle part ailleurs question libido. La religion, quelle qu’elle soit, pousse toujours vers le patriarcat, c’est une constante, seule une société matrilinéaire peut en réduire les effets pervers.

Les plus grands siamistes, les plus grands chercheurs sur la Thaïlande considèrent que le bouddhisme est la première influence patriarcale majeure dans cette sphère matriarcale, viennent ensuite le confucianisme (tout ce qui est relatif au monde chinois) puisque 15% de la population est sino-thaï, et enfin la présence européenne depuis près de cinq siècles sur le sol thaïlandais pour autres influences patriarcales majeures.  

 Etant donné que le tremplin est féminin ici, le top est de naitre fille, beaucoup dans le genre masculin héritent d’élans efféminés dès la tendre enfance que personne ne va blâmer ou brimer ; c’est pourquoi à terme ce 3ème genre est si nombreux dans la société civile. Je ne peux qu’aimer une contrée ainsi tolérante. Vive la Thaïlande !

Par contre, on parle beaucoup moins de filles en couple (mode homo) dans ce royaume. Et pourtant, elles sont légions aussi. Je pense qu’elles sont bien plus nombreuses encore que les couples de garçons. Un océan de filles, en Thaïlande, découvre la volupté entre elles que ce soit au collège ou au lycée avant de basculer ou non dans un monde hétérosexuel, et c’est tant mieux, à chacune sa lambada. Plus de la moitié des cousines thaïes de ma fille entre 15 et 25 ans sont en couple entre filles. Même Nina (ma fille) du haut de ses 15 ans me dit :

-Papa, les mecs sont vraiment trop moyens alors que les filles sont magnifiques. 

-T’as raison ma fille, les mecs sont tous des bras cassés hormis Shiva, Dionysos. Homère et moi.

-Je n’aime que les filles. 

-Et moi donc ! 

Bref, je vous le dis, il n'y a que la Thaïlande qui vaille dans ce monde obscurantiste.

 DIALOGUE AVEC DIEU    Le 18 novembre 2019

Tous ceux qui me connaissent savent que je suis agnostique, j’ai vraiment beaucoup de mal à imaginer (malgré tous mes efforts) un œil quelconque dans le ciel ou ailleurs qui nous regarderait et nous jugerait en fonction de nos actes, un être surréaliste qui nous aurait donné vie de surcroit. Sans me moquer, c’est sans moi qu’une telle histoire. Néanmoins, je respecte infiniment toute croyance, je pense que la foi est une histoire intime entre soi et une approche du divin, une crise existentielle.
Je n’aborde pas cette notion de foi dans ma vie sur une telle question : Dieu existe-t-il ? Cela importe peu à vrai dire. Je pense seulement que l’Homme est un animal mystique. Je m’explique. Pour transcender son quotidien, l’humanité a eu recours à ce divin élan lyrique pour effectuer des miracles, c’est à mes yeux à peu près ça. Et cela a marché !... Comme quoi, mystique ou non, dès que l’on commence à croire vraiment, divinement ou non, on bouge des montagnes, c’est certain.
J’aime bien la Grèce Antique, tous croyaient aux dieux comme l’on croit aujourd’hui au père noël, ce qui ne les empêchait aucunement de donner quelques offrandes sur les autels en passant comme nous le faisons au pied de la crèche sous le sapin. Ce qui me plait chez eux, dans l‘Antiquité, c’est qu’ils pensaient que, te toute façon, il n’y avait aucune interconnexion ou corrélation entre le monde des dieux et les humains ce qui met définitivement un frein à tout prosélytisme, aucunement besoin de s’abimer dans les prières, c’est déjà ça de gagné.  
Sachez que je suis pourtant autant mystique que le plus croyant des croyants sauf qu’il faudra faire sans moi quant aux religions. C’est pourquoi je discute presque toutes les nuits avec la Lune, ma planète à moi, ma déesse. Je vous rassure, elle ne me répond jamais sauf quand je suis trop bourré. 
Souvent, je me fais des dialogues avec ce(s) fameux dieu(x) dont tout le monde parle, quel qu’il soit. Je vous en livre un extrait :
- Mais pourquoi, dès que tu débats sur moi, doute-tu ainsi de ma présence?
- Seigneur, ce n’est pas vraiment contre vous, c’est juste quelques religieux qui me gavent dans leur excès de prosélytisme à votre endroit.
- Arrête de me passer de la pommade. Je sais pertinemment que le monde des prophètes t’exaspère.
- On ne peut rien vous cacher, Seigneur.
- C’est ça, prends-moi pour un con.
- Point là mon intention, je veux juste dire en substance que des bataillons de dingues ici-bas se lèvent en votre nom, beaucoup de vos supporters ont pété les plombs, non ?
- T’as raison, ils sont pas tous champions.
- On se boit un verre pour le fun ?
- Fais péter la bouteille.
- A ma santé puisque la votre est éternelle !
- A ta santé, petit con.

 UN SÉJOUR EN THAILANDE    Le 09 novembre 2019

Le saviez-vous ? 90% des besoins de l’industrie pharmaceutique mondiale en venin de serpents sont prélevés en Thaïlande. C’est dit. Vous imaginez donc le nid que ce pays recèle, y en a partout : forêt primaire, plantations, milieu urbain, et même dans votre jardin. 
Et comme tout est royal dans ce royaume, le cobra l’est aussi, une bestiole de presque six mètres de long, très susceptible de surcroit. Vous pouvez me croire, j’en ai croisé quelques-uns sur mon chemin, le dernier se logea pour ainsi dire sur mon paillasson, je vous dis pas l’électrochoc au saut du lit. Le machin s’est levé à ma hauteur (1,70m) et m’a foncé dessus à la vitesse de la lumière, ce fut lui le roi dans ce duel, n’est pas King Cobra qui veut. Juste le temps de refermer la porte dans un reflexe inouï qui me sauva animé par mon instinct de survie, j’en tremble encore. Aguerri ou non, tu fais pas le malin devant lui. D’une seule morsure, il balance assez de venin pour envoyer au moins vingt pachydermes au tapis, imaginez ce qu’il en est pour un humain. Ses crochets sont des lames de rasoir qui traversent tout épiderme. Respect.  
La seule bestiole que vous ne pourrez donc éluder lors d’un séjour ici, au Siam, est le Snake. Pour le voir, il faut observer. Aucun touriste n’est à ce point pointu en observation, les Européens ne voient ça qu’à la télé, ils n’ont pas idée du monde qui grouille sous nos tropiques jusque dans leurs hôtels. Je vous rassure, les Chinois non plus, ils ont tellement eu de famines dans l’Histoire de leur pays qu’ils ont déjà tout bouffé pour survivre ; imaginez le ventre d’un pays d’un milliard et demi d’habitants. Les Indiens pareils. Pensez que dans ces deux pays seulement, Inde et Chine, la moitié de l’humanité vit : un opéra-bouffe !
Ceci dit, ne flippez pas, les serpents ne mangent que grenouilles et rongeurs pour la plupart, nous ne figurons pas dans leur menu. Seul un python réticulé peut vous avaler, ils sont légions ici mais il vous faudrait vous immiscer dans les profondeurs de la jungle pour le rencontrer, quoique depuis peu ils osent franchir la lisière de la cité ; en général il n’avale que chiens et chats jusqu’à présent, faites gaffe tout de même en ouvrant la porte de votre bungalow au petit matin, soyez aux aguets, sait-on jamais.
Toujours est-il que vous êtes désormais averti. Pas de panique. Il faut juste ouvrir l’œil dans ce zoo à ciel ouvert. Sachez aussi que lézards et araignées abondent mais il est rare qu’une mygale pénètre dans votre chambre. Si par contre, après avoir laissé malencontreusement votre porte ouverte ne serait-ce qu’une minute ou deux, un varan (ce lézard de 2 ou 3 mètres de long) s’introduit dans votre salle de bain – les reptiles adorent les douches –, ne cherchez pas le conflit, fuyez, sinon c’est mort. N’est pas Crocodile Dundee qui veut.
Faites gaffe également aux chauve-souris lors de vos promenades nocturnes sur la plage, elles véhiculent la rage sous nos tropiques et aiment se métamorphoser en vampires sous la pleine lune. Prévoyez doudoune ou combinaison de survie pour échapper à leur morsure, c’est pas géant dans une atmosphère à 30 degrés, certes, mais cela vous évite de choper le syndrome du loup-garou, c’est pas rien.
Quant aux insectes, moustiques sangsues et blattes volantes pour l’essentiel, en surnombre sous nos latitudes, n’en parlons même pas pour ne point vous miner. Sachez juste qu’ils sont là pour vous pourrir la vie au moindre déplacement le temps de votre séjour, l’enfer de Dante. D’où le choix crucial d’une vraie société d’excursion qui vous évitera ainsi le pire. Ne cherchez plus, il n’y en a qu’une : Siam Evasion !... Chacun de nos minibus est équipé d’un lance-flamme pour cramer toutes ces putains de bestioles qui viendraient nous emmerder sur notre chemin. Chacun de nos guides possède sabre, Kalachnikov et quelques grenades sur lui afin d’éloigner tout prédateur un peu trop vindicatif ; de vrais pros, ils déciment tout être vivant à 50m à la ronde en cas d’embrouille.  
Siam Evasion est donc la seule société d’excursions sur Phuket qui vous promet de vous ramener vivant dans votre hôtel quel que soit le choix de votre excursion, rencontre inopinée avec ce fameux cobra royal ou non. Qu’on se le dise !

VACANCES    Le 23 septembre 2019

Les kilomètres défilent sur l’asphalte, les paysages roulent sur nos paupières, une mer de nuages amène à la scène une dimension particulière, seules les tropiques ont cette magie, couleurs et contrastes ruissellent au cœur de la mousson. Des furies menacent tout au loin, il ne fera pas bon trainer dans le coin. J’accélère et change de cap pour échapper à ce déluge qui déboule sur notre horizon.
Le compteur affiche déjà 300 bornes depuis notre dernière pause, il est temps de s’avaler un ou deux cafés et de remettre un peu d’essence. Ça tombe bien, une station se présente, il y a toujours un Café Amazon, leur expresso réveillerait un mort. Tout autour, un vrai marché ambulant. Fruits, soupes, crêpes, beignets, calamar et poulet à toutes les sauces aiguisent notre faim. On fait main basse sur les marchands de brochettes force riz gluant, c’est succulent. La street-food en Thaïlande est digne de la Tour d’Argent.
Nous repartons avant que l’orage ne gronde, nous échappons de justesse aux trombes qui tombent dans notre rétroviseur. Nous traversons des campagnes oubliées, des bourgades endormies sauf à l’heure du marché où une foule riante s’amasse en dévalisant les étals, une orgie de bouffe. Les Thaïs adorent manger, c’est leur came, leur appétit les dévore. 
Nous roulons maintenant sur quelques départementales en quête d’élans bucoliques. Tout les quart d’heure, dans chaque village, nous nous arrêtons pour humer l’atmosphère. Le monde entier nous invite à casser la croute et partager ainsi une dernière salade de papaye verte avant de repartir. Un truc de fou que cette salade, leur fameux Songtam, la dose de piment est phénoménale, ça vaut trente ou quarante expressos question réveil, ils s’en servent pour soigner les cardiaques ici, le cœur repart toujours à l'heure de l’hallali. Jésus lui-même était un fan de Songtam à ce qu’on dit, c’est un Thaï converti au christianisme qui me l’a appris.
Ça y est, nous touchons à notre destination, nous entrons dans une des plus grandes provinces de Thaïlande, ce soir nous dormirons dans la ville de Nahkon Srithammarat. Un temple bouddhiste vieux comme le Christ trône au cœur de la cité, il fut érigé là par la première civilisation theravada qui arriva de Sri Lanka pour diffuser les révélations du prince Gautama : Le Bouddha. Un des plus vieux temples de Thaïlande, le Wat Phra[Maha]that, son âge dépasse de mille ans la création du Royaume de Siam, plus vieux encore que les temples d’Angkor. 
Nous en profitons le lendemain pour faire une incursion dans le plus haut massif des sylves du sud-thaïlandais à 35km de Nakhon, 2000m d’altitude, Khao Luang National Park où seules les panthères noires nichent, leur sanctuaire. Une jungle impénétrable nous refuse toute balade si ce n’est par le sentier qui mène aux chutes d’eau parmi les plus spectaculaires de Thaïlande. Au milieu d’un océan de forêt primaire intouché, une source digne de la Genèse nous attend : Krung Ching Waterfall. L’émerveillement est total. Jardin d’Eden ou non, nous redescendons dare-dare avant que l’obscurité ne survienne dans ce nid de serpents, à 15h il fait nuit noire dans cette tombe, les prédateurs abondent. 
Nous regagnons le rivage et louons un bungalow sur Saï Kew Beach avant de nous régaler plus tard au diner de poulpes, poissons, crabes et coquillages. Les flots agités de la Mer de Chine déferlent à deux pas de notre crèche dans la gloire de la mousson. Des montagnes d’eau s’élèvent jusqu’aux cieux, leurs crêtes d’écume se soulèvent et crèvent les nuages gonflés de noires colères. Tout l’espace s’emplit de colossales furies, des cathédrales aqueuses dansent sur le roulis et s’écroulent dans un immense fracas, les éléments participent à la fête. 
Un instant de paix sur la grève avant l’orage, c'est l'heure des voluptés.

 UN VRAI ZOO    Le 17 septembre 2019

Je ne suis que rarement conscient des années qui défilent. Seuls les mioches qui grandissent, les potes ou les animaux domestiques qui trépassent nous donnent alors une certaine idée du temps. Et pourtant, j’ai déjà des cheveux blancs, et plus toutes mes dents. Mes potes sont presque tous morts, le reste agonise. Je radote et parle des heures avec le chat sur mon pupitre, mon seul auditeur aujourd’hui. 
Certains parlent bien aux oiseaux, non ? A ce propos, je connais deux ou trois marins perchés qui, longtemps perdus en mer, n’ont parlé qu’aux oiseaux pendant des années, ils sont tous revenus cinglés, direct l’asile de dingues. Je vais les visiter parfois avec quelques mouettes pour leur rappeler le bon temps, ils sont contents. Il y en a un, il est carrément fou, les autres c’est du « light » à coté. Il essaie de voler, il se prend pour un goéland. Au début, ils l’avaient mis au septième ciel (7ème étage voulais-je dire), ça l’a pas fait du tout. Ils ont fini par le mettre au rez-de-chaussée.  
Va donc pour le chat, c’est plus sympa que le piaf, non ? Allez savoir ? Certains diront que c’est le chien qui percute davantage, d’autres ne jurent que par la méditation du poisson rouge, c’est selon. Chacun plaide pour sa chapelle. A chacun son bocal, à chacun sa furie. On a bien essayé un chien autrefois mais il a pris le doudou de ma fille pour son esclave sexuel, on a fini par le piquer.
Non, je le crois pas, c’est quoi ce bordel ? le chat semble agoniser… Non, il veut juste rentrer. Il se croit à l’hôtel., il lui faut juste un portier à la journée. Si je devais renaitre, je veux renaitre chat, seulement bouffer et câliner semble l’animer, c’est pas lui qui fera un AVC. Certes, il va de temps à autre se taper un lézard ou bien un oisillon, rarement plus gros si ce n’est une grenouille pour ne pas rentrer bredouille, il a sa fierté.
D’autres préfèrent les NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie), genre serpents, mygales, scorpions ou bien varans, c’est selon. J’apprends ce matin qu’un dingue passait ses nuits avec son python réticulé mais s’étonnait que le reptile dormait en long depuis deux ou trois jours plutôt qu’en rond comme à son habitude. Le mec flippe de peur que son jouet soit cassé et va vite consulter le véto des NAC. Crocodile Dundee (le véto) lui apprend que le python est en train de calculer s’il peut le bouffer. Forcément, ça calme qu’une telle réponse. Le mec en a eu le cœur brisé, il est revenu chez lui dare-dare avec son chagrin. Il fila direct au garage et, armé de sa tronçonneuse, l’a découpé en rondelles son python chéri, il en a fait du saucisson. Les histoires d’amour finissent mal en général.

 AINSI VA LA VIE    Le 10 septembre 2019

TRISTESSE. Un pote s’en va, le crabe vient de l’emporter, un demi-siècle d’âge devant l’éternel, il n’aura pas eu la patience de tenir davantage. Il est parti comme il a toujours vécu, la rage au ventre. Il se l’est joué odyssée comme Ulysse, il a embarqué sur l’Aventure tel un dernier souffle dans l’océan avant que les hostos ne le torturent force chimio. Il en avait trop gros sur la patate, sa bile a éclaté en fin de trip déversant une marée de fiel dans la fureur des anges avant le trépas. Adieu Bonhomme.

JOIE. Ma fille est arrivée 179ème sur 181 au dernier championnat d’athlétisme de son lycée, c’est bien la première fois qu’elle n’arrive pas la dernière. Même elle n’en revient pas, c’est un exploit me dit-elle, je confirme. Sa mère en a les larmes aux yeux. Faut dire que le sport n’a jamais été une priorité chez nous, nous sommes plutôt cigales, tortues, marmottes et grillons. Mon arrière-grand-père fut décoré de l’Ordre de la Paresse, Bref, c’est presque une championne aujourd’hui dans notre famille de bras cassés. Champagne.

SHOPPING. Je sais bien que tout le monde adore le shopping. Moi, je déteste ça. Me balader pendant des heures dans ces hyper structures, ces immenses galeries, ces géantes foires me désespère. Faut dire qu’on n’arrête pas de se gaver sur ce chemin de croix entre glaces, chocolats, donuts, barbe à papa et autres tremplins à diabète. On se jette sur le thon rouge atomisé de Fukushima en sashimis, les radiations nucléaires lui ont donné une saveur ultime ; on ne résiste pas au dernier hamburger empoisonné de chez Mac Do ; on fait main basse sur le poulet pestiféré de KFC ; et pour finir, on se tape une pizza en latex chez Pizza’Hut. Un opéra-bouffe.

SPLEEN. Faut toujours que le crépuscule en rajoute, un cinéma inouï. Des écarlates en veux-tu en voilà, des pourpres dignes de la robe d’un cardinal, des vermillons à foison, des arabesques flamboyantes, le ciel est carrément parti en délire ce soir. La nuit s’annonce sur un parterre d’étoiles, même la voie lactée s’en mêle, le firmament triomphe dans l’immensité. C’est le bal des mélancolies.

ESPÉ RANCE DE VIE    Le 04 septembre 2019

Ils sont gentils avec leur espérance de vie. Les statistiques démontrent franchement que nous finirons tous centenaires. Je vous dis pas l’asile. Même les fumeurs et les alcolos devraient y atteindre bientôt, un scandale. A les croire, on vivrait donc un âge d’or, à deux doigts du paradis. C’est inouï le progrès, non ? Sauf qu’on ne nous garantit pas l’état dans lequel on arrive sur la ligne pour décrocher le pompon, la médaille du siècle d’âge. 
Sans rire, il faut en avoir bavé pour en arriver là. Vous imaginez vivre cent fois le bal du nouvel an, les anniversaires, les flonflons ? Après ça, ils sont blindés, même une chimio les fait marrer. A ce stade, tu discutes déjà en direct avec les anges tellement t’en as marre d’entendre les mêmes conneries depuis un siècle parmi tes semblables. Stoïque, tu bayes aux corneilles en regardant la pluie à la fenêtre sur ta chaise. 
Ce qui m’intéresse surtout en surfant sur les statistiques, c’est plutôt l’espérance de vie en bonne santé. Et là, c’est la douche froide. J’apprends ainsi qu’elle n’est, en France par exemple, que de 62 ans. Au-delà, c’est un tremplin de cancers, le ballet des tumeurs. Certes, quelques chanceux échappent aux syndromes mais pas longtemps, pas vraiment de quoi fouetter un chat si l’on en croit ces fameuses statistiques.
Logiquement, j’en déduis qu’il ne me reste donc que trois ou quatre ans au plus avec un peu de chance pour la ramener encore tout azimut Après ça, je me la jouerai sans doute humilité, plaintes et lamentations seront mes seules compagnes dans le silence des dieux. Je bassinerai probablement tout le monde avec ma dernière chimio, ma dernière opération à cœur ouvert, ma dialyse, mon diabète et autre cholestérol. Je parlerai avec un micro sur la gorge comme le parrain dans « Il était une fois en Amérique ». Et encore, si j’évite jusque-là un accident de la route, la dengue, un AVC, le saut sans l’élastique, la mort subite et, surtout, le Syndrome de Mowat-Wilson. 
C’est pourquoi, si les statistiques sont justes, il est impératif de se la faire carpe diem avant le marasme, avant le tsunami. Sauf qu’après toutes ces lectures, je n’ai plus vraiment l’élan joyeux, l’étincelle. Je me mets un vieux blues pour me ranimer mais rien n’y fait. Je finis la nuit sur une bulle de jazz entre Charlie Parker et Miles Davis, et me relis quelques pages de Mort à crédit.
Pendant ce temps, le chat et Nina (ma fille) se la jouent insoutenable légèreté de l’être, totalement insouciants des risques qu’ils prennent dans leur corrida féline. Ils n’ont aucunement conscience de leur espérance de vie s’ils continuent ainsi leurs conneries. Ils ont mauvaise réputation dans le quartier à force de mettre la zone, ils se feront lyncher par les voisins bientôt, c’est certain.
Dites, j’apprends à l’instant qu’une sieste quotidienne augmente l’espérance de vie, plus fort que le sport. Je suis imbattable sur ce thème, pire qu’une marmotte en basse saison, champion du monde. Je m’en vais donc méditer sur cet enfer qui me pend au nez dans peu. Je m’en vais faire un somme digne du panthéon des roupillons, une sieste légendaire au royaume de la mousson... c'est parti !

 IL N’Y A PAS DE FUMÉE SANS FEU    Le 29 août 2019

Je ne conteste aucunement, le tabac est un fléau, bien-sûr, il faudrait être fou pour prétendre le contraire. Et je ne suis point sponsorisé par Philip Morris ou autre gourou genre « Je fume donc je suis » pour vous vanter quelques vertus quant à la cigarette. C’est entendu. Néanmoins, je l’avoue, c’est pas tendance certes mais je fume. Je suis resté collé aux années Gainsbourg, ce n'est pas une gloire ni un supplice non plus. Dès le gout du café sur le palais au réveil, je m’allume une clope, une des meilleures ceci dit.  
Sachez cependant que je suis né dans les Sixties, ces fameuses Années Soixante. Tout le monde avait la clope au bec quelles qu’en soient les circonstances dans ces temps-là. Même le gynéco qui m’a vu naitre arborait un fier mégot dans ma genèse. Il m’a carrément sorti aux fers, le sadique, tellement je flippais de le rejoindre dans ce monde enfumé. Je gueulais comme un goret avant l’abattage en pensant finir sur le grill tel un cochon de lait. 
Je finis par sortir du ventre de ma mère après des heures de turpitudes. Elle en profita direct pour s’allumer une clope que lui tendait mon père, soulagée de tant d’efforts. Ça fumait de partout dans la crèche. 
A l’époque, même les journalistes sportifs commentaient les matchs le cigare aux lèvres à la télé, seul Michel Drucker était non-fumeur. Si je compte, au moins la moitié de mes voisins sont morts du cancer des poumons durant mon enfance. Bob Marley lui-même a trépassé ainsi à force de tardpé, il a fini chauve sur un lit d’hôpital, chimio oblige. Bob Marley sans ses locks, ses cheveux, vous imaginez ? Moi non. Le reggae n’aurait jamais percé si Bob Marley était né chauve et non-fumeur. 
Bref, je fus atteint moi aussi par cette mode funeste à l’exemple de tous. C’est pas géant mais c’est ainsi. Ils m’avaient converti, j’étais nicotiné de la tête aux pieds. Faut dire que dans les films d’alors, le Cowboy fumait bien cinq paquets de clopes en une heure et demi, il n’aurait jamais été crédible sinon. Sioux, Apaches et Cheyennes ne tâtaient, eux, que le calumet sans danger, c’est la Marlboro qui les a plus tard décimés. 
La Guerre du Vietnam déboula en furie sur l’arène, ça fumait de partout dans les décombres, et pas seulement à cause des bombes. Le moindre GI non-fumeur était direct réformé. Clope obligatoire pour les troupes avaient-ils décrétée, ça rigolait pas dans les tranchées. Notez que pour les condamnés à mort, le régime était identique, la cigarette était de mise avant l’exécution sinon ils te torturaient d’abord pour qu’enfin tu l’allumes cette putain de clope, c’était le règlement. Ça craignait grave à l’époque pour les non-fumeurs, ils ne faisaient pas les fiers comme aujourd’hui. 
Heureusement, le monde a bien changé. Sauf que, désormais, ils en rajoutent un peu, non ? Moi-même, je ne prends jamais un paquet de cigarette sur moi de peur d’être par la foule incriminé, voire lapidé. J’ai entendu dire qu’il y aurait des milices de non-fumeurs qui te pistent et patrouillent de jour comme de nuit, il paraît qu’elles te passent à tabac au moindre mégot allumé. La peur a changé de coté.

 ONE NIGHT IN BANGKOK    Le 24 août 2019

Une décennie que je ne m’étais fait un trip dans la capitale du royaume, une odyssée. Je ne bouge plus pour ainsi dire aujourd’hui sinon dans les îles du sud-thaïlandais avec des touristes, mes clients. Je fuis tout réseau urbain désormais, depuis longtemps déjà à vrai dire, depuis la naissance de ma fille. Ça calme grave les mioches en général, tu passes direct de nomade à sédentaire dès que tu composes un triangle œdipien sous le regard des anges dans ce marasme ambiant. Pour faire court, tu deviens moyen, limite imbécile, tu commences à bassiner ta progéniture de slogans lambda, de conseils avisés alors qu’à son âge tu faisais exactement tout le contraire. Une distorsion énorme.
A l’aéroport, avant de décoller, je sens immédiatement l’embrouille. Le panneau affichait une heure de retard pour l’envol. Mon avion était perdu dans les nuages. Au bout du compte, j'ai attendu six heures avant de prétendre au voyage. Il était vraiment pourri ce zinc, il arborait un âge certain, il datait carrément des années 50, il finissait sa carrière faut croire, le dernier vol. J’ai bien vu que les passagers hésitaient avant d’embarquer. Les Chrétiens faisaient tous le signe de croix une fois assis, les Musulmans criaient des Inch’Allah à tour de bras, les Bouddhistes susurraient des psaumes en cramponnant leur Bouddha accroché à leur cou, les Juifs se la jouaient mur des lamentations avant l’apocalypse, même les Athées priaient. Seuls quelques Animistes, une grappe de Shivaïtes aussi, une poignée de Taoïstes et un zeste d’Agnostiques paraissaient légers malgré le danger. Il semblait évident que nous étions mal barrés.
L’avion finit par décoller... un vrai labeur ! On pensait tous qu’il allait se viander dans la mer Andaman tellement il paraissait à bout de force au bout de la piste, la carlingue tremblait de tout côté, le machin était à deux doigts de se désintégrer. Les réacteurs étaient si poussifs que nous n’arrivions pas à monter au-dessus des nuages, on atteignait à peine la cime des arbres. On s’est pris tous les orages, des vents furibonds venaient percuter notre avion, le coucou tanguait dans la fureur des éléments, un bateau ivre sur l’horizon.
Cela faisait bien cinq ou six heures qu’on s’envoyait en l’air. A mon idée, l’avion avait été piraté par des terroristes. Selon mes calculs, nous étions déjà soit en Afghanistan, soit en Corée du Nord, voire au Yémen. C’est à ce moment-là qu’une hôtesse nous prévint en aparté qu’il fallait immédiatement nous poser sur l’aéroport de Surathani par manque de carburant. Je n’arrivais pas à le croire, nous n’avions fait que deux ou trois cent bornes à vol d’oiseau. On s’est repris cinq fois avant d’atterrir, à croire que le pilote était bourré, à chaque fois il ratait la piste. A la cinquième, il se posa direct dans un champ de bananiers sans égratignure aucune pour les passagers, tout le monde criait Alléluia.

Nous ne sommes donc jamais arrivés à Bangkok. La compagnie aérienne nous offrait une nuit dans un hôtel pourri en cette ville glauque avant un transfert par bus dans la capitale. J’ai bien pensé abandonner là ce voyage maudit, et rentrer dare-dare à Phuket sans me retourner, un mauvais présage planait sur cette expédition, le mauvais œil rôdait tout autour.
Le surlendemain, toute la presse annonçait un accident énorme à l’approche de Bangkok au petit matin. Un bus percuta de plein fouet un semi-remorque. Notre bus. Malgré le choc de l’impact, aucun macchabé, un vrai miracle. Alléluia. A force de prières, tous les passagers survécurent. Moi-même, je n’avais que six fractures, j’étais encore vivant. Amoché certes, mais vivant. Sur mon lit d’hôpital, je me repassais en boucle la chanson de Murray Head : One night in Bangkok. 
Ah oui, j’oubliais. On me transfère demain dans un hosto sur Phuket où je vis. J’espérais un transfert par hélicoptère pour épater ma fille. Mais non. Le chauffeur de l’ambulance vient de m’avertir qu’on partirait demain à l’aube sur les chapeaux de roue, il avait le look d’un alcolo en manque, il tremblait de partout. Je lui ai donné quelques billets en « loosdé » afin qu’il aille immédiatement se régénérer. Il est revenu un quart d’heure après quelques bières, il paraissait maintenant crédible, il assurait grave. Malgré tout, j’ai un peu flippé quand il me dit qu’un bonze nous accompagnerait pour les derniers sacrements si jamais, les routes sont si peu sûres en Thaïlande. Alléluia !

 TENUE DE SOIRÉE    Le 20 août 2019

J’avais pourtant tout fait pour éviter jusqu’alors toute soirée, tout diner un tant soi peu protocolaire. Et plus encore, je m’étais si bien démerdé que je n’acceptais jamais aucune réunion formelle quel qu’en soit le prétexte : business, clubs, expatriés, école, famille et j’en passe. En vérité, dès qu’il faut « m’habiller », je zappe. Je ne me supporte qu’avec mon short troué, mes sandales à deux balles digne d’un récit des actes des apôtres, et un tee-shirt délavé. C’est pas top pour se rendre dans une soirée.

A dire vrai, je ne vais même pas dans les mariages ou enterrements, diner du 14 juillet ou nouvel an, je suis insortable. Je n’oserais même pas assister à une messe de peur qu’ils me jettent tel un pouilleux. C’est vrai quoi, je me suis exilé dans les iles pensant que les tropiques étaient davantage clémentes quant aux codes vestimentaires. Et bien non, ils en rajoutent encore, ici, lors de leurs sempiternelles soirées. Ce qui me ravit pour être franc, je n’avais donc rien à changer dans mes us et coutumes et restais peinard en haillons sous mon cocotier avec quelques bières et ma plume entre cigales et grillons. Faut croire qu’on ne se refait pas quels qu’en soient les cieux, on peut changer un chouia peut-être mais pas davantage. Je restais donc le vieux libertaire que je suis depuis tout jeune.

Sauf que je n’ai pu éluder la soirée de fin d’année au lycée de ma fille. J’ai eu beau faire, ce fut impossible, ma présence était « souhaitée », ça ressemblait carrément à une menace que leur carton d’invitation. Gouverneur et députés assisteraient à l’événement, tenue de soirée exigée. J’étais mal barré. La dernière fois que j’ai mis un costume, ce fut pour ma première communion, j’avais 12 ans, c’est d’ailleurs pour ça que j’ai refusé de passer la seconde, la solennelle, c’est pour dire.

Je reviens d’un trip jungle avec mes clients, trois jours à se battre avec les insectes qui sont terribles dans ce milieu, de véritables assassins, et réalise que cette fameuse soirée est aujourd’hui. Toujours pas le moindre costume dans mon bagage. J’appelle un pote qui bosse dans les assurances, il est tiré à quatre épingles et ne se balade qu’en costard. Je n’ai pas le temps de rentrer chez moi, de prendre la moindre douche, trop en retard. On se rejoint dans un parking et j’échange ses fringues contre les miennes. Quand il est remonté dans son auto rutilante avec mes habits, on aurait cru un clochard qui venait de toucher le loto. Il m’a avoué quelques heures après par texto qu’il n’était jamais rentré chez lui ainsi vêtu de peur que sa femme demande le divorce. Il m’attendrait donc sur le même parking jusqu’au bout de la nuit.

Bref, j’ai débarqué là-bas comme si j’arborais un habit de clown, personne ne m’en a prêté ombrage, tout le monde portait le même costume à quelque chose près, le monde en noir et blanc. Seules les filles portaient des vêtements de couleur, un véritable arc-en-ciel, un feu d’artifice. Il faut toujours qu’elles la ramènent ces gonzesses, ce qui a tendance à me plaire. Néanmoins, j’ai souffert durant ces heures, je ne rêvais que d’un jacuzzi, voire de quelques masseuses pour me retaper après cette odyssée. En tout cas, j’avais au moins besoin d’un grand sommeil.

Manque de bol, c’est là que ma fille me dit qu’un « after » est organisé, juste deux heures encore à bailler, une chute dantesque. J’ai beau eu avoir la soudaine envie de l’étrangler, j’ai malgré tout acquiescer dans la fureur des anges. J’étais dégouté, j’ai même penser au suicide 2 ou 3 secondes avant qu’une de ses profs vienne me parler. Elle était magnifique, sans rire. Elle riait dans la nuit étoilée. La vie semblait un rêve à ses cotés sous la ronde des astres. J’ai presque fait un AVC quand elle m’apprit en toute légèreté qu’elle était célibataire.

Comment se pouvait-il qu’une femme si jolie soit encore célibataire ? Après un moment d’hésitation, j’en ai déduit qu’elle était trop jolie et que tous les mecs flippaient à son approche, je n’en menais pas large moi-même. Rassurez-vous, je n’ai pas pensé un seul instant à la courtiser, bien-sûr, je suis une relique à coté d’elle. Néanmoins, nous avons ainsi papoté un long moment sans protocole aucun, juste pour le fun. Lorsque ma fille revint pour l’extinction des feux, j’en fus presque désolé.

Finalement, c’est quant même balaise de porter un costume ne serait-ce que pour rencontrer cette jolie princesse. Mon pote du parking, l’agent des assurances, a été se balader avec mes habits de pouilleux dans Phuket Town en m’attendant, il m’a avoué qu’aucune fille n’était venu l’aborder, à pleurer. Demain, je change de métier.

 LE TEMPLE DE LA PANTHÈRE    Le 16 août 2019

Tenez, pour changer, je vais vous relater sans romancer une de mes dernières balades dans le sud-thaïlandais. Une balade en famille.

Il y a un temple où j’ai été autrefois, un temple insolite planté sur un piton calcaire à la lisière de la ville de Krabi et pourtant logé dans un bouquet de forêt primaire inouï, des arbres multi centenaires trônent dans cet univers à deux pas de l’autoroute, de la foule, un contraste étonnant.

Ce temple s’appelle ainsi car, autrefois, il fut la niche d’une géante panthère que les humains finirent par capturer pur la mettre en cage à même la grotte du temple d’en bas. Tristes tropiques.   

Deux raisons m’occupaient pour ne pas emmener des touristes en ce lieu malgré la beauté du paysage une fois au sommet. La première, c’est qu’il faut avoir un capital sportif certain pour grimper là-haut, 1500 marches (je vous dis pas les marches), une semaine de courbatures après cette ascension. La seconde, la cause majeure, des bandes de macaques viennent nous rançonner sur le passage, un enfer. On ne peut les éviter sur ce terrain, seuls les escaliers sont empruntables dans ce relief singulier, c’est dire le peu d’espace viable. Et plus encore, cobras et serpents-minute sont légions dans ce milieu. J’ai même croisé un python réticulé (un machin long comme un tronc d’arbre, dix mètres environ) il y a quelques années dans ces putains d’escaliers, inutile de courir sinon se fracasser sur les marches, il ira bien plus vite que nous en cas d’animosité, un repli à pas de danseuse s’impose, pourvu que le monstre ne se réveille. Heureusement, il avait probablement déjà avalé quelques singes sur ce rocher en guise de petit déjeuner, il nous a foutu la paix. Nous sommes redescendus dare-dare sans penser au temple désormais, un instinct de survie nous dominait.

Bref, j’y suis revenu, il y a peu. L’an passé, j’avais entendu à la radio que les autorités de la province avaient enfin pris la sage décision de déplacer la bande de macaques qui hantaient les lieux afin de les réintégrer dans un milieu sauvage hors de portée des touristes. Malgré les serpents, les statistiques démontraient de façon flagrante que 98% des problèmes avec le genre animal étaient générés par les singes (vols, morsures et griffures pour l’essentiel). Je n’imagine même pas ce qu’il en est des 2% restant, car si morsure de serpent il y a, inutile de redescendre, autant monter au sommet pour une dernière prière sous le regard des anges.

Cette fois-ci, j’ai été prudent. Avant l’ascension j’ai demandé aux gardes forestiers si les macaques d’alors résidaient bien aujourd’hui dans quelques mangroves. Leur chef m’a répondu que l’opération était en cours. Une telle réponse en Thaïlande est davantage qu’énigmatique, un vrai mystère. Ici, au Siam, le verbe a gardé une dimension métaphorique, il faut juste décrypter. J’en ai conclu que seuls trois singes, peut-être deux, avaient déjà été capturé et donc déplacé. Au flair et à vue de nez, j’estimais que rien n’avait encore évolué et qu’il faudrait du temps encore, des années.

Ma fille et sa mère me disent que c’est sans elles le pèlerinage, pas folles les guêpes, elles m’attendront en bas, elles savaient que l’embrouille était inévitable avec les singes, je le savais aussi. J’ai voulu essayer, à contre-courant de mon instinct premier, Je suis pourtant trouillard en général, je n’ai aucune tentation pour le danger, mais il arrive ainsi, pas souvent certes, que l’on se la joue parfois téméraire, un pétage de plombs.

J’ai donc osé seul l’ascension des 1500 marches. Juste un détail sur les marches, elles sont bien moins larges que la longueur de vos pieds et chacune d’elles est haute comme il n’en existe ailleurs aucune autre. Ni une ni deux, dès le premier palier, les macaques m’attendaient. J’ai fait semblant de ne pas les voir et miraculeusement je suis passé sans heurt. Je me suis dit qu’ils ne me rateraient pas au retour.

J’ai continué mon chemin, pas trop fier, je commençais à flipper grave dans cette jungle et me tenais aux aguets, je matais le moindre brin d’herbe aux alentours, je devinais que la galère était proche. J’ai eu maille à partir plus loin avec quatre autres bandes de macaques, des vindicatifs. Mais je suis passé malgré les embrouilles à force de patience.

Une fois tout en haut, le spectacle fut énorme. Sans rire, c’est à voir une fois dans sa vie. Sauf que le cauchemar récurrent de la redescente mettait un bémol dans le futur proche. Si tu te la joues pas carpe diem, là, sur l’instant, t’es mal barré. T’as beau être agnostique, tu plantes mille et un bâton d’encens avec de multiples prières pour arriver en bas sauf, entier, sans avoir à appeler vite une ambulance si jamais tu en réchappes de cette jungle en délire.

Miraculeusement, j’ai réussi à rejoindre les miens après de multiples embuches, les macaques furent redoutables au retour, j’ai fait le canard pendant des heures avant qu’ils ne m’ouvrent le passage. Quelques serpents aussi, mais il suffit de faire beaucoup de vibrations dans sa marche pour les éloigner, le pas de l’éléphant comme disent les Thaïs. Pensons que les serpents ne mangent que grenouilles ou rongeurs, seul un python réticulé peut vous avaler.

Je n’emmènerai donc pas encore le moindre touriste dans ce temple dans mes excursions-phare, trop de danger règnent tout autour. Mon challenge premier est de vous ramener aussi bien portant que lors de notre rencontre, le matin, juste avant notre excursion.

Néanmoins, si quelques aventuriers veulent tenter le défi en mode privatif (3 jours/2 nuits) sur notre circuit « Une saison au paradis », allons-y. Après tout, les 200 kms sur la route pour accéder au site sont bien plus dangereux que les 1500 marches à gravir pour accéder au panthéon malgré singes et serpents. Inutile de vous dire que les autres sites du circuit sont à couper le souffle sans danger aucun pour autant.

Au plaisir de vous accueillir quel que soit le parcours choisi.

 LE BAL DES SANGSUES    Le 16 juin 2019

Je reviens d’un circuit jungle, deux jours, avec deux clients. Y a pas foule en ce moment. Deux amoureux du genre animal. Deux perchés. J’ai beau eu les prévenir qu’en saison de mousson, les seules bestioles qu’on verra à foison, ce sont moustiques, fourmis et sangsues dans notre sillon, des régiments entiers, des wagons. Ils n’ont rien voulu savoir. C’est jungle ou non m’ont-ils dit. J’ai dis oui.
Sinon, la jungle c’est cool en général, des lumières inouïes dans les sous-bois, un bordel de ronces en veux-tu en voilà, une cathédrale végétale. Sauf quand il pleut, l’enfer, rigolez-pas ça peut être fatal. Qu’importe, trop de factures s’accumulaient, ma comptable me stressait comme jamais, j’ai dit oui pour le trip jungle alors que je pensais non.
Nous voilà donc partis à l’assaut des sylves du sud-thaïlandais. J’en menais pas large sachant l’accueil qui nous attendait. A peine vingt minutes de marche dans les profondeurs de la haute forêt, des pluies diluviennes s’abattent sur nous. Y a un truc de dingue dans la jungle, dès la moindre averse tropicale, tous les insectes courent, galopent, nagent à ta rencontre. Le bal des sangsues.
Dans ces moment-là, on retrouve un accent d’humilité certain, ça craint. On oublie tigres, panthères et gibbons, on se concentre sur l’infiniment petit, saloperie d’insectes. On oublie aussi l’exploration botanique tellement de serpents trainent dans les environs, ils adorent la mousson, leur spa, leur hammam, leur panthéon. On se concentre donc sur le chemin des scolopendres, on scrute l’horizon, cinq mètres maximum dans ce délire d’épineux, on panique tout azimut dans ce sanctuaire hostile, des hordes de moustiques à nos trousses au milieu des scorpions. On voudrait être ailleurs, on aimerait mater un match de foot en sirotant une bière devant la télé, on rêve d’un massage, d’un jacuzzi. Même un athée prie le ciel d’en réchapper ici-bas, on flippe sa mère dans cette hallucination dantesque. Des mygales multicolores nous la jouent ballet, des farandoles, c’est la fête de la mousson. Des machins non-répertoriés surgissent devant nous, des monstres, des mutants, un cauchemar.  
La seule arme dans ce foutoir, c’est le tabac, je suis sérieux. Avec l’humidité ambiante, tu risques pas de mettre le feu. Tu peux fumer clope sur clope, aucun danger, tu éloignes juste les moustiques avec la fumée, c’est mieux. Manque de bol, mes clients sont non-fumeurs aussi. Lors des trois dernières heures de galère dans la jungle, ils ont craqués, ils se sont remis à fumer tellement ils étaient couverts de pustules, furoncles et autres plaies, un vrai chemin de croix, le tabac les a peut-être sauvés, allez savoir ?
Sachez aussi que la seule façon de se débarrasser des sangsues dans ce milieu, croyez-en mon expérience, je me suis empressé de prévenir mes clients du jour sur ce sujet, c’est de s’enduire d’une mixture de tabac immergée depuis vingt minutes dans de l’eau, je ne plaisante pas. Ainsi, pas la moindre vermine vient vous courtiser, c’est miraculeux. Ils n’ont pas voulu me croire, ils n’avaient que de l’eau bénite dans leur balluchon, ils s’en mordent les doigts aujourd’hui, ils en pleurent, le mur des lamentations. 
Et dire que certains nous la racontent encore avec le Jardin d’Eden, notre berceau, la Genèse quoi. Justement, on en sort, nous, du jardin d’Eden, une putain de jungle, oui, un purgatoire. 
Au retour, afin qu’ils se ressourcent, nous nous sommes arrêtés dans un temple, rien ne vaut le sourire du bouddha pour décompresser. Sauf que les sculptures du temple-dit ne prêtent pas forcément à la méditation à vrai dire : la représentation bouddhique de l’enfer. Vous remarquerez au passage que ce sont les gonzesses qui morflent le plus, même en enfer y a du sexisme, c’est inouï. Je vous envoie quelques photos de l’endroit pour juger par vous-mêmes, du lourd. Les deux ont fait direct un AVC en ce lieu. 
A l’heure où je vous parle, nous sommes tous les trois au Bangkok Hospital. Eux mourant, et moi à leur chevet. Les sangsues leur auraient sucé dans les trois litres de sang chacun tellement elles furent gloutonnes, mousson oblige, un massacre à vrai dire. 
Néanmoins, ils sont sauvés, alléluia. Ils reviennent de loin. Merci Siam Evasion. On en revient parfois secoué, certes, mais toujours vivant. Ces deux-là ne quitteront plus jamais leur salon, les reportages à la télé leur suffiront. Ils sont rentrés dare-dare à la maison, seuls des nains de jardin trônent désormais sur leur pelouse, leur crèche, leur panthéon. Ils ont tout sulfaté au glyphosate m’avouent-ils, plus un insecte ne survit aux environs, une phobie qui les suit depuis notre trip jungle insolite.
Aujourd’hui, ils ne sont plus mystiques du tout comme lors de notre rencontre, usés probablement par trop de prières au milieu des sangsues dans notre excursion, ils ont abandonné toute religion, ils n’ont plus au mur qu’un portrait de Macron. 
Ils m’écrivent encore, parfois, nostalgiques. Avec le temps, les mésaventures se transforment souvent en bons souvenirs. La griffe Siam Évasion.

 COMME DANS UN RÊVE    Le 06 juin 2019

Il est impossible de se rappeler nos rêves. Seuls quelques-uns, rares, résistent au temps, imprimés dans notre mémoire tellement ils furent dingues.

D’un autre coté, un rêve c’est forcément zarbi, un monde de ouf, même le père Freud s’y est jeté à corps perdu, il s’est paumé dans cette aventure, il nageait carrément dans la choucroute parfois. Faut dire qu’il était perché, l’ami Freud, il se gavait tellement de coco qu’il en perdait quelquefois l’esprit. Et pas de la noix de coco. Lui c’était coco version coca, elle arrivait direct de Cochabamba, la même que le pape Léon XIII dégustait dans le Vin Mariani, un élixir terrible qui foudroyait les anges aussi dit-on. Poètes et écrivains déliraient sur le même créneau, entre La Belle Epoque et Les Années Folles. Sciences, Lettres ou Eglise, les mecs carburaient avec du lourd à l’époque, ils se la mettaient cher dans les secrets d’alcôve.

Et dire que certains se demandent encore pourquoi je me suis dirigé vers Lettres et Psycho en fac. Entre Freud et les autres, je rentrais dans ce monde fou. Je m’y suis cramé les ailes et la cervelle, Alzheimer et Parkinson seront bientôt mes seuls compagnons, ça me pend au nez.

Je reviens à mes rêves, notre sujet, je me suis égaré en chemin. Oui, la nuit dernière, j’ai fait un rêve insolite, et ne m’accusez pas d’avoir bu plus que de raison la veille, ma vie balance entre Françoise Sagan et Bukowski. Il est vrai qu’aujourd’hui, depuis longtemps, des décennies déjà, un demi-siècle de ça, je ne prends que des drogues mineures, bière vin et tabac, gingembre ail et viagra. Un pétard, certes, parfois, pour tout avouer, entre son et lumière, pour le 1er de l’an seulement tellement j’ai le blues ce jour-là, mais rien de quoi fouetter un chat.

Je m’en vais donc au plumard, peinard, hier soir, vers minuit, et m’endors direct. Pas davantage bourré que d’hab, pas moins non plus. Et là !... Deux ou trois heures après… je me réveille en plein rêve, du très lourd. Ne flippez pas, il ne s’agit point d’un cauchemar. Juste un frisson qui passe. C’est la toute première fois de ma vie qu’un tel rêve m’effleure, sans rire. Ne délirez pas non plus, c’est juste un rêve, je ne suis pas en train de vous mystifier avec une quelconque lumière, c’est pas mon genre.

Vous décrire ce rêve est quasi impossible. Mais bon, je vais essayer. Ne vous emballez pas pour autant, ce n’est que du premier jet. J’écris, j’envoie, je me relis après, c’est juste la version rawai.fr.

Je peaufine la version dernière sur mon pupitre durant des nuits avec les Muses, personne ne la lira jamais probablement si ce n’est peut-être ma fille, un jour, quand je ne serai que poussière si la langue de Molière et les Mémoires de son père l’emballent à ce point. Allez savoir ? Ce fameux rêve donc. Wow !... Je m’interroge encore du haut de mon perchoir quand au choc reçu lors de cette extrapolation nocturne inouïe, les rêves ont parfois cette vertu. J’en tremble encore.

Dites, j’ai usé mon capital de mots, un voyant rouge s’allume sur mon écran : « 98% de vos lecteurs n’iront jamais vous lire au-delà de cette limite ». C’est pas que j’en ai beaucoup de lecteurs, mais je vous aime bien pour être sincère, une poignée me suffit pour survivre.

Je vais donc faire court pour vous résumer ce fameux rêve : Je rentrais direct au panthéon sous les applaudissements de la foule, des femmes pleuraient en se jetant sur ma dernière bière, ça fout les jetons. J’ai flippé grave, limite AVC, j’en ai pas dormi de la nuit.

 LES CAROTTES SONT CUITES    Le 03 juin 2019

Des élans inouïs naissent sur la cime de mes crêtes mélancoliques. Le vertige. Un vrai trampoline. Je vogue entre les Romantiques et les Dingues, entre Chateaubriand et Verlaine pour faire court. Je réponds au chant des grillons et des cigales dans le spleen des tropiques.

C’est par ces mots, cette métaphore, que j’essaie de faire comprendre à mon proprio que ce mois-ci, c’est niqué pour le loyer, il lui faudra attendre des jours meilleurs. Sauf que le mec n’a aucune culture littéraire, il s’en contrefout des poètes, des écrivains. Le 1er du mois, c’est le 1er. Crête mélancolique ou non, il faut banquer. Seul le cash le mystifie m’avoue-t-il. La messe est dite.

J’essaie encore de l’embrouiller avec Spleen et idéal de Baudelaire, rien n’y fait. Le mec m’avoue sans vergogne que le seul bouquin qu’il a consulté dans sa vie, c’est son livret bancaire. Le seul livre que je n’ai jamais lu dans mon existence. L’affaire est mal barrée.

Je lui jette le chat à la face pour l’intimider, mais il l’égorge sans sourciller. Du coup, j’ose pas appeler ma fille à la rescousse de peur qu’il en fasse autant. Nous sommes au bord de la rupture. Je tente une dernière approche à la Molière afin de trouver un compromis en lui vantant les valeurs thérapeutiques des patates et carottes bouillies (expert que je suis aujourd’hui, misère oblige), Arpagon s’étonnant que tant de cageots emplis de légumineuses ornent ainsi mon palier. Je lui affirme que c’est la panacée aujourd’hui. Que du Bio ! il augmentera ainsi son espérance de vie d’une décennie, promesse de Gascon. J’essaie de lui revendre ma demi tonne de patates farcie au glyphosate acheté 2 balles le kil au marché. Deal ? Pas deal !

Le mec, fâché, me la joue Edmond Rostand :

- « Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule ! »

J’ose faire mon Proust :

- « Que de bonheurs possibles dont on sacrifie la réalisation à l'impatience d'un plaisir immédiat. »

Voilà qu’il philosophe maintenant, il me cite une pépite de Balzac, l’écrivain le plus endetté qui soit dans l’Histoire de la littérature :

- « Qui paie ses dettes s’enrichit »

Je le cloue sur du Céline après avoir reçu mon préavis d’expulsion :

- « La vie c'est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit. »

 c'EST LA SAISON DES FLAMBOYANTS    Le 30 avril 2019

Les flamboyants rutilent sur un océan de chlorophylle tels des ilots écarlates déchirant l’espace entre palmes et azur. Un bouquet de buissons ardents danse sur le tropique, des jets de lave incandescents parcourent la canopée et détrônent les géants verts de la haute forêt. Des gerbes pourpres, carmin et vermillon s’enflamment sur cette cathédrale végétale digne de Notre Dame Nature, un opéra floral dans le parfum de l’aube. C’est la saison des flamboyants.

Je fonce sur l’asphalte dans la province de Phang Nga, halluciné par ce spectacle saisonnier. A cette heure, je suis pour ainsi dire seul, pas un chat ne hante le macadam. Je prends cette ancienne et pittoresque route qui mène à Krabi, un univers haut perché sur les cimes des contreforts calcaires, un monde oublié.
 
Plus personne ne passe par ici depuis près d’un demi-siècle, un itinéraire obsolète. Et pourtant, ce parcours est féérique, vraiment. Des canyons verdoyants tel un Colorado inondé de jungles surgissent devant mes yeux hagards, un tsunami arborescent dévale sur les reliefs dans la gloire de la mousson. On se croirait sur la palette d’un peintre, toute la gamme des verts, du plus tendre jusqu’au plus foncé, défile à l'infini. Quelques panthères noires et autres léopards peuplent toujours ces hauts plateaux, le royaume des cobras royaux et le sanctuaire des scolopendres. Je vogue ainsi sur la lisière des confins insoumis.

Que se passe-t-il ? Ah non, pas de panne ici. Eh bien si, la galère !... Un meeting s’improvise dans cet univers improbable ; deux chiens errant, trois canards boiteux, un serpent-minute, quatre gibbons et une famille de pangolins m’invitent à un sitting sur cette route perdue que personne n’emprunte jamais. Ils m’accompagneront ainsi jusqu’au crépuscule sans qu’un humain ne pointe sa carcasse à l’horizon. 

Les pangolins me proposent de passer la nuit dans leur terrier après un bain de boue obligé, leur spa à eux. Les sangsues guettent mon passage en ricanant pendant que des bataillons entiers de moustiques voraces convergent vers moi, ça craint. Je rebrousse chemin mais me perds dans ce délire de ronces et d’épines. Un couple de dragons de Komodo en lune de miel en Thaïlande m’invite sur leur dos pour un insolite rodéo afin de rejoindre mon auto déjà attaquée par une bande de macaques aguerris, un vrai commando. Ils désossent mon bolide et le transforment en citrouille. Essuie-glaces, sièges et rétros s’envolent sur la canopée. Un mâle dominant s’empare de mon volant et le troque contre vingt régimes de bananes et rambutans. Un véritable marché noir s’organise dans les sous-bois. C’est la guerre.

Enfin, je me réveille… Ma fièvre est donc tombée. Que s’est-il passé ?!... On m’a ramassé brûlant dans un sentier herbeux au milieu des serpents, tout prêt d’un flamboyant. Les fourmis rouges déjà me titillaient par wagons entiers quand les noires sont arrivées pour me bouffer. Un homme passait là, c’est son buffle qui m’a trouvé. On me dit qu’il m’a sauvé.

 SONGKRAN !    Le 05 avril 2019

La Songkran, c’est ainsi que l’on nomme le nouvel an thaï, la fête de l’eau. Cet évènement se déroule chaque année le 13 avril en Thaïlande.

Cette année, je ne bouge pas de chez moi pour le nouvel an thaïlandais, une retraite s’impose. Un bon bouquin et quelques caisses de bières en magasin afin de me tenir éloigné de tous durant trois jours. Il en sera ainsi, c’est dit.

Faut dire que l’an dernier, j’ai morflé épais pour la Songkran, limite AVC. Un divorce à la clé et des mois de dépression dans la fureur de la mousson. J’en sors à peine. Je vous raconte…

Nous sommes partis en famille à notre habitude pour ce 13 avril 2018. Des flingues de partout dépassaient de nos ceintures, des kalach accrochées aux épaules. Je vous rassure, c’est la fête de l’eau. Les seules munitions que l’on amène sont liquides. Juste de la flotte parsemée de talc et de colorants écarlates. Tout le monde se canarde dans cette joyeuse kermesse. Certains prennent des seaux et balancent 20 litres d’eau et de glaçons dans la poire du chaland qui passe au guidon de son scooter. Choc thermique, accident, direct hôpital. 3500 morts par an en 3 jours dans le royaume, ça parle. Et 350 000 divorces, vous comprendrez pourquoi par la suite.

Bref, nous démarrons sur les chapeaux de roue et la guerre commence dès franchie la rangée des trois cocotiers qui font office de portail à l’entrée de notre propriété, une vieille cabane en bambou que personne ne voulait plus squatter. Un taudis dans la prairie. Même les serpents rentrent sans frapper dans cette bicoque pourrie. Un vrai moulin. L’arche de Noé. J’ai surpris, pas plus tard que hier, des mygales qui s’accouplaient dans ma salle de bain. Ne flippez pas, j’y suis habitué. Y a même un couple de varans, des putains de lézards de trois mètres de long, qui m’ont fait un ballet nuptial dans mon jacuzzi lundi dernier pour leur lune de miel. Mais bon, c’est une autre histoire.

J’en reviens à cette fameuse Songkran de l’an dernier. Je la ramenais grave entouré des miens et shootait le moindre humain qui passait à ma portée à grands coups de flingue, des gerbes de couleurs s’abattaient sur mes victimes qui m’incendiaient de même. Une joute aquatique pour clôturer la saison sèche. Voici venu le temps des orages avant que la mousson ne se déchaine. Chacun se libère de cette chape de plomb qui tombe depuis deux mois. Ce sont, ici, les grandes vacances en mars et avril sous nos tropiques. Le thermomètre passe de 30 à 35. Ça calme. Le monde vit au ralenti.

J’en étais où dans le récit, j’ai oublié ?... Ah oui, je me souviens… Après avoir perdu les miens dans la cohue, Songkran oblige, je me retrouve dans l’arène. Tous se passaient des gourdes opaques dont on ne pouvait aucunement lire le contenu et chacun buvait gaiement. Bon public que je suis, j’ai donc participé à l’élan en toute innocence à l’occasion du nouvel an. Et j’ai tété au goulot jusqu’à plus soif. J’entendais bien au loin « Thierry, reviens ici !... Papaouté ! (sur l’air de Stromae) ? », les miens s’inquiétaient

J’abandonnais ma famille, pris dans la vague, un véritable tsunami. Le flux m’emportait entre vodkas et téquilas, je ne pouvais lutter… les anges me portaient.

Je me réveille comme le petit jésus… Une fille inconnue à moitié nue me tend un verre et me dit : « Sawadi pi maï, tirak ! » (Bonne année mon amour, en thaï) … J’essaie de percuter dans un dernier élan cérébral en matant les bouteilles de rhum qui dansent encore autour de moi. Elle me rejoint amoureusement et me balance direct : « J’ai tout arrangé avec ta femme, tu divorces demain. J’ai filmé nos ébats cette nuit avec ton portable. Elle est furax »

Trois jours plus tard, la petite fleur m’oubliait et s’en allait pécho un autre blaireau. Ma fille ne me considérait plus que comme un géniteur tout au plus, adieu papa, et une guerre sans merci perdurait avec sa mère qui ferma ma société puisqu’elle possédait 51% des parts. Pas de bol. J’ai beau eu plaider ma cause – Errare Humanum Est. Rien n’y a fait. Je perdis mes dernières plumes dans ce marasme et erre encore sans fin sur le fil des tropiques, mon chemin de Compostelle à moi.

Dites, j’y pense tout à coup. Plutôt que de me terrer chez moi. Je n’ai plus rien à perdre aujourd’hui. Pauvre comme Job, sans boulot, sans gonzesse, sans famille, sans avenir. Il est temps que cela change. Carpe diem. Eve sera forcément dans la foule. On peut rêver, non ?... On va donc se la jouer nouvel an puissance mille cette année. Rendez-vous tous pour la Songkran, le 13 avril. C’est la fête de l’eau !... Mieux que le Carnaval de Rio ! 

 AUTOBIOGRAPHIE EXPRESS      Le 26 mars 2019

Je ne sais pourquoi la vie me donna ce sourire en naissant, l’énigme était totale et toujours le demeure. Allez savoir d’où me venait cette faculté à appréhender mon prochain avec une banane, un croissant de lune dessiné sur mon visage. J’avais toutefois remarqué très vite, dans ce monde de sadiques, que le sourire désarmait souvent les plus chiens d’entre eux. J’ai dû probablement adopter ce style de défense dès le tout début dans l’existence, à un âge qui échappe à la mémoire. Cela me permettait de faire davantage de conneries que les autres mioches sans doute. 
Plus tard, même les profs étaient désarmés, quand ils arrivaient pour m’en coller une, ils bloquaient devant mon sourire angélique et balançaient finalement la claque qui m’était destinée sur la face de mon voisin forcément complice. Je fus donc d’entrée frappé par l’injustice sans pour autant la dénoncer dans ce monde de brutes, tant pis pour mon voisin qui se prenait la torgnole en pleine poire à ma place. Après tout, il n’avait qu’à sourire lui aussi. A chaque rentrée scolaire, je m’asseyais toujours à coté des plus taciturnes, une position stratégique ; en cas d’embrouille, c’est eux qui prendraient tellement ils avaient des têtes à claques. 
A la maison, c’était pareil. Dès la première rixe avec mon frère, ma mère rappliquait et tabassait le frangin qui ne souriait que rarement, on peut le comprendre. J’avais beau faire toutes les conneries possibles et imaginables, c’était toujours lui qui prenait les baffes, pratique. Il en a vraiment chié. Un martyr, excédée qu’elle fut peut-être de l’entendre brailler pour la millième fois : « C’est pas moi, c’est Thierry ! ». Vous remarquerez en chemin que ce petit bâtard n’a pas hésité une seconde à me dénoncer, quelle balance le frangin, c’est pathétique. 
Du coup, il a mal tourné, il a fini haut fonctionnaire au ministère des finances. Déjà bébé, je souriais toujours, il paraît. Je ne pleurais jamais comme tous ces petits crétins qui gueulent dès l’appétit revenu à peine sorti du ventre de leur mère. Moi, rien. Pas un seul cri. Stoïque. Plus balaise que le Bouddha, je souriais déjà au fond de mon landau. Peinard, la vie me paraissait sympa. 
Mon père trouva ça chelou, il n’avait jamais vu un bébé qui ne braille pas tel qu’on le fait à cet âge débile. Il fliqua ma daronne, sa femme, lors de la becquée, et la surprit en train de me balancer 2 ou 3 témestas dans le biberon. Flagrant délit. A sa décharge, sachons que ma maman avait les nerfs fragiles et se gavait de barbituriques que le toubib lui prescrivait sans limite, une vraie pharmacie, limite hôpital psychiatrique. Elle ne supportait donc aucunement les cris d’un marmot et, généreuse qu’elle était, elle partageait son traitement de ouf avec moi. Ainsi, je ne braillais jamais. J’étais camé tout azimut dès le premier âge. Elle m’écrasait encore ses pilules dans ma purée à la maternelle. Heureusement, mes parents divorcèrent vite, j’avais 7 ans. Je restai avec mon père et commençai à téter aux bouteilles de sa cave pour compenser le manque de témesta tellement la coupure fut brutale. Je faisais chabrot, quoi. Mais collège et lycée arrivèrent vite, c’étaient les années d’adolescence entre Bob Marley, Jimmy Hendrix et Santana et tous ces dingues qui étaient alors nos idoles. Les années Beatles à moitié Stones. 
Ensuite, ce fut la Fac de Lettres, les années Miles Davis, la fac la plus déjantée de l’hexagone. Sodome et Gomorrhe sur une bulle de jazz. Inutile de raconter, le moindre épisode serait immédiatement censuré. 
Et dire que ma fille me prend la tête dès ma première bière aujourd’hui. Les temps changent. 
Des décennies passèrent sur un air de mousson. Le parfum des tempêtes rajouta à mon ivresse. J’étais perdu sur les rivages oubliés. Je dansais sur le palais des vents face à l’océan. Je parlais aux oiseaux, je bullais avec les poissons, le chant des cigales était mon hymne, le chant des grillons ma berceuse. 
J’avais remarqué qu’une petite sauvage à la jolie grimace me matait de ses yeux noirs au regard effronté dans les lueurs du crépuscule. Elle me retint sur ce rivage. Elle apparaissait chaque jour avant que la nuit ne tombe. Parfois, elle souriait sur un ciel écarlate en délire avant que les derniers feux nous quittent. Une ombre s’immisçait dans la nuit de l’ile, ma Muse courait pieds nus sur l’écume, des bouquets de rires en cascade fusaient dans son ballet nocturne. 
Cette fille m’a intrigué, je ne l’ai plus lâchée des mois durant. Chaque soir, je venais lui chanter la sérénade. Tel un clébard, je ne voulais plus le lâcher mon nonos. J’étais fou, pire que la dengue. C’est pourtant de son ventre que ma fille naquit l’année du tsunami. Depuis, je marche sur la lune.

 TSUNAMI      Le 06 Octobre 2018

Ça va, vous ?!... Les volcans se réveillent, il parait, dans les îles insoumises, la terre bouge et les raz de marées déferlent sur les rivages, c'est la saison des tsunamis ! Les hommes meurent, et ceux qui restent les pleurent... Et nous, pauvres fous égarés dans la multitude, écrasés de ténèbres, on déambule dans les décombres, on marche sur les ruines, on court sur les braises, le regard hanté par notre destinée, notre calvaire...

Les dieux n'en ont cure, ils sont blasés. Leurs orgies et banquets terminés, repus à souhait, ils se rendorment dans leur sommeil opiacé. Nous, les damnés, on garde la misère comme seul attribut, peines et labeurs comme pain ou riz, les tourments pour seul bagage, seul avenir.

Un ange qui passe, un vertige, une ivresse... et mon âme qui galope dans les enfers. Hyènes et vautours à mes trousses, je zone dans les bas fonds à la recherche de mon moi évaporé, de mon identité, de mon péché.

Allez, venez ! Je vous emmène danser sur les volcans, nous irons toucher au feu sacré, nous irons prendre le pouls de la bête dans les entrailles de notre terre, de nos tombes.

Bon, j'ai remplacé les tisanes par le café... ça fait chuter la température, il parait.

Un peu de musique, une clope, des folies qui dansent dans la tête... et c'est reparti sur le fil de l'existence tel un funambule perché sur le palais des vents à l'assaut des tempêtes et des furies qui passent.

Entre fièvres siamoises et délires paludéens, je me réveille au milieu des marées dans un océan de mangroves. Un dédale de racines gît sous les palétuviers, des cathédrales burlesques surgissent entre mer et chlorophylle, et tout un monde semi aquatique émerge de cette fange surréaliste, c'est la fête aux reptiles, aux batraciens.

Des lézards géants, gros comme des longtail-boats, déboulent des Enfers et menacent comme Cerbère pendant que mille et un oiseaux de feu, martin-pêcheur et pitas, nous la font Septième Ciel. Ils se la jouent multicolore, nos amis piafs, et se drapent des plus beaux atours, c'est l'heure des voluptés, la saison des amours. Crabes, moustiques et sangsues se jettent dans les interstices et inondent vite les derniers espaces afin de participer au festin. On dirait que l'atmosphère change... serait-ce moi, le dîner ?!

Enfin, un rayon de soleil perce à l'horizon, le déluge touche à sa fin, le sud-est asiatique gît sous des inondations historiques et nous baignons dans un décor surréaliste, c'est l'apocalypse.

Je me rappelle... des flamboyants sur la route, des écarlates en délire sous l'azur, un océan de chlorophylle et des pitons karstiques plantés comme des obélisques sous la voûte... Des mosquées, des temples rutilants érigés entre ciel et terre...

L’asphalte qui défile et mes neurones qui claquent dans la lumière... je me rappelle.

Les paysages roulent sur mes paupières et semblent surgir d'un songe. C'est sûr, c'est ici qu'est né le monde !

 FESTIVAL VÉGÉTARIEN. 
 UN OPÉ RA LYRIQUE... OUVERTURE !

L'heure du muezzin a sonné, il emplit la nuit de ses psaumes veloutés à la gloire de son dieu sous les feux follets, c'est la nuit musulmane entre croissant de lune et étoile du berger dans les yeux de Morphée avant le réveil du Big Bouddha perché sur le Mont Indra à l’aube nouvelle. 

Entre bonzes et imams, Rawai s'éveille sur des accents de Chine, mille et un drapeaux flottent aux couleurs du Tao dans les transes du Festival Végétarien, une foule drapée de blanc se presse au passage de ce joyeux cortège dans l'écho des pétards annonçant la farandole sur un ballet de mille et un dragons en ce premier jour du Festival Végétarien.

Esprits, dieux, elfes et génies se mêlent à la multitude afin d'en découdre sur un sursaut ultime dans une flaque de soleil dès l’aurore. Ce soir, ils rentreront tous dans leurs temples et se rendormiront d'un sommeil opiacé trainant leurs chapelets de prières sous les fumées d'encens jusqu'au bout de la nuit avant de resurgir demain pour un nouveau défilé dans la lumière des tropiques. 

Me berçant de ma prose dans les lueurs de l'aube, je réalise tout à coup que ta venue est proche, mon Eurydice. Ciel, j'ai perdu pied avec l'horloge du temps et ne sais jamais si l'on est octobre ou février, je vis comme un fantôme entre deux mondes et porte la lucidité de ces fous illuminés qui errent sous la voûte en quête d'éphémère, d'éternité. 

Je dialogue avec les anges sur le chemin des crucifiés avant de faire mon entrée sur la piste de danse, c'est le bal des damnés. La nuit venue, je m’en vais trainer mon ombre dans les cimetières. Ici on peut enfin s'oublier, respirer, et profiter un instant de quelque légèreté. Laissez-moi m'enivrer au milieu de ces tombes, j'écoute les murmures de l'humanité. Dans tous les coins, ça chuchote. Ici, pas de tabou, pas de chichi, on danse même dans les égouts. On communie avec les rats, on s'aventure aussi sur le domaine des loups. On marche sur des braises, le sourire aux lèvres, les yeux désorbités par l'attrait de l'abîme. Enfants de nulle part au milieu de rien, innocence et corruption viennent se mêler sur un air d'opéra ivre et basanée aux couleurs de la vie. 

Voici l'aurore venue enfin nous saluer, une virgule, un point d’exclamation, une grimace complice dans le petit matin.
Ça y est, c’est reparti, tous les temples chinois de Phuket défilent à nouveau sur un parfum de Tao, leurs autels fièrement exhibés dans la multitude, ils nous honorent de leur délire. Un ballet à la fois joyeux et macabre. Une ronde mystique. Un tango surréaliste entre ombre et lumière. Un opéra lyrique !

STEPHAN AUDIGER
STEPHAN AUDIGER FESTIVAL
(Photos Stephan Audiger)

 FESTIVAL VÉGÉTARIEN PHUKET (Octobre 2018)

Un festival haut en couleur commence aujourd’hui, probablement le plus spectaculaire qui soit sur Phuket. Pendant neuf jours des processions parcourent toute l’île avec force pétards et exhibitions durant lesquelles un nombre effarant de figurants se lacère tout le corps à grands coups de hache, épée, hallebarde et autres couteaux de charcutier, festival végétarien oblige. Limite boucherie. D’autres marchent sur le feu ou bien se pendent à des crochets la journée entière tels que des maquignons le feraient dans une foire pour exposer pintades, cochons ou bœufs avant l’abattage. Neuf jours sans viande, alcool ni sexe, c’est la règle.

A vrai dire, j’avais oublié le jour d’ouverture. Je me réveille donc, peinard, comme à mon habitude et m’en vais prendre une première bouffée d’oxygène sur le perron dans la lumière de l’aube. Putain, un mec s’était embrochée sur mon portail équipée d’une herse redoutable afin de dissuader le clébard du voisin de venir nicher dans mon jardin. J’accours pour lui porter secours mais le type me prie de ne rien faire, c’est sa façon à lui de participer au festival m’explique-t-il. Le bonhomme pissait le sang de partout mais semblait aussi serein que vous et moi quand on se la joue bain dans le jacuzzi, il avait l’air content. Il attendait ses copains qui étaient déjà en chemin et désirait leur faire une surprise pour lancer les festivités. Je le connaissais bien, il habitait trois maisons à coté, un vendeur d’assurances toujours tiré à quatre épingles en tenue impeccable. Je lui fais donc la conversation le temps que sa confrérie déboule.

Tenez, justement ses potes arrivent, une bande d’allumés grave. Ils étaient tous embrochés comme des poulets à l’heure du barbecue. Il y en avait même un qui poussa le vice à se mutiler épais, trois lances de chevaliers plantées dans les joues avec des quartiers de bananes qui pendaient de chaque coté manière d’en rajouter. Pas des lances de PD, les mêmes qu’Ivanhoé, un fada complet. Leur surprise fut de taille de voir ainsi leur pote agoniser au milieu des barbelés sur mon portail. Je pense qu’ils étaient un peu jaloux, leur copain avait eu la meilleure idée, c’était définitivement lui la star de la journée.

Bref, ils l’aidèrent à se dégager, cela dura bien trois heures tellement il était empêtré. Et puis, ils s’en allèrent rejoindre la procession du jour à Phuket-Ville. Sans rire, il avait bien perdu deux litres de sang mais n’en semblait point affecté tellement il était content d’avoir ainsi bluffé sa bande d’ahuris. Des mystiques, quoi.

Avec ces conneries, je n’avais encore déjeuné, moi. Faut dire que de les voir ainsi se vider comme des poulets, je n’avais plus très faim, à deux doigts de tomber dans les pommes. Je me décide quand même à sortir de chez moi pour m’alimenter afin de retrouver quelques forces. Je prends ma douche en chantant mais je n’arrivais point à me sortir ces images de la tête, je fis trois syncopes dans la salle de bain. Avouez que c’est du lourd ce Festival Végétarien. Tant bien que mal, j’arrive à m’habiller, j’étais blême, je n’en menais pas large, je voyais encore l’autre hurler comme un goret au réveil lorsqu’il s’enfourcha sur mon portail avant qu’il ne retrouve ses esprits. Que ne faut-il pas faire pour épater ses potes.

J’arrive à gérer le stress généré par ce spectacle et déboule dans l’avenue au sortir de ma rue. Je vous dis pas le choc, il y en avait de partout qui déliraient plus encore. Certains étaient pendus avec des crochets de bouchers sur les lampions, d’autres rivalisaient à qui mieux mieux à grands coups de hachoir pour emporter la palme du plus dingue. Une ambiance extraordinaire. La « rave » de l’année !... On se serait cru au Moyen-Age à une époque où tous subissaient la question au temps de l’inquisition. Sauf que là, ils en redemandaient encore, rien ne pouvait les arrêter dans leur « trip », séance « extasy », le bal des furies.

Sans rire, je les enviais d’ainsi se lâcher mais j’étais définitivement trop douillet pour les imiter. Ils voulaient juste s’affliger de tous les maux durant neuf jours pour prendre ne serait-ce qu’un peu de cette souffrance que vit l’humanité au quotidien, leur credo, un grand projet. J’avoue qu’ils travaillaient grave du chapeau pour en arriver là. De grands humanistes en somme.

Finalement, je n’ai pu avaler la moindre bouchée entre carottes, navets et poireaux, Festival Végétarien oblige, tellement des rivières de sang coulaient sur le pavé. J’ai fini dans l’ambulance avec Miss Thaïlande qui venait de s’évanouir devant cette boucherie, un fada lui avait mis trois coups de hache dans sa frénésie, le roi du festival. Il aurait obtenu la médaille d’or de l’année, dit-on, tellement il s’est haché menu, une dextérité inouïe le possédait. Un pro.

Les toubibs m’ont certifié que je n’avais rien après trois minutes d’examen, je pouvais revenir chez moi peinard. J’ai refusé de partir pour assister Miss Thaïlande dans son agonie à l’hosto, brave que je suis. L’empathie et la compassion m’ont rivé à son chevet. Faut dire qu’elle était vraiment jolie, Miss Thaïlande

 BON DIMANCHE !       Le 06 octobre 2018

Quelqu’un sonne, dring ! dring !... deux, trois, cinq coups.

« Oh Machin, c’est bon, j’arrive, on se calme ! » que je gueule en direct des chiottes où je me coule un bronze peinard tout en feuilletant Madame Figaro juste avant de me torcher avec, un vieux numéro sur la libido débridée du caniche, un collector que j’ai trouvé dans les poubelles du voisin.

C’est pourtant dimanche, qui peut bien venir me faire chier à une heure pareille ? A peine 7h du mat.

Et vas-y que ça recommence… dring ! dring ! dringdringdring !... Je sors furax jusqu’au portail et aperçoit deux vendeurs aguerris de tapis. La discussion commence :

_ Moi vendre tapis

_ Moi pas acheter tapis

_ Pas cher !

_ Ça vaut pas un clou tes tapis pourris, dégage abruti !

_ Moi pas abruti, moi Baba Ali

_ Moi Thierry, moi pas gentil »

Bref, nous échangeons ainsi tels que des gentilshommes peuvent le faire un dimanche à une heure si matinale.

Le second rentre en scène et veut direct me foutre son tapis sur la gueule, un vrai molosse, un borgne avec une cicatrice énorme sur le visage.

_ Moi très méchant, moi te plier en deux

_ Je vais t’arracher les couilles Scarface. Moi Bruce Lee

_ Moi te casser toutes les dents

_ C’est ça, fais le malin avec ton compère. Dans deux minutes, tu vas pleurer ta mère !

Ça se gâte. Le ton change, l’échange s’envenime, le débat tourne court et le mec devient carrément vert. L’incroyable Hulk veut me tirer une droite mais vise mal de son seul œil valide et se prend le pot de fleur, un cactus géant que j’affectionne. Le type hurle, la main ensanglantée et truffée d’épines, il se met à escalader le portail. C’est là que j’envisage un repli stratégique avant de lâcher les chiens, deux caniches nains et débiles qu’un pote m’a demandé de garder trois jours. Je me barricade grave tellement il est en furie. Les deux cleps commencent à flipper épais devant la masse du colosse, ils me supplient de les laisser entrer.

Ni une ni deux, le cyclope les explose à grands coups de pompes, un massacre. De la viande partout, des bouts de caniches dans tout mon jardin, j’en ai même retrouvé quelques morceaux sur la cime des cocotiers le lendemain. Ne vous fâchez jamais avec un vendeur de tapis, ces gens-là n’ont aucun sens de l’humour, ils prennent tout au premier degré, inutile avec eux de plaisanter. Une fois passée sa rage sur les deux clébards, il finira enfin par se barrer. Je l’ai échappé belle. Adieu Goldorak.

Je reviens dare-dare aux chiottes, j’en ai la diarrhée tellement ce fou m’a impressionné. J’essaie d’imaginer un scenario pour mon pote qui sera forcément démonté de ne pas revoir ces deux caniches blancs chéris. Je l’avais pourtant prévenu que je n’étais pas le plus doué avec le genre animal. Peu importe, après avoir tout nettoyé, demain, afin qu’il ne voit le moindre poil qui traine de ses deux chérubins, je lui annoncerai qu’ils ont profité d’une seconde une fois le portail ouvert pour se faire la malle pendant que j’allais relever mon courrier. A moins d’aller braquer les deux caniches gris du voisin, je lui dirai que je leur ai fait une couleur, il n’y verra que du noir. A voir.

Non encore !... dring ! dring ! dring !... Je le crois pas, ils ont tous décidé de m’emmerder aujourd’hui. Je mate par la fenêtre de peur que ce soit le yéti qui revienne. Aucun danger, juste deux babas gringalets en bicyclette. Je vais pouvoir la ramener plus encore et les pourrir tout azimut. J’arrive au portail et les branche d’entrée :

_ C’est pas fini les conneries !... Vous n’avez rien à branler le dimanche ?

_ Désolé, nous sommes les envoyés de Jah et venons vous apporter la parole divine.

_ C’est ça, oui. Et ma sœur, elle s’appelle bat-le-beurre ?

_ Pardon ?

_ Laisse tomber et remonte vite sur ton vélo avant que je lâche les chiens.

J’ai un peu menti, les chiens étaient déjà loin depuis le passage des frères Tapis, le purgatoire les accueillait au moment où je vous parle.

Le mec reste de marbre et commence à m’expliquer que sa secte d’allumés est notre seule option pour enterrer tous nos péchés et retrouver le chemin vers la lumière :

_ Seul le royaume de Jah peut nous sauver.

_ Oh Machin, faut arrêter les tarpés.

_ Pardon ?

_ C’est pas fini ce cirque, tu te crois chez Pinder ?

_ Belzebuth est en toi. Accepte la rédemption, frère terrien.

_ Alléluia ! C’est ça, va faire le clown chez le voisin.

Sur ce, il me balance son pitch sans sourciller pendant que son pote entonnait des chants mystiques avec des carillons dans les mains. Ils se mirent à exécuter une danse frénétique sur le pavé, limite Parkinson. Tous les chiens du quartier hurlaient à la mort pendant que Simon et Garfunkel partaient « en live », les crapaud-buffles en rajoutaient en prévision de l’orage, cigales et grillons participaient au concert et même les corneilles vinrent se joindre à la chorale sous un ciel déjà menaçant. Ces deux fadas jubilaient et chantaient de plus belle, ils étaient maintenant déchainés, rien n’aurait pu les arrêter. Une transe les possédait dans leur radio-crochet improvisé, une foi inébranlable les animait, seule la camisole les aurait définitivement calmés. Je les ai plantés direct et m’en suis retourné vider mon sac dans les techio sous le regard des anges.

Dring ! dring ! dring !... Je rêve, c’est pas possible !... Putain, un vendeur de balais maintenant !... Je lui ai acheté tout son stock, j’ai déclaré forfait avant que les pompiers n’arrivent pour me vendre leur calendrier.

Vivement lundi !

 LEÇ ON DE FRANÇAIS       Le 29 septembre 2018

J’adore ce pays, la Thaïlande, pour ceux qui ne le sauraient encore.

Je file acheter quelques bières, au 7/11. C’est carrément une institution dans ce royaume, il y en a absolument partout, tous les cent mètres. En gros, sur Phuket, vous trouvez un salon de massage qui jouxte un 7/11 et juste après un concessionnaire scooter ou auto, les trois business-phare, la trilogie commerciale de l’ile hormis hôtels, restaurants et bars qui pullulent dans cette première station balnéaire d’Asie, la troisième en ce monde après Cancun et Hawaï. Un des temples majeurs de la civilisation des loisirs.

Je pars donc au 7/11 et me retrouve dans une queue infinie au milieu des locaux, je ne vis pas sur une plage. Pour passer le temps avant d’arriver à la caisse, je discute d’un ton léger dans la file et participe à la conversation de mes plus proches voisins. Un ladyboy, une musulmane en hijab et une bouddhiste, deux étudiantes, un professeur, un vendeur de brochettes, une employée de banque et une ladybar plaisantent ensemble, je me marre avec eux. Ce petit monde qui caractérise cette contrée vit dans un élan fraternel sans se soucier de barrières, de statut social ou castes, de préjugés, de faux-semblants. Tout ce qui n’est pas amusant n’est pas digne d’intérêt à leurs yeux, leur précepte philosophique majeur. Ils se marrent en permanence et rient de tout sans pour autant être dénués de compassion lorsque le moment l’impose. C’est pourquoi j’adore Phuket et ne saurais vivre ailleurs tellement le monde est aujourd’hui gangrené par tant de haine,  de conflits, d’intolérance.

Les deux étudiantes me demandent si je peux leur donner un cours de français, le temps de se changer et de se défaire de leur uniforme d’université, elles habitent juste à coté, je dis oui sans hésiter après leur avoir donné mon adresse. Le ladyboy, la banquière et la ladybar me demandent aussi de participer à ce cours offert généreusement à titre gracieux. 
La musulmane arrive chez moi la première. Elle a délaissé l’hijab et se présente les cheveux lâchés, en petit short et tee-shirt comme sa copine bouddhiste juste après. Les trois autres arrivent ainsi, tenue tropicale oblige. A tel point qu’on ne saurait qui est qui puisqu’elles arborent toutes la même tenue. C’est ce que j’aime ici, l’habit ne fait pas le moine une fois libéré de toute convention vestimentaire professionnelle ou autre en fin de journée.

Nous commençons cette première leçon de français qui dure jusqu’au crépuscule. Je demande à ma fille de m’aider pour quelques traductions que je ne sais faire, Thaïe qu’elle est, et nous passons trois heures tous ensemble à nous marrer entre La Fontaine et Molière. Entre temps, les filles m’apprennent quelques expressions de la langue thaïe que je ne savais encore et je ne sais définitivement pas si nous sortons d’un cours de thaï ou de français, c’est tout le charme de cette leçon improvisée, je serais incapable de dire qui furent élève ou maitre. 

Nous nous sommes promis de remettre ça la semaine prochaine afin de cultiver nos différences et nos réjouissances, un vrai bonheur dans ce pays comme nul autre pareil. Un vrai miracle quand je pense à ce qu’il en est aujourd’hui en France si j’en crois les témoignages de mes touristes en excursion quand ils savent que je ne suis rentré dans l’hexagone depuis dix-sept ans déjà. Ils me disent tous : « Ne rentre pas, Thierry, tu vas souffrir, crois-nous, t’es mieux ici »
Vous savez quoi ? Demain, je m’en vais refaire mon pèlerinage au 7/11, mon chemin de Compostelle.

 SPICY        Le 27 septembre 2018

Des clients me demandent de les emmener dans un resto thaï sans chichi où l’on peut goûter à la fameuse cuisine de ce pays, la même que les locaux. Ils me prient de ne pas commander une version édulcorée et ne craignent aucunement les plats épicés. Je les préviens que la surprise pourrait être de taille si jamais. Peu importe, ils sont prêts au pire et me rient au nez arguant qu’ils ont goûté à tout en ce monde et qu’il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat tellement leur palais est exercé. Ils me disent qu’ils vont souvent au Maroc où ils possèdent une résidence et n’hésitent jamais à doubler la dose d’harrisa, leur péché mignon. J’ai beau les prévenir que nous ne sommes pas à Marrakech, les Thaïs culminent dans les records question piment quand ils se lâchent. La dame me répond que c’est bon pour la ligne, le piment, ça brule les graisses affirme-t-elle sur un ton qui ne souffre aucune polémique. Son mari surenchérit et me prie de croire qu’ils ont goûté aux plats les plus redoutables dans leur hôtel à Laguna Beach sans pour cela pleurer comme les autres touristes, des petits joueurs qu’il ajoute.

J’obéis donc et les emmène direct dans un boui-boui que j’affectionne sur Rawai. Aucun touriste ne vient manger là, la cuisinière a carrément pété les plombs et prépare des plats surréalistes, seul un dragon peut dîner ici. Je commande le menu « Feu à tous les étages », un drôle de nom pour ce restaurant qui ne compte pourtant qu’une salle au rez-de-chaussée. Song Tam, Lap Kai et Keng Som Pla entre quelques autres misères sur le panthéon de ce repas exceptionnel. Je demande aussi trois bassines de riz, une pour chacun, afin de calmer le délire des piments sachant qu’on sera tous au sommet après avoir ingurgité ce volcan gastronomique. La dame ne mange pas de riz, c’est mauvais pour la ligne. J’insiste pour qu’elle fasse une exception dans son régime alimentaire sinon elle ne pourra goûter à tout. Rien n’y fait, elle reste de marbre. Pas de problème, c’est parti !

Le Song Tam arrive et je vois mes invités y aller à grandes bouchées tellement ils étaient morts de faim, ils finissent le plat à vitesse grand V. Un calme apparaît tout à coup, un grand silence, je vois leur visage virer à l’écarlate, on dirait la robe pourpre d’un cardinal, ils deviennent carrément violets. 

Une pause s’impose. Je ne les verrais que peu durant cette demi-heure, seules les toilettes les intéressent. Ils reviennent me disant qu’ils ont dû manger un truc pas clair, la veille, et qu’ils déclarent forfait. Je leur conseille de goûter aux autre plats qui viennent sinon personne ne comprendrait, les Thaïs sont très susceptibles et la cuisinière a mis toute son âme pour les mystifier sachant qu’elle avait affaire à un couple de VIP. 

« Pensez qu’elle ne voit jamais de touriste dans son bouge alors que cette île en compte tant, elle serait vraiment vexée de nous voir ne pas toucher aux autres mets. S’il vous plait, ne lui faites pas un tel affront, les filles de ce pays ne plaisantent jamais avec la bouffe, elle serait capable de nous égorger avec ses couteaux de boucher, sans déconner ! » que je leur dis. Je leur laisse une autre demi-heure pour se remettre et ils acquiescent à ma supplique. La dame me demande une grosse assiette de riz malgré son régime diététique. Ça y est, la suite arrive. Je ne sais pourquoi mais je les sens paranos, comme une hésitation qui les saisit tout à coup. Ils ne veulent faire mauvaise figure et finissent par se lancer même si l’enthousiasme a subitement baisser d’un cran. Aussi incroyable que cela paraisse, ils avalent tout en matant les regards appuyés de la matrone du lieu armée d’une hache de cuisine qui vérifie que nos assiettes soient pleines. Ils arrivent à finir le Lap Kai, les douze travaux d’Hercule, mais calent sur le Keng Som Pla, l'enfer de Dante, après y avoir goûté un tantinet en pleurant. 

Mes clients commandent 25 litres d’eau afin de calmer ce feu qui les incendie, limite appeler les pompiers. Je n’ai jamais vu des gens boire autant, un vrai tsunami. Je leur conseille de fumer une cigarette pour éteindre ce volcan, la meilleur option face au piment. Aucun d’eux n’est fumeur. Ils écoutent mon conseil et fumerons deux paquets au « finish ». Je les ramène dans leur hôtel, ils restent perchés sur le parcours et pas un mot ne sort de leur bouche. Juste trois arrêts au 7/11 pour racheter 25 litres d’eau encore et trois paquets de clopes. 

Ils m’ont rappelé le lendemain, ils étaient déjà rentrés en France avec Europ-Assistance et se faisaient opérer pour enlever des myriades d’hémorroïdes. Le toubib leur a dit qu’ils en avaient pour six mois de traitement au bas mot et qu’ils en chieraient vraiment. Il les a mis direct sous morphine après l’opération tellement le cas était grave. Ils ont ajouté lors de cette conversation téléphonique : « T’inquiète pas, on va te soigner dans notre avis sur tripadvisor, ça va être ta fête ! »

Je n’ai pourtant fait qu’obéir à leurs souhaits. Les gens sont si ingrats aujourd’hui.

 MASSAGE        Le 10 septembre 2018

Je n’ai pas pour habitude de fréquenter les salons de massage alors qu’il y en a tant, tous les cinquante mètres sur Phuket, à croire que cette île est vouée essentiellement à cette activité. Non pas que j’en nie les bienfaits, sauf que tout ce qui dépasse le stade des caresses ne me branche pas vraiment, je suis tellement douillet de nature que j’évite de me faire ainsi torturer. Un comble pour un mec immergé dans ce royaume depuis si longtemps. J’en aurais pourtant bien besoin à force de m’abimer sur mon pupitre, j’en ai le dos qui pleure.

Bref que ce soient massages, yoga ou bien dîners avec la communauté d’expatriés de l’île, je préfère zapper. Entendez-moi bien quant au dernier élément invoqué de cette trilogie, loin de moi l’idée de dénigrer la communauté française installée sur cette île, bien-sûr que non, je veux juste dire que tout ce qui est protocolaire m’ennuie, mon coté libertaire, et je n’ai aucunement vocation de sauver le désœuvrement de mes compatriotes pour la plupart retraités sur Phuket lors du 14 juillet ou autres. Sachez cependant que parmi mes meilleurs potes, ici, qui bossent comme moi ou qu’ils soient rentiers ou retraités, la majorité d’entre eux sont francophones, c’est si géant d’échanger, de rire et de polémiquer dans la langue de Molière. Mais ce ne sont que des moments en aparté, café, apéro ou bien dîner sur le rivage sous la ronde des astres. Mes potes, quoi.

Je disais quoi, là ?... Ah oui, les massages. J’ai beau ne pas en être féru, je fais donc une exception aujourd’hui après que certains m’aient convaincu des bienfaits d’un salon digne du panthéon. J’ai beau paraître parfois chien dans mes avis, je suis, en fait, très influençable quand mes proches insistent pour ne point rater un scoop, le massage du siècle en l’occurrence. Ni une ni deux, je file donc à l’adresse indiquée prêt à me soumettre aux mains expertes qui, soi-disant, me rajeuniront de dix ans question bien-être selon les dires de mes potes. Je vous raconte pas la suite…

Si, finalement, je vous la conte, je ne vous ai point fait ainsi languir pour éluder la chute. Gaillard comme jamais, je me présente auprès des hôtesses qui m’accueillent, toutes Miss Thaïlande, et m’introduisent dans une cabine VIP où l’on fait, me disent-elles, des miracles. Apparemment, mes potes ne m’ont pas embrouillé, je me méfie avec eux tellement ils sont souvent chelous, je trouvais zarbi qu’ils se cotisent tous pour me payer la séance. Les filles me proposent une putain de liste avec vingt différents massages à la clé, comment choisir ? J’ai bien hésité pourtant, le seul qui me branchait à priori était le massage réjouissance, le « massage extasy », trois déesses s’affairaient durant une heure et vous infligeaient un massage hors pair qu’elles exécutaient nues avec leurs corps de rêves dans une baignoire géante aux mille et un jacuzzis entre bulles, champagne et tsunami. Très franchement, je ne voyais aucun autre massage sur la liste pour me redonner vie. Finis les maux de dos, les crises existentielles, les petits soucis. Malgré tout, je n’ai pas voulu faire mon blaireau et j’ai opté pour le massage thaï traditionnel puisque mes potes me l’ont fortement conseillé.

Les hôtesses ont donc été chercher la seule masseuse qui culminait dans cet art légendaire. Sans déconner, j’ai flippé grave quand je l’ai vue arriver, la Mama pesait au bas mot 120kg, un air patibulaire la possédait, une furie illuminait son regard. A elle toute seule, elle aurait pu mettre à bas une armée, une seule gifle de sa part aurait mis chaos un bataillon tout entier. J’ai bien essayé de parlementer et dire que mon doigt avait fourché sur la liste des programmes proposés, elle fut imperturbable et commença à me tordre dans tous les sens, j’en ai encore le vertige. Elle me secoua tout azimut et j’ai beau eu la supplier d’arrêter, rien ne put la retenir. J’ai essayé de la soudoyer et lui promettre vingt fois le prix du massage en pourboire, elle fut sourde à mes suppliques. Une heure à gémir, à pleurer, à prier, une heure à crier pitié. Rien n’y a fait. Elle en a appelé trois autres à la rescousse pour me tordre plus encore durant un court instant qui me parut éternité, de vraies sadiques. Je ne sais pourquoi mais je pensais au bouquin de Houellebecq que je venais de lire, « Soumission ». La grosse vache se mit à me marcher dessus pendant que les trois autres chameaux me torturaient, sous prétexte que ça libère les ondes négatives, j’eus la soudaine impression d’être piétiné par un troupeau d’éléphants, du lourd !

A l’heure où je vous parle, je suis à l’hosto, encore. Ils ont direct appelé l’ambulance après la séance de massage, trois vertèbres déplacées, cinq cotes fêlées, le bassin fracturé, coudes et genoux pliés et un bras cassé, limite AVC. Elle m’a même proposé une petite gâterie en fin de course, j’ai pas osé dire oui. Alléluia !

 MOUSSON        Le 07 septembre 2018

Allez, c’est parti.
Des myriades d‘écarlates défilent sur mon pare-brise, un ballet de couleurs comme jamais entre fuchsia, pourpre et rouge vermillon. Des lambeaux d’azur déchirent ce ciel de mousson avant que le crépuscule ne tombe. Les flamboyants trônent sur cette route que j’emprunte déjà depuis plus de vingt ans et qui relie Phuket à Krabi. Entre spleen et mélancolie, j’avale les kilomètres à la vitesse grand V sur quelques airs de blues qui hurlent dans mon cockpit à m’en faire péter les tympans. Des monolithes karstiques peuplent ce décor surréaliste entre ciel et terre, des ombres gigantesques parsemées de forêt primaire envahissent ces formations calcaires, les nuages passent ici à la vitesse de la lumière. Tout, ici, me parle, montagnes, cieux, arbres séculaires aux racines aériennes, palmiers et buissons ardents, ma bible n’est autre que ce roman de la Genèse au royaume des tsunamis. 
J’attaque le rivage et accélère encore, grisé par ces paysages qui sont miens aujourd’hui, des défilés de filaos me saluent au garde-à-vous à l’infini. Les flots dansent sur la Mer Andaman, c’est la rage des éléments sur un air de mousson, l’atmosphère s’emplit de noires colères avant que l’orage, tout proche, ne vienne. Des éclairs déchirent maintenant cet espace et le tonnerre redouble de fracas dignes de l’apocalypse, on dirait un géant théâtre aux allures titanesques, sons et lumières déferlent sur l’asphalte, la foudre tombe à corps perdu ici ou là, des cortèges d’anges et de démons rentrent en scène, le spectacle s’emballe et tout part en « live »
Une véritable furie s’empare de ce maelstrom devenu diabolique, des bourrasques furibondes me déportent de tout coté, je suis à deux doigts de quitter la chaussée, ma bagnole devient un bateau ivre entre vents et marées, je tiens bon la barre et fonce dans la nasse. Une impression de vivant envahit ma sphère émotionnelle, le moindre sentiment prend des élans de tragédie antique, Ulysse m’accompagne dans cette odyssée tropicale. Le ciel est prêt à me tomber sur la tête mais il ne pleut encore, je peux foncer tout azimut dans ce délire dantesque. 
Je suis seul désormais sur cette route infernale, je vire, je virevolte, enivré par la mousson, ma saison préférée, je déboule comme un dingue dans ce chaos hurlant, chevauchant mon bolide sous les cieux en feu au Royaume du Siam. 
Ça y est, le déluge ! Des torrents s’abattent sur l’asphalte, des montagnes d’eau inondent la route. Je fonce encore, deux ou trois pick-up s’envolent devant moi, aquaplaning oblige, il y en a même un qui fait une cabriole sur mon capot sans me toucher, la chance me sourit, j’étais à deux doigts d’y passer. Je sais pourtant que je ne suis qu’en sursis si je ne ralentis ma course à fond de train. Des ambulances surgissent, des sirènes hurlent sur le macadam, c’est le bal des damnés. J’entrevois quelques macchabés, quelques cadavres sur le pavé.
Le téléphone sonne, ma nana me demande qu’est-ce que je branle à une heure pareille depuis qu‘elle m’attend, je lui réponds que je m’envoie en l’air sur un air de mousson. Je lui dis que je roule tel un dingue dans ce bordel ambiant et que c’est vraiment niqué ce soir pour notre diner, la mousson sera ma seule fiancée.
Malgré tout, je ris avec Dante, le rire du fou qui échappe aux gémonies, et fonce encore dans cette nuit comme nulle autre, la nuit de tous les dangers, j’en suis le seul rescapé jusqu’alors même si je ne donne pas cher de ma peau dans les minutes qui suivent. Je m’allume une clope, celle du condamné, celle qu’on fume comme aucune autre au bord du précipice, au bord de l’abime. 
Quelques kilomètres me séparent de Krabi, mon but ultime, je suis à deux doigts d’être un miraculé, un camion déboule et je m’encastre dans son arrière-train, je finirai donc la nuit à l’hôpital au milieu des mourants qui peuplent mon cauchemar, c’est le bal des fantômes. Je vous rassure, la chance encore, juste quelques fractures sous le regard des anges malgré quelques frissons au moment de l’impact, ma vie défila tel un livre avant que je ne revive. Appelez-moi Lazare !

 LA DENGUE ENCORE        Le 02 septembre 2018


Dites, je crois bien que j’ai encore chopé la dengue. C’est quand même dingue, non ? Les toubibs m’avaient pourtant dit que je ne risquais plus rien puisqu’il n’en existe que 4 formes. Sauf que, là, c’est ma cinquième, ça commence à bien faire ces conneries. Ils me certifient qu’ils n’avaient encore identifié cette dernière et que je serais selon eux un cas unique dans l’humanité. Allons donc.

Il est vrai que je me fais sucer depuis déjà vingt ans par les moustiques sous nos tropiques sans me protéger pour autant. Je n’ose user de répulsifs anti-moustique pour ne point ajouter au trou d’ozone, grand écologiste que je suis devant l’éternel. Je me suis juste équipé d’un lance-flammes mais ne l’utilise que quand je pète un plomb à force de me faire sucer tout azimut dans la nuit de l’ile. Et dire que certains s’étonnent que je déménage tous les trois ans, j’ai tellement de problèmes avec mes proprios quand la demeure flambe, lance-flamme oblige, qu’il me faut impérativement bouger pour retrouver un toit digne de ce nom. Du coup, j’ai des procès en cascade tellement les plaintes ruissellent. Cela dit, ça les calme quand ils me voient débarquer à la cour armé du dit lance-flamme, je ne m’en sépare jamais, même pas quand j’emmène ma fille à l’école pour fumer le premier blaireau qui oserait me klaxonner sous prétexte que ma conduite serait dangereuse alors que je ne dépasse jamais les 120kh/heure en réseau urbain, je ne suis pas aussi fou que certains le disent. Il paraît que je roule trop vite mais mettez-vous à ma place, ma fille est toujours en retard, elle a le réveil difficile et je me dois de foncer grave pour que ses profs ne la blâment. Je la comprends aisément car j‘avais le même syndrome autrefois. J’arrivais à l’école à 10h le matin alors que tous rentraient à 8h et je ne cessais de me faire incendier par les enseignants. J’avais beau leur dire qu’il ne fallait aucunement le prendre avec tant de courroux et que la clémence suffisait amplement, ils ne décoléraient point. Je leur expliquai que j’avais pourtant de quoi être excusable, j’écoutais Jimmy Hendrix jusqu'à 5h du mat à l’époque, il est bien évident que je ne pouvais arriver à la même heure que tous les autres élèves, ce n’était pas de ma faute si tous s’endormaient vers 8h du soir bercés par Aglaé et Sidonie, une émission quotidienne qui faisait fureur alors auprès des mioches à la télé pour les endormir. Mes références culturelles n’étaient point les mêmes, pas davantage, pas de quoi en faire un fromage. Les profs n’ont pas voulu le voir ainsi, ils m’ont fait passer devant le conseil de discipline de multiples fois sauf que le seul élève du bahut qu’ils ne pouvaient virer, c’était le délégué des élèves, le seul élève à être présent lors de ce conseil pour défendre le cas incriminé, l’avocat des autres lycéens. Je me suis démerdé toutes ces années pour être justement l’élu afin de parer à toute éventualité. Je les ai ainsi niqués, ils pouvaient gueuler tout azimut, j’étais protégé par mon statut. J’avais dès le début, au lycée, senti la patate venir avec mes retards répétés au quotidien et ce fut la seule option possible pour continuer mes études sans changer de bahut tous les trois mois. Chaque année, le challenge fut de me faire élire par les autres élèves au conseil d’administration, cela marcha au-delà de mes espérances, ils savaient tous que je serai leur meilleur avocat devant profs et proviseur le cas échéant tellement j’étais déjà le mouton noir.

Vous comprendrez donc aisément que je ne peux incriminer ma fille pour son réveil lent, le matin, au moment d’aller au collège. C’est pourquoi je roule comme un fada afin qu’elle ne souffre des complaintes de ses professeurs, elle n’est pas déléguée des élèves, elle, et le risque est gros de n’arriver à l’heure pour le lever de drapeau et l’hymne national avant de rentrer en cours.

Je disais quoi juste avant ? Ah oui, j’ai encore chopé la dengue. Putain, une semaine de fièvre à terrasser un pachyderme, un délire paludéen avec des râles comme sur ton lit de mort, des farandoles de fantômes tout autour, tu ne sais plus à qui tu parles, vivants ou morts, les ombres et la lumière s'enlacent pour s'évaporer à souhait, un univers surréaliste, une lucidité nouvelle, une autre conscience… Ouste la comédie humaine, des images d'outre-tombe, un dépassement de soi à tomber dans les pommes, la raison transcendée par le bouillonnement du corps afin de toucher à son identité plus encore, à son essence. C’est dingue !

 FRATERNITÉ        Le 20 Août 2018

Le genre humain est partout le même, que ce soit en Thaïlande ou bien en France et partout ailleurs à vrai dire, il hérite des mêmes qualités et des mêmes travers où que l’on soit. Par contre, quelques nuances de taille le différencient selon la latitude, selon la culture qui le caractérise. C’est pourquoi nous nous sentons mieux dans tel pays plutôt que dans un autre, l’atmosphère change vite d’un endroit à l’autre et, en fonction de notre quête, de notre philosophie en un mot, nous préférons telle contrée qui correspond davantage à nos aspirations même si celles-ci peuvent changer en chemin, rien n’est figé, statique, définitif.

C’est ainsi, donc, que ma terre d’élection est la Thaïlande depuis longtemps déjà. Je suis véritablement tombé amoureux de ce royaume et de son peuple à la culture si singulière, je ne saurais vivre ailleurs. Vingt ans après, je suis davantage encore collé qu’à mon arrivée ici, je ne me lasse de ces atmosphères qui embaument mon quotidien et je me plais ô combien d’échanger tout propos sur un air de gaité entre mille et un sourires et de multiples rires avec ce peuple incomparable à mes yeux. Un air de fraternité rare inonde mes jours qui passent depuis toujours en ce pays, un air léger que je sais apprécier. Qu’ils soient bouddhistes, musulmans (14% de ce peuple mais 50% dans les provinces du sud) ou bien taoïstes (15% de la population, les Sino-Thaïs), je me plais de vivre avec eux tous, mes frères et sœurs désormais.

Entendez-moi bien, je ne fais pas d’angélisme et suis le premier à dénoncer les dérives ici comme ailleurs mais j’avoue que le peuple thaï me charme comme aucun autre. Au cours de mes différentes pérégrinations en ce monde, à peu près partout, sur tous les continents, je n’ai absolument jamais rencontré une telle fraternité, un tel sentiment de bien-être, une telle volupté dans les rapports au quotidien entre humains. A tel point que cela revêt un caractère surréaliste comparé à toute autre société.

S’il fallait réduire en deux phrases seulement la philosophie de ce peuple thaï haut en couleur, je dirais : 1. Eviter le conflit en permanence ; 2. Tout ce qui n’est pas amusant n’est pas digne d’intérêt. Avouez qu’avec de tels préceptes, la vie prend tout à coup une dimension légère qu’il est difficile de retrouver ailleurs. De plus, la Thaïlande jouit d’une culture matriarcale à l’échelle d’un pays tout entier, je ne connais d’autres pays où il en est ainsi. C’est probablement pour ça que toutes les tares de nos cultures patriarcales ne sévissent ici. L’homophobie est inexistante dans ce royaume et les filles sont reines aucunement soumises au genre masculin ; le proxénétisme est absent du monde de la prostitution et les filles de bar affichent leur prix en fonction de leurs clients sans que qui que ce soit leur prélève une dime ; les agressions sexuelles sont quasi-nulles tellement il existe de bars et de salons de massage où ceux qui seraient à ce point en manque peuvent se soulager d’un accord commun avec quelques billets sans importuner le genre féminin en dehors de cette sphère. En outre, la drogue est un problème mineur et peu s’adonnent à ces paradis artificiels (quoiqu’en pensent certains) contrairement aux autres pays de ce monde où elle coule à flots, la bouffe est vraisemblablement leur seule came tellement ce peuple est épicurien et gourmand, à croire que ce peuple est le dernier peuple heureux sur cette terre.

Tout le monde peut s’acheter à crédit ce qu‘il veut, il suffit juste de bosser dans cette économie de plein emploi qu’est la Thaïlande comme il en fut autrefois chez nous lors des Trente Glorieuses, il suffit juste de payer les traites. La délinquance est un phénomène mineur aussi, ce n’est pas ici qu’on vous arrachera votre sac en chemin et si, par mégarde, vous l’oubliez au resto ou bien ailleurs, le staff vous le ramènera avec empressement avant que vous ne quittiez les lieux. Cerise sur le gâteau, personne ou presque ne vous affligera de son humeur mauvaise pour vous pourrir la journée. Les seuls qui vous importuneront peut-être seront quelques taxis avides de commissions en vous arrêtant sur votre trajet dans quelques boutiques que vous n’aviez prévues en chemin.

Il est bien évident que certains me contrediront dans tout cet énoncé tellement ils ont oublié ce qu’il en est ailleurs qu’en Thaïlande, on peut toujours broder. Sachez cependant que je n’essaie point de vous mystifier, je vous balance l’histoire telle que je la pense et la vis depuis vingt ans déjà ici. Je ne ferme jamais la porte à clé la nuit lors de notre sommeil. Je n’ai jamais un accent paranoïaque quand ma fille âgée de 14 ans seulement sort avec ses copines jusqu’à minuit entre cinéma et party, il en serait tout autre en France.

Bref, je ne vous conte pas un quelconque paradis, il n’y en a aucun, je vous balance en vrac ce qu’il en est de l’existence ici tel qu’au quotidien je le vis. Ceci dit, le seul bémol est le trafic urbain, il est tel que je flippe tout azimut quand je sais que ma fille revient de l’école en scooter avec sa mère, sa sœur ou bien avec une de ses copines plus âgée qu’elle, on peut conduire un scooter en Thaïlande dès l’âge de 15 ans révolus une fois le permis en poche. N’oublions pas que vingt mille personnes succombent sur les routes de ce pays annuellement, un des pires qui soient en ce monde. De plus, personne ne porte un casque en scooter, même pas ma fille, ils ont tous neuf vies ici, réincarnation oblige. Je vous l’accorde, c’est pas géant, le danger reste présent malgré tous les dièses énumérés auparavant.

 DEUIL        Le 10 Août 2018

Un malheur est arrivé aujourd’hui dans notre demeure. Les rideaux sont tirés comme il en est ainsi dans pareil cas dans toutes les demeures, un parfum de mort hante l’atmosphère. La joie s’en est allée, les cœurs se remplissent de larmes et chacun essaie désespérément de trouver désormais un sens à la vie si tenté que cela soit à nouveau possible, un jour. Les condoléances de circonstance ne peuvent aucunement soustraire une once de chagrin, rien ne peut à chaud relativiser la perte de cet être cher qui inondait chaque moment d’une immense volupté au quotidien dès que nous nous retrouvions tous, le soir, autour d’un humble repas pour célébrer la gloire de notre triangle œdipien entre mille et un rires sur un air d’insouciance.

Bien-sûr, l’actualité est là pour nous rappeler que les pires malheurs inondent ce monde, il suffit d’allumer la télé pour nous en rendre compte, je ne sais dans combien de chaumières les larmes débordent tel un tsunami. Il en est ainsi de la condition humaine depuis toujours. Les plus terribles calamités déferlent en continu quand on prend conscience de notre quotidien à l’échelle de la planète entière. Je ne saurais dire combien d’êtres perdent la vie chaque jour qui passe, ce chiffre doit être insolent si l’on consulte seulement les affres de l’Histoire. Qu’importe, rien ne saura soulager la perte d’un compagnon depuis tant d’années, rien ne pourra nous consoler.

Se réveiller demain après ce cauchemar, si tenté que le sommeil ne nous quitte, sera un défi majeur pour retrouver un goût à l’existence. Le souvenir de tout être aimé qui disparait laissera un vide à tout jamais. Seul le temps, peut-être, pourra nous réconcilier avec la vie mais rien n‘est sûr, certains ne s’en relèvent jamais. J’en connais plus d’un qui perdirent ainsi ne serait-ce que l’envie de sourire des années après, trop peiné pour encore pleurer tellement de larmes ils avaient versées, leurs yeux trop secs aujourd’hui pour explorer encore ce malheur rencontré un jour dans cette vie de damné.

Malgré tout, il nous faut bien survivre même si quelques-uns ne trouvent le salut que dans le suicide afin d’en finir au plus vite. Mais comment retrouver un semblant de joie de vivre quand il en est ainsi ? On peut débattre longtemps sur ce sujet, aucune réponse censée ne pourra nous éclairer quand les ténèbres nous assaillent de tout coté. On peut être croyant, fou de dieu, animiste, agnostique, philosophe… comment gérer une telle souffrance ?

Toujours est-il que nous ne rentrerons plus jamais dans notre douce chaumière – home, sweet home - le cœur léger, de multiples élans lyriques à la clé, pour se raconter notre journée, qu’elle soit faite d’heureux évènements ou de multiples galères comme il en est souvent au quotidien. On rentrera désormais le cœur lourd, des kilos sur les épaules, un chagrin immense qui nous terrasse à chaque seconde qui passe. Chaque bouchée lors de nos repas aura un goût de cendres et nos veillées ressembleront à un chemin de croix, le chemin des gémonies, une lourdeur sans pareille nous plombera à tout jamais.

Babouche nous a quitté, Il paraissait peinard sur le perron tellement il venait de se gaver de croquettes quand je suis arrivé, trop vite, je l’ai malencontreusement écrasé, un vrai massacre, une vraie boucherie, une tuerie. J’étais à deux doigts d’écraser ma fille aussi qui ronronnait en sa compagnie. Une mare de sang giclait sous ma roue, un pugilat, y avait même des bouts de viande sur le capot par ricochet, un bon coup de karcher et on n’y verra que du feu. J’ai beau eu essayer de panser les plaies, rien ne put arrêter l’hémorragie, il s’est vidé à la vitesse grand V. Les tripes gisaient sur le pavé, la cervelle ruisselait sur l’asphalte, les fourmis déboulaient de partout pour se faire un chat tartare, un festin. Babouche n’était plus que l’ombre de son fantôme, les dés étaient jetés, on ne reverrait jamais Babouche si ce n’est que dans nos rêves.

Le petit chat est mort.

 GASTRONOMIE        Le 07 Août 2018

Je reviens de chez des potes qui ont acheté une maison sur Rawai, au sud de Phuket. Ils vivent quelques mois ici comme tant d’autres, un pied en Occident et l’autre en Extrême-Orient. Ils me ramènent quelques bouquins et vins de France à chacun de leur passage, je leur en passe aussi, non pas des vins mais des bouquins, les derniers qui restent dans ma bibliothèque, les quelques-uns sauvés depuis le tsunami, essentiellement des livres sur l’Histoire du Siam, notamment sur les ambassades envoyées par Louis XIV fin XVIIème siècle, le Grand Siècle dit-on. Je déteste voir les bouquins mourir dans ma bibliothèque et les prête, voire les donne, volontiers.
Bref, entre copains, rires et bières, bières seulement à la veille de leur retour dans l’hexagone puisque nous avons écumé dès leur arrivée les quelques bouteilles des grands crus ramenés de Bourgogne pour la plupart, nous fêtons le dernier pot ensemble avant leur départ. J’ai pu lire un soupçon de tristesse avant qu’ils ne quittent nos tropiques mais bon, le boulot les attend et la vie n’est pas faite que d’apéros le crépuscule naissant entre cigales et grillons. Nous avons donc éludé tout bémol pour se la jouer dièses seulement autour de la piscine sans pour autant oser une baignade tellement nous fûmes volubiles dans nos élans lyriques et quelque peu éthyliques.
Cathy, Michel et Maël, trois noms que j’invente pour respecter l’anonymat, s’en vont donc. Ils vont me manquer. C’est vrai quoi, moi qui vis en mode ermite désormais tellement tout déplacement implique des heures d’embouteillages sur Phuket aujourd’hui, je me plais en leur compagnie et leur résidence est à à cinq minutes à peine de chez moi, à pied, en bagnole trois heures aller/retour.
Je ne vais pas vous dire qu’on recompose un café littéraire lors de l’apéro, on peut toutefois se marrer sans être obligé de raconter toutes ces grivoiseries débiles issues de notre misérable culture patriarcale et oser quelques références d’un ton léger sur des bouquins qui nous ont marqués entre Baudelaire, Céline et Houellebecq pour ne citer qu’eux. N’oublions pas que la Thaïlande est un pays matriarcal et que l’humour ici est de tailler les mecs, un humour sur le fil du rasoir, j’adore. Juste un air de Rabelais plane dans l’atmosphère entre pâté, saucisson, jambons, fromages, vins ou bières. La substantifique moelle.
Néanmoins, mes amis me quittent, les noms bidons précédemment donnés afin de cacher leur vraie identité. Je vais vraisemblablement vivre ces derniers mois de mousson dans mon antre avant qu’ils ne reviennent armés de chapelets des meilleures charcuteries et autre fois gras du terroir gaulois ainsi que quelques bouteilles issues du panthéon de Bourgogne et du bordelais. S’ils ne m’amènent, la fois prochaine, Petrus et Romanée-Conti, je les zappe direct dès leur retour ici.
Juste pour l’info, je vous balance que ma fille me parle encore de ce diner avec eux dès leur arrivée sous nos tropiques où fromages et saucissons dansaient sur notre table. Nina est la seule Thaïe du royaume à bouffer charcuterie et fromages, les autres trouvent ces mets sans intérêt, ils cherchent tous le bol de piments pour épicer l’histoire quand ils y goûtent tellement c’est dégueulasse pour leur palais. Ils en font aussi ainsi pour le foie gras, apparemment ce n’est pas leur tasse de thé. J’ai beau leur dire que le fromage c’est notre durian à nous, ils me regardent tous comme si j’étais un Martien. A leurs yeux, comment comparer fromage, ce machin abject, et le durian, ce fruit issu de leur Jardin d’Eden à eux. Je n’essaie jamais d’argumenter à voir leur mine dégoutée. Un fossé culturel abyssal nous sépare sur ce sujet. Même ma fille n’ose avouer son engouement sur les fromages à ses copines de peur de se retrouver seule à la récré.
Par contre, elle ne cesse de se gaver aussi de durians avec sa mère, leur fruit de la passion à elles, j’en ai la nausée. Il suffit de gueuler « durian » même si elles dorment à poings fermés que tous leurs sens soient aux aguets, le réveil est immédiat. Si je hurle « école » le matin, c’est pas gagné, il me suffit seulement de susurrer « durian », le mot magique, pour que Nina ouvre grand les yeux. C’est inouï comme ce fruit les rend dingues dans ce pays. La dernière fois que j’ai goûté au durian, les filles ont dû appeler l’ambulance, je me tordais de douleur, des maux de ventre digne de l’enfer de Dante, à croire qu’ils ont estomac et intestins bétonnés dans ce royaume, n’essayez jamais à moins de vouloir vous suicider.
Dites, je vous balance une dernière info entendue sur Radio Potins ce matin. Deux Américains, le couple Mc Donald - des empoisonneurs notoires à l’échelle planétaire - en vacances à Paris se commandent une assiette de roquefort en fin de repas, notre durian à nous, ils ont dû appeler l’ambulance, ils sont transférés direct en soins intensifs. A l’heure où je vous parle, on ne sait encore si on pourra les sauver. Ça craint.

 CROCODILE PARTY        Le 26 Juillet 2018

Le retour du crocodile ! Encore un qui s’est échappé d’une ferme pour ne pas finir en sac à main ou bien dans un show pour touristes à deux balles, je le comprends. Et dire que ma fille me reproche que je ne l’emmène point à la plage depuis des années alors que je lui ai ainsi sauver la vie, les mioches sont plein d’ingratitude.
Le saurien se balade sur nos plages dans le sud de Phuket, c’est la parano à tous les étages comme si le machin pouvait grimper au balcon la nuit venue. 
Pour l’instant, il n’a bouffé que deux ou trois poissons mais le monde le recherche activement pour lui faire son compte, une battue en continu mobilise toute force, le moindre blaireau qui se faisait chier à mourir depuis longtemps trouve désormais un sens à la vie, certains ont même ressorti grenade, bazooka et fusil, ça craint. Des milices se créent sous la voute et le moindre bruit suspect peut déclencher à tout moment un tonnerre de feu, c’est la fête aux neuneus. Les amoureux n’osent plus se promener sous le firmament de peur, non pas du crocodile, d’être pris pour cible par des énergumènes ahuris qui patrouillent armés et vraisemblablement bourrés dès le crépuscule. 
C’est pourquoi j’ai dû annuler mon dernier rendez-vous galant avec Miss Thaïlande que je courtise pourtant depuis déjà neuf mois sans pouvoir conclure, je ne la vois que le soir au bord du rivage pour notre quotidienne balade sous le regard des anges, une muse éprise du clair de lune. Je n’ai pas envie de finir criblé de balles dans la nuit de l’ile alors qu’un ouf nous aurait confondu avec Super Crocodile. Je suis même à peu près sûr que certains m’auraient volontiers assassiné en toute impunité sous prétexte d’avoir aperçu une ombre suspecte sous les cocotiers. Je n’ai pas toujours bonne presse auprès de cette « fine fleur » qui nous entoure dans notre communauté d’expatriés avide de pugilat et d’instincts guerriers quant aux quelques-uns, pas nombreux heureusement, qui se pensent au temps des colonies et traitent les Thaïs comme des sujets soi-disant inferieurs, on croit rêver. Jean Boulbet, malgré son statut consulaire, avait ce même problème, il a eu affaire à de multiples cabales contre lui, ce qui m’a rapproché immédiatement de lui, un homme qui suscite autant de polémiques envers lui mérite ma sympathie, il ne savait point se taire dès qu’un individu issu de sa communauté osait dire des contre-vérités sous la voute, il était bien plus chien que moi dans ce domaine, il ne laissait rien passer.  
« Au village, sans prétention
J'ai mauvaise réputation
Qu'je m'démène ou qu'je reste coi
Je pass' pour un je-ne-sais-quoi
Je ne fais pourtant de tort à personne
En suivant mon chemin de petit bonhomme »
J’ai emprunté ce refrain de Brassens pour imager ma position ici-bas, comprenne qui pourra.
Toujours est-il que mon ami crocodile est encore en fuite. J’ai de la sympathie pour lui, je suis sûr qu’il ne ferait de mal à une mouche. Par contre, s’il pouvait en bouffer une brochette de ces quelques escrocs et fachos néo-colonialistes qui sévissent sur notre ile, ce ne serait que justice, on ne pourrait que le féliciter et l’honorer de quelque offrande en lui donnant les derniers qui auraient échappé à son festin.
Qu’importe, je ne vais pas refaire le monde, je me contente de vivre tel que je suis, perché mais gentilhomme, sans participer pour autant aux diners protocolaires de la communauté qui me bassine souvent et entonner le chant des partisans à tout bout de champ, quitte à déplaire, je n’ai pas pour vocation de sauver l’ennui de mes compatriotes sur cette ile. Désolé mais j’ai mieux à faire entre mes extrapolations littéraires et les dingueries de ma fille qui s’imagine que je serais Dieu le père dès que l’heure du shopping arrive, la seule heure où elle m’aime avec un grand A.
Dites, je repense à mon pote crocodile en cavale, je suis prêt à l’accueillir dans mon jardin où je ne fous jamais les pieds tellement je flippe d’une mauvaise rencontre entre serpents et varans, le monde des reptiles, je suis certain qu’il se sentirait comme chez lui et que personne ne penserait à le trouver ici. Qu’en pensez-vous ?

 FOOT        Le 12 Juillet 2018

Je ne suis pas un passionné de foot aujourd’hui, depuis longtemps déjà, contrairement à autrefois, j’ai joué au foot durant onze années pourtant dans mon enfance jusqu'à l’adolescence, je ne voyais alors que cette sphère qui encore maintenant emporte tous les suffrages auprès de la jeunesse surtout mais pas seulement, même les seniors se passionnent pour ce sport-roi, particulièrement lors de cet évènement majeur qu’est le mondial tous les quatre ans. 
J’avoue néanmoins que je participe à cet élan quelquefois comme en 1998 ou bien aujourd’hui lorsque la France est au premier rang. Je ne suis pourtant pas chauvin, je vis en Thaïlande depuis si longtemps et ne suis comme tant d’autres qu’un immigré sans référence constante à mon pays contrairement à beaucoup qui se croient issus de la cuisse de Jupiter. Vous remarquerez en chemin que je n’emploie le terme expatrié tel que les autres le font afin de se donner un statut qui serait soi-disant davantage valorisant. Soyons sérieux, nous ne sommes que des immigrés lorsque nous quittons notre pays de naissance quel que soit le pays d’origine.
Bref, je vibre donc et m’inscris parmi les supporters des Bleus tout au long de cette coupe du monde alors que certains ne donnaient pas cher de notre équipe, même Deschamps était raillé et traité de bras cassé, il en était ainsi aussi avec Aimé Jacquet en 98. Toujours est-il que les voilà en finale, bravo les mecs, sans savoir pour autant à ce jour s’ils la gagneront face aux Croates, une équipe redoutable.
A travers les post qui inondent FB quant à ceux qui détestent le foot et qui nous ressortent ce vieil adage romain : « Du pain et des jeux pour contenter les foules », pour se donner un air supérieur loin de nos passions débiles dignes, à les entendre, d’un crétinisme aigue, je pense au contraire qu’il est sain et amusant de se joindre à cette fête. Avouez que c’est mieux qu’une guerre, non ?
Au risque, donc, de paraître un blaireau pour m’animer ainsi quant à cette compétition-reine dans le monde du sport, je crie : « allez les Bleus ! ». Et même si jamais les Croates remportent la coupe, il est évident que nous aurons passé quelques bons moments entre quatre bières et deux pétards, entre espoir et désespoir pour un ballon rond. Pensez que Bernard Pivot adore le foot, et le mec est loin d’être un blaireau. Pensez aussi à Cantona qui, au-delà de son statut de footballeur, le mec nous invite à réfléchir dans ses émissions TV par le biais des légendes du foot qui ont osé s’affranchir des dictatures en Amérique du Sud quitte à en souffrir dans leur chair. Arrêtons de penser que le foot est un sport d’idiots, c’est tout le contraire. Vive le foot ! 
Certes, nos conditions ne seront point changées pour autant une fois le mondial passé, champions du monde ou non, mais qu’importe, le foot n’est pas une religion, c’est juste un challenge qui occupe les nations dans un élan sympathique et ludique, pas davantage, c’est juste un élément culturel qui permet à chacun de crier, rire ou pleurer et plus encore dans ce monde fou de dingues avides de légèreté sur un air lyrique au milieu des feux d’artifices.
Allez les Bleus !

 SPLEEN           Le 27 Juin 2018

C’est mon anniversaire. Je redoute ce jour entre tous chaque année tel un tsunami qui déboule sur le chemin de ma vie. Non pas à cause du temps qui passe, ce n’est pas mon souci. Un spleen m’envahit que je ne saurais expliquer, un putain de blues me taraude, me submerge, me saisit. C’est le bal des mélancolies.

Les miens, qui se comptent sur les doigts d’une demi-main, je n’ai point fondé de dynastie, se désespèrent devant mon peu d’entrain. Pas question de gâteau ou même de cadeau, ils savent tous que je ne ferai pas le beau.

Moi qui ne sait ce que sont les larmes, cœur tendre mais endurci, malgré les nombreuses épines, les multiples folies pas toujours très douces inhérentes à notre existence, le chemin des gémonies, il m’arrive d’en verser quelques-unes en ce jour pourtant symbole de ma venue ici-bas. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai aucune idée, il en est juste ainsi. Pourtant, la vie fut clémente avec moi jusqu'à aujourd’hui, allez savoir d’où me vient ce syndrome zarbi.

Me réveiller est déjà une tannée, une véritable galère. C’est pourquoi je m’en vais humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliées là-bas, c’est le temps des moussons, plutôt que de me fondre dans des atmosphères fastes dignes d’un anniversaire, faire tapis-bas et moisson question cadeaux et autres feux de joie. C’est le temps des tsunamis.

Ma philosophie est noire de chez noire me disent mes potes, le syndrome Charlie Parker, une bulle de jazz sur un lambeau d’azur, l’influence des Poètes Maudits peut-être entre Miles Davis et Apollinaire. Je leur réponds que c’est elle qui me donne ce sourire sur la vie puisqu’ils sont tous d’accord pour penser que je serais selon eux l’être le plus jovial et enthousiaste qui soit sur leur parcours éphémère, un vrai mystère. Peu importe les considérations de tout bord, on se la joue les copains d’abord malgré vents et marées au-delà de cette journée pourrie. Raz le bol des conneries.

Je mets donc ma crise existentielle en veille, à l’aube du crépuscule, après des heures passées à respirer le vent du large et, enivré par les éléments, je reviens et réapparais parmi les miens, mes copains et surgis comme hier, c’est le temps des agapes, le temps de l’amitié et des franches rigolades sur un air de légèreté, c’est parti.

Du coup, on se la fait enfants des rues, épris d’innocence, d’insouciance et, sans le dire, on fête enfin ce putain d’anniversaire comme s’il s’agissait d’un jour sans protocole aucun, un jour béni, un jour comme tous les autres dans ce monde qui nous a vu naître, un jour lambda qui passe sans feu ni gloire dans cet univers, un jour comme hier ou demain entre ombre et lumière.

Bon, j’arrête de vous gaver avec mes considérations débiles, je retourne sur mon sentier pépère auprès de mon arbre au cœur de la ville, je reviens sur le fil de mon parcours ô combien sinueux entre palmes et épines, sans couronne de lauriers, sans prétention ni croix aucune et continue mon bonhomme de chemin au milieu de cette zone qui nous entoure. La vie, cette chienne, est loin d’être une panacée, ce n’est pas une raison pour nous angoisser autant dans ce marasme. Raz de marée, guerres, malheurs et calamités nous pendent au nez mais je suis prêt à parier que notre dernier souffle n’est pas pour tout de suite, même nos souffrances transcendent parfois notre lendemain quand elles ne nous tuent.

Aujourd’hui, il n’en est rien, c’est le jour de mon anniversaire, un accent posé dans ce néant qui m’étouffe et qui pourtant me redonne ce souffle, tout n’est que paradoxe, je ne vis qu’en apnée et ris malgré tout, le rire du fou, sur cette planète dingue, seul mon désespoir me fascine.

Hier athée ou bien agnostique, aujourd’hui mystique amoureux de la lune et de chimères, je finirai demain animiste, pour sûr, sur le chemin des apsaras dans ce pays de mousson à la lisière des confins insoumis tout au fond de cette Asie qui peuple mon imaginaire, ma vie, alors que je ne suis que le fils d’Homère. Putain d’anniversaire.

 HÉCATOMBE           Le 20 Juin 2018

Non, je le crois pas, la foudre vient de tomber dans mon jardin sur mon plus beau palmier, un massacre, une tuerie. Pour une fois que je plante un truc dans cette jungle folle infestée de cobras et de scolopendres, c’est pas de bol. Je l’ai planté l’année passée, le jour de mon anniversaire, tout un symbole. 
C’est pas demain que je me remets à jardiner. Faut dire que c’était une première, j’avais jamais fait ça avant, je me demande même comment il a pu pousser tellement je suis mauvais pour opérer. A vrai dire, j’ai juste balancer le plan par la fenêtre en pleine extase de peur de rencontrer un reptile, y en a de partout, ils font des congrès, des séminaires, des concerts, des « raves » autour de ma demeure, leur Woodstock à eux. Et puis, un vrai miracle, le machin a grandi au milieu des ronces et des futaies qui peuplent ce délire végétal.
Ma fille m’avait pris la tête, alors, au retour de l’école sous l’influence de l’évangélisme bien-pensant de ses maitres jésuites, me disant qu’il fallait impérativement planter des arbres pour sauver la planète. Je culpabilisais grave sachant que, comme tout un chacun, je balance un wagon de sacs plastiques au quotidien. J’ai donc obtempéré pensant que mon palmier allait faire revivre l’humanité et l’oxygéner. La mousson venante en a décidé autrement, la salope. Elle m’a humilié dans mes élans de jardinier. 
Y a deux ou trois ans, il en fut de même, ma fille me prend soudainement le chou pour arrêter de fumer, ce cancer qui me pend au nez. Ses professeurs lui avaient bourré le mou ainsi qu’aux autres mioches de son lycée pour que les parents, surtout les pères, en finissent avec ce syndrome funeste. Résultat des courses, elle me dit que je fus le seul parmi les parents des copines de sa classe qui continua de fumer des clopes tout azimut, le mouton noir de l’histoire. Depuis, je suis carrément obligé de l’attendre en dehors de l’école tellement tous ses profs me matent d’un œil mauvais, ils ne m’ont pas délivré le badge d’entrée tant que je n’aurai arrêté de les enfumer. Ça craint. 
Bon, je vous rassure, ma fille n’en a pas fait une jaunisse ni un cancer des poumons, y a bien 25 mètres de mon pupitre à sa chambre et deux portes blindées qui ne laisseraient passer le moindre rayon atomique, même un tsunami ne pourrait l’atteindre.
Toujours est-il que mon palmier, un Keriodoxa Elegans s’il vous plait – ô mon palmier, roi des palmiers ! - le seul endémique sur l'ile de Phuket, n’a pas fait un pli lors de ce putain d’orage, il ne lui reste qu’un trognon en guise de couronne. J’assiste à son trépas et ces derniers restes ne feront pas long feu, les termites l’assaillent de tous cotés sans aucune pitié. Les fourmis ne sont pas les dernières non plus, elles débarquent par bataillons entiers et lui portent les ultimes estocades afin de le réduire en cendres. J’ai même vu deux ou trois corbeaux venus lui chier sur la gueule. 
Vous savez quoi ? Demain, j’achète une tonne de Glyphosate pour me débarrasser de toute cette vermine et je cimente le tout, j’ai un plan béton avec Monsanto, il me garantit un effet immédiat et me fait 30% de rabais à la tonne. J’ai aussi contacté les bras cassés d’à coté qui font le tunnel du rond point de Chalong à Phuket, à deux cent mètres à peine de chez moi, ils me font la tonne de ciment à prix béton. 
Mon jardin deviendra ainsi un mausolée, le tombeau de toute faune et flore, un cimetière. La foudre peut donc encore la ramener, elle n’aura que le jardin du voisin pour se la jouer, chez moi tout est mort désormais.

 NOMADE                  Le 20 Juin 2018

Je prends une pause et me fume une clope sur la terrasse. La mousson n’en finit pas de rugir entre vents furibonds et averses torrentielles. La mousson, quoi. Des heures que je m’active, déménagement imminent oblige. Non pas que j’amasse mes reliques dans des cartons dont je ne saurais que faire, bien le contraire. Des heures que je balance tout azimut ce qui me semble superflu, à peu près tout ce qui meuble ma demeure, je ne sais rien garder ou si peu. Une volupté inouïe s’empare de mes élans lors de ces grands mouvements migratoires dans mon espace-temps, je jette jusqu'à m’en saouler, même ce qui me paraissait hier le plus précieux. J’avoue que j’exagère au fur et à mesure, à tel point que mon seul bagage finit dans un modeste balluchon ne pesant guère avant de quitter ce lieu où je vécus naguère. Je déménage tous les trois ou quatre ans et suis parmi les quelques-uns qui ne veulent devenir propriétaire. Mon existence est faite d’errances, un éternel locataire, un nomade.  
Le quartier entier mate mes poubelles comme à chaque déménagement, je ne sais ce qui les enivre de récupérer ainsi tout ce gâchis issu de shoppings improvisés soumis à quelques atmosphères de moments éphémères. Ça y est, la bagarre commence, ils se battent carrément afin de s’emparer du dernier carton, du butin, même mon proprio s’en mêle plein de reproches à mon égard sous prétexte que je devrais lui réserver un droit sur mes poubelles alors qu’il me suce telle une sangsue depuis des années. Comme si je lui devais encore quelque chose à lui, ce chacal. Il est pourtant riche à millions, le con, mais se la joue pour le coup chef de la Croix-Rouge et compagnon d’Emmaüs, le menteur, le vénal. Il ne rêve que de vendre mes reliques à ses voisins, du haut de ses 85 balais, chef de la rue qu’il est, la réincarnation d’Oncle Picsou.
Certains s’apprêtent à passer la nuit dans mes poubelles, ils campent tout autour afin d’être les premiers là demain, dès mon réveil, comme on le ferait pour la finale de la coupe du monde devant le stade ou pour le dernier concert des Rolling Stones. Les marchands de brochettes et de barbe à papa déboulent alertés par la rumeur avant de disparaître dare-dare une fois leur stock écoulé, ils sentent la patate venir. La densité humaine devient terrifiante, on se croirait jour de soldes aux Galeries Lafayette. Un mini Woodstock s’organise. Sauf que l’ambiance n’est pas des plus fraternelles, les regards s’aiguisent à couteaux tirés, des intrigues se nouent, les empoignades redoublent, je crains le pire.
Peu importe, je continue de jeter sans frein, la foule s’amasse et en vient aux mains, ils sont à deux doigts de sortir les flingues, une véritable émeute anime maintenant mon palier. Les meilleurs voisins de la veille se balancent mille injures et se boxent avec entrain pour s’arracher des machins dont ils ne sauraient quoi faire le lendemain, un engouement matérialiste les possède soudain. Je ne suis pas peu fier de semer ainsi une telle zizanie juste avant de leur dire adieu. 
J’allume une autre clope en considérant cette nouvelle averse tropicale. Personne n’en à cure, le pugilat s’intensifie sous une pluie battante infusée d’une immense colère. C’est la guerre.

 NIGHT FEVER         Le 14 Juin 2018

Ce soir, je me la joue « nignt fever », du lourd. 
Après trois semaines de régime végétalien, sans clopes ni vin ou bière ; une heure de jogging au quotidien ; une libido en sommeil, même pas une masturbation libératrice en chemin ; une méditation en continu sous la contemplation des éléments ; une séance de yoga, ceux qui me connaissent n’oseront jamais le croire ; et des élans sympathiques comme jamais au volant, je laisse passer en souriant le moindre abruti qui se la joue le premier du lot dans cet enfer embouteillé et me laisse copieusement injurié par tout automobiliste ne supportant point ma conduite à 50kn/heure qui, je l’avoue, est une calamité dans ce monde pressé.
Bref, cette nuit, j’ai zappé. Me voilà dans un bar, un scoop, je m’enivre et reluque la silhouette des hôtesses belles comme le jour qui m’incitent à boire comme jamais. Moi, qui n’ai pour ainsi dire susurrer que trois phrases durant presqu’un mois, je suis volubile comme aucun ici-bas, je me venge de cette retraite digne d’un jeûne bouddhique, d’un ramadan ou bien d’un carême entre trois piliers de bar débiles et illettrés qui travaillent ici dans le monde de la plongée, deux anglophones et un francophone habitués à converser avec le monde sous-marin, un univers bubullesque. Ils me déversent leurs idioties quant à cette Thaïlande qu’ils croient connaître et qu’ils ignorent apparemment, crétins devant l’éternel qu’ils sont. 
Peu importe, je suis clément mais préfère converser aves les petites fleurs de lotus qui travaillent en ce lieu, trop contentes qu’elles sont que j’agite la cloche toutes les dix minutes pour une tournée générale, innocent et déjà bourré que je suis dans leur vie de bar où je ne vais que si rarement, voire presque jamais. Au-delà de leurs considérations vénales, elles s’éclatent en ce moment ludique, les Thaïs(es) sont ainsi faits que seul le moment compte, le présent occupe tout l’espace même si elles espèrent comme tous un billet pour demain se réveiller et ainsi se payer un petit déjeuner d’enfer, pas davantage, ce peuple ne pense pour la plupart qu’à la bouffe, un élan épicurien unique qui me bluffe encore.
Les trois poivrots qui meublent le bar en profitent pour boire gratos, tant mieux pour eux, c’est pas tous les jours Byzance. J’en rajoute une couche et dévalise le marchand de brochettes et de « song tam » qui passe devant afin de libérer les filles de toute faim. 
Quand je décide de m’échapper, toutes veulent me suivre ne serait-ce que pour un massage ou plus encore sauf que ma fille dort chez moi ce soir et non pas chez sa mère, je frôle l’excommunication si je déboule avec une fille. Ce n’est pourtant point l’envie qui m’en manque, j’en rêve après un mois d’abstinence devant ce parterre de magnifiques qui peuplent ma nuit. C’est niqué, quoi. Font chier ces mioches, y en a que pour eux, je m’en vais donc tel un bonze sur le sanctuaire de ma libido. Je reviendrai demain pour m’envoyer en l’air puisque ma fille passera la clôture du ramadan avec sa maman musulmane, j’aurai ainsi toute la nuit pour me la jouer entre Shiva et Dionysos, mécréant que je suis.

 FICTION                      Le 31 Mai 2018

Réveil au petit matin, une pèche d’enfer sur la route de mon petit déjeuner, une impression me saisit quant à cette merveilleuse journée qui s’annonce tel un sixième sens qui ne trompe jamais.
Allez, je me jette dans la lumière et sors de ma demeure attentif aux gazouillis des piafs qui fêtent cette aube nouvelle et des écureuils qui dansent sur les lignes électriques parcourant la ville. Des flaques de soleil inondent l’espace, une atmosphère bienveillante entoure mes premiers pas et quelques bonzes en quête de leur riz quotidien bénissent les généreux donateurs agenouillés sur un air d’humilité. Il semble évident que ce jour est empli de clémence et de poésie, un goût de paradis naît sur mon sourire. Un rêve !
A peine franchi la lisière de ma rue qui donne sur l’avenue, un gamin en scooter sur le chemin de l’école s’encastre dans un minibus à vive allure. Il a beau freiner, il part direct la tête la première sur la carrosserie ensanglantée. La boite crânienne s’ouvre telle une pastèque et sa cervelle gît sur l’asphalte, le choc est fatal, pendant qu’une foule s’amasse tout autour pour commenter le drame. Il n’avait point de casque pensant lui aussi que rien ne pouvait arriver sous un si bel azur. Je décide malgré tout de continuer ma route mais un sentiment contraire m’envahit soudain.
Je n’ai pas fait trois cent mètres que deux automobilistes en viennent au mains après s’être copieusement tamponnés pour une soi-disante priorité refusée. Il y a presque vingt ans que je vis là et, à dire vrai, je ne sais encore quelle est la priorité ici, je m’efforce juste de conduire à vue avec vigilance pour éviter un tel scénario funeste.
J’avance donc et me dit que c’est déjà assez que ces furies, il ne pourrait en être pire pour la suite. Sauf que c’était sans compter sur ce malheureux hasard qui hante nos routes. Tiens, un bouchon, un embouteillage d’enfer surgit tout à coup et la sirène des ambulances hurle de tout coté. Putain, c’est quoi encore que ce raffut. Un camion citerne a quitté la route, ses freins ont lâché. Bilan, trois piétons trépanés. Je commence à douter de mon sixième sens. J’ai comme une envie de rentrer chez moi et de ne plus en bouger.
Sur ce, continuant mon chemin en quête de ce putain de déjeuner à la con, même si la faim commence à me quitter après cette hécatombe, je m’arrête le premier au feu rouge déjà mûr depuis quelques secondes. Mais la bagnole, derrière moi, pensait que je le grillerai et me fonce carrément dessus. Un carnage. Indemne grâce à l’airbag, je sors de mon véhicule pour me faire copieusement insulté, le mec était furax. Depuis quand, on s’arrête au feu rouge me dit-il sur un air de colère non dissimulée. Il était à deux doigts de me boxer. Je m’excuse sur le champ et lui réponds que je ne le ferai plus désormais. Les flics arrivent et m’avouent que ce n’est pas de chance apeurés qu’ils sont par le VIP qui vient juste de me défoncer. Faut dire qu’il roule en BMW alors que ma charrette est une vulgaire bagnole à deux balles, preuve en est que lui n’a même pas une rayure même si ma caisse est pliée en accordéon. 
Je repars donc en taxi, un abruti devant l’éternel qui me prend pour un touriste et m’arrête dans toutes les boutiques afin de toucher sa commission. J’ai beau lui dire que son shopping ne m’intéresse aucunement et que la coupe est pleine aujourd’hui, il n’en démord pas et continue à n’en faire qu’a sa tête. Je pète un plomb et décide de continuer ma route à pied. Sauf que c’était sans compter sur le motard fou de la journée qui se la joue circuit sur les trottoirs, le con. 
Fracture ouverte du fémur et un bras cassé, le visage salement amoché et un litre de sang qui inonde le pavé. Heureusement que les infirmières sont jolies à l’hosto sinon, moi, j’arrête tout de suite et me débranche illico. Le toubib m’assure que j’ai eu une chance inouïe tellement les routes furent un pugilat aujourd’hui. Dans 6 ou 8 mois, je pourrai donc remarcher comme autrefois me dit-il., en attendant tu peux encore écrire, veinard. « Elle est pas belle la vie ! » ajoute-t-il sur un sourire en matant mon infirmière préférée qu’il vient vraisemblablement de niquer dans les alcôves de ce mouroir, le chien. J’ai envie de pleurer. 
Super journée, non ?!

 JEAN BOULBET, EXTRAIT DE SES MÉMOIRES (ÉPISODE PREMIER)     Le 26 Mai 2018

Quelques réflexions de Jean Boulbet en parcourant ses notes et mémoires. Ne venez pas m’incriminer. Si quelques-unes vous déplaisent, contrarient votre mode de pensée ou bien bouleversent vos croyances, adressez-vous à son fantôme puisque ce chercheur immense et philosophe à ses heures nous a quitté il y a déjà plus d’une décennie. Moi, j’adore, et non pas seulement parce qu’il fut mon ami, ses réflexions libertaires me parlent ô combien, agnostique et féministe que je suis. Allez, je balance tel que je lis : 
« Il me paraît que notre univers comporte suffisamment de pièges naturels et incontournables sans qu’il soit nécessaire de le concevoir par une Puissance éternelle et infinie qui passerait son temps à ajouter a nos maux des entraves nées dans les circonvolutions du cerveau humain puis divinisées par des lois elles aussi bien humaines au bout du compte. Autrement dit et de mon seul tout petit point de vue, l’homme a créé ses dieux, les a justifiés par des documents humains, leur a prêté des lois humainement conçues et obéit (ou s’efforce d’obéir) à sa propre création. Comme je ne prétends rien changer, je ne fais que passer entre palmes et épines bien terrestres et quotidiennes en m’efforçant de me couler au mieux parmi les palmes et de me déchirer le moins possible aux incontournables épines. Tout cela peut paraître bien égoïste alors que se créer un minuscule sentier qui trace au mieux un « petit bonhomme de chemin » ouvert à tous est, en bout de compte, plus profitable que d’obliger les foules à s’engager dans des voies plus prometteuses de Grands Rêves, à payer le prix fort pour de Grandes Incertitudes… parfois pour la dégringolade au fond du puits jamais sondé. En ceci, la religion rejoint les extrémismes politiques de tous bords qui, eux aussi, offrent des solutions incontournables et à ne point contourner puisque définitivement « vraies »… Encore que trop souvent, dans les cas où l’on s’accroche fermement aux Principes, c’est la femme qui doit supporter le poids de la Loi, pour elle non seulement plus lourd mais implacable et incontournable. « Vous savez, la Tradition… » s’excuse alors monsieur lorsque madame se doit de subir jusqu'à s’en glorifier elle même. Après tout, rendre la victime consentante et, parfois avec acharnement, n’est-ce pas la victoire même de la Doctrine souveraine ! »

 LOUISE MICHEL, MON HEROINE      Le 17 Avril 2018                                  

Putain, je me réveille entre rêves et cauchemars !... J’exulte, je jouis, j’agonise, c’est la fête aux neuneus !... Des feux d’artifice, des volcans, des tsunamis !... Et tout le feu de la terre qui embrase mes pores et neurones !
Ça y est, je distingue à présent le réel et sors de mes songes hallucinatoires dès que ma nana m’éclaire entre rire et colère, les filles sont ainsi faites. Ma fille en rajoute un bras et me traite de feignasse sous prétexte qu’il est déjà midi. Elles y vont fort les gonzesses pour une fois dans l’année où je me la joue sans insomnie.
En général, je ne dors qu’une fois effondré sur mon pupitre après tant d’heures de veille à noircir du papier dans la nuit des iles, les muses me tyrannisent. Sans rire, j’envie tous les humains qui s’endorment peinards la nuit venue. Moi, dès que le crépuscule s’annonce, je pars en live et me défonce de crêtes mélancoliques, c’est invivable. Entre firmament et mousson, je ne sais aller contre ce délire incessant qui pourrit ma vie et qui me poursuit sans fin. J’aimerais tant passer une soirée devant la télé à rire ou pleurer comme un benêt, en toute honnêteté, sans me moquer. 
Dante, Molière, Chateaubriand, Balzac, Baudelaire, Rimbaud, Proust, Céline et j’en passe ont bousillé mon existence, ce sont tous des enfoirés, je les hais. J’aurais tant aimé être un adorateur de Tarzan ou Rambo, ces deux débiles qui ne génèrent aucune pensée, mes héros. 
Du coup, j’interdis à ma fille de lire et ne lui impose que des jeux vidéos à deux balles afin qu’elle ne souffre des affres de son père. Et qu’elle ne s’amuse pas à lire Homère sinon je la déshérite. Sauf qu’elle est capable de tout, je l’ai surprise l’autre nuit avec un bouquin d’Apollinaire, les filles sont insoumises.
Quoiqu’il en soit, demain je l’emmène à Disney World pour lui apprendre des valeurs sûres dans ce monde pourri, il est essentiel qu’elle arrête immédiatement de se la jouer : « Je pense donc je suis » 
Vous savez quoi ? Demain, après Disney, je la place dans une école de religieuse, elle oubliera ainsi de la ramener avec Socrate, le père de la philosophie. Y en a marre de ces conneries. Sinon, je l’oriente direct dans un CAP de chaudronnerie, ça lui passera l’envie de passer son temps libre à réaliser des potions magiques, elle se prend pour Panoramix ou quoi ? Déjà qu’elle a hérité de sa mère le syndrome de Cléopâtre. Il me faut la contraindre à notre culture patriarcale, ce cancer que l’on subit depuis des millénaires.
Vous remarquerez en chemin que notre Histoire n’est faite que de mecs dans les noms cités dans mon délire comique. J’ai bien pourtant un exemple d’une fille formidable entre autres, une anarchiste barrée, une héroïne de la Commune en 1871, elle s’appelle Louise Michel mais ces clébards l’ont envoyée au bagne en Nouvelle Calédonie. Ce qui me fait penser que les mecs ne sont que des chiens au regard de l'Histoire envers le genre féminin depuis toujours si ce ne sont quelques exceptions qui confirment la règle. Il est temps que ça change !

 FURIE - chapitre 6 - 01 Avril 2018

Un après-midi, un pote vint me retrouver. Son anniversaire il fêtait en soirée m’apprit-il, il y aurait du vin français, du bon beaujolais, un tonneau entier et comptait impérativement sur ma présence.
Quelle farce ! Comment rater une telle orgie ? Irrésistible qu’elle était sa fête! Je ne pouvais, bien-sûr, me défiler et l’assurais d’être au rendez-vous le premier. 
Ah le beaujolais, c’était notre péché mignon, notre collective folie, nous aurions marché des jours et des nuits sous nos tropiques pour boire ce breuvage à nul autre pareil, une pleine barrique était pour nous tous un rêve fou et inespéré, une incroyable volupté.
Je suis arrivé vers les sept heures, à la nuit tombée, les mains dans les poches et sur mon visage un air gai. 
Nous étions une douzaine de potes à boire, à s’agiter, à rire, à gueuler comme seuls les Français le font, nous étions à nous seuls le village d’Astérix au grand complet. Filles et garçons mélangés, nous buvions en cueillant dans les plats des fruits de mer, des bouquets garnis.
Et puis, un peu plus tard, deux autres filles sont arrivées… Pour moi, le temps s’est arrêté.
L’une d’elles était un petit bout de Siam haut en couleur, elle arrivait juste à Phuket, sa terre natale, après quelques années en fac dans la capitale. Elle jouait du violon et parlait même la langue de Molière avec un adorable accent à foudroyer anges et démons. Cette fille m’a halluciné.
Aujourd’hui encore, je ne peux la chasser de mes pensées et rêve d’elle, éveillé ou non, sans cesse, sans frein aucun. Elle est mon diapason, ma source, mon orchidée. Elle me hante cette Déesse et suis condamné à vivre avec son souvenir jusqu'à mon lit de mort. J’errerai ainsi sans fin avec son image, le son de sa voix, le parfum de sa peau ambrée, le gout des ses lèvres - Ah ses baisers ! – et l’écho de son rire qui fuse dans la lumière des iles. 
Je suis à jamais collé et me damnerai volontiers pour à nouveau vivre à ses cotés une seule nuit, un fragment de seconde sous les feux des lucioles qui dansent dans le vent. Je ne peux même son nom prononcer sans que des torrents de braises m’inondent tout entier, coulent dans mes veines entre volcan et tsunami. C’est un feu que je ne saurai éteindre. Elle est passée, la Magnifique, et m’a définitivement aliéné. Cette fille est un mystère !
Je parle, je m’enflamme et oublie de dérouler le fil de cette soirée insolite et magique… Elle arrive, donc, cette Grâce, avec sa géante Australienne de copine, aussi conne que grande, et qui se prenait pour la star de la soirée parce qu’elle venait de se faire engager comme figurante dans un film à deux balles que personne ne verra jamais.
Etonnamment, tous les mecs présents étaient fascinés par la grande asperge. Ça tombait bien. Beaux gosses qu’ils étaient, je n’aurais jamais eu aucune chance auprès de Miss Phuket avec mon physique de Laurel et ma brillance intellectuelle de Hardy, j’aurais souffert le martyr de voir mes potes la courtiser, je me serais vraisemblablement suicidé en fin de soirée. Heureusement, il n’en fut rien. Faut dire que je choisis toujours mes potes en fonction de leur mauvais gout, je ne supporte aucune concurrence dès qu’une belle passe.
Bref, Eurydice vient me faire la bise et me dit bonjour avec un inoubliable accent qui roule dans ma tête vide et me liquéfie sur place.
Je me ressers un verre pour me remettre et hurle sous la voute entre deux émois. Pendant que tous ces fous mataient l’Australienne, j’offris un verre à ma muse sous la ronde des astres. Et puis, on s’est tous mis à brailler au milieu des fous rires comme des enfants perdus soudainement dans des jeux innocents quand le gâteau d’anniversaire arriva illuminé de multiples bougies pour célébrer ce jour unique. Il faut le dire, nous étions tous d’une légèreté inouïe. Et le vin coulait dans nos artères… 
Au milieu de tout ce vacarme, je plaisantais avec Miss Thaïlande. Son rire s’évaporait sous le firmament et ses yeux me dardaient à me faire tomber, je me suis resservi un verre de beaujolais, je n’en menais pas large, j’étais au bord de l’AVC. Je ne savais que faire, mourir tout de suite, là, ou attendre un peu encore ? Finalement, j’ai préféré attendre malgré les élans lyriques qui me possédaient, personne n’est parfait. J’ai calmé avec un autre verre l’orage qui me défonçait la cage thoracique. Tout mon être s’emballait, une véritable tempête le secouait.
Elle m’éclaboussait de lumière, la Divine. Ses rires en cascades dynamitaient ma folie. Béat, je la regardais émerveillé, un sourire idiot coincé sur un air crétin.
Plus tard, on a tous joué aux fléchettes sur une cible débile. Que faire, je vous le demande ? Nous avons formé des équipes. Inutile de vous dire que je me suis empressé de faire équipe avec elle tellement ces abrutis en mordaient pour la dingue Australienne. Je ne voulais pas la lâcher ma Venus, mon étoile du berger.
Je ne sais combien ce jeu à la con a duré ni qui a gagné mais je fus effaré de son score, toujours dans le mille. J’applaudissais systématiquement à chacun de ses lancés. Je faisais le fayot, quoi, le mec épaté.
Il est vrai que j’étais réellement mystifié, tous ses mouvements, ses onomatopées, ses clins d’œil, le flux qu’elle déplaçait autour d’elle me faisait tanguer. J’en avais le vertige. 
Mais d’où pouvait bien venir cette poussière de lune ?... Le beaujolais m’a permis de ne pas trop réfléchir à la chose et j’ai gardé le rond.

 FURIE - chapitre 5 - 15 Mars 2018

Le nom de ma rose.
C'est là ! Et nulle part ailleurs que cela est arrivé. 
Cette petite fleur immense m'a cueilli au bout d'un chemin et m'a fait entrevoir le passage. Le passage, vous voyez?!
Moi, sur le coup, j'ai rien vu du tout si ce n'est ce visage inouï à la jolie grimace. Je sentais bien quelque part une alchimie étrange. Un truc non raisonnable me retenait là. Un truc énorme !
On peut toutefois zapper un moment pareil, par fatalisme ou timidité, ou allez savoir quoi encore... Et, malgré tout, vivre éternellement avec ce souvenir teinté de regret, de mélancolie... par épisode... pour ne retenir, en fait, que cela. Comme dans "le nom de la rose" en somme.
Envers et contre tout, ce mystère m'a retenu là. J'ai voulu fuir, bien sûr. Trop de risques, trop de folie mêlée de démence... trop de tout impossible à démêler, à élucider, à dire, à comprendre, à écrire. Je me trouvais dans un couloir de vents sous un feu de mousson... Et, dans ces cas-la, on fuit généralement à toute jambe, on s'arrache dare-dare ! On n'attend pas que la rétine se décolle de son oeil. Trop de souffle ici-bas pour oser affronter les éléments. Plus facile de filer et de se remémorer, après, cette douce vision. Quitte à s'en mordre les doigts longtemps encore... La peur de se pétrifier si l'on reste. Un peu comme si l'on s'arrêtait au milieu des tempêtes... dans l'oeil du cyclone !
Cette douce vision, cette folie, ce maelstrom, ce tremplin des vents, de la furie des éléments a un nom: Hasana !
Le nom de ma rose !
Les différentes pérégrinations, routes et aventures qui ont composé mon chemin sur le fil de mon parcours ne furent rien devant cette énigme issue d'un mystère et apparue, là, sur un bout de sentier, entre ciel et mer. Ce fil d'harmonie imbibé de soleil riait dans la lumière. Ce petit diapason dressé au milieu des éléments vous offrait son La, debout sur une immense falaise perché sous la voûte au-dessus de l'océan.
Il vous suffisait de vous asseoir, là, vous croyant vraisemblablement sujet à quelque hallucination, planté dans ce décor surréaliste, les yeux bouffés par cet immense spectacle, les neurones disséminées dans ce colossal espace.
Des nuages surgissaient dans une nasse opaque et ténébreuse, et roulaient à la vitesse de la lumière... La foudre se jetait a corps perdu dans cette mer maintenant bouillonnante... Et la belle riait dans cet univers taillé à sa mesure.
C'était donc ça la clé, tout cela n'était que pour ce petit bout échappé d'on ne sait où. Une petite sauvage à la jolie grimace avait tout dompté sur son passage et la Géante Nature venait l'honorer de mille et une grâces. 
Bien sur, tout ça, sans elle, n'était qu'un film empli d'effets spéciaux maintes fois répétés. Sa présence amenait à la chose un scénario tout autre. Elle, qui pourtant ne prétendait à rien, détenait un pouvoir au-delà de toute force, sans commune mesure avec les plus grandes puissances. Sa fragilité même était conçue dans le but de damer le pion à toute mégalomanie terrestre ou céleste.
Si vous l'enleviez de cette géante fresque aux allures titanesques, pfft !... tout n'était plus que cliché. Un bide que c'aurait été une fois dissipés les quelques lueurs un tant soit peu captivantes des premiers effets vite oubliés.
On peut toujours broder sur quelques scènes soi-disant inouïes afin de se persuader d'avoir été spectateur de l'exceptionnel, de l'inédit... mais que cela est-il à coté de cette petite fleur étrangement si enivrante, hein?!
Aussi curieux que cela paraisse, cette fille est devenue la mère de Nina, ma fille… J’en suis baba encore aujourd’hui et délire toujours accompagné par le chant des grillons qui nous composent l’hymne d’un éternel été dans la nuit des iles. 
La vie est encore plus dingue que l’imaginaire du plus grand romancier, qu’on se le dise !

 FURIE - chapitre 4 - 14 Mars 2018

Je parvins dans ce lieu hautement touristique qu’est Phuket !

Située sur la Mer Andaman dans l’Océan Indien, cette ile jouissait de mille attraits, et des eaux magnifiques la baignaient. Un palmier la symbolisait, une espèce végétale endémique sur l’ile, il ne poussait qu’ici, à Phuket, sur la Montagne du vénérable Taew, dernier bouquet de forêt primaire intouchée, près de Talang. Keriodoxa elegans qu’il s’appelle, s’il vous plait ! C’est Jean Boulbet qui me l’a montré, c’était un peu son bébé, sa couronne, son brin d’olivier. A la fin, il gagatisait et voyait des farandoles de keriodoxa, roi des forêts, dans son salon, dans sa salle à manger. Il crut même voir pousser, un jour, un dipterocarpacea dans sa tasse de thé, c’est pour dire. Je plaisante, Jean ! Tout ce qui n’est pas amusant n’est pas digne d’intérêt, j’ai appris ça sur les chemins de Thaïlande, le coté « sanuk » des gens d’ici, au Siam.

Savez-vous comment appelle-t-on les feux d’artifice dans leur langue ?  Dok Mai Fai ! Des feux de fleurs ou des fleurs en feu, c’est comme vous voudrez. Tout un symbole.

Les temples rutilants dégoulinaient d’or et s’élevaient dans les cocoteraies, dans les cités rivalisant avec le soleil à qui mieux mieux en lumière et en feu. Les mosquées érigées sur les rivages dans les palmeraies offraient leurs dômes sous le firmament invitant les anges à la tétée.

Des dragons ailés surmontaient les temples chinois à l’assaut des cieux pendant que les Gitans de la mer, les Mokens, célébraient leurs rites animistes sur les rivages de Rawai ou de Koh Siley.

Les Thaïs trainaient tous leurs tongues en riant et en causant de tout coté. En fumant aussi, des Krong Thip qu’ils allumaient dans leur sourire.

Les filles, toutes jolies, déambulaient en pleine lumière dans leur sarong coloré ou bien en jean et en tee-shirt comme partout ailleurs. Elles étaient reines dans ce pays de matrilinéarité, ce concept les transcendait faut croire et leur donnait des ailes, elles occupaient tout l’espace, le sublimaient. J’étais mystifié !

Je me suis ici arrêté, posant mes fesses dans un quelconque bungalow, à la recherche d’un petit boulot.

Donnant quelque cours de français, à droite, et accessoirement guide touristique, à gauche, j’ai pu bouffer tout en vagabondant sur cette ile, le cœur et l’estomac contents.

Tous les ans, après la mousson, en novembre, le monde entier venait gouter aux plages… et aux filles aussi. Des hordes de touristes s’amassaient, des avions bourrés, des cars entiers, partout il y en avait, en taxi, en moto ou bien à pied.

Pour la plupart, c’est à Patong qu’ils débarquaient, infrastructure hôtelière oblige. Tous les bordels de Phuket ou presque étaient concentrés là, et les filles par grappes les attendaient. C’était la valse aux billets ! Les devises se distribuaient, changeaient de main et roulaient sur le pavé de cette balnéaire cité. Tous en prenaient pour l’année. Mais pas toujours, les Thaïs sont si dépensiers. Ils vivent, ces grands enfants, sans penser à demain, sans penser aux tourments du lendemain.

Ils sont possédés par le jeu quel qu’il soit. Pour un pays où les jeux d’argent, les paris sont interdits, c’est un comble, un vice qu’ils ne sauraient taire.  Loterie, boxe thaïe, cartes, combats de coqs, dés, foot et j’en passe, rien ne peut stopper cette rage effrénée de jouer, le fric leur brûle les doigts, tous des paniers percés face au bingo, le monde asiatique est ainsi fait.

Quoique chez nous, c’est pas mal non plus. C’est du pareil au même faut croire avec leur loto de millionnaires, on peut toujours rêver. Quant à moi, depuis que j’ai lu « Le joueur » de Dostoïevski, j’ai viré en ce domaine ma cuti.

Dites savez-vous comment appelait-on ce royaume jusqu’au siècle dernier ? Le Royaume de l’Eléphant Blanc ! Ca pèse lourd, non ?! Vous imaginez la blague célèbre du cheval d’Henri IV adaptée à nos latitudes : quelle était la couleur de l’éléphant blanc du roi de Siam ? Trop facile !

Pendant la mousson, le calme revenait. Six mois peinard, de mai à octobre, six mois où l’on pouvait à nouveau se baigner sur les plages désertées face à l’océan. Sauf que, question boulot, c’était pas géant. Forcément, sans touriste, ça devenait plus difficile… On compensait par la méditation, royaume du bouddha oblige, on respirait les éléments quitte à bouffer des racines, mais les filles nous invitaient toujours à partager leur gamelle, leur riz, chacune y mettait sa touche, sa folie, illustrant ainsi les mille et un plats des différentes provinces qui composent cette gastronomie, c’était tous les jours Byzance. Le palais des arômes et des épices, un hymne à l’espérance, un délice !

Ce peuple m’étonnait, un dièse le caractérisait, je n’avais encore percé leur secret mais je m’y employais, cet endroit méritait qu’on s’y attarde sans compter, au diable les jours qui passent. Je ne sais quel indéfinissable charme me retenait là, mais je ne pouvais me résoudre à quitter ce jardin d’éden. Les filles avaient conquis ce royaume, elles ne vivaient pas sous la pression des hommes, elles semblaient libérées, le genre masculin ne leur faisait plus peur sans pour cela ignorer sa fureur. Elles composaient comme des reines dans cet univers taillé à leur mesure, elles contrôlaient toute la sphère, elles maitrisaient leur domaine dans son entier et les mecs ne paraissaient point en être gênés. Ils n’en étaient aucunement outrés, un exemple unique dans l’humanité ! Ca méritait une pause, non ?!

D’un autre coté, je les comprenais aisément, les Thaïs. Leur genre féminin était surnaturel ! Des beautés à couper le souffle ! Toutes des stars, des miss-monde, des top-model, la moindre marchande de cacahuètes rivalisait facilement avec Kate Moss, même un prince aurait désiré l’épouser. Sympas comme seules les fées le sont, toujours à se marrer comme dans un rêve, une grâce à foudroyer les anges, et tout le feu de la terre dans leurs prunelles. Ces filles-là m’invitent au plus grand respect, je suis médusé, qu’on se le dise ! Si jamais je devais un jour faire une famille, j’aimerais bien que ce soit ici, en priant d’avoir pour enfant une fille. Si le sort s’acharnait ainsi à me donner un garçon, on le donnerait au temple afin de perpétrer l’élan du bouddhisme theravada. Néanmoins, c’est pas demain que je fonde une dynastie. Quelle gonzesse serait assez dingue pour faire un mioche avec le fou que je suis, hein ?! Quoiqu’on ne puisse jurer de rien, les filles sont capables de tout. On peut rêver… 

 BONNE ANNÉE ! 15 Janvier 2018

Il est vraisemblable que cette année sera pourrie au même titre que toutes les autres, voire davantage, non ? Il suffit d’ouvrir grand les yeux au-delà de notre condition éphémère pour en être conscient, nous plongeons tout azimut dans une phase obscurantiste malgré ce qu’en pensent les optimistes forcenés. Pour ceux qui douteraient encore, remettez-vous en mode replay la soirée offerte par Patrick Sébastien à la télé lors du nouvel an pour en être convaincu, peu échapperont au suicide.

Ou bien alors, regardez les news du moment, c’est carrément à pleurer. Des pugilats en veux-tu en voilà, des massacres à tout va et même des génocides si on pense à la Birmanie avec des bonzes en tête des cortèges appelant au meurtre pour inciter tous les autres à perpétuer les pires horreurs.

Bref, je me relis Voyage au bout de la nuit de Céline pour le fun et quelques proses de Rimbaud aussi, ça calme l’optimisme. Rien n’a changé ceci dit, c’est toujours d’actualité que ces deux géants, c’est indémodable. Leur angle de vue ainsi que leur puissance littéraire traverseront les âges, c’est indétrônable.

 Afin que vous compreniez bien ma prose en réaction à vos délires d’enthousiasme lors des vœux de la nouvelle année, je vais vous conter une petite histoire survenue lors de mes pérégrinations au pays des Khmers, le Cambodge, il y a plus de vingt ans déjà.

Dans un petit village perdu près des temples d’Angkor où je passais la nuit, j’assistai à une naissance. Je fus surpris qu’une fois le divin enfant enfin né, les femmes venaient le présenter à la communauté du lieu autour d’un feu en se lamentant de voir ainsi un bébé à ce point laid et mal foutu même si les expressions de leurs visages semblaient exprimer le contraire. Malgré leurs plaintes et grimaces, je devinais en filigrane une joie immense. J’appris plus tard que c’était leur façon à elles de l’éloigner des mauvais esprits afin que le bébé ne se fasse enlever par des mauvais génies jaloux d’une telle beauté venue ce jour ensoleiller l’humanité. Il est vrai que pour nos esprits occidentaux très cartésiens, il était plus facile de penser comme Astérix et Obélix : « Ils sont fous ces Khmers ! », alors que ces femmes voulaient juste éloigner le chérubin du mauvais œil, pas davantage. Pas si folles que ça, donc, les Cambodgiennes. Il suffisait juste de plonger dans leur élément culturel plutôt que de vociférer des jugements hâtifs et débiles tout azimut sur ce peuple pourtant haut en couleur à la Culture millénaire.

Il est évident que dans un cas semblable chez nous, nous aurions tous entonnés ensemble : « Il est né le divin enfant… » avec des élans lyriques dignes de la bible qu’on soit catho, athée ou bien agnostique. A ce propos, je note quelquefois chez des athées une morale judéo-chrétienne pire que les bigots, comme quoi il ne suffit pas d’afficher une vitrine.

Une autre nuance venait donc ce jour entrer dans ma cervelle, une humilité nouvelle. J’en garde encore le souvenir, cela m’évite d’être manichéen. Faut dire que suis célinien, Voyage au bout de la nuit oblige, et Mort à crédit aussi. Je sais bien que la polémique sur Céline défraie la chronique aujourd’hui, vous m’en direz tant. Ne confondons pas le romancier géant et le pamphlétaire indéfendable. C’est un peu comme si l’on disait que Gauguin est un mauvais peintre puisqu’il ne niquait que des mineures. L’argument n’est pas de poids, vous en conviendrez.

Bref, je voulais juste qu’on m’entende bien au-delà des clichés inhérents à notre monde moderne malgré cette paupérisation culturelle rampante caractéristique d’aujourd‘hui. Tout cela dit avec un océan de légèreté, qu’on se le dise ! Bonne année, donc...

 FURIE - chapitre 3 - 05 Novembre 2017

Enfin, je me réveille.
Ma fièvre est donc tombée… Que s’est-il passé ?!
On m’a ramassé, il parait, brulant dans un sentier herbeux au milieu des serpents, tout prêt d’un flamboyant.
Les fourmis rouges déjà me titillaient par wagons entiers quand les noires sont arrivées pour me bouffer. Un homme passait là, c’est son buffle qui m’a trouvé. On me dit qu’il m’a sauvé.
A force de trainer dans la nuit des iles et sur les rives des fleuves sacrés tout au fond de l’Asie, je me suis fait sucer par des hordes de moustiques qui ne m’ont laissé que quelques gouttes d’hémoglobine.
A la place, ils m’ont gorgé de mille et un poisons savamment distillés. Tous les germes, ils m’ont donné, qu’ils cultivaient depuis des millénaires dans leurs jungles, leurs confins insoumis.
Des spécialistes, abrutis de nouvelle science et de progrès, n’ont rien trouvé. C’est un vieil homme dans sa grotte d’anachorète entre ciel et mangrove, gardien et ami des hirondelles ici reines dans cette baie, qui m’a dit ce que j’avais : une dengue carabinée ! Un morceau de fièvre si épais que j’ai failli en crever, gracié à la dernière heure par une rencontre inopinée.
J’ai voulu entrer sur le sanctuaire des sylves, j’ai couru de liane en liane sur un tapis d’épines et de palmes, j’ai même cru voler.
Evidemment, je me suis ramassé en lambeaux égrenant sur mon passage, à l’image du petit Poucet, non des cailloux mais des bouts de peau, des grappes de cheveux, des morceaux de chair offerts en repas aux rafflesias, ces carnivores fleurs plus immenses que le soleil.
Les sangsues sont venues m’adorer, j’en avais de partout, des guirlandes, des bracelets sur mes chevilles, mes poignets. Longtemps elles m’ont accompagné et se sont épanouies à mes cotés. Elles aussi, je les ai nourries. Mais je n’ai rien trouvé, moi, à me mettre sous la dent, vierge que j’étais de toute science pratique, enfant de la grande cité.
J’ai été sans me retourner et m’y suis paumé dans ces hautes futaies, dans ces bouquets de jungle en délire.
La fièvre m’a gagné et j’ai longtemps erré dans ce flux végétal où les ombres m’accompagnaient. Plusieurs fois je suis tombé mais des marées d’insectes me réveillèrent par leur féroce morsure dégoulinante de venins acides, de phéromones empoisonnées.
Je me suis relevé, imbibé de palud et de dingues extraordinaires. Je me suis cogné aux arbres et j’ai appris d’eux, ces géants verts à la chevelure gigantesque, l’humilité. Je me suis assis à leur pied et les ai écoutés. Tout, ils connaissaient, plantés-là depuis des millions d’années. Ils m’ont enseigné une certaine légèreté, et j’entends encore les rires qui, parfois, les secouaient des racines à leur verdoyante coiffe. Ils m’ont confié des mystères comme on raconte de bonnes blagues, des farces légères.
Des oiseaux inouïs vinrent se poser sur leurs branches et nous avons tous ri ensemble. Quelques-uns sont devenus bons copains. J’ai appris leur langage et ils m’ont choyé, m’entourant de mille grâces de leurs ailes flamboyantes. A la fin, fou que j’étais, j’ai cru m’envoler… mais je me suis encore viandé.
Un jour, une chouette est venue me visiter. D’un froissement d’aile, elle s’est approchée. Elle s’est posée, la belle, tout près, et m’a emmené. Sur son dos, j’ai enfin volé.
Loin, nous avons été, elle désirait me montrer le sourire de la haute forêt. Nous sommes restés, ainsi accouplés, devenus amants jusqu’au bout de la nuit.
Nous formions ensemble un étrange couple. Une transe nous possédait. Et nous glissions dans la pénombre en cueillant à tire d’aile des fruits sucrés, des miels parfumés.
Ah ! Ses yeux !... Je me suis perdu en eux !
J’ai plongé dedans et tant pis si je m’y noyais.
Je l’ai aimée, adorée, hypnotisé par cet intense feu.
Et puis, une nuit, alors que je l’attendais, ma divine ne s’est pas montrée, elle chassait, peut-être avec ses copains grands-ducs.
Longtemps j’ai pleuré et me suis abimé dans les pièges de la haute forêt. Mille ans je l’ai cherchée, mille ans j’ai marché, les pieds ensanglantés par toutes les épines des cruelles futaies.
Elle m’avait donné ses ailes, et moi, je lui souriais. Quand j’y repense, des sanglots magnifiques réapparaissent.
Je garde encore tout chaud la caresse de sa plume, et me damnerais pour un songe encore à ses cotés.
Epouvanté à l’idée de ne plus la voir, la toucher, jamais, j’errais sans fin et sans chemin. Une démente fièvre me fit à nouveau délirer mais celle-ci ne m’a jamais quitté. Encore je marche dans la nuit des iles, abruti de lumière par les feux-follets et rêvant toujours de cette Précieuse. Je me rappelle.
Humant les réminiscences de ces chouettes frissons autrefois ressentis, je crie, je ris et l’appelle tout au fond de ma folie.
...

 FURIE - chapitre 2 - 22 octobre 2017

Et puis, le soleil est revenu d’un seul coup sur ce chantier lunaire… Un raz de marée intergalactique a tout ravagé, on en a pris pour mille ans de leur cosmique délire, on en a pour des siècles avant que ces torrents de boue ne sèchent, cent ans de canicule n’en viendront pas à bout, un enfer !
La Guerre des étoiles, à côté, c’est un conte de fée, des contines pour bercer les tout-petits, les bébés. Bonjour le ménage ! Des inondations comme on ose en cauchemarder, des arbres par forêt déracinés, des ravages à répétitions, des naufrages à la pelle et un parterre de cratères fumants et bouillonnants pour seul héritage.
C’est l’apocalypse ici-bas. Dans dix mille ans, on en parlera encore, on terrorisera les auditeurs dans les veillées au récit de ce déluge. En vérité, je vous le dis, c’est une catastrophe !
Les veines de la Terre, éclatées, n’en finissent pas de gicler à qui mieux mieux sur les jungles, les sylves, les forêts. Sur les villes aussi, les cités où fourmillent une humanité à la dérive.
Les fleuves, dégorgeant de monstrueux torrents de fanges liquéfiées par cette immensité d’eau, s’échappent de leur lit et vagabondent dans les campagnes inondées par l’irrésistible flux.
L’Irrawaddy court à la conquête des vallées perdues et vient coloniser le sanctuaire de Bouddha où se dressent des milliers de pagodes érigées à la gloire du Prince Siddhârta et du renoncement.
Le Chao Phraya s’engouffre dans les moindres interstices du royaume de Siam et déboule en furie sur la Cité des Anges engloutissant les tours de Sukumvit et de Silom. Seuls les chedis du palais royal émergent de cet océan gardées par le Bouddha d’Emeraude veillant ainsi sur Sanam Luang et les cendres des Rois de Siam qui reposent sur les rives de la Mère des Eaux où flotte toujours le drapeau du Royaume de l’Eléphant Blanc.
L’Isthme de Kra s’enfouit dans les mers de Chine et d’Andaman ouvrant un béant passage où se mélangent les deux océans, l’Indien et le Pacifique. Seul le Bouddha géant de Bang Riang sur la montagne aux oiseaux mouches garde les pieds au sec en compagnie de Kuan Him, le regard perché sur ces monolithes karstiques si caractéristiques de la Baie de Phang Nga où nichent aigles-pêcheurs et hirondelles sacrées.
Le Mékong, lui, immerge toute l’Indochine mais épargne, clément, les temples khmers de la Cité d’Angkor entourés d’une couronne forestière de palmes et d’épines, villégiature des dieux du panthéon brahmanique gardée par les Nagas des sylves et les mille Lingas de la rivière Shiva découverte par Jean Boulbet au cœur de la haute forêt, son fantôme règne en ce lieu.
Les fleuves Bleu et Jaune se disputent les territoires dans l’Empire du Milieu, et se canardent tout azimut par des gerbes d’écume multicolore.
Le Detroit de Malacca ramène dans son courant un tapis écarlate d’hibiscus, flamboyants et lotus, offrande flottante en direction de Java pour les Bouddhas de Borobudur gisant sous le soleil dans un calme millénaire.
En terre d’Islam, péninsule malaise et Indonésie réunies, les mosquées ont échappé au pire sous la charge des éléments, sauvées du naufrage grâce au croissant de lune, gardien céleste des rivages musulmans, et à Venus qui trône sur tous les dômes offerte aux astres dans un rayon de félicité. C’est le repos de Morphée.
Bali, gardée par les Barongs en arme, résiste au cataclysme, mille et un temples hindouistes disparaissent sous la fumée des bâtons d’encens, les danses millénaires rivalisent de transes afin de vaincre l’armée des ombres, c’est le choc des titans sous le firmament, un incendie sous la voute, un volcan !
Les pouries, anciens palais des maharajahs suicidés, devenues de véritables arches de Noé, sont le refuge des basses-cours où trônent poules et canards en prévision du déluge maintenant passé. Elle caquette, la volaille, commentant les foudres de Rangda, la reine noire, après cette hallucination de violences venues du large.
Un barbecue géant se fait sur le Gunung Agun, ce volcan balinais se prête aux festivités célestes. Les Barongs, encore grimaçants sous leurs masques déchirés, se préparent au banquet pendant que les Garudas chevauchent les Nagas aux cinq têtes. C’est le bal des métamorphoses, on se la joue transmigration de l’âme et métempsychose à tous les étages, la chaine des réincarnations sur une immense scène ramayanesque. Ça pèse !
Hourrah ! Le monde est sauvé ! Même si les terres de ces contrées restent imbibées de raz de marée presque évaporés. Rimbaud peut renaitre et à nouveau délirer de mille songes hallucinés. Où est-il, le garçon enragé, sinon à trainer dans les landes désespérées. Il nous cueille avec Baudelaire des fleurs vénéneuses sous les cieux embrasés trainant sa bohème dans ces paysages dévastés, humant le parfum des tempêtes sur les rivages naufragés, renversés par une immense colère infusée jusqu’aux racines du ciel.
Le poète maudit a posé son balluchon plein de rimes flamboyantes que même les dieux n’oseraient toucher. Il ricane, la canaille, l’intouchable génie aux métaphores surréalistes. Sa folie est notre seul bagage pour encore exister. L’essence de ses neurones, tremplin de notre imaginaire, recouvre nos sens torpillés par ses illuminations enragées, et nos tripes bouillonnent dans ses délires visionnaires.
Sa fièvre contagieuse déboule sur notre épiderme en feu et nous prions les anges à l’entendre chanter. Nos yeux, dilatés par l’angoisse et l’extase réunies, pleurent des rires inespérés. Des fragments de ciel bus par nos rétines irradient nos ventres rongés par d’acides poisons aux vertus insoupçonnables. Nos râles nous désintègrent et nous sourions en larmes gagnés par une folie sans cesse plus puissante.

Thierry

 KILIM RIVER Le 10 octobre 2017

Connaissez-vous la rivière Kilim à Langkawi ?
Elle serpente, la folle, et se perd dans la mangrove avant de toucher au rivage où elle vient offrir ses eaux à la Mer Andaman aux portes de ce détroit fameux du nom de Malacca. Là, dans ce lieu qui a vu naître la genèse et où dansent les éléments, un homme s'est posé, mon ami Rahmad devenu homme de la forêt, moitié humain moitié oiseau.
Tel Noé, il a construit son vaisseau et tous les passagers de la mangrove il a amenés. Son vivier, il a ici créé ainsi qu'un petit restaurant où vous choisissez vos mets vivants (gambas, loches, bars, mérous et j'en passe) avant qu'ils ne finissent dans votre assiette, un régal ! Cet homme au sourire inné vous consolera de tous les maux.
Dans ce théâtre de la Géante Nature, d'inédites vibrations viendront vous troubler, vous envoûter et tout cela vivra dans votre mémoire à tout jamais. En ce lieu chargé de mystères, de grands secrets, vous rirez bien sûr mais vous pleurerez aussi devant cette hallucinante beauté. Ici se joue tous les jours, toutes les nuits une ode au merveilleux sous la ronde des astres. Et si un petit croissant venait à se lever sur le firmament, votre vie en sera désormais changée. Point cela vous ne pourrez oublier et, bien plus tard, vous vous direz : "J'y étais !"
Venez donc chez Rahmad, dans sa besace cet homme-là possède mille et une partitions dédiées aux éléments, son panthéon. Sachez encore que c'est lui le chef d'orchestre de la mangrove, de la haute forêt, il déchire le ciel tous les soirs avec son archet.
Des contes, des rêves, des légendes peuplaient ma solitude. Des images passaient en moi sur un fil d’harmonie, un cinéma inouï. Je revenais par ces pensées, ces mélancolies dans la Rivière Kilim à Langkawi. Tout un monde grouillait dans ma mémoire où varans, loutres, singes, oiseaux multicolores défilaient devant la maison de Rahmad, seul humain habitant la mangrove. Les aigles nichaient sur le Mont Haida, ce petit Mont de Venus que les comètes viennent visiter, et sur la pleine lune un visage se dessinait. Des images à se damner, des émotions hautes en couleur, des rires et des pleurs.
Fascinante Kilim sur une terre magique hantée par le souvenir de Mahsuri, cette belle princesse Malaise que l'on accusa à tort d'adultère et que l'on tua pour cela il y a deux siècles déjà. Le bourreau s’y reprit à sept fois avant de lui trancher la tête de son sabre tellement il tremblait. Mais La Magnifique, avant de mourir, lança une malédiction sur cette île pendant sept générations. Et cette histoire, devenue légende, marque toujours cette terre et traîne encore dans toutes les bouches, tous les esprits au point que tous s'en mordent les doigts plus de deux cent ans après mais heureux toutefois d'appartenir aujourd'hui à la huitième génération. 
Une autre Belle hantera également cette terre à jamais, la divine Haida, fille elle aussi de Ulumelaka, petite ville au coeur de Langkawi où naissent toutes les légendes, où se croisent tous les vents, souffle d'ici ou gît la dépouille de Mahsuri.
J'entends encore la voix de Lin et le piano d'Azlan emplir le ciel de Langkawi, leur chant, leur musique vibrer sous les tamariniers et fuser sur la voie lactée. Un petit croissant de lune, là-haut, me rappelle la présence de Haida, on dirait son sourire inonder la nuit sur la voûte étoilée, on dirait les lumières de son regard venues nous visiter. 
Mahsuri ! Haida ! Où êtes-vous reines de Langkawi ?
C'est dans ce lieu que je suis passé, c'est là que mon coeur s'est emballé et, depuis, je n'en suis jamais réellement reparti même si je suis loin aujourd'hui de cette terre pour moi entre toutes sacrée. 
Ô Kilim mon amour, tu danses dans mes rêves !

 FURIE - chapitre 1 - 30 septembre 2017

Entre ciel et mer, une terre oubliée, une lande où personne ne vient jamais, un bouquet de jungle en délire qui danse sous l’azur, éclate dans le soleil des tropiques et vibre tel un diapason debout au milieu des flots donnant le La aux mers, aux océans, aux éléments, aux astres aussi qui virevoltent autour de ce nombril du monde et du cosmos réunis dans un tourbillon ivre et fou. 
Les nuages, ici, n’osent s’arrêter et roulent sous les cieux à la vitesse grand V, dopés par cet étrange tableau issu de la création, du commencement des mondes et imprégnés de mille songes, de mille et un mystères créés par les dieux et chantés par les hommes épris d’éternité et fous de terreur à l’idée que tout peut s’embraser en un jour, une nuit, une seconde, et les pétrifier.
Tout à coup, un ouragan se crée et déclenche en ce lieu des enfers déchaînés, des malstroms ténébreux. C’est le royaume des tempêtes et des méga typhons crachant sur la cime des flots, des torrents de lumière et de feu, bombardant la mer de cataractes fluorescentes dignes de la fin des temps. 
La mer, cette géante flaque sans cesse en mouvement, hurle sa furie et bouillonne jusque dans ses entrailles. Elle danse, la folle, éprise d’une démente transe à faire trembler ciel et terre, mondes et galaxies. C’est la bataille des apocalypses, combat de titans roulant sur l’écume et pris par le feu de géantes catapultes vomissant sur le flux des guirlandes de braises célestes dans un vacarme assourdissant et dégueulant des gerbes enflammées de météorites incandescentes. Une diabolique ivresse s’est emparée des éléments, d’infernales trombes s’abattent sur les flots rougis par l’assaut de lasers déchirant l’horizon embrasé d’apocalyptiques ténèbres. Des montagnes d’eau s’élèvent jusqu’aux cieux, leurs crêtes d’écume se soulèvent et crèvent les nuages gonflés de noires colères. 
Tout l’espace s’emplit de colossales furies, des cathédrales aqueuses dansent sur le roulis et s’écroulent dans un immense fracas, les continents se fissurent éclatés par la charge des déferlantes, c’est l’hallali, l’heure dernière
Tout un monde sous-marin éructe dans les profondeurs, des colonnes de succubes gémissent dans les abysses et des chapelets de sorcières endiablées cuisinent dans leurs chaudrons infernaux des bouillons atomiques aux bulles krakatoesques. 
Dansent les flots rugissant sur les mers ébouillantées ! Soufflent les haleines marinées des mangroves évaporées ! Hurlent les vents de mousson aux béantes gueules de dragons dévorant l’espace dans un hallucinant chaos !
Tout devient mouvement, le magma s’embrase dans les entrailles de la terre et dégobille sur les continents, les mers, les océans de flamboyantes vomissures parsemées d’écorce terrestre. Des pluies de roches diluviennes éclaboussent l’atmosphère ensanglantée de laves rouges, pourpres et vermillon. C’est le délire des éléments en fusion, un satanique ballet à l’échelle planétaire. Tout bouge, craque et ruisselle sous les assauts répétés des génies déchaînés. Fument les cratères écarlates aux rivières de braises ! Eructent les démons en colère épris de danses frénétiques et de rondes extatiques ! C’est la démence de la mère Nature, un saut dans le vide pour la planète Terre. 
Ils doivent bien rigoler, les dieux, là-haut, sur la voûte céleste, occupés à leurs orgiaques banquets, culbutant les astres et déversant sur nos têtes leur foutre solaire. Eole, bourré jusqu'à la moelle, s’amuse à nous faire tanguer dans d’infinies tornades recueillies sur toutes les comètes et nous farandolons sous la démesure de ses vents furibonds. Neptune, ivre mort, lance son trident dans le cœur des océans et bouleverse pour un jour, une nuit tout ordre établi. Des raz de marée déferlent sur les rivages noyés, de géants gouffres se creusent sur le flux tourmenté, les flots se cabrent et rugissent à l’appel de ce fol illuminé plongé dans son éthylique délire. 
Que vouliez-vous ? Qu’espériez-vous ?... qu’ils nous balancent, les dieux, en se bidonnant jusqu’au trognon. Ils s’en font éclater la panse de fous rires et nous tremblons dans cet écho hilarant digne d’une bombe à neutrons. C’est la piste aux étoiles avec des effets larsens inouïs, c’est le Niagara concentré dans sa propre douche, une hallucination de violences en délire qui nous tombe dessus à la vitesse de la lumière. Ils nous mitraillent de poussières cosmiques, les Seigneurs de la vie, ils nous bombardent de vibrations thermiques à se faire péter le citron un bon millier de fois chacun. C’est le déluge des agonies, une pluie de trous noirs qu’ils nous balancent sur la poire, les Maîtres de l’univers. 
Venus du fond des Ages, esprits, génies, elfes et demi-dieux se réunissent dans de folles bacchanales comme à chaque nouveau millénaire et nous payons leur excès d’ivresse qu’ils nous déversent sur les pompes par rafales de rires, par éclats de délires.
Et nous, pauvres humains enfouis sous des mystères, effrayés par de tels tremblements de terre, nous prions à l’aube nouvelle, secoués à chaque séisme de mille terreurs et d’incroyables peurs. C’est une guerre intergalactique qu’ils nous livrent, ces Hautes Grâces du panthéon céleste, ils nous assassinent, rongés par leurs démentes fièvres solaires. C’est l’Opéra Bouffe, je vous le dis, ils en crachent leurs amygdales, les cons, ils s’en font péter la rate et nous pulvérisent sous le feu de fragments pestilentiels issus de leur divine panse, ils nous chient sur la gueule !

 KOBÉ STEAK 11 septembre 2017

L’apocalypse ! C’est sur ce mot que mon voisin me résuma l’histoire.
Je lui demandais alors pourquoi c’était ainsi la fête chez lui depuis deux ou trois jours, le Requiem de Mozart passait en boucle, lui qu’on n’entendait absolument jamais si ce n’est quand il gueulait à son chien d’aller chercher la baballe au fond du jardin de six à sept afin de bien nous pourrir l’heure du crépuscule. Un cancer.
Faut dire à sa décharge que son clébard est presqu’aussi débile que lui, ils font la paire tous les deux. Dès qu’il se réveillait, aux aurores bien-sûr, Mirza hurlait pendant deux plombes après quoi, une fois finies ses vocalises, il ramenait la baballe à son maimaitre. Du lourd.
Ah oui, pour les non-initiés, Mirza, c’est le nom du clebs, un caniche nain totalement abruti qui vocifère au moindre nuage qui passe. Il a juste un poil de plus d’intelligence que son maitre, pas davantage, ce qui lui confère une certaine autorité vis à vis de l’autre dingue, Igor. Un molosse slave presque grabataire échappé du goulag. Le bruit court qu’il planque son blé sous son matelas tellement les Russes lui en aurait piqué autrefois. Mais bon, c’est juste des rumeurs. 
En vérité, il n’a pas une tune. La preuve, il ne dépense jamais rien si ce n’est pour son chien qui lui a déjà englouti toutes ses économies, c’est vorace un caniche. Mirza ne mange que du Kobé steak, ses croquettes à lui, c’est ainsi. Pendant qu’Igor se régale avec trois bols de cornflakes au quotidien. A chacun sa gamelle. 
Je l’ai même vu fouiller dans mes poubelles, un soir, pendant que Mirza faisait le pet, ils ne m’ont pas senti venir, je les ai chopés la main dans le sac pour ainsi dire. Je lui ai demandé s’il avait perdu ses clefs, il me dit que oui. Ça ment très mal un Slave, ça n’a pas le vice du Latin.
Bref, je lui repose ma question du début, pourquoi cet air de fête soudainement dans sa demeure ? C’était bien la première fois qu’on entendait de la musique dans cette bicoque à la con, un hôpital psychiatrique à vrai dire, un véritable asile. Même Mirza avait fini par fermer sa putain de gueule, un vrai miracle, il nous la joue mode vacances faut croire, c’est pas dommage.
Quand j’ai vu sa mine en pot de confiture, Igor ne se démonte pas pour des broutilles, j’ai imaginé le pire… Le petit chat est mort. Enfin, façon de parler puisque c’est un caniche. D’un autre angle de vue, on n’allait pas en faire une jaunisse, on allait enfin pouvoir vivre normalement dans cette rue démente sans ce clébard enragé qui poursuivait à longueur de temps une troupe de fantômes autour de ses bananiers. On allait enfin pouvoir respirer, le pied. Un rêve, oui. 
C’est là qu’un aboiement surgit, un cri d’outre tombe, la bête vivait encore, un cauchemar. J’étais dégouté. Cette rue était vraiment la rue de tous les malheurs comme nulle part ailleurs. Mirza ressuscitait, il allait nous pourrir la vie à l’infini. Il redoublerait d’énergie, c’est sûr. On allait en chier comme jamais.
Une seule alternative se dessinait donc aujourd’hui, un prompt déménagement ou bien alors un bon Kobé Steak farci à l’arsenic. Faut voir. Je penchais plutôt vers l’empoisonnement pour être franc mais je ne pris de suite ma décision. La nuit porte conseil dit-on.

 ALLELUIA ! - 02 juillet 2017

Bonjour la vie, bonjour l’amour. C’est reparti pour un autre tour. 
J’arrive des enfers, mesdames et messieurs, je viens de me faire une balade en surf sur un tsunami, un parcours dantesque sur le chemin des gémonies.
J’ai caressé la bête immonde dans les entrailles de nos tombes tout au fond du purgatoire, une danse macabre au royaume des ombres entre gouffre et abime. Des chapelets de vampires et autres zombis se relayaient à mon chevet pour me tremper dans des bouillons de fièvres atomiques aux bulles krakatoesques. Le bal des succubes, je vous dis.
J’ai terrassé la plus folle des dingues, je reviens vers la lumière... La prochaine m’emportera.
Bonjour la vie, bonjour l’amour. C’est reparti pour un tour. Alléluia !

Sauf que c’était sans compter sur la misère, les crises existentielles, Ebola, Alzheimer, les attentats, le réchauffement climatique, les génocides, le retour d’Enrico Macias dans la chanson, les perturbateurs endocriniens, l’arrivée de Trump en fanfare, la malaria et j’en passe… 
Bref, une fois encore, je recommençais ma vie à zéro. Ça devenait une putain d’habitude, quoi. La vie est un chemin de croix. Je sais pas comment ils font, les autres, pour tenir le cap une vie entière, je leur dis chapeau. Ma boussole doit être bousillée, c’est pas possible. Je dois faire le point vingt fois par décennie au moins, après chaque tsunami.
Ou alors, ils se cament tous, c’est pour ça qu’ils tiennent la route. Je ne vois pas pourquoi je serai le seul à être ainsi soumis à de telles turbulences. C’est vrai, quoi. Pendant que des doses inouïes de spleen déferlent sur mon être à la dérive, la foule danse et rit aux anges sur un air d’insouciance. C’est à pleurer. 
Y a pourtant une solution afin d’éviter ces folles crêtes mélancoliques qui me bouleversent de tout côté, la lobotomie, j’y ai pensé. Sauf que je suis vraiment trop douillet pour oser quoi que ce soit, la vue d’une seringue me fait aussitôt tourner de l’œil et la moindre goutte de sang me fait tomber en syncope. Je continue donc à errer sans fin, les entrailles déchirées par mille et un accents lyriques que je ne peux aucunement gérer. C’est pas gagné.
J’ai tout essayé pour en finir avec ces maelstroms qui me secouent de toute part. Le sport, l’alcool, le sexe, la politique, le bio, le coca, la mousse au chocolat et même le yoga, rien n’y fait. J’ai fait choux blanc.

J’ai pourtant touché à ce qu’on nomme pompeusement le bonheur. Une fois, pas longtemps Un véritable enfer, oui. C’est pas une vie, ces conneries. Je me croyais chez les bisounours. Je vous rassure, ça n’a duré que trois jours. 
A dire vrai, je connus la paix autrefois, quelques mois durant, presqu’un an. Vous savez pourquoi ? J’ai arrêté d’écrire pour ne pas devenir fou et retrouver la vie d’un humain lambda, parfaitement normal. J’ai cessé de me torturer tripes et cervelle jour et nuit pour plaire à ma muse ; de boire cinquante expressos tout en fumant trois paquets de clopes au quotidien pour compenser le feu de mes neurones ; de zapper faim et sommeil pour la nouvelle prose. Finie l’alchimie verbale, j’étais libéré, je ne m’exprimais plus que par onomatopée. Seul mon cerveau reptilien m’occupait. Un gout de paradis naissait.

Finalement, mes élans littéraires furent plus forts que tout et je replongeai vite dans les méandres de ma démence entre béatitude et furie. Des farandoles de frissons extatiques parcouraient mes tripes à la vitesse de la lumière, une pluie de météorites. J'entendais maintenant très bien le cri des suppliciés dans les enfers ainsi que l’écho de prières millénaires venues se fracasser sur le mur des lamentations.
Je me revoyais sur les fonts baptismaux alors que le prêtre me balançait un christ ensanglanté à la face pour m’apprendre à vivre dès la naissance. J’ai flippé grave, sans rire, je sentais bien qu’il y avait embrouille. Je suis revenu l’interroger un demi-siècle après, il vivait encore. Je lui ai demandé pourquoi il m’avait ainsi foutu les jetons, d’entrée, lors de la bénédiction. Vous savez ce qu’il me répondit ?!
« _ Eh oh, c’est bon, là ! Tu vas pas nous faire un fromage pour quelques salamalecs.
_ Tout de même, mon père !
_ C’est pour t’apprendre l’humilité, petit con. Maintenant, va jouer, j’ai encore mille âmes à sauver. »
La messe est dite.
Dépité, je sortis du presbytère et allumai une cigarette pour décompresser tout en extrapolant sur mon futur cancer des poumons. Culpabilité, quand tu nous tiens !
Je marchais sans penser, un moment unique !... Je baguenaudais épris de légèreté quand une bande de Martiens vint à ma rencontre. Y en avait de partout sous prétexte d’élections. Des Fillon, des Mélenchon, des Hamon et j’en passe. Pour rigoler, j’ai osé : vive Macron !... Ils ont failli me massacrer, les cons !... Y en a même deux ou trois qui voulaient me balancer du haut du Pont Mirabeau pour me faire passer l’envie de faire le beau. Apollinaire, au secours !
Je partis dare-dare avant d’en découdre et tombai nez à nez sur une confrérie de mystiques, un patchwork étonnant. Y avait des Krishna, des Allah, des Shiva et j’en passe. Pour rigoler, j’ai susurré : Vive Bouddha !... Ils ont crié au pugilat, je ne dois ma survie qu’à un touriste chinois qui passa par hasard là, Bruce Lee je crois. Je fus à deux doigts du trépas. 
Je revins chez les laïques. On me conseilla les Francs-Maçons. Ça tombait bien, j’avais un plan béton. Sauf qu’il fallait que je me la ferme pendant un an, à raison d’une réunion hebdomadaire, pour enfin l’ouvrir tout azimut à condition que le grand chef soit d’accord. J’ai déclaré forfait. 
Dante avait raison, ça craint ! Me me parlez plus d’amour, j’ai d’autres chats à fouetter. Alléluia !

 NOUVEAU ROMAN - 21 mai 2017

Entre fièvre et mousson

 Assoiffé de lumière aux abords de l’aube, je déambule face à l’océan sur un air de mousson. Quelques lambeaux d’azur déchirent ce paysage ivre de foudre, de vents furibonds et d’orages. C’est le bal des tempêtes qui déboule en furie sur ce mythique rivage perdu en cet archipel confetti, là-bas, tout au fond de l’Asie dans le pays des tsunamis.

Le panthéon des ouragans s’élève ici à la gloire des typhons, planté comme un diapason debout entre ciel et mer sur le cap des cyclones. Ici se joue tous les soirs une ode au merveilleux dans un chaos de ténèbres sous la rage des éléments, une transe digne de la fin des temps, un hymne à l’apocalypse sous le regard des anges dans l’écho des prières. Alléluia !

Le rivage ou le large?... Les tentations d’Ulysse au chevet d’Homère sur un géant théâtre ramayanesque, vous voyez ?!... parce que moi, pas toujours en vérité, il m’arrive de perdre le fil comme tout funambule qui se respecte.

Ainsi vagabondant au gré des atmosphères, chemin faisant, je balance à la volée quelques proses improvisées et déjantées afin de nourrir ces fièvres qui m’assaillent de toute part, un pied dans l’arène, un pied dans le vide. Je suis possédé par un syndrome très particulier, celui du cyclope. Je ne vois qu’à moitié.

Ca développe l’acuité, il parait, le regard devient plus léger, plu gai, l’imaginaire prend le relai, un flou artistique s’impose tout autour, c’est le tremplin des nuances, le cimetière des arrogances, juste une mélancolie qui passe sans conséquence, peut-être, un spleen qui s’installe jusqu’au bout de la nuit, une immersion au cœur de la vie, une balade en surf sur un tsunami.

Je me promène dans les cités, sur les rivages oubliés… et compose des atmosphères à gré. Je suis occupé, la danse des nuages, mon thème, mon sujet. Mon dada, je vous dis ! Chacun son truc, non ?! Un peu dans la lune, quoi. Et tout le feu de la terre qui imbibe mes neurones d’ivresses extatiques, le Krakatoa puissance mille, je me bombarde de mélancolies tout azimut, je garde la flamme sous les braises, le sang qui boue, éructe par les pores, la dengue encore.

Des images qui défilent sur l’asphalte, à fond la caisse, à fond les gamelles, et mes pupilles avalent toute la lumière à s’en faire péter l’iris, c’est la ballade des allumés sur un lambeau d’azur, c’est la balade du funambule dans l’œil du cyclope.

Un orage s’annonce dans le crépuscule, trois coups de tonnerre, la foudre fracasse ce colossal espace aux allures de géant théâtre… Enfin, un peu de paix.

Thierry

 LETTRE A NINA COSTES - 19 JANVIER 2017

Petite mangue du Siam échappée des jardins de Phuket et tombée sur ma pomme en plein délire tropical, je te salue ma fille !

De tes manies en guise de parade, de tes grimaces à foudroyer les anges, de tes sourires à terrasser l’humanité, je me nourris.

Je goûte à tous tes caprices, quitte à m'en mordre les doigts, et savoure avec délice tes airs de princesse, tes élans, tes colères.

Entre mythe et réalité, moitié fille moitié oiseau à l'image des Kinaris, tu entres en scène sur mon théâtre aux accents ramayanesques. Tu aiguises ma latinité et renverses mes instincts premiers, tu me la joues oiseau du paradis sur le mont Indra et je bois à ton calice ces doux poisons venus du fond des âges sur tes terres de légendes.

T'écoutant sous la voûte, je bascule dans ces contes épiques issus de ta culture malgré ta moitie latine, père oblige, et plonge dans cet univers romanesque sans retenue. Tu es ma muse et je me laisse emmener dans ces contrées, sur ce domaine où règnent les génies.

Je pénètre des mondes insolites aux codes inconnus pendant que tu me la joues métamorphose sur ta planète à toi. C'est la ronde aux mystères, nous franchissons la lisière des confins insoumis.

Je me balade sur ce parterre de palmes dans une flaque de soleil, et m'évapore dans ces atmosphères emplies d'essences aux parfums sauvages à tes cotés, tu es ma sirène, ma dryade… ma petite sœur aux yeux d'Asie !

 

« Amoureuse de la campagne

Semant partout

Comme une mousse de Champagne

Son rire fou » (Arthur Rimbaud)

 

Evadée de l'azur pour ma fureur terrestre, petit mélange haut en couleurs des trois cent fruits qui honorent ta terre, ton pays, je te savoure, je te chimérise, je te suis, je te respire.

Echappée des frontons d'Angkor ou de Borobudur telle une apsara ainsi que des rivages de la Mer Andaman qui t’ont vu naitre, tu viens nous visiter, nous surprendre, nous mystifier… Facile, tu es la lumière du monde, l'alchimie première !

Tout le Siam te remercie – et plus encore ! - tu es la quintessence de la sphère, le modèle, l'étincelle… Tu es ce petit bout d'âme totalement indomptable, ce petit souffle épris de liberté qui veille sur la conscience humaine.

Devant toi, je me recueille… et m'évapore au parfum de ton mystère.

Bonne année Nina !... et bonne année à tous aussi !

 PHUKET - 09 oCTOBRE 2016

PHUKET, VERSION BUCOLIQUE : La revanche des scolopendres

 Des lambeaux d’azur qui passent sous la voute, mousson oblige, et des rivages défoncés sous l’assaut des éléments… Des pluies torrentielles en veux-tu en voilà, des averses tropicales en cascade, des orages en farandole… et le ciel qui nous tombe sur la tête comme le craignaient mes ancêtres gaulois.

Il suffit de tendre les bras pour toucher les nuages dans ce déluge, des bourrasques nous renversent sur un air de typhon, la noyade nous pend au nez à chaque faux-pas dans les inondations. Seul Jésus échappe à l’histoire, c’est vraiment balaise de marcher sur l’eau, bravo.

Chacun se terre auprès des siens en attendant l’heure dernière. Les trompettes de l’apocalypse sonnent l’hallali dans la fureur de la foudre entre vent et tonnerre… Un délire digne du bigbang s’abat sur nos pompes pendant que le monde des insectes envahit la sphère.

La dengue s’immisce dans toute chaumière, saloperie de moustiques, rien ne les arrête, ce sont eux les maitres des lieux, les rois de notre univers. Une marée de blattes déferle sur un air de tsunami pendant que les scolopendres dansent sur le chaos.
Les fourmis s’invitent dans la party et déboulent par légions sur l’horizon. Des guirlandes de sangsues nous cernent de tout côté, c’est leur noël à elles, on ne peut leur échapper.

C’est la révolution des grenouilles, tous les crapauds rappliquent pour assister au show. C’est le Woodstock des amphibiens, la rave des batraciens sur un panier de crabes-violonistes, il ne fait pas bon d’être humain dans ce décor dantesque, la survie devient épique. 

Seuls les rats et quelques singes résistent dans le monde des mammifères, les autres désespèrent sous le ballet des vautours et l’œil aguerri des varans tout autour, il n’est pas question d’amour.

Dame scolo ne rêve que de se faire prendre dans ce délire tropical, ça nique même sous le déluge que ces bestioles-là, une libido à faire rougir notre kamasoutra, jamais de trêve, jamais de repos. Elles niquent même sur la canopée pour se la jouer plus haut. C’est le bal des scolopendres !

 

PHUKET, VERSION URBAINE : Les fous du volant


Ça y est, c’est parti !... Comme chaque matin, je chevauche mon bolide pour emmener ma princesse au collège. Une marée de scooters démarre au même instant, rentrée des classes oblige, un océan de bagnoles déferle sur l’asphalte, le rendez-vous des bras cassés, les aventures d’Ulysse, les 12 travaux d’Hercule, un chemin de croix à terrasser les anges, un tsunami.

C’est un vrai challenge que de n’accrocher personne dans ce délire urbain au quotidien. Des machins qui t’arrivent de partout, 2 3 ou 4 roues. Les clignotants je connais pas, les priorités y en a pas, les feus rouges c’est quoi ça?... Ça a du bon que de croire à la réincarnation, ça rend plus léger, davantage insouciant, on ne calcule plus à une vie près, à nous l’éternité.

Ma fille aussi est atteinte de ce syndrome, son coté thaï malgré sa moitié cartésienne. Je lui demandais de mettre son casque, hier, comme je le fais déjà depuis des années en la voyant filer avec sa mère en scooter. Jusqu'à présent, elle ne l’a jamais mis, pas plus que sa mère d’ailleurs. Elle me répondit illico : « Papa, tu me bassines avec ton casque, n’oublie pas que j’ai 9 vies » … Ça parle, non ?

Y a que moi qui suis à ce point blaireau pour n’en avoir qu’une seule de vie. C’est mon coté petit joueur. C’est vrai quoi, alors qu’ils se la jouent tous éternité, je suis le seul à croire qu’il n’y a pas d’espoir, c’est déjà pas évident avec cette vie-là.

Et ne vous imaginez aucunement que je ne parle que des locaux, Thaïs ou Farangs (Occidentaux), c’est du pareil au même, la planète folie, les mêmes dingues au volant, ils se sont tous convertis, ils ont tous désormais 9 vies. C’est ma fille qui a lancé la mode.

Bref, je reviens vivant chez moi, c’est déjà pas si mal, c’est carrément géant !

Ô LUBERON - 09 oCTOBRE 2016

Ce nom sent bon la Provence, il parcourt tous mes sens à la vitesse de la lumière dès qu’il s’annonce, il me donne des frissons, il déferle tel un tsunami dans tout mon être jusqu’aux confins de l’Asie où je vis aujourd’hui. 
Une large part de mes émois, de mes douces folies, se répand sur cette garrigue où j’ai vécu, j’en ressens encore tous les accents… Ô Luberon, tu danses dans ma mémoire ! 
Même sous mes tropiques, j’entends encore la voix de la Dame de Lourmarin et ces chants vaudois dans les veillées d’autrefois. Le ballet des lavandières d’antan opère devant moi entre Menerbes et Bonnieux au-delà des époques relatées dans nos livres, récits, chants et peintures. 
Je revois le pressoir d’Oppede et ses heures de gloire sur le panthéon de l’huile d’olive. Je revois les vergers en fête, les melons, les pêches, les abricots, les brugnons... le temps des cerises, les vendanges.
Je revois le lapin de Mamie - Ô roi des civets – et son omelette aux truffes – mon panthéon ! – quand elle nous accueillait à deux pas du Château du Marquis de Sade, à Lacoste dans son cabanon. Dans ses yeux, toute la lumière du monde, un océan de tendresse à foudroyer les anges, l’amour avec un grand A. Je revois l’azur et le firmament sous le chant des cigales ou des grillons… Je te salue Mamie ! 
Les larmes du Luberon (Hubert Leconte) inondent toujours ma peine en souvenir des Vaudois persécutés au temps de l’inquisition, triste Renaissance. Ils auront connu le même sort que mes ancêtres Cathares dans le sud-ouest de la France, l’église ne faisait point dans la dentelle dans ces temps-là. 
Toute l’Histoire du Luberon vit encore en moi, j’en partage heurs et malheurs. 
J’ai connu le sourire flamboyant de ces terres que j’aime tant dans une autre vie, j’en connais tous les chemins buissonniers, tous les parfums, tous les oliviers, même les plus perchés. Je connais le nom des cigales et celui des grillons aussi. Des accents lyriques me poussent sur un air de mélancolie... 
J’ai beau vivre aujourd’hui sur les rivages de la Mer Andaman, mon village d’Astérix à moi, c’est dans le Luberon ! Désolé pour les bretons ! 
Ô Luberon, mon amour ! Tu danses dans mes rêves !

 COSMOPOLITE OBLIGE !    Le 08 Juillet 2016

Que dire sinon se taire ?...
Sauf que c’est pas trop mon style de me taire, j’ai hérité cela de mes pères, Socrate et Homère, malgré un millénaire de judéo-christianisme sous la sphère.
Regardez ! même Molière et Shakespeare n’ont point réussi à se taire, ça parle, non ?! 
Je suis né à Toulouse, aux Minimes, sur la même avenue où est né ce célèbre chanteur de jazz français, Claude Nougaro. Je suis né dans les années soixante au milieu d’anarchistes espagnols qui avaient fui la guerre d’Espagne par les chemins contrebandiers des Pyrénées afin d’échapper aux chiens de Franco pour sauver leur peau.
Je suis né au milieu d’un patchwork de nationalités. Y avait des Italiens, des Algériens, des Portugais, des Marocains. Y avait des juifs, des musulmans, des chrétiens et beaucoup d’athées à vrai dire, Toulouse est vraisemblablement un des lieux les plus anticléricaux de France jusqu’en Ariège, route des Cathares oblige.
Je me sens avant tout un enfant du monde puisque ma vie n’a pas de frontière même si ma culture est d’abord française, j’en suis d’ailleurs un des grands ambassadeurs sous nos tropiques. Mais je suis comme Romain Rolland et Stephan Zweig, parmi les premiers à lancer l’idée de fédérer le vieux continent, mon identité est européenne surtout ! Je n’arrive pas comme les Anglais aujourd’hui à me ranger juste sous mon clocher.

Bref, j’ai beau eu refaire tout mon arbre généalogique, aucune racine hors de l’hexagone, c’est à pleurer. Mon père est né dans un charmant petit village de l’Aveyron, ma mère sur le toit des Pyrénées, à Cauterets. Même pas un oncle qui aurait épousé une fille d’Italie a l’époque de Stendhal ou bien d’Asie au retour d’Indochine, c’est pathétique ! C’est pourquoi je décidai de mettre une putain de révolution dans cette arbre généalogique-là, non mais alors ! 
Je suis donc parti direct dans les confins de l’Asie sur les pas de Rimbaud après avoir trainé quelques années en fac de Lettres pour m’imbiber de l’air du temps. 
C’est ainsi que je suis parti humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliés dans cette Asie éternelle que j’aime tant… J’ai même composé un triangle œdipien en chemin avec une fille issue d’une famille séculaire de l’Ile de Phuket, en Thaïlande.
70% de la famille maternelle de ma fille est musulmane, 15% sont sino-thaïs de mouvance taoïste pour l’essentiel, 15% sont bouddhistes et moi né catholique, un sacré bordel quoi. 
Ne me demandez point si je me suis converti, je n’ai jamais été une référence dans le monde chrétien, comment voulez-vous que je devienne un super musulman ?... Mon berceau culturel vient de la Grèce antique, la philosophie m’occupe davantage que la métaphysique. La laïcité me pousse de tout coté, seul rempart contre la dictature des dogmes. 
Ce qui ne m’empêche aucunement de fêter gaiement noël, la clôture du ramadan, le nouvel an chinois et tous les bouddha day de l’année.
Ma fille, séduite par ma philosophie libertaire au beau milieu de toutes ses racines multiconfessionnelles, n’hésite pas non plus à se taper la cloche sous la ronde des astres durant ces légendaires agapes et banquets qui réunissent notre famille multiculturelle. 
Ça tombe bien, c’est aujourd’hui Hari Rayo, la rupture du jeûne, le jour des cadeaux pour les enfants, le noël musulman pour faire court. La grand-mère de ma fille a préparé les meilleurs plats sur quelques accents rabelaisiens… on dirait le repas de Gargantua ! 
Bon appétit ! 

 LA REVOLUTION DES FILLES !   Le 09 Mai 2016

Que je vous dise encore… 
Les poules ont désormais des dents, les requins n’ont qu’à bien se tenir, ils n’ont plus seuls ce privilège aujourd’hui. Même les fleurs sont carnivores dans cette jungle urbaine qui nous entoure, elles recouvrent la cité, leur empire.
Entre verre et béton, nos tours se prennent pour des cathédrales chlorophylliennes. Sur nos clochers poussent des palmeraies. De Singapour à Montréal en passant par New York, les jardins s’installent jusqu’au plus haut de nos gratte-ciel, tous les légumes y végètent, c’est la révolution des salades !
Mangues, citrons et ananas s’élèvent au-dessus des nuages sur un air de papaye jusqu’au plus haut étage, la canopée de nos cités est une véritable orangeraie.
Pareil en Chine, tous les pékins s’achètent des guirlandes de plantes et se la joue main verte sur leurs balcons carbonisés, une révolution culturelle sur un parterre de bambous. Le charbon n’est plus l’énergie-reine, une mer de panneaux solaires inonde aujourd’hui le désert de Gobi.
L’humanité veut se refaire une virginité, les nouveaux jésuites (les écolo-humanitaires) débordent de prosélytisme afin d’inverser la tendance mais c’est pas gagné. 

Et pourtant, il suffirait de peu de chose… Il suffirait d’interdire les sphères du pouvoir au genre masculin qui ne fait que des conneries depuis des millénaires, patriarcat oblige. Il faut impérativement exclure tous les mecs de toute responsabilité et donner tout azimut le pouvoir aux filles, pas davantage !... et ainsi le monde redeviendra vivable.
La révolution des filles, il n’y a que ça de possible !... Nous avons déjà tout essayé sauf que rien ne l’a fait, les males dominants sont des bras cassés, des tyrans, il est temps de déclarer forfait. Les filles ne feront jamais pire.
Regardez, même les religions poussent vers le patriarcat, elles réduisent les gonzesses au rôle de mère exclusivement, la pondeuse du triangle œdipien, pas davantage, alors que les filles sont la quintessence de nos élans lyriques, amour courtois oblige. Y en a même qui veulent leur interdire toutes études dans ce monde de oufs, ils veulent aussi les exciser pour qu’elles n’accèdent jamais à ce plaisir éphémère que tout le monde espère. Ils sont jobards !
Même les prophètes sont tous des mecs, c’est pas chelou, ca, hein ?! Le panthéon est tout masculin alors que seules les déesses m’interpellent… La laïcité a bien essayer d’inverser la tendance mais rien n’y fait, les mecs confisquent toujours le pouvoir, des chacals !
Tiens, ma fille m’appelle pour me montrer son dernier poster géant affiché sur le mur de sa chambre, un slogan issu du féminisme des années 70 : « Une femme a besoin d’un homme comme un poisson d’une bicyclette ! »… Ca parle, non ?! Cela a tendance à me plaire, je lui inculque ce concept depuis la tendre enfance. Sauf que, si jamais elle change d’avis dès son adolescence, j’ai déjà commandé un lance-missile et un fusil mitrailleur sur internet (une start-up de Molenbeek en Belgique me faisait le tout à deux balles, les promotions de Pâques qu’ils disaient sur la pub) afin d’accueillir son premier petit copain, le chien, et ainsi le calmer d’entrée ce petit con. Mon coté latin, quoi. Non mais alors !

Tenez, au hasard, c’est encore un mec qui a inventé la bombe atomique, une fille n’aurait jamais fait un truc pareil… sauf peut-être mon ex lors de notre séparation, elle était partie en furie la petite fleur, n’ayez jamais un problème avec une fille de ce pays !
Vous voulez un autre exemple, hein ?! Le métier de bourreau n’a jamais été exercé par une gonzesse de mémoire d’homme… si ce n’est par ma nouvelle fiancée quand j’ose lui dire non. Mise a part elle, c’est jamais arrivé ! et il faut que ça soit sur moi que ça tombe, c’est pas juste. Ne dites jamais non à une fille de ce pays ! il pourrait vous en cuire. 
Un dernier exemple pour le fun. La guerre n’est qu’une histoire de mecs, y a que ma fille pour déclencher la 3eme guerre mondiale si jamais je braque la dernière tranche de jambon de Parme dans le frigo durant son sommeil. 

Bref, pour faire court, il faut en finir avec ces folies qui ruinent le genre humain depuis toujours. Non, je vous le dis, la seule perspective envisageable pour sauver l’humanité est le féminisme dans sa version la plus extrême, seul apte à redresser la barre après des siècles d’incompétence du genre masculin. C’est notre seul joker, ma fille me le répétait encore pas plus tard que ce matin. Les mecs sont tous des incapables ! … sauf Shiva, Dionysos, Homère et moi.  =D


Thierry

 SUR LE PONT SARASIN - 04 novembre 2015

Nous lançons une nouvelle excursion ensemble, ma fille Nina et moi, « le saut sans l’élastique », c’est elle qui finance. Après la route des temples oubliés, mon excursion-phare, c’est sur la route du Pont Sarasin que nous marchons aujourd’hui afin de survivre à la crise, au chikungunya et à l’Ébola. 
Vu le nombre de candidats au suicide de nos jours, il est possible qu’on fasse un carton, c’est du Pont Sarasin que Romeo et Juliette ont sauté, version Phuket, y a presque un demi-siècle. Ils se sont balancés enchainés dans la Mer Andaman pour survivre à leur amour que leurs familles ne toléraient, ils ont préféré en finir plutôt que de se soumettre.
Depuis, on appelle ce pont, le pont des suicidés. C’est le seul endroit du royaume où l’on peut rouler à 200 alors que la limite en Thaïlande est de 80km/h, il est hors de question de prendre ici une pause, c’est le bal des fantômes. Ça fout les jetons, non ?!

Nous avons réalisé une étude de marché pour savoir si beaucoup de touristes nous suivrons sur la route du Pont Sarasin avant de lancer ce nouveau trip de saut sans l’élastique. Je vous en confie les résultats :
Les Russes devraient tous adhérer, plus aucun ne veut rentrer au pays depuis l’effondrement du rouble. De St Petersburg jusqu’à Vladivostok, aucun n’osera le retour. Le coté spleen de l’âme slave les conduira vraisemblablement tous au Pont Sarasin. Avec une super promo et un bon prix de lancement, ça devrait le faire. 
Les Chinois, pas mélancoliques du tout, même pour un sou, devraient pourtant vite arriver en masse, la bourse de Shanghai fond à vue d’œil, la grande dépression s’annonce. Il est à parier que beaucoup préfèreront le Pont Sarasin aux grandes tours de leurs géantes cités avant de se balancer. Si j’en chope quinze millions sur un milliard et demi, c’est déjà pas si mal.
Les Japonais devraient nous faire faux bond, c’est le cas de le dire, ils ne voyagent plus depuis leur catastrophe nucléaire. C’est dommage, ils auraient été bon public, le côté Banzaï, ils auraient surement préféré le Pont Sarasin à Fukushima. Tant pis, on se passera des Japs.
Quant aux Français, ils ont déjà depuis longtemps le nez dans la crise, ça devrait être facile de les amener à se pencher volontiers au-dessus des eaux féeriques de la Mer Andaman, c’est tout de même mieux que le Pont Mirabeau, non ?! On leur a composé un petit jingle, une petite chanson à fredonner sur l’air du Pont d’Avignon, je vous en donne le refrain : « sur le Pont Sarasin, on s’y jette, on s’y jette ». Il suffira d’embaucher quelques GO du Club Med pour qu’ils osent sauter, 50% devraient suivre. 
Les autres 50% auront un dernier flash avant le saut sans l’élastique, le côté franchouillard, genre je me la fais douce sous le ciel de Provence en me gavant de Crottin de Chavignol et d’omelettes aux truffes, suivi d’un lapin a la moutarde à foudroyer les anges et d’un Chateaubriand digne des plus grands, le tout arrosé de Petrus et de Romane-Conti. Ceux-là ne sauteront vraisemblablement pas, le désespoir n’est pas de leur monde. 
Les Anglais ne viendront pas, trop chauvins, ils ne se jettent que dans la Tamise, c’est culturel. A moins que Sophie, la marraine de Nina, nous fasse un marketing d’enfer dans les rues de Londres en chevauchant un éléphant rose, ce n’est pas à exclure. 
Les Allemands, c’est niqué, ils sont les seuls aujourd’hui à ne pas se suicider, leur économie est au plus haut, leurs matelas rembourrés, ils ont remplis caves et greniers, même le déluge ne les fera pas ciller. Quoiqu’avec de bonnes commissions aux agences, il est possible d’inverser la tendance.
Y avait un créneau géant avec les Grecs, j’aurais fait un tabac, mais ils n’auront jamais la tune pour se payer le billet d’avion jusqu’ici. Ils n’ont pas de pont assez haut chez eux pour se balancer dans le vide, le Pont Sarasin aurait été parfait. Du coup, ils n’ont que les Météores comme « view point » suffisamment élevé pour oser le saut de l’ange. Le problème, c’est qu’il faut des heures pour grimper, et arrivés là-haut, y a que des monastères, ils font tous une crise mystique et finissent dans les ordres, la flemme de redescendre sans doute.
Les touristes venus des Emirats ne seront jamais intéressés par l’excursion, ils ont déjà les plus hautes tours pour se balancer, sauf qu’il n’y en a encore aucun qui a sauté, ça ne le fera jamais.
Les Thaïs, n’y pensons même pas, ce sont les seuls de la planète qui, au comble du désespoir, vous demande si vous avez diné, ils ne pensent qu’à bouffer.
Les Australiens, ils savent trop bien nager, ils surfent sur les tsunamis, c’est pas le Pont Sarasin qui va les impressionner. 
Les Indiens devraient sauter sans sourciller, ils croient tous à la réincarnation, ils ne sont pas à une vie près. 
Y a peut-être un créneau avec les Coréens du nord s’ils ouvrent les frontières, sait-on jamais.
On va essayer de toucher les organisations humanitaires aussi, elles viennent faire des séminaires ici. Il suffit de les convaincre de nous accompagner sur la route du Pont Sarasin, la plupart ne résisteront pas à l’appel du vide dans cet océan de misère. 
Bref, on veut déployer des outils marketing inouïs pour cette nouvelle excursion, on pense même créer une franchise comme les 7/11 et les Mc Donald. Quitte à mourir empoisonné, autant sauter de suite du premier pont venu, non ?!

Thierry Costes

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 NINA

Ma fille vient de me quitter, y a deux heures… Trop blaireau que je suis, dit-elle, je serais définitivement perdu dans la génération Woodstock parait-il, un attardé en somme, un demeuré issu des sixties, un enfant de 68, un humaniste désespéré, un genre désuet à classer dans un musée, un benêt libertaire à rayer du genre humain. C’est sans appel conclut-elle… Ils y vont fort, les mioches, aujourd’hui, ils t’assassinent en quelques phrases avant de replonger le nez sur leurs écrans, Smartphones et autres tablettes. La révolution Facebook a tout balayé sur son passage, un véritable tsunami. 

Musicalement aussi, tout nous oppose, je sors du jazz, elle a choisi l’école classique, je suis guitare, elle est violon, je me la joue bémol pendant qu’elle caracole dans les dièses. Dès que je fais mon Rémi, elle m’impose son La, je dis Miles, elle répond Ludwig ou bien Amadeus, avouez que ça donne le blues.
Tenez, pas plus tard que lundi dernier, j’osais une impro sur « Stormy Monday Blues » de Kenny Burrell au vu des cataractes qui nous tombaient sur la tête, mousson oblige, des inondations terribles, le déluge. Eh bien, vous ne le croirez jamais, elle déboula comme une furie avec son stradivarius pour se la jouer « Les Quatre Saisons » de Vivaldi sous mon nez, on croit rêver, c’est vexant à la fin. Demain, je la place à la Ddass. 
Je surenchéris et attaque un « Billy’s bounce » de Charlie Parker sur mes six cordes pour la méduser alors qu’elle me fait un pied de nez du haut de son archet. Pendant que je feuillette des BD de Manara, elle se gave de mangas. Quand je lis Homère, elle me récite Notre Père sous prétexte que je suis né au beau milieu des religions du Livre. Je lui jette à la volée un Inch’Allah, elle se retourne vers Bouddha. Je lui balance Blanche-Neige, la Vierge Marie, l’histoire des Sept Nains et le délire du Petit Poucet, elle invoque les Génies de la Haute Forêt dans les confins insoumis des sylves d’Asie, sa terre, son pays. C’est déconcertant, non ?! 
Je suis Odyssée, Iliade, elle est Ramayana, son livre-phare. Je pense Socrate, elle me parle de Confucius. Je dis Clyde, elle dit Bonnie. Alors que je lui lis pour la énième fois « Le sel de la vie », elle s’empiffre de mousse au chocolat. Je suis moutarde, elle est wasabi. Nina et Thierry, le gosse de la cité et l’enfant du large, une étrange alchimie issue d’extrême Orient un peu à l’ouest aussi.

Bref, lorsque je m’exprime en français ou bien anglais, business oblige, Melle ne répond qu’en thaï ou en chinois, ça m’apprendra dit-elle afin que je n’oublie jamais que je vis sur le Mont Indra malgré ma culture grecque. Je viens d’un monde patriarcal, j’en suis désolé, sa planète est matriarcale et c’est tant mieux. 
En chemin, je mate la danse des nuages sous la voûte ainsi que le mouvement des géants verts et de leur feuillage, seuls les volcans l’intéressent et la foudre qui tombe dans la fureur des orages entre éclair et tonnerre. Il faut dire que Nina est née l’année du tsunami, en 2004, ça prédispose aux cataclysmes et aux révolutions, c’est sûr. 
La preuve, y a deux ou trois jours, je la laisse à la maison avec quelques copines puisqu’elles se la font « rave ». A mon retour, j’ai cru que je m’étais trompé de baraque tellement un bordel immense trônait entre nos quatre murs, je me croyais carrément dans le palais des vents, des feux de Bengale illuminaient tout l’espace, les décibels déchiraient le ciel, flics et pompiers cernaient le quartier, ils ont appelé le GIGN voyant que Nina et sa bande refusaient de se rendre. Elle leur a même balancé un « mort aux vaches » dans la foulée, qu’elle aurait trouvé dans ma compilation de Brassens héritée à la mort de Jean Boulbet, l’ancien Consul de France à Phuket, un copain anarchiste. Je ne sais plus quoi faire pour la raisonner. A son âge, moi, je jouais aux billes, point à la ligne.

Pendant que je me la joue vertige, elle se balade sur les crêtes, cimes et sommets. J’ose un blues, elle me sort « Le sacre du Printemps », Stravinsky oblige, et finit en bouquet par un « Hymne à la joie » de Beethov alors que mon groove vient de la soul. 
Je lui offre un saphir rose pour son anniversaire, elle n’acceptera que les bleus me dit-elle. Ni une ni deux, on file direct à la bijouterie afin que Melle change sa couleur. Une fois introduit dans le panthéon des pierres, la plus grande joaillerie de la Terre, sur la bypass à Phuket, Ali Baba ferait direct un AVC s’il voyait le machin, ma fille m’avoue que ça fait radin, le saphir, en voyant ce parterre précieux et, de diamants, des rivières.
Je lui balance qu’on n’a pas le budget de Madonna pour s’offrir toute la galerie mais, exception oblige, elle a carte blanche pour son anniversaire. J’imagine que vous connaissez déjà la suite… 
J’aurais dû fermer ma gueule, oui ! Mais comment pouvait-il en être autrement? Je vous le demande !... Il ne fallait pas passer par là, juste l’amener dans un de ces Disney World à la con, pas davantage! Il fallait la gaver de Mc Donald et lui faire ingurgiter mille litres de Coca Light. Il fallait ce jour-là se casser une jambe, passer la journée à la foire du trône, rester dans une chambre noire, je ne sais moi… Il fallait entrer dans un temple, une église, une mosquée et prier les anges. Il fallait monter sur les tours de Notre-Dame et hurler sa folie à la vaste immensité plutôt que se la jouer Place Vendôme. Eh oui ! Il fallait zapper complet.
D’un autre côté, j’avais juré, carte blanche à la clé, diamant excepté, je ne pouvais aucunement me défiler quand j’ai vu le prix du bijou affiché !... Vous le croirez jamais, y avait tellement de zéros que j’ai cru que mon heure avait sonné ! Elle a choisi un rubis sang de pigeon, cette pierre dépasse le prix du diamant, les historiens l’appellent la pierre des rois. Son côté Cléopâtre, quoi. 
J’ai pas voulu faire scandale, j’ai vendu maison, voiture et société pour honorer la dette du fameux rubis à la bijouterie, une promesse est une promesse, c’est pas tous les jours anniversaire, 25 carats sous la ronde des astres, une météorite sur mon compte bancaire. Depuis, je vis sous les ponts.
Le pire est qu’elle a voulu me suivre. La nuit venue, on se mate le rubis sous le Pont Sarasin, on s’invente mille et une histoires au milieu de la cour des miracles. On tape le bœuf, on « jamme » sous le firmament entre violon et guitare pendant que les lucioles rappliquent de tout côté pour ne rien rater du spectacle. Nous en profitons pour passer à l’étage, c’est la Full Moon Party sur le Pont Sarasin !

Où que je sois, mon air de fête à moi, mon champagne, c’est Nina !

Thierry


La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LE JARDIN D'EDEN

Vous savez quoi?!... J’arrive du marché, là, y a deux secondes, à cinquante pas de chez moi. Ils sont tous devenus fous, les Thaïs !... C’est la saison des durians !
Je fais partie des rares Farangs (Occidentaux) qui apprécient ce fruit au parfum comme nul autre, un arome de fromage atomique issu de la genèse à déclencher l’apocalypse… A ne pas mettre sous toute narine, les gens tombent comme des mouches à l’approche d’un durian, ça s’évanouit de tout côté, les autres fuient en hurlant comme des damnés, pire que la Berezina !... Il faut être né auprès de cet arbre pour en aimer les fruits.
Vous pouvez partir en balade avec un durian autour du cratère d’un volcan en éruption, vous ne sentirez aucunement l’odeur du souffre. L’arme fatale contre vos ennemis, personne ne vous approchera à 200km à la ronde, vos amis risquent de disparaitre aussi, c’est le risque. Néanmoins, vous saurez si leur amour dépasse les affres d’un fumet de durian, c’est un test. C’est pas gagné !
Ma fille a osé mettre la moitié d’un durian dans le frigo l’an passé, on a beau eu le sulfater de mille bombes aérosols capables de venir à bout de toute odeur tenace, le passer cent fois à la javel et laisser la porte ouverte durant six mois, rien à faire !... On a fini par le jeter tellement ça refoulait grave du gosier, niqué le frigo ! Ca refroidit, non ?!
Elle m’a fait la même dans la bagnole. Nous étions alors sur la route de l’aéroport afin d’aller passer un weekend tous les deux à Bangkok quand Nina a soudainement eu l’envie irrésistible de se taper un durian avant de décoller. Au retour, la brigade de déminage cernait la voiture tellement les restes de ce fruit singulier menaçaient l’atmosphère si l’on ouvrait la portière… Il a fallu la jeter aussi !
Bref, une calamité que ce fruit de la passion version Thaïlande, c’est pire que le napalm. A ceci près que c’est le roi des aphrodisiaques, il parait. Il faut impérativement que les vieux Chinois arrêtent de bouffer des couilles de tigre pour retrouver une libido à hauteur de leur phantasme, et que le reste du monde cesse immédiatement de se gaver de viagra pour se la jouer, il suffit juste d’un petit durian en magasin pour faire son Shiva. Ça vous en bouche un coin, non ?! 
Vue d’un autre angle, si votre copine n’est pas Thaïe, il se peut que vous attendiez trois vies avant de rencontrer l’âme sœur étant donné que le parfum de ce fruit vous colle à la peau dès que vous entretenez avec lui des relations intimes.
J’imagine le mec qui aurait un plan géant avec une super nana, et qui mange un durian juste avant le fameux rendez-vous. C’est mort !... Il pourra se brosser les dents cent fois à la soude caustique, rien n’y fera, il peut même prendre vingt douches à la paille de fer et tremper ses habits dans du formol, le durian a toujours le dernier mot. Indélébile ! 
Les Thaïs l’ont compris depuis longtemps déjà. Et dire que certains se demandent encore pourquoi ce royaume a été le seul dans la région à échapper à la colonisation, hein ?!... C’est simple, les Thaïs leur balançaient des durians pourris dans les bateaux dès que les envahisseurs approchaient de trop près, les mecs rentraient fissa-fissa en Occident avant même d’accoster. Sauf que la plupart périssaient en chemin, ils préféraient se jeter en plein océan plutôt que de supporter ce cancer olfactif plus encore, le monde des sirènes était préférable à cet enfer flottant. Le durian aurait généré davantage de décès que la peste bubonique, dit-on, pour l’essentiel des suicides. Du lourd !
Aucun marin venu d’ailleurs ne put lutter face au durian dans l’Histoire. Aucun terrien non plus, je vous rassure. Il parait même que les Martiens auraient abandonné l’idée de conquérir la Terre depuis la découverte du durian, trop risqué. Le Big Bang lui-même serait peut-être le fruit d’un atome de durian échappé dans l’immensité, un scoop énorme !
Un problème demeure toutefois, une information majeure. Si jamais vous goutez à ce fruit, abandonnez l’idée de vous taper une petite bière ou un pastis à la fraiche juste après, c’est direct l’hosto après un tel mélange, l’alchimie alcool-durian est impossible, c’est de la dynamite, un champ de ruines, un tsunami, un génocide, le cimetière des éléphants. Les effets secondaires, quoi, les dommages collatéraux comme on dirait en temps de guerre. Vous voilà averti.
Par contre, y a des tas de qualités dans le monde des durians, faut faire gaffe, faut savoir. Ça vaut un bras ces conneries, faut pas se tromper. Si vous n’avez point un Thaï éclairé à portée pour vous aider à choisir, laissez tomber, c’est mort !
Rigolez-pas, cela m’est déjà arrivé… Ma fille et ma femme venaient de me quitter, j’étais assis sur le Pont Sarasin, tout près à me jeter, perdu dans les mélancolies, j’étais Apollinaire, Rimbaud et Baudelaire, je me croyais sur le Pont Mirabeau en compagnie des Poètes Maudits, perché comme jamais, quand un marchand de durian passa justement par là. Me voyant désœuvré, il s’arrêta pour me refiler les invendus de la journée. J’aurais mieux fait de sauter. Deux heures à me tordre comme un chien sur ce pont à la con, un incendie dans mes entrailles dignes des gémonies je vous dis, la guerre du Vietnam jusqu’au bout des tripes. C’est l’ambulance qui m’a ramené. 
Deux seuls machins ont failli avoir ma peau dans cette vie, la dengue et le durian, ça parle, non ?! Maintenant, je suis blindé, je survivrai aux radiations nucléaires il parait, comme les blattes et les scolopendres. Ça fait flipper. Ne craignez rien, cool !... Mon côté humaniste m’a incité à créer deux nouveaux sites afin de vous délivrer de ces deux terribles syndromes si jamais vous désirez vous faire une dernière excursion, un dernier trip, voire une dernière prière avant le trépas, business is business, je vous les copie, ivre de bonté que je suis : dengue-evasion.com et durian-evasion-cdelaballe.com
Ca y est, c’est la révolution !... Il n’y a plus un seul durian sur Phuket, les militaires escortent les derniers convois de ce fruit défendu sur l’île, le peuple gronde et s’empare du butin, des orgies s’organisent dans tous les coins sans frein aucun, même Patrick Sébastien est là pour sa dernière des années bonheur, le chacal, Drucker l’accompagne au piano debout, c‘est foutu, ils vont niquer la soirée.
Des farandoles s’organisent à la gloire de Shiva et Dionysos, c’est la foire aux durians, ça nique de tous les côtés, les mille et une nuits dans les jardins de Babylone, la Grèce qui renait et toutes les légendes du Siam, c’est Byzance et Cordoue sous les cocotiers, le ballet des Apsaras sur les bas-reliefs des frontons d’Angkor et de Borobudur en « live », et tous les contes dont Jean Boulbet me parlait après sa rencontre avec les dryades de la haute forêt dans les sylves des confins insoumis.
En somme, la saison des durians, c’est un peu comme les vendanges pour les Thaïs, manière de se la mettre cher une fois dans l’année, un exutoire, une issue de secours, une furie d’amour, une ode à la volupté, une gay-pride qui dure trois mois, un tremplin à délires, le Mont Parnasse version tropiques, le Panthéon des Muses et la grâce d’Apollon, c’est selon selon.

Je vous vois déjà tous filer en mobylette chez le vendeur de durian pour lui acheter son stock, le côté aphrodisiaque aura vraisemblablement emporté le pompon malgré les effets secondaires à la clé, les hommes ne changeront jamais. Toutefois, pour ceux qui auraient un doute, je vous balance un scoop afin de lâcher le dernier frein… On a retrouvé un exemplaire original de la Bible y a pas longtemps, eh bien dans l’épisode relatif au Jardin d’Eden, il n’est aucunement question de pomme, ils ne connaissaient pas la Normandie encore. Le seul fruit défendu dans lequel ce dingue d’Adam va croquer, c’est un durian !... Ça parle, non ?!
 
Thierry


La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 NUIT BLANCHE

Marchant clopin-clopant sur le chemin de croix, je prends une pause dans cet enfer vivant, et mate une luciole qui passe sous la ronde des astres dans la nuit des iles. Mystifié à tout jamais, comme toujours, je la suis jusqu’au parfum de l’aube…
Elle m’invite, au demeurant, et me guide dans cette jungle environnante sous les néons de Patong entre boites, bars et lupanars. Ici, les devises flambent dans cette ronde nocturne aux allures de corrida, les billets passent de main en main à la vitesse de la lumière dès que les egos s’aiguisent, le moindre blaireau devient Shiva, Dionysos et Superman au bras de ces petites fleurs de lotus dignes des contes des mille et une nuits, c’est déjà une féérie pour un public averti, alors imaginez pour lui, le monde entier y court pour s’encanailler, ces filles baisent avec tous les mecs de la terre. Nous sommes à Phuket en Thaïlande, la première station balnéaire d’Asie.
Shéhérazade m’entraine dans sa Babylone à elle, Bangla Road, elle me dit que c’est aujourd’hui son anniversaire, elle m’invite à sa « bithday party » si je daigne attendre minuit, son heure de débauche. Le syndrome de Cendrillon, quoi.
La jolie petite orchidée vit à deux cent à l’heure dans son univers parsemé d’étoiles filantes et de météorites, elle maitrise l’espace comme personne sans jamais oublier pour autant d’aller poser un bouquet sur l’autel de Brahma avant d’aller bosser, son offrande à elle. Ici, on prie en hindou, on compte en chinois et on rit en thaï, bienvenue au Royaume de Siam !... Brahma, Confucius et Bouddha font bon ménage.
Elle me happe dans ses élans nocturnes, la petite mangue des jardins de Patong, elle m’allume tout azimut sur cette braise ambiante afin de me faire toucher au feu sacré. C’est elle la reine de la soirée !... A côté, je suis un puceau, un demeuré, elle va me déniaiser et m’expliquer la vie toute une nuit durant, elle va me faire son show entre son et lumière, la kinnari, la déesse moitié-femme moitié-oiseau, et me donner les clés de ce monde de luniens en quête d’éphémère pour l’éternité. Elle va me porter jusqu’au bout de ses ailes, la sublime pute du haut des bas-fonds de l’ile, et me faire vivre un tsunami, c’est elle la chef d’orchestre de cette nuit endiablée.
Entre foire et kermesse au pays du Bouddha, quarante marchands ambulants s’immiscent dans l’arène afin de nous refiler toutes les babioles de la caverne d’Ali Baba, montres, tabac, parfums et viagra ou bien show à gogo chez les « Pink Lady » de l’oncle Joe, un vieux Français égaré d’Indochine et régenté par sa « Mamasan » d’une main de fer, son épouse siamoise. D’autres arrivent, avec sur l’épaule, gibbon, iguane ou python, c’est maintenant un véritable zoo sous le ciel de Patong…
De bières en tequilas, je sombre dans son théâtre d’ombres, des bouquets de rires explosent de tout coté, des flots de paroles dans toutes les langues du monde fusent au milieu de cet océan de lumière et de décibels. Et avant que je ne chavire, Manorah m’invite sur son bateau ivre, sur son vaisseau fantôme. C’est à mon tour de rêver, me dit-elle sous le regard des anges, c’est sa tournée !
 
A quinze ans, j’étais Paris dans « La guerre de Troie n’aura pas lieu », ma première pièce de théâtre, je me rappelle encore une de mes tirades : « J’ai assez des femmes asiatiques, leurs paroles de la déglutition, leurs caresses de la glue.» J’ai changé d’avis aujourd’hui !... Même ma fille a des yeux d’Asie puisqu’elle est née ici, toute sa famille depuis des siècles respire cette ile sur un air de mousson, seul son père vient du pays d’Homère.
Du haut de ma petite vie, filles du jour ou de la nuit, filles du matin ou filles de joie, filles d’Occident ou filles du Levant, sur tous les continents, je vous salue toutes avec panache, vous êtes le ventre du monde, la matrice !
 
Joyeux anniversaire Manorah !
 
Thierry


La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 DE TOUT ET DE RIEN

J’assiste à un ballet nuptial de libellules, un choc immense. Elles sont complètement barrées, ces bestioles !... des arabesques à n’en plus finir… des voltiges en veux-tu-en-voilà à faire rougir notre kamasoutra… des envolées lyriques dignes de nos légendes grecques… du lourd !
Par contre, ça décroche jamais… il est toujours derrière, le con, ça doit être le mâle… où qu’elle aille, il la suit à l’infini… Elle a dû lui balancer tellement de phéromones, saison des amours oblige, qu’il en est cinglé complet, le dingue, il a perdu toute raison, elle le mène par le bout du nez pour ainsi dire, mystifié à tout jamais pour une grappe de volupté sans laquelle nous ne pourrions survivre… Ephémère, éphémère, ai-je une gueule d’éphémère ?!
Chez les varans, c’est diffèrent. Le coté reptile, quoi. Je t’enfile tout azimut l’air de rien, ni vu ni connu, un vrai mystère. Les serpents font de même sur ce thème, le monde du silence. Y a que nous pour la ramener ainsi quand on grimpe au rideau, un océan de ah et de ho, un concerto, c’est notre crédo, une histoire d’ô.
Nous nous situons entre le rhinocéros, l’hippopotame et l’éléphant dans les fréquences sonores au moment du rut, même le buffle est plus silencieux lors de ses ébats amoureux. Nous surpassons lion et tigre au royaume des décibels, c’est nous les « king » lyriques de l’opéra érotique. Et comme, chez les humains, la saison des amours, c’est toute l’année, vous avez compris le concert à la clé, c’est Woodstock à tous les étages.
Quoique, le lapin et le singe ressemblent étonnamment au genre humain question saison des amours, non ?... ça nique en continu, comme nous, à croire qu’il n’y aurait que la mort pour nous libérer d’un tel syndrome. Et encore, j’en doute au vu de certaines images véhiculées très religieusement sur ce fameux thème du paradis à faire pâlir nos orgies romaines. Même là-haut ca nique aussi, septième ciel oblige, c’est inouï. S’il en est ainsi au paradis, je n’ose même pas imaginer ce qu’il en est de l’enfer… Qui mourra verra !
 
Sinon, c’est pas géant le business depuis quatre ou cinq jours, on serait passé en basse saison, là,  que ça ne m’étonnerait pas, ça y ressemble en tout cas. C’est pourquoi j’ai maintenant du temps à bayer aux corneilles, je peux ainsi mater les libellules à souhait et suivre leur étonnant ballet. Tout un programme.
J’ai tant de temps, aujourd’hui, que je prépare un mémoire sur le mode de vie des éphémères, mon nouveau dada. J’en ai tellement marre des projections du genre humain sur l’avenir, aussi proche qu’il soit, que je me concentre sur le présent. Ephémères, papillons, cigales et grillons occupent désormais ma sphère. Fini les plans sur la comète, les grandes promesses, les chimères… Carpe diem.
J’attends juste la mousson pour aller humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliés, mon passe-temps favori, mon temps des cerises, mon panthéon. Mon dieu à moi, c’est Eole, le Maitre du vent. J’honore ses temples, les grands espaces emplis de foudre et de tonnerre où je viens déverser ma folie dans la fureur des orages. Mon yoga à moi.
Avouez que c’est mieux que d’aller buter la joyeuse banse de Charlie-Hebdo et de Super casher à grands coups de Kalachnikov comme l’ont fait les deux ou trois dingues pétris de culture « cowboy » où tout se règle à coup de flingue. Socrate, au secours !     
Bref, pour faire court, nous rentrons dans des temps de guerre, les conflits éclatent de partout, les haines réapparaissent de tout côté, les esprits perdent toute nuance, les amalgames affluent, l’obscurantisme renait. C’est le temps des furies.
 
Ca y est, le crépuscule envahit la sphère d’une lumière psychédélique. Des écarlates à n’ en plus finir… des nuages qui dansent sous la voute dans les derniers lambeaux d’azur… un cinéma inouï. C’est le temps des mélancolies… Ma fille travaille son violon dans notre grande maison vide, on se croirait dans un auditorium, l’écho amplifie le son à en pleurer, l’archet déchire chaque note jusqu’à son paroxysme, ciel et musique inondent tout l’espace dans un élan lyrique avant que le firmament ne lève le voile. Les crépuscules sont courts sous nos tropiques.
 
Je n’ose penser à demain tellement le présent est clément jusqu’alors, pourquoi le faire ?!... Sauf que, une main devant une main derrière, ça ne va peut-être pas le faire longtemps malgré une haute saison exceptionnelle. Je crois bien que nous rentrons dans des temps de crise.
J’ai oublié de thésauriser en chemin à force de mater les cigales. Les grillons ne sont pas pour rien dans l’affaire non plus à force de nous composer sous le firmament l’hymne d’un éternel été. Bref, à force de tout et de rien, j’ai oublié d’observer le monde des fourmis et ainsi faire quelques économies sur le fil de mon parcours. Je crains le pire… Et voilà, maintenant, qu’une passion nouvelle m’envahit sur la libido des libellules et autres éphémères, mon thème de recherche du moment, ma future thèse. C’est pas gagné.
A la grâce de dieu !... comme disaient nos missionnaires perchés du Haut Moyen-Age en quête de conquêtes célestes et de buissons ardents… Quant à moi, mes ambitions sont bien moindres, je me suffis d’un zeste de paix, d’une once de fraternité, d’un soupçon de prospérité… et d’un bouquet de volupté si jamais.
 
Santé !  
 
Thierry

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LA GENESE... ET PUIS LE DELUGE

Ca y est, c'est noël !... Le peu de riz qu'on a sauvé jusque-là va se dilapider en ce jour saint, c'est ainsi !... Même pas deux balles qu'il restera après tous les protocoles exigés (repas, cadeaux et autres folies) afin de satisfaire les appétits de cet ogre qu'est devenu le Père Noël… une ordure, oui !
Il est hors de question de plomber l'ambiance pour la veillée de noël, bien-sûr, on ne va pas faire le pingre sous prétexte de trouble mélancolique, on va se la jouer Rabelais !
En entrée, jambons, saucissons ainsi qu'un parterre de pâtés... interlude délice entre caviar et foie gras d'oie arrosé comme il se doit, champagne à la clé… un plateau de mer à faire pâlir tous les crustacés sur un panier de crabes… dindes, chapons, autruches et autres pintades en farandole… souris d'agneau, chateaubriand et brochette de sanglier en carrosse… chaloupe de mérou, turbo et loup de mer sauce tsunami… et, en bouquet final, cette putain de bûche à la con qu'ils essayent tous de me faire avaler depuis mille ans, le bémol du banquet.
Ça, c'est le 25 décembre, le jour de noël… Le lendemain, c'est l'anniversaire du tsunami pour ceux qui étaient déjà ici, le ballet des fantômes, une danse macabre au royaume des moussons, l'apocalypse !... Les volcans se réveillent dans les îles insoumises, la terre bouge et les raz de marées déferlent sur les rivages, c'est la saison des tsunamis ! Les hommes meurent, et ceux qui restent les pleurent... Et nous, pauvres fous égarés dans la multitude, écrasés de ténèbres, on déambule dans les décombres, on marche sur les ruines, on court sur les braises, le regard hanté par notre destinée, notre calvaire... Allez, venez ! Je vous emmène danser sur les volcans, nous irons toucher au feu sacré, nous irons prendre le pouls de la bête dans les entrailles de notre terre, de nos tombes… c'est noël !
Je vous dis pas le contraste, agapes et raz de marée, rires et larmes, sang et volupté !… C'est comme si on déplaçait la Toussaint le lendemain de noël, une alchimie impossible, ça va pas le faire…
Et pourtant, quelques jours après, on recommence les flonflons, c'est reparti pour un tour, nouvel an oblige, on y va à fond les ballons, on pète tous les plombs… c'est la danse des canards !
Ainsi va la vie, entre crêtes et abysses, de palmes et d'épines, heur et malheur fusent sous la voûte à la vitesse de la lumière, la genèse et puis le déluge !

Par contre, ce début d'année ne nous aura donné que peu de répit, un autre putain de tsunami !… je pense évidemment à ce drame survenu en France, un choc immense !
Deux ou trois petits cons issus de cette mouvance salafiste veulent nous expliquer la vie avec armes à la clé. Trois petits truands qui n'ont jamais lu un seul bouquin à eux trois dans toute leur vie voudraient nous expliquer la pensée, on croit rêver. Sauf que c'est un véritable cauchemar que cette furie, ils ont buté le panthéon de nos libertés en abattant cette joyeuse bande de libertaires athées dans laquelle je me reconnaissais volontiers. Depuis quand vit-on dans un état théocratique ?!
Moi, je suis né dans une république laïque, la France, où les histoires de dieu ne concernent que ceux qui sont intéressés par ce thème, liberté de culte oblige. Ceux qui ne sont pas à ce point préoccupés par le sujet ont ce droit élémentaire de s'en foutre royalement. Depuis quand vit-on sous la loi de dieu ?... Pas de mon vivant en tout cas, seuls mes ancêtres ont lutté sans cesse pour que les églises, quelles qu'elles soient, ne s'occupent justement que de religion, pas davantage… pas de confusion entre temporel et spirituel, s'il vous plait !... La laïcité est née en France, j'en suis l'heureux héritier, ma fille l'est aussi, n'en déplaise à tous ces chiens épris de terreur qui veulent nous museler et nous faire oublier que nous sommes les enfants des Lumières, les enfants de Socrate et d'Homère… ainsi soit-il !

Je suis Charlie !

Thierry

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 FUNAMBULE

Ca va pas être possible, je ne vous dis que ça… sauf que l'histoire ne s'arrête pas là, bien-sûr… Même moi, j'ai du mal à suivre tous les épisodes tellement je suis perdu, c'est pour dire !
Qui oserait me jeter la première pierre, hein ?!... alors que nous sommes tous perdus quoiqu'en pensent les arrogants, les dieux n'en penseraient pas autrement… Dingue, on est… dingue, on restera… Einstein et Freud étaient déjà dingues, alors imaginez-vous nous… hein ?!... du lourd, non ?!
C'est donc sur ces pensées que je m'aventurais dans le dernier bouquet de forêt primaire intouchée sur l'ile de Phuket, Kao Pra Tew, La Montagne du Vénérable Tew… afin de contempler ce palmier endémique découvert par l'ami Jean Boulbet il y a quatre décennies dans cette ile qu'on nomme « la Perle de la Mer Andaman ».
Soyez sans crainte, nul besoin de marcher des heures dans la jungle, les sylves et la haute forêt, abordez le parc national coté Talang et un parterre de ce fameux palmier vous attend depuis peu dès votre véhicule garé, du lourd !
Keriodoxa Elegans qu'il s'appelle ce foutu palmier, Boulbet nous en a rabâché les oreilles durant plus d'une décennie de sa découverte - il faut dire qu'elle en valait la peine - on en rêvait tous de son palmier nain tellement il nous en saoulait au moment de l'apéro après la pétanque.
Moi aussi, j'ai fait le pèlerinage au milieu des scolopendres géants et des cobras royaux en sa compagnie pour enfin voir cette curiosité du monde végétal, ce palmier inouï !... Des varans monstrueux nous mataient en chemin, de véritables dragons de Komodo... on replongeait dans le paléolithique, un retour aux sources, le flip de ma vie, j'en balise encore… des sangsues gargantuesques nous assaillaient au moindre grain… des moustiques en cohorte nous dynamitaient l'épiderme… la guerre du Vietnam en direct !... des fourmis voraces non-répertoriées dans les encyclopédies sortaient de tout coté en quête de nos carcasses… des chauve-souris diurnes de la taille d'un deltaplane se balançaient sous la voûte… des pythons réticulés gros comme deux anacondas chacun guettaient le moindre de nos faux-pas en guise de petit-déjeuner… énorme !
Bref, malgré les folies de la jungle, il est à parier que les risques sont démultipliés dès que l'on se retrouve au volant sur les routes, y a pas photo !... La preuve, je suis revenu sain et sauf de ce périple, même si je suis resté à peu près cinglé depuis ce jour après avoir entrevu le sourire de la Haute Foret tel un parfum de la Genèse… Je me prenais pour Tarzan, oui !... J'étais l'ours et le tigre à la fois, l'homo-sapiens le plus perché du genre humain, j'étais le loup et le dragon !
Enfin, n'exagérons rien, j'étais vraisemblablement aussi crétin que d'habitude mais Shiva poussait déjà en moi, j'étais Ulysse et Dionysos, je retrouvais mes racines multiculturelles, l'Iliade et le Ramayana, une véritable odyssée, Maman !… Sauf que Proust me hantait déjà, rappelez-vous : « Je hais la campagne »… alors la jungle, je vous dis pas, même pas en rêve qu'il l'aurait pensé, l'ami Marcel.
Je marchais pourtant entre palmes et épines en quête de ma dryade, je m'abimais sur les sentes des sylves, à moitié bouffé par tous ces putains d'insectes qui prolifèrent dans ce milieu. J'étais leur garde-manger !... Je cheminais donc dans ce dédale végétal au milieu de rien pendant que d'autres bronzaient sur les plages… je me la jouais grave !
La chute ne fut pas celle qu'on crût, je chemine encore dans les mangroves, moitié batracien moitié humain... et dans les cités balnéaires aussi, coté grégaire oblige.
Je n'ai point trouvé de nymphe là-bas, au milieu des palétuviers… mais au milieu des autos, dans la furie de la ville, coté plage, coté cocotier et rivage, là où des milliers de touristes se massent avides d'éphémère… C'est là que j'ai trouvé ma belle, elle déambulait dans une flaque de soleil, elle riait dans la lumière !
Les filles sont formidables, elles orientent ta vie selon leur girouette, quitte à filer en sens contraire, quitte à s'en mordre les doigts, quitte à se perdre dans cet océan entre furie et volupté… Orphée encore !... le coté cigale, le coté grillon… chienne de fourmi !
Enfin, moi qui voulais devenir anachorète dans une cathédrale chlorophyllienne à contempler un parterre de Keriodoxa Elegans à chaque réveil, je me retrouve à vivre dans une piaule pourrie dans la rue du port au milieu des bars… tout ça pour bondir tous les soirs au milieu des volcans… Les filles sont formidables !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 CHAQUE JOURS EST UNE VIE

Un orage, enfin ! Foudre et tonnerre déchirent le ciel à qui mieux mieux… ce soir, on se la joue son et lumière, c'est la fête aux neuneus !
Des hordes d'éphémères rappliquent de tout coté sur le moindre spot, des wagons se massent autour des néons, c'est La full moon party !
Ils ne vivent que quelques heures, comment voulez-vous qu'ils ne se la jouent pas dingue, l'histoire, nos amis éphémères, ils battent des ailes comme des ouf dans l'atmosphère, ils se la font méga « rave » et se déchirent jusqu'au bout de la nuit, ils dansent jusqu'à l'aube, jusqu'au dernier souffle.
Le matin, c'est un cauchemar, un champ de bataille, des cadavres aux quatre coins, c'est Waterloo, la Berezina !... Y en a de partout, le ventre a l'air, le regard encore figé par tant de folie, de caprice, de volupté… c'est Woodstock et Hiroshima à la fois… l'apocalypse !... la civilisation babylonienne réduite à néant sur un air de mousson, l'empire gréco-romain anéanti sur un trop plein d'orgies… banal pour un éphémère, m'enfin !

Le proprio de ma bicoque déboule comme un damné pour me dire que le Birman n'est pas arrivé… « - Quel Birman ?!
_Le Birman des éphémères, voyons, le Birman à tout faire, qu'il vocifère, et dire que je le paie à rien faire
_C'est si grave à une heure pareille ? il est à peine 7 heures
_Sûr qu'il compte fleurette à une de ses consœurs dans un chantier voisin, le vaurien, ils sont déjà plus de deux cent mille sur l'ile, les Birmans, deux cent mille !... Si je le chope, je lui fais son compte !
_Il a vraisemblablement retenu la leçon des éphémères, il n'a plus de temps à perdre »
Je l'abandonne volontiers après son laïus sur les Birmans, un credo thaï issu d'un contentieux historique datant du XVIIIème siècle quand les envahisseurs Birmans ont brulé Ayutthaya, l'ancienne capitale du Siam, un des pires épisodes dans l'Histoire du royaume.
Dans ce matin pas très glorieux, je quitte le cimetière des éphémères et m'en vais en balade dans la Baie de Phang Nga où nous accueille un soleil radieux. Notre équipée est franchement sympathique, j'ai récupéré en passant une famille française vivant à Dubaï, ils ont quitté le village d'Astérix pour un océan de sable au milieu des gratte-ciel. Passionnés de désert, ils ont planté leur tente sur les dunes afin de revivre la passion de Moise en quête du buisson ardent, du lourd !... C'est pas gagné m'ont-ils confiés.
Lui, Joachim, est botaniste, tu te demandes vraiment ce qu'il fout en plein désert, à chacun son mystère… C'est pour ça qu'il est venu en vacances en Thaïlande, il déprimait là-bas, il voulait voir de véritables sylves, des jungles à couper le souffle, des farandoles de Dipterocarpacea et autres géants verts à se damner.
Elle, c'est Anne de Bretagne, elle trône sur son élan quels que soient les éléments, et assure pour sa tribu sans ciller. Cependant, je n'aimerai pas être là quand elle pète un plomb, ça doit déménager grave quand elle se fâche. Joachim en porte d'ailleurs quelques stigmates, deux ou trois balafres qu'il porte sur sa face tel un corsaire, cela m'étonnerait fort qu'elles soient causées par l'observation intense d'un épineux dans les confins du golfe persique.
Trois mioches à la clé, du lourd ! Deux filles qui percutent comme mille et qui dirige tout ou presque, malines comme deux petits singes, elles te mystifient le genre humain en un rien de temps. Ulysse, le fils, a beau avoir l'âme d'un grand chef, ses deux petites sœurs le débordent tout azimut. La famille Astérix, quoi.
Nous voilà donc partis dans la baie bien à l'écart de l'industrie de masse, nous naviguons au milieu des mangroves où se promène un couple de panthères noires, nous avons eu l'info par quelques pécheurs du village lacustre, ce matin, les seuls chanceux à jouir d'un tel spectacle. Nous ne les rencontrerons pas, bien-sûr, l'aube et le crépuscule sont les seuls moments adéquats pour une telle rencontre, à condition toutefois d'un miracle. La visite de la baie ne fut pas moins magique pour autant… peintures rupestres réalisées par nos cousins de la Protohistoire et repas anniversaire dans le palais des vents pour les 9 ans d'une demoiselle de France, un élan rabelaisien entre ciel et mangroves au milieu de rien dans le silence des dieux sous un décor de rêve, on a vu pire.
Retour à la civilisation, Phuket oblige. Des milliers de bagnoles déboulent de toute part, un océan de scooters nous entourent de tout coté, c'est le panthéon des moteurs. Les touristes n'ont que les plages et les boutiques pour se balader. Hormis ce périmètre, le danger est permanent, la furie des autos ne laisse aucune place au piéton. Des ambulances sillonnent l'ile en permanence au milieu des bouchons.
En 2013, 65 millions de Thaïs ont acheté davantage de bagnoles (version pick-up) que 310 millions d'Américains… ça parle, non ?! Du coup, le royaume dans son entier est devenu un vaste embouteillage, De plus, dans ce pays, tout est acheminé par la route, des camions de partout, la traversée de cet immense réseau d'autoroutes autour de Bangkok est dantesque. Pensez que cette ville est le plus grand réseau urbain d'Asie du Sud-Est, 16 millions d'habitants, une fourmilière.
Il y a peu, j'ai eu à traverser le royaume dans sa presque totalité, ma nana est originaire de la région d'Isan, le nord-est du pays alors que Phuket se trouve au sud-ouest de la Thaïlande, 1500 bornes de distance. Elle voulait me présenter à ses parents - une idée pas géante en soi, il faut l'avouer – j'ai tout de même accepté, les filles sont balaises pour nous mener par le bout du nez. J'ai surtout branché avec l'oncle pour être franc, un bonze anachorète un peu barré, le sage de la famille, perdu dans la forêt. Enfin, le peu qui reste de forêt là-bas, tout n'est plus que canne à sucre aujourd'hui, les arbres se comptent sur les doigts d'une main jusqu'à l'horizon. Normal pour le second producteur de sucre au monde vous me direz, j'en conviens.
Toujours est-il qu'on a traversé une marée de camions à travers le royaume pour arriver là. La moindre faute d'inattention au volant vous coûte la vie dans ce trafic, il ne suffit que de quelques secondes. J'ai dû boire 80 expressos en deux jours afin de réaliser ce challenge rien qu'à l'aller. J'ai rêvé de camions pendant des semaines au retour, du lourd !... Si prochaine fois il y a, j'y vais en avion.
En attendant, je rentre chez moi et glisse sur l'asphalte, la musique à donf… Un blues qui passe sous la voûte, il me déchire le ventre… allez savoir pourquoi ?!... Je ne sais vivre sans musique, elle déclenche en moi de tels accents lyriques que j'en perds le nord souvent, à vrai dire. Il faut avouer que ma boussole est cassée, elle est un peu à l'ouest, ça complique ma route, ça brouille mes pistes en chemin.
Peu importe, je me ressaisis afin de ne me laisser envahir par ce flux de spleen, ce tsunami, et vogue dans le crépuscule vers ma demeure après un apéritif de circonstance avec mes clients du jour… Ma fille m'appelle
« Papa, t'es où ?
_ Sur la route…
_ Viens vite !
_ Y a quoi ?
_ … Je t'aime ! »
J'avale les derniers kilomètres dans la nuit de l'île pendant que les grillons me composent l'hymne d'un éternel été… C'est inouï, chaque jour est une vie.

Thierry

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 HASANA

C'est là ! Et nulle part ailleurs que cela est arrivé.
Cette petite fleur immense m'a cueilli au bout du chemin et m'a fait entrevoir le passage. Le passage, vous voyez?!
Moi, sur le coup, j'ai rien vu du tout si ce n'est ce visage inouï à la jolie grimace. Je sentais bien quelque part une alchimie étrange. Un truc non raisonnable me retenait là. Un truc énorme !
On peut toutefois zapper un moment pareil, par fatalisme ou timidité, ou allez savoir quoi encore... Et, malgré tout, vivre éternellement avec ce souvenir teinté de regret, de mélancolie... par épisode... pour ne retenir, en fait, que cela… comme dans "le nom de la rose" en somme.
Envers et contre tout, ce mystère m'a retenu là. J'ai voulu fuir, bien sûr, trop de risques, trop de folie mêlée de démence... trop de tout impossible à démêler, à élucider, à démystifier…
Je me trouvais dans un couloir de vents sous un feu de mousson... Et, dans ces cas-la, on fuit généralement à toute jambe, on s'arrache dare-dare ! On n'attend pas que la rétine se décolle de son oeil. Trop de souffle ici-bas pour oser affronter les éléments. Plus facile de filer et de se remémorer après cette douce vision. Quitte à s'en mordre les doigts longtemps encore... La peur de se pétrifier si l'on reste. Un peu comme si l'on s'arrêtait au milieu des tempêtes... dans l'oeil du cyclone !
Cette douce vision, cette folie, ce maelstrom, ce tremplin des vents, de la furie des éléments a un nom : Hasana !
Le nom de ma rose !
Les différentes pérégrinations, routes et aventures qui ont composé mon chemin sur le fil de mon parcours ne furent rien devant cette énigme issue d'un mystère et apparue, là, sur un bout de sentier, entre ciel et mer. Ce fil d'harmonie imbibé de soleil riait dans la lumière. Ce petit diapason dressé au milieu des éléments vous offrait son La, debout sur une immense falaise perché sous la voûte au-dessus de l'océan.
Il vous suffisait de vous asseoir, là, vous croyant vraisemblablement sujet à quelque hallucination, planté dans ce décor surréaliste, les yeux bouffés par cet immense spectacle, les neurones disséminés dans ce colossal espace.
Des nuages surgissaient dans une nasse opaque et ténébreuse, et roulaient à la vitesse de la lumière... La foudre se jetait a corps perdu dans cette mer maintenant bouillonnante... Et la belle riait dans cet univers taillé à sa mesure.
C'était donc ça la clé, tout cela n'était que pour ce petit bout échappé d'on ne sait ou. Une petite sauvage à la jolie grimace avait tout dompté sur son passage et la Géante Nature venait l'honorer de mille et une grâces.
Bien sur, tout ça, sans elle, n'était qu'un film empli d'effets spéciaux maintes fois répétés. Sa présence amenait à la chose un scénario tout autre. Elle, qui pourtant ne prétendait à rien, détenait un pouvoir au-delà de toute force, sans commune mesure avec les plus grandes puissances. Sa fragilité même était conçue dans le but de damer le pion à toute mégalomanie terrestre ou céleste.
Si vous l'enleviez de cette géante fresque aux allures titanesques, pfft !... tout n'était plus que cliché. Un bide que c'aurait été une fois dissipées les quelques lueurs un tant soit peu captivantes des premiers effets vite oubliés.
On peut toujours broder sur quelques scènes soi-disant inouïes afin de se persuader d'avoir été spectateur de l'exceptionnel, de l'inédit... mais que cela est-il à coté d'une petite fleur étrangement enivrante, hein?!

...Mais c'était mal connaître les gonzesses et les aléas des aventures amoureuses. Car ce qui est fort alimente toujours la tourmente aussi. On passe des sommets aux abysses sans transition aucune et on se jette dans l'abîme sans retenue aucune. Le monde se renverse et on touche aux eaux d'un autre fleuve plein de remous et de courants contraires. La folie tout azimut... Des maelstroms qui déchirent l'espace dans lequel on baigne en permanence... Et le pire peut-être, impossible de zapper !... plus de nuance !... le délire en continu... la démence totale !...
Bref, une souffrance aigue difficile à déconnecter… "Djai ien ien" qu'ils disent ! "Garder le cœur froid", ne pas trop s'impliquer pour ne pas péter les plombs complets... Grand programme ! Le truc impossible, quoi ! Allez vous dire ça quand un petit bout de grâce échappée du rivage vous colle à la face sa plus jolie grimace.
Dans ces cas-la, on libère sa folie sans décider que dalle. On échappe à toute catégorie. On est plus que furie. Tel un clébard enragé qui bloquerait sur son "nonos" à lui. Les mots ne servent ici à rien sinon à s'enterrer plus encore dans l'illusion du dialogue.
Non, je vous le dis ! C'est une catastrophe. Un raz de marée, un tsunami qui vous prend en une fraction de seconde... Impossible de lutter devant un tel déferlement de rage, des forces inouïes se liguent contre vous-même et la moindre action alimente toute démence. Des sentiments contraires viennent s'entrechoquer et la paranoïa trampoline à qui mieux mieux sous votre chapeau. Delirium puissance mille ! C'est "la piste aux étoiles" dans chacun de vos neurones, un vrai ballet satanique avec un vrai bûcher, sauf que c'est vous-même le supplicié.
Mais comment pourrait-il en être autrement? Je vous le demande.
Il ne fallait pas passer par là, ne pas rencontrer ce petit bout de charme, juste cela ! Il fallait ce jour-la se casser une jambe, rester dans une chambre noire, je ne sais moi.
Il fallait entrer dans un temple, une église, une mosquée et prier les anges. Il fallait monter sur une tour, un minaret et hurler sa folie à la vaste immensité.
Eh oui ! Il fallait zapper complet.
Facile à dire après, bien sur. Pour l'instant, c'est le bordel. Trop tard ! On ne croise pas ces petits bouts de ciel venus nous visiter sans en prendre plein le bide, plein la casquette...
Au début, on est content... on se rend pas compte... tout joyeux que l'on parait... des ailes qui nous poussent de partout... Sauf que l'histoire ne s'arrête pas là, très loin de là.
Après avoir touché les anges, on se roule dans la braise, on fume du cigare, on devient volcan, lave, cendre... on en prend plein la gueule, on hurle sous les flammes...
Aux abois que l'on est... comme jamais. Sous des airs de seigneurs, on touche à la misère. On s'agite désespérément, on bat des bras et de la cervelle dans la stratosphère. On braille à défaut d'autre chose. On péte les plombs sans espoir de guérison aucune.
On rame dans la nuit noire sans que l'aurore vienne nous délivrer, sans que l'aube vienne nous apaiser. Pas de soleil dans cette excursion d'où l'on ne revient jamais vraiment. Pas de ticket retour. Pas d'assurance ni de visite guidée. C'est le saut dans le vide, le trou noir garanti. Après, démerdez-vous !... Je vous dis pas la chute. Je vous raconte pas la suite... on nage dans le délire, on touche a toute fin, on ne fait que rebondir de tremplin en tremplin et ne comptez pas trouver le moindre frein... A se bouffer les pinceaux pendant mille ans encore... Ravagé à souhait toute une éternité, le foie bouffé comme Prométhée et la bile qui vous éclabousse de toute part.
Et pendant que vous vous rongez à n'en plus finir... elle, la Belle, se porte comme un charme et met le feu sur son passage manière d'en rendre cinglé plus d'un encore. A y être, autant en rajouter un peu, autant faire sauter le couvercle et le sifflet avec. Autant faire péter la marmite tant qu'elle est chaude, autant faire décoller la bouilloire et le bouillon avec. Autant baigner dedans.
Aucune chance de péter un autre câble, à ce stade il n'y a déjà plus d'amarre. Parti que l'on est. Sans espoir d'arriver où que ce soit. Aucune route, aucune balise... C'est le saut de l'ange dans les affres de la démence.
...Bon ! D'accord ! Ce n'est peut-être pas la sainte image des Ecritures, mais quand même... Cette sauvage échappée de sa jungle, de son rivage est capable de foudroyer un ange, c'est pas rien ! Alors un crétin dans mon genre, vous rigolez !... Easy que c'est l'histoire... Ho putain, déconnez-pas !... aucun mystère dans la trame !... Moi, l'enfant de la ville, je rencontrai l'enfant du large... Un choc inouï s'ensuivit alors, et j'en perdis les deux demi neurones qu'il me restait. Pfft !... en fumée qu'elles sont parties... et moi avec, pour ainsi dire...
Une putain d'aventure donc... avec à la clef: le schmilblick !

Comment revenir quand on a dépassé depuis longtemps tout point de non-retour?! Hein?! Vous voyez le truc?! Parce que moi, je vois pas grand-chose, à vrai dire... si ce n'est ce petit bout de grâce et sa jolie grimace... ;)

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 SUR UN AIR DE MOUSSON

Nous rêvons tous, certes… mais je ne me rappelle d'aucun de mes rêves… et vous ?!
Faut dire que c'est pas facile vu les cauchemars qui nous entourent une fois éveillé… Un mur de lamentations s'érige dès le saut du lit… une seule voie s'offre à nous pour outre passer, le chemin de croix.
Tenez ! Ce matin, je me lève peinard au chant du muezzin afin de partir faire mon jogging autour du lac à Nai Harn Plage comme à mon habitude quand j'aperçois une forme étrange sous mon palmier nain dans le jour naissant au milieu de cette jungle qui me fait office de jardin.
Je m'approche et tombe sur un varan à la mine patibulaire prêt à me tailler en pièces si j'ose un pas de plus. Un komodo sur mon paillasson pour ainsi dire, une bestiole vieille de 350 millions d'années prête à dévorer l'humble homo-sapiens que je suis d'à peine 100 000 ans d'âge. Y a pas photo !
Demain, j'achète un bazooka ou bien un lance-flamme, un truc qui envoie, quoi… Le problème, c'est qu'en cas d'embrouille avec ton voisin, tu le fumes en deux minutes avec ce genre de machin, c'est pas bon du tout, hein ?!
Une fois arrivé sur le panthéon des joggers, au lac, j'en croyais pas mes yeux !... Un fantôme dansant dans le vent, sans rire !... Je ne suis pourtant pas sujet à ce genre de rencontre, c'était la toute première fois que je voyais un fantôme… avec le drap blanc comme dans les films… j'entendais même un rire dément à la clé… inouï !
Sauf que deux ou trois joggers se trouvaient déjà près du fantôme sans paraître s'en soucier… un vrai mystère ! Serais-je le seul à le voir ?... Voilà-pas qu'il me déboule dessus à la vitesse de la lumière maintenant… Je reste interloqué jusqu'à la fameuse rencontre ?!!
Dès qu'il arrive à ma portée, je découvre en fait un dingue de Farang en k-way blanc et en roller à fond les ballons, chantant à voix haute les tubes qui défilent dans son iPod…. Surprenant mais sympa, cela donnait un air d'opéra à la gloire de la mousson sur des lambeaux d'azur… un inédit interlude.
Finalement, la journée ne s'annonçait pas aussi pourrie qu'on aurait pu le croire… Sauf que c'était sans compter sur la furie de ma nana qui venait soi-disant de découvrir sur mon Facebook une relation cachée… on croit rêver !
Je la regarde sans sourciller faire sa valise et me pose sur le sofa essayant de mettre à profit les enseignements du Bouddha… La situation est carrément surréaliste !
Sur ce, ma fille que j'emmène à l'école me reproche sur le trajet que je suis un mauvais père… motif : je l'ai zappée après son réveil quand elle me demandait son épingle à cheveux… Ô putain, c'est pas gagné !
Dans ce pays, le genre féminin est tellement dopé par la matrilinéarité qui caractérise cette culture singulière, que ces dames et demoiselles sont toutes atteintes du syndrome de Cléopâtre… c'est du très lourd !
Bref, j'arrive à l'école tant bien que mal après de multiples embouteillages tout en subissant les assauts de ma fille qui ne décolère pas d'une telle négligence de ma part à son réveil…
Et voilà que ma nana, ou mon ex, je sais plus trop, tout change à la vitesse d'un tsunami ici-bas… voilà qu'elle me balance des appels à n'en plus finir sur mon portable… je réponds et me fais incendier comme jamais juste avant d'aller bosser et offrir mon meilleur sourire à mes clients sur la route des temples oubliés, c'est du lourd !
Arrivés en compagnie de mes touristes sur la plage des tortues, une scène incroyable eut lieu… c'était bien la première fois que je voyais une tortue sur cette plage, à se demander pourquoi elle portait ce nom ?!
Allez, tout n'était pas négatif dans cette journée, cette tortue présageait d'un bon signe… Sauf que c'était sans compter sur le temple des singes où Hanuman, leur roi à eux, péta totalement les plombs en s'attaquant au moindre touriste qui s'offrait à son regard. Nous sommes remontés dans le minibus dare dare avant de s'arracher à fond de train avec un bon demi-millier de singes à nos trousses, une sacrée trouille.
Au temple du Roi, un python réticulé gros comme un tronc d'arbre nous attendait, vraisemblablement repu après un gros déjeuner. Il venait digérer et quelque peu méditer en ce lieu perdu entre plantations et forêt primaire. Un chien trop curieux s'en approcha de trop près et finit en dessert dans le ventre du monstre imperturbable à ses cris de détresse. La messe était dite.
On n'osait plus trop les temples après tout ce charivari, c'est là qu'on fit l'erreur de prendre une pause près d'un bassin de lotus afin de savourer un moment hors du temps… Sauf que c'était compter sans les wagons de fourmis, frelons, moustiques et autres sangsues venus au banquet nous dévorer à peine franchi la lisière de la palmeraie qui entourait ce magnifique étang couvert de nénuphars et de lotus… le rêve tournait au cauchemar !
Bref, je ne vous raconte même pas ma fin de journée, c'est à pleurer… Deux lettres m'attendaient une fois rentré, une de ma fille et l'autre de ma nana, les deux pour me dire qu'elles me quittaient… j'étais vraiment trop blaireau pour davantage me supporter qu'elles ajoutaient… une calamité que j'étais qu'elles concluaient.
J'ai pas trop flippé sur le moment vu qu'elles me font le coup 2 ou 3 fois par mois… mais j'étais vraiment miné 22 heures passées… sauf que c'était compter sans les accents lyriques de mes 2 petites fleurs qui vinrent ne visiter à ce moment-clé avec force bouquets et enthousiasme retrouvé afin de m'offrir un océan de volupté… Ce monde est vraiment dingue, non ?!

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 DE PALMES ET D'EPINES

Les sons qui passent à la vitesse de la lumière… et mon spleen qui hurle entre braises et firmament dans la nuit de l'île… entre volcan et tsunami !
Rien de grave, rassurez-vous, juste une mélancolie qui m'accompagne depuis la nuit des temps, depuis que je me rappelle.
La foudre, le tonnerre, le ciel qui se déchire, la mousson en colère et un ballet d'ombres sur un géant théâtre dantesque.

Je me rappelle… des flamboyants sur la route, des écarlates en délire sous l'azur, un océan de chlorophylle et des pitons karstiques plantés comme des obélisques sous la voûte… des mosquées, des temples rutilants érigés entre ciel et terre… l'asphalte qui défile et mes neurones qui claquent dans la lumière… Je me rappelle.
Les paysages roulent sur mes paupières et semblent surgir d'un songe. C'est sûr, c'est ici qu'est né le monde!
Une vie, j'ai passé, ici… et peut-être même davantage, allez savoir? Mon âme respire cet endroit. Mes yeux se mouillent à l'approche de ces terres et mon cœur se serre, c'est là que ma mémoire vit.
Les souvenirs m'assaillent, s'engouffrent dans tous les recoins de mon être, je tombe sous la charge et m'évapore sur les sentes qui cheminent entre les futaies, les bouquets de palme et les lambeaux d'azur. Tous mes sens fourmillent dans cet univers surdimensionné, chaque pas soulève un torrent d'émotions, de la lave jaillit de mes pores… C'est ici que sont nés les miens.
Parfums et atmosphères inondent mes élans, je fais corps avec ces essences, cette alchimie, c'est la ronde des mélancolies...
La vie, quoi.

Perdu dans la multitude, funambule à tout jamais, je zone sous la voûte au-dessous du firmament.
La tête dans les étoiles, l'iris rivé sur ma Vénus, je déambule au gré des vents qui peuplent mes errances.
Nomade encore, nomade toujours, les poches vides et l'âme vagabonde, je souffle sur les braises et compose des bouquets d'atmosphères.
De palmes et d'épines, ma route se perd… Boussole folle sur des lambeaux d'azur, GPS bousillé, j'ose des pas sur des tas de sentes et me saoule, au passage, d'ivresses magnifiques à l'approche du néant.
Les neurones aux aguets, la voûte pour immensité, un bout de lune en guise de lampe de chevet, je scrute les enfers, des soleils morts apparaissent au bout du vide. Des églises, des temples, des mosquées surgissent de mes paysages hallucinés. Des élans mystiques poussent sur mon humilité, des accents mégalos naissent sur mes paupières éberluées.
Les fièvres m'accompagnent, grandioses, insoumises, cruelles. Des ombres bondissent, agonisent dans une folle transe ramayanesque, c'est la balade des génies au-dessus de l'abîme. C'est le temps des tsunamis.
Allez, venez! Je vous emmène danser au milieu des tempêtes, des alizés. C'est ma tournée !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Bonjour à tous !
Je vous ai carrément oublié depuis quelques semaines, et pour cause… j'ai commencé la rédaction d'un nouveau bouquin qui m'occupe ô combien ! Je vous en livre les premiers extraits, le tout début.
Entre la haute saison et mes élans littéraires, je m'active sans retenue, je me tue. Ma cervelle bouillonne jusque dans mes tripes et mes neurones crépitent dans la nuit de l'île telle une pluie de météorites.
Digne fils d'Homère, je transcende mon imaginaire jusqu'au bout de ma plume... et plonge à corps perdu dans ce royaume qui me fascine, mon odyssée à moi !
Ebloui par ma Dryade (nymphe des sylves), mon Apsara (danseuse mythologique), je colle à son sillon, et libère ma sève dans ce géant décor surréaliste, c'est ici qu'Aphrodite est née !
Entre palmes et épines, nous survivons dans l'éclat des tropiques, auréolés d'une couronne de soleil jusqu'au bout de la nuit…
A chaque jour suffit sa peine… Carpe diem !

PHUKET VILLE
Je sors à peine de Phuket-Ville, des bouchons monstrueux barrent tous les chemins, une conduite latine s'impose… La petite musique qui le fait bien et c'est parti !
Je ne m'en tire pas trop mal au milieu de cette circulation dantesque, je me faufile tel un renard avec ma petite voiture. Ils veulent tous faire les malins avec leurs rutilants 4/4 afin d'imposer leur statut, ils galèrent comme des ânes, oui.
A moins de conduire la nuit, je ne vois pas trop bien ce que tu peux espérer avec une telle bagnole, ici. Le trafic est digne des plus grands réseaux urbains étant donné qu'un seul grand axe central traverse l'île de Phuket, où que tu ailles, il te faut l'emprunter. Sinon, c'est la route du rivage et la traversée de toutes les stations balnéaires, un enfer !
J'arrive maintenant au rond-point de Chalong, un des points névralgiques de la circulation, j'habite juste à côté, dans la baie du même nom, un petit soi (rue en thaï) tranquille à l'écart des grands mouvements. Toutefois, je n'ai que trente mètres à faire pour me retrouver au milieu de tous sur Viset Road, un 7/11 et le marché à deux pas de chez moi, j'ai toujours eu pour souci de vivre près de la foule qui passe sans résider pour autant dans la zone, y a mieux à faire malgré un petit budget. Les bons plans restent encore trouvables avec un peu d'expérience et beaucoup de chance.
Il va où le dingue avec sa mobylette au milieu des automobiles ?... il se croit dans un film hollywoodien, le iPod à fond les ballons jusqu'au bout de la course. Il faut dire que des scooters, y en a un million sur l'île, sans rire. Chaque famille en a au moins deux ou trois, c'est pas des conneries, plus des milliers de loueurs. Y en a de partout, et les voitures roulent en surnombre, sans compter les camions. Rien n'est vraiment prévu pour les piétons, les touristes n'ont que les plages et les boutiques pour se balader, et la rue des filles à Patong dans la nuit de l'île. C'est pas énorme, le reste est soumis à la furie des autos.
Ca y est, je touche enfin à ma demeure, une heure vingt pour parcourir onze kilomètres, c'est pas géant ! On a vu mieux.
La petite Nina est déjà là ! Du haut de ses neuf ans, elle trône dans l'atmosphère, on ne voit qu'elle !... Elle arrive de l'école dans son petit uniforme… Y a que sa fierté qu'elle ne lâche jamais, pieds nus ou en petits souliers, les filles d'ici arborent à l'infini cet air insoumis qu'on ne voit que là, c'est ainsi.
Ne rigolez pas, c'est ma fille !
Elle ne connait pas la France. Onze ans que je ne suis rentré dans l'hexagone, j'ai un peu oublié, mes souvenirs s'estompent sous les tropiques… si ce n'est l'image d'un petit village du Luberon, Ménerbes, mon village d'Astérix à moi !
Ou alors un diner à Lacoste chez les frères Méguin, un must. Du coup, ce n'est pas vraiment « j'irais revoir ma Normandie », mon hymne, mes accents sont davantage méridionaux, entre Toulouse et le Luberon.
Je lui montrerai aussi la Cité de Carcassonne, à Nina, si jamais j'arrive à économiser jusque-là pour les tickets, c'est pas gagné !... Fait chier ce fric, toujours à courir après, et y en a jamais assez, c'est sans fin… Que ce soit à Paris, en Sibérie ou ici, il faut du blé, c'est toujours le challenge, au quotidien le défi, c'est pas tous les jours Byzance.
L'hiver nous fout la paix, c'est déjà pas si mal. Ici, la température, c'est 30 degrés, toutes saisons mélangées, nuit et jour compris à la clé, c'est 30 degrés de ta naissance à ton lit de mort. Et dire que certains trouvent encore, chez nous, un charme aux saisons, ils sont dingues !... La seule saison acceptable, c'est l'été, celle des cigales et des grillons, mon panthéon.
Aow ! Voici Nina qui pète un plomb, les décibels au plafond, c'est tout le quartier qui tremble… j'aurais dû l'appeler Tsunami, cette chipie, ça sera pour la prochaine. Non, je déconne, je n'ai pas l'intention de fonder une dynastie... quoique.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 UN REVEILLON D'ENFER

J'ai pas vu passer la nouvelle année… j'ai pas réussi à me concentrer, j'étais trop distrait… j'étais perdu dans mes folies… Je marchais peinard sur le chemin des gémonies afin de me rendre au bal des damnés comme chaque année… j'avais pour idée de rejoindre Eurydice dans Les Enfers… j'entendais maintenant très bien le cri des suppliciés, la fête battait son plein !

Je n'avais pas à ce point l'envie de me jeter dans l'arène, quelques accents mélancoliques freinaient mon élan… un cinéma inouï nourrissait ce jour-là mes neurones, un blues énorme !
Bref, je me suis arrêté, chemin faisant, sous la voûte, sous le firmament… y'avait des constellations de partout… à moins que ce ne soient des feux d'artifice, allez savoir ?!... son et lumière tout azimut !... un tintamarre de dingues !

Tous les gens s'embrassaient à s'en étouffer, ils en pleuraient, les cons, alors que la veille encore, ils ne pensaient qu'à se bouffer, ils en pétaient de rage, ils étaient y a peu en guerre malgré les protocoles du quotidien, ils ne se souhaitaient alors que les pires emmerdes, ils se détestaient ou presque, ils en explosaient d'aigreurs !

Seul moi, avec mon océan de misère, touchais à quelques abîmes… Mes élans de fraternité, je les ai au quotidien, je n'attends pas la Saint Sylvestre pour en rajouter, je n'en ai plus… j'ai déjà épuisé tout mon capital de sympathie en entier… ce jour-là, je suis ruiné !

Je suis donc rentré chez moi, pépère, tout en trouvant Miss Thaïlande sur mon palier, un vrai miracle !... Elle m'avait plaqué à noël, voilà qu'elle réapparaissait pour le nouvel an, mes vœux étaient comblés… à force de prières, la bonne étoile venait me visiter, j'en perdis tous mes esprits... au point de me retrouver le lendemain totalement amnésique, j'erre encore sous la voûte en quête d'éphémère, le regard perché dans l'atmosphère, complètement fou d'elle, cette fille est un mystère !

Bref, à quelques nuances près, l'histoire de Cendrillon, version moderne. Y a que la chute qui diffère, la belle s'arrache bien juste après minuit mais l'histoire du carrosse transformé en citrouille, c'est tout des conneries ! Elle était en scooter !
Et puis ses pompes (ses godasses, quoi), elle n'en perdit aucune, j'ai bien regardé, elle ne portait pour ainsi dire que ça sur elle, aucune n'est tombée du Yamaha Fino. J'ai bien essayé de lui en arracher une afin de coller au conte de Cendrillon, rien à faire, elle est partie à fond de train dans la nuit de l'ile telle une fusée… Elle a bien oublié un truc, mais c'était pas la godasse.

J'ai pas réussi à fermer l'œil depuis, je commence à fatiguer, on est déjà le 7 faut dire. Et y en a encore pour te brailler bonne année dans les oreilles, c'est pas une vie !
Tiens, j'entends du bruit… un bruit de scooter, je suis imbattable sur le sujet…
Voici ma Belle en pleine lumière avec un bouquet pour me souhaiter la bonne année, c'est encore noël !...

Bonne année à tous !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 DU MIEL, DU SOUFFRE ET DE LA FLEUR DE SEL

Vous savez quoi ?! On va se la faire tropiques tout azimut cette fois-ci, on va se faire l'histoire légère comme jamais. On va oublier tous les maux de tête inhérents à notre condition, et se la jouer volupté sous le firmament, c'est pas tous les jours dimanche !
Sauf que c'est pas gagné, malgré tous nos efforts, au vu de toutes les dingueries qui flottent dans l'air, on a du mal à se décontracter si on se penche sur l'actualité, non ?!
Zou ! On éteint la télé, on reconsidère notre environnement, sans arrogance aucune et sans psychodrame non plus, comment faire autrement ?
Il parait que le propre de l'homme serait l'adaptation, mémoire oblige. J'ose en douter. J'ai tendance à penser aujourd'hui que l'oubli le caractérise si on s'en réfère aux conneries successives dont il est capable dans l'Histoire, il n'en rate pas une pour ainsi dire. Il redouble en bêtise, même s'il se gausse du progrès (son dada !) afin de mystifier le monde dans tous les débats.
La preuve, depuis peu, on en revient à cette vieille idée qui n'était pas si mal, inventée pourtant par nos amis Grecs, il y a presque trois mille ans : la démocratie !
Dieu sait si nous avons fait o combien de folies en chemin pour soi-disant libérer le genre humain, ou peut-être bien pour l'asservir, un tremplin de délires à vrai dire. Sauf que nous n'avons pas été vraiment géants sur ce thème quoiqu'en pensent ceux qui seraient à ce point aveuglés par leur confort à eux. Le monde ne ressemble pas à leur salle à manger, c'est loin d'être un banquet. C'est con mais c'est ainsi.

Un truc me chagrine toutefois, on n'avait pas dit qu'on se la jouait tropiques ? Certes oui, mais ça me parait mal barré, là, c'est loin d'être tous les jours fête au vu de toute les folies qui passent… il suffit juste de se détendre. Putain, c'est pas gagné ! Essayons tout de même…

Pour me détendre, donc, l'humeur presque légère, j'allume malgré tout la télé, peinard sur le sofa. Je vous dis pas le nombre de catastrophes qu'ils m'ont débité à la seconde, un enfer ! Je fus plombé tout le reste de la journée, dégoûté que j'étais.
Non pas que je méconnaissais à ce point la mauvaise santé de ce monde dans lequel je vis, mais j'en pris beaucoup d'un seul coup dans cet élan médiatique, j'en fus bouche-bée, une horreur que les actualités.

Et pourtant, la vie est bien pire encore, si je m'en réfère à la mienne, sans pour autant me la jouer mur des lamentations, bien-sûr que non, c'est juste un accent sincère dans toute cette putain de zone, quoiqu'on en pense, malgré tout confort, toute illusion, toute chimère.
Bref, c'est pas géant que tout ça, j'en suis encore tout retourné, sans déconner, même après quelques efforts, si jamais, à entrevoir parfois l'avenir, une erreur fatale faut croire. Moi qui suis plutôt un garçon léger, carpe diem oblige, il faut que je me ramasse dès que je m'éloigne de ce fameux adage latin, de ce précepte. Som nam na ! (bien fait pour moi !)
Dites, on n'avait pas dit qu'on se la jouait tropiques ?!... On dit tant de choses que j'en oublie parfois l'essentiel, c'est inouï ! Les tsunamis déferlent maintenant comme jamais, non plus une fois par vie comme autrefois mais toutes les décennies…

Tenez, je vous colle une petite prose que je vous ai composée, il y a longtemps déjà. J'ai tout mis dedans, sans faire long. Toute la vie résumée en peu, sans accent tragique non plus, c'est du brut de pomme comme on dit… j'ai rien oublié ! Lisez, c'est du lourd !

DU MIEL, DU SOUFFRE ET DE LA FLEUR DE SEL

Une étoile filante sur la voûte et ton âme qui danse sous le firmament dans la nuit de l'île. Une épreuve sous le regard des anges et ta misère pour gérer l'histoire dans le silence des dieux, bonjour !

Une larme sur le mur des lamentations, un souffle dans un marathon, une seconde dans un silence et un bouquet de rire sur le panthéon, bonjour !

Une onde voluptueuse et ta cervelle qui fume dans l'atmosphère, un parfum inouï sur ta putain de vie, et ton innocence au milieu de rien dans un calice pour l'éternité, mais pas toujours, bonjour !

Des caprices, des chimères, des accents lyriques, des misères et un petit bout d'infini sur un lit d'épines dans cette jungle tout autour, bonjour !

Des odes, des ballades, des poèmes et de la boue sous les ongles, des talents dans la fange pour la mémoire des hommes, bonjour !

Des tranches d'ananas, des litchis et les pissenlits par la racine, c'est tout ! Du miel, du souffre et de la fleur de sel, bonjour !

Du vogue à l'âme, des ébats et des casseroles, tout un concert ! Des cigales, des grillons, des éphémères et l'écho des prières sur des millénaires, bonjour !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LETTRE A PERSONNE

Font chier tous ces hyperréalistes, ces pros du pragmatisme, ces cadors du business à deux balles, ces grands conseillers vénaux jusqu'à la moelle, ces ignorants au vécu minable, ces honorables… Font tous chier avec leur pseudo-importance, leur ego enflammé pour des sujets misérables… «L''action n'est pas la vie, nous disait déjà Arthur Rimbaud, mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. » (Alchimie du verbe)… C'est pas tout faux quand on regarde nos contemporains à s'agiter souvent pour rien. De battre les bras dans l'air n'a pas toujours pour effet immédiat de faire avancer le schmilblick, c'est ainsi, l'efficacité de la chose n'est pas garantie, loin de là, et pourtant…
Les Thaïs nous considèrent parfois, à raison, comme des êtres agités en Occident. Il est vrai que nous avons la fâcheuse habitude de marquer sur notre visage des signes de colère en un éclair de seconde, la pire impolitesse au regard de cette singulière culture thaïe, il est impératif de garder toujours un visage serein face à son interlocuteur, c'est essentiel ! Pas question pour autant de ressembler à quiconque, le mimétisme n'est jamais bon. Non, juste faire l'effort de décrypter codes et valeurs propres à chaque culture afin de ne froisser personne, nous ne sommes point là pour ça, y a mieux à faire.

Tout en gardant des allures de gentilhomme envers le monde, il est malgré tout hors de question d'écouter tous ces donneurs de leçons, de se laisser emmerder par leur refrain bidon, définitivement non ! On en trouve des wagons toujours à nous dire comment il faut faire… tellement ils pataugent dans leurs propres mystères, eux, dans leur démence, dans leur misère. C'est pour cela qu'ils ont besoin de nous bassiner ainsi, de nous expliquer la vie, eux, les champions du monde du savoir-faire, tous des cons en vérité, sans rire, ou à peu près. J'en connais un ou deux comme ça, à t'expliquer l'histoire quand t'es au creux de la vague, les enfoirés, sans n'aucunement t'aider pour autant si jamais, accepter leur aide serait d'ailleurs une erreur, un tremplin pour leur folie, un sauf-conduit pour les gémonies, un suicide tout azimut.
Une fois débarrassé de ces précieux ridicules, il est temps de reconsidérer notre humeur et de se la jouer maintenant léger, sinon, on va nous accuser de plomber encore l'atmosphère, c'est hors de question.
Je vais donc vous conter une histoire légère afin de vous faire atteindre ce taux d'évanescence qui me caractérise… c'est pas gagné. Essayons tout de même, il suffit d'improviser… on verra bien ce que ça donne.

Tout commence ici, au Siam, qui l'aurait cru, c'est inouï, non ?!... En tout cas, pour moi, c'est ainsi ! Les plus beaux épisodes de ma vie, même si le reste est sympa aussi, o combien, je n'ai pas vraiment de quoi me plaindre. Cependant, le cœur de toute ma flamme brûle dans ce royaume, c'est là que les miens sont aujourd'hui, c'est là où ma vie prend toute sa couleur, là où mon amour respire, où je prends l'essentiel de ma chlorophylle, le swing de toute existence si on s'en réfère aux battements de mon cœur, à mon tempo. Le sel de la vie, quoi.
Pour autant, je ne m'emballe pas à ce point, je n'ai pas cette arrogance. Tout peut changer, sur un battement d'aile, sur un tsunami… sans rire. J'ose juste deux pas entre philosophie et métaphysique dans le silence des dieux… Enfin, pas toujours, y a de rares moments où je pète les plombs aussi, bien humain que je suis, personne n'est parfait. Je vous rassure ma fille ainsi que ma femme me ramènent vite à la raison, ce sont les reines de la maison, moi, je ne suis qu'un humble vagabond, leur sujet. J'ai cette chance inouïe de baigner dans leur sillon, c'est du lourd ! La même qu'Ulysse, l'histoire, dans son aventure avec les sirènes, rappelez-vous Homère… C'est mon odyssée à moi, c'est mon cinéma entre Iliade et Ramayana, mon théâtre d'ombres et de lumière. J'ai choppé la fève en croquant dans le gâteau des rois, un sacré bol ! Sauf que je ne savais pas la fièvre qui m'attendait, j'en suis encore tout renversé, j'en perds mon latin.

Pendant que je faisais le joli cœur dans les jardins du Siam, des hordes de moustiques sont venues jusqu'à la moelle me sucer, des wagons entiers, pas une goutte de sang ils m'ont laissé, un vrai massacre. J'en ai hérité d'une folle dingue à répétition, des crêtes de fièvres à faire tomber un pachyderme.
Un jour, y a même un cobra royal qui est venu me visiter, il s'était enroulé autour de mon portail, un machin long de cinq mètres, une bête énorme ! J'ai voulu le faire dégager avec un jet d'eau, j'aurais jamais dû, il m'a foncé droit dessus, sa tête à hauteur de la mienne, les yeux dans les yeux, j'ai pas eu le temps de m'épancher en sentiment, j'ai filé dare dare. Les Thaïs m'ont dit être un miraculé, ils n'en revenaient pas que je sois encore bien vivant, Ils en restaient bouche-bée, ils me touchaient tous de partout afin de prendre un peu de cette chance inouïe. Moi, j'ai pas eu le temps de réaliser, j'avais jamais vu une telle bête de ma vie, j'en ignorais même l'existence, un moment surréaliste ! Jamais je n'oublierais.
Une autre fois, ce fut un cobra noir qui s'introduit dans ma salle de bain, bien plus petit que le royal certes, mais à la morsure fatale aussi. Il s'était logé sur un rebord de fenêtre au-dessus de la douche. Quatre heures du mat, me levant à peine, je file direct dans la salle de bain, nu comme au premier jour, ouvre la flotte à plein jet et découvre ce machin dressé à trente centimètres de mon nez, en position d'attaque devant mes yeux écarquillés… Je vous dis pas le bond que j'ai fait, le meilleur réveille-matin qui soit, en un éclair de seconde, j'atteignis un instant rare de lucidité, un litre du plus fort expresso avalé cul sec n'aurait pas eu ce magique effet. Ca relativise les problèmes du quotidien que de vivre de tels instantanés, on pense plus pareil sur le coup, on se détend ensuite, on devient sympa avec son prochain, on sourit là où, autrefois, on devenait dingue, on devient même sympa avec les autres automobilistes quand on conduit, c'est pour dire !
Y a deux mois de ça, en balade dans la province de Krabi, on retournait peinard sur Phuket dans les lueurs du crépuscule quand un python réticulé de la taille d'un tronc d'arbre déboula à la vitesse de la lumière sur la quatre voies. On n'en croyait pas nos yeux, nous n'étions qu'à seulement quelques mètres de lui, il faisait la taille de deux anacondas à lui tout seul, j'ai appris par la suite que c'était le plus grand serpent au monde, le seul à pouvoir atteindre les dix mètres de long. Vu sa taille, je n'ose même pas imaginer ce qu'il en est de son petit déjeuner. Il est reparti comme il était venu, à fond de train après un break rapide dans la civilisation au milieu des autos. La nostalgie de la haute foret l'a soudainement étranglé, il n'en revenait pas de débarquer dans une telle jungle.
Saviez-vous que 90% des besoins de l'industrie pharmaceutique mondiale en venin de serpent sont achetés en Thaïlande ? Ça parle, non ?! Pas question de vous effrayer pour autant, les accidents de la route figurent parmi les premiers dangers… et ils ne sont pas tous provoqués par l'irruption sur le macadam d'un python réticulé, sachez-le !

Dites, à 5 numéros près, j'ai failli gagner à l'euro loto… pour une fois que je jouais, je n'ai pas eu la même chance que devant le cobra royal… c'est déjà pas si mal, non ?!

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

TOUT SEUL... OU PRESQUE

Je n'ai pas appris à vivre en famille… Né pendant les trente glorieuses dans un grand réseau urbain, issu d'un noyau familial éclaté comme tant d'autres, j'ai grandi par moi-même dans le feu de la cité, au hasard des atmosphères, au hasard des galères…
La littérature m'a donné son sein très tôt afin que je survive dans ce monde de dingues, l'exploration de l'âme humaine, elle a été ma mère. Cependant, je n'ai pu m'empêcher de faire les quatre cent coups, école de la rue oblige, sans pour autant devenir un mauvais garçon.
Mon père m'a insufflé cet esprit d'honnêteté, très tôt, on ne gagne pas sa vie en volant l'argent des autres, quitte à rester pauvre. Lui, il a perdu sa vie à force de boulot, un vrai labeur ! Je ne le voyais presque jamais tellement il désirait accéder au bien-être pour sa progéniture, sa vie à lui ne comptait pas, j'ai compris ça depuis que j'ai un enfant, la petite Nina, sauf qu'il est hors de question que je reproduise le même schéma exactement, je préfère davantage passer du temps avec ma fille plutôt que de la garnir à ce point d'un hypothétique panier gourmand sur mon lit de mort… La preuve : mon père ne m'a rien laissé malgré tous ses efforts pour adoucir ma vie, une fois, lui, trépassé. Il a œuvré sa vie entière, quitte à se tuer, pour que j'accède à une vie meilleure avec mon frère. Je n'ai pas hérité de deux balles, pour ainsi dire, lors de son dernier souffle, même si son héritage fut énorme en dehors de toute vénalité, il s'était juste trompé sur la teneur de l'héritage, obsédé qu'il était par les valeurs sonnantes et trébuchantes, seules capables d'émanciper les siens dans ce monde de dingues, qu'il pensait. Je continue à croire, à son exemple, que le monde est un cauchemar sans tune, bien-sûr, sauf qu'on ne peut sacrifier tout son temps pour ce seul élément, la vie n'est pas ainsi faite malgré tous les clichés, heureusement !
C'est pourquoi je continue de croire qu'il serait fou d'extrapoler sur le fric seulement, sans nous interdire pour autant d'en gagner, bien-sûr, l'argent est un bon serviteur mais un mauvais maître, je veux juste dire que l'enjeu n'est pas vraiment là, la course aux euros, y a mieux à faire que de perdre sa vie uniquement à la gagner tellement il y a de champs, dans l'existence, à découvrir… sauf quand il s'agit de nourrir les siens dans l'urgence, évidemment. Ce qui me fait penser que nous vivons dans un état d'urgence, aujourd'hui, non ?!...
Bref, je ne ferai vraisemblablement pas mieux que mon père dans le domaine financier, ma fille ne sera pas riche sur mon lit de mort, j'ai trop passé de temps à humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliés… à vagabonder en ce monde afin de rencontrer le genre humain en son entier, je voulais embrasser l'humanité… à courtiser les muses au hasard des instants… à vivre aujourd'hui malgré demain… a continuer mon chemin malgré tous ces putains de refrains… à vivre par moi-même plutôt que sous tutelle et par dérogation… à quêter le miracle au quotidien… à rencontrer mon prochain, qu'il soit un enfant de la Grèce comme moi, fils d'Homère et de Socrate, ou bien enfant du large sur le domaine des génies tout au fond de l'Asie entre Ramayana, Nina et Rochana, mon panthéon à moi dans les jardins du Siam, la seule couronne qu'on me donne dans cette immense misère, mon joker a moi au milieu de toute cette zone… un vrai miracle, je vous le dis !...
Un air de mélancolie qui passe sur un air de mousson… un spleen sous le regard des anges… et un ballet de lucioles dans la nuit de l'ile… Y a pas à dire, on a vu pire !... Sauf que je fais comment, moi, pour imbiber toutes les lueurs du crépuscule dans le silence des dieux, hein ?!... Je me contente d'errer sous la voûte, encore étonné que des êtres magnifiques m'accompagnent, ma fille et ma femme pour l'essentiel, et rêve tout éveillé de cette vie qui est aujourd'hui mienne… j'en suis tout émoustillé… je n'arrive point a me défaire de cet air de gaieté, cet air insolent qui trône sur mon visage malgré la crise… vous m'en voyez désolé… le bonheur nous rattrape quelquefois à tire d'aile… chienne de vie !... malgré tous nos efforts à nager quelquefois en sens contraire…
Je ne sais ce que l'avenir nous réserve et ne veux en aucun cas le savoir, je me contrefous des prophéties, elles nous empoisonnent l'esprit, y a pas besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour comprendre que le pire est forcément devant, c'est inhérent à notre condition malgré quelques instants de grâce… « Dis, papa, c'est pour quand le prochain tsunami ? » C'est peut-être bien pour aujourd'hui, ma fille... Font chier ces mioches !

C'est pas gagné tout ça, hein ?!... Des histoires de dingues, oui !... Toujours est-il que les êtres qui m'accompagnent un tant soit peu, ceux qui comptent au milieu de la foule, je préfère les aimer ne serait-ce qu'un peu de leur vivant plutôt que beaucoup après leur mort si jamais… Les vivants occupent davantage mon temps que les morts, il est très facile d'inverser cet axiome, il en est pour beaucoup ainsi. … chut !... c'est la fête des morts, juste après le festival végétarien, une véritable boucherie, oui !

Carpe Diem

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

AU COMMENCEMENT ETAIT LE VERBE...

Entre bouleversement climatique, conflits, catastrophe nucléaire, famines et récession économique, l'avenir se dessine à l'échelle de la planète avec mille et une grimaces. Notre horizon se charge de noires atmosphères et nos sourires se fanent à l'approche de ce décor apocalyptique.

Des mutations de plus en plus rapides déferlent sur le vieux monde et transcendent notre quotidien au point de nous donner quelque vertige. La mauvaise santé de l'industrie du tourisme conjuguée aux considérations bien légitimes des budgets en crise viennent saper tous les espoirs de la civilisation des loisirs désormais malade.

Pourtant, il est urgent de se ressourcer et l'aube des grandes dépressions amène quelquefois un renouveau culturel loin du miasme de ces ébats financiers qui défrayent la chronique et l'actualité.

Il est donc temps de « cultiver son jardin », de penser à nous, sans pour cela oublier toute notion de solidarité, bien le contraire, et de rouvrir quelques bouquins afin d'oser un autre chemin capable de nous libérer un tant soit peu de ces valeurs marchandes qui envahissent notre espace.

Le monde est vénal, certes, et les préoccupations sonnantes et trébuchantes sont constantes dans nos foyers, c'est pourquoi il nous faut dépasser cet état de fait pour retrouver une santé mentale digne de nos aspirations, de notre identité. Pas facile mais impératif, ce fameux adage latin, Carpe Diem (Profite du jour présent), doit entrer dans nos vies afin de tendre vers une félicité, seul remède pour mettre à bas tous ces cancers qui nous assaillent de toute part, syndromes de la modernité.

Polémiques, joutes verbales et débats participent à cet élan, il est temps de se réapproprier la parole, les mots, et de les faire exister comme jamais. Ils sont les garants de notre survie et de notre équilibre, ils sont l'expression de tout sentiment dans ses moindres nuances et n'appartiennent aucunement à l'univers des spécialistes et autres rhétoriciens. Ils sont nôtres, héritage vivant de la civilisation, et constituent l'essentiel de notre patrimoine.

« Au commencement était le verbe… » (Saint Jean)

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

C'EST DU LOURD

La mousson se la joue grande dame, aujourd'hui, elle nous inonde avec générosité, elle nous submerge, les crapauds-buffles la ramènent comme jamais, c'est la fête aux reptiles, aux batraciens, c'est le délire des amphibiens. Les moustiques prolifèrent à qui mieux mieux, il en nait mille à chaque souffle, c'est la saison des amours. Malaria, dengue et chicoungougna s'invitent dans l'arène, y en a pour tous les gouts, toutes les couleurs.
A peine un pote vient de trépasser qu'un copain m'appelle pour me dire que son enfant est né, la ronde des mystères, le ballet de la vie, la mémoire seule reste pour nous transcender jusqu'au bout de la nuit. Entre vivants et fantômes, j'ose un pas dans le silence des dieux, je montre le bout de mon nez à la face du monde, moitié Cyrano moitié Pinocchio.
Nous cheminons ainsi tout du long entre gaieté et tsunami sur la terre des volcans, notre monde est un bateau ivre.
Perdus dans l'immensité sous le regard des anges, nous zonons sous la voûte en quête de grâce et d'identité, hagard et bouche-bée. Ecrasés de ténèbres, soufflés par les atmosphères, « des soleils morts apparaissent au bout du vide que nous scrutons comme des damnés ». Hébétés de lumière à l'approche des feux-follets, nous survivons grâce au ballet des lucioles. Le chant des grillons est là, aussi, pour nous libérer, c'est l'heure des vérités.
Vous remarquerez, en passant, que lucioles, cigales et grillons constituent l'essentiel de mon panthéon. En revanche, j'ai beaucoup plus de mal avec ces salopes de fourmis malgré tous les efforts du monde, c'est con. Je suis pourtant né dans ce monde de fourmis et autres cafards, mais j'arrive pas à m'y faire, je suis trop léger, faut croire, trop fainéant, plus oisif encore que le crapaud disait l'ami Rimbaud, d'où ma sympathie naturelle pour la cigale, il faut de tout pour faire un monde.
Entre le dévot, le facho et Mr Prudhomme, c'est pas gagné, la nuance est vite éludée. Sous couvert de bien-commun, on assassine n'importe qui aujourd'hui, du moment que le thème est porteur, il faut bien sauver l'humanité. Les exemples sont criants dans l'actualité malgré quelques élans de liberté vite avortés, les temps de crise amplifient le bruit des bottes. Le stakhanovisme renaît, l'inquisition aussi, c'est dans pas très loin, il parait, c'est Madame Soleil qui me l'a balancée, l'info, un gros tuyau, ça pèse !
Dites, entre nous, finalement, la cigale, c'est pas si mal. Quoique le grillon, c'est du lourd aussi, non ?!

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LA PERLE DU MOIS !

Je feuillette la presse francophone de l'île, ce matin, à Phuket, j'ai quelques minutes à perdre avant d'aller bosser…
Je me penche particulièrement sur le dossier du « Paris-Phuket », ce mois-ci, « l'Islam en Thaïlande ». Sujet intéressant, certes, mais complexe. Pour une fois qu'on nous éclaire sur un thème dont peu maîtrisent la connaissance, on ne va pas se plaindre, je me réjouis déjà et en commence la lecture…
Oh putain ! Ça va pas le faire ! Comment ont-ils osés écrire de telles âneries, tout est faux dès les premiers mots. Ils n'ont même pas pris le temps d'ouvrir un bouquin sérieux sur le sujet. Des contre-vérités comme s'il en pleuvait, des erreurs historiques en-veux-tu-en-voilà, des regards tendancieux comme il n'en faut plus jamais, on frôle la mauvaise farce en parcourant ces lignes.
Je plains tous ces immenses chercheurs ayant passé, voire consacré, des décennies pour nous faire profiter de leurs lumières afin que l'on ne soit plus jamais à ce point dévoré par l'ignorance. A quoi auront servi tous les fruits de ces longues recherches ?... Je pense à Pierre Leroux, Jean-Louis Chopin (chercheurs sur l'islam en Thaïlande depuis si longtemps) et bien d'autres encore auxquels la rédactrice du Paris-Phuket ne fait point référence. Ils auront ignoré tous ces brillants travaux, préférant nous perdre dans un bavardage historico-généraliste chiant digne d'un copier/coller.
Ils nous prennent pour des cons, pour des demeurés capables d'avaler n'importe quelle baliverne ou sornette. Ils s'intronisent spécialistes sur l'autel de leur ignorance au risque de bafouer la communauté musulmane du royaume elle-même, pourtant le sujet du moment. Je n'aimerais pas être Musulman Thaï en lisant tout cela, ça ne me plairait pas qu'on élude d'entrée plus de la moitié de ma communauté à la clé. « Ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais point qu'on te fasse ! », une maxime à méditer afin d'élargir le champ de la tolérance et de la Culture.

Je ne vais point énumérer toutes les erreurs énoncées, ou ne serait-ce que discuter les angles de vue choisis par les rédacteurs, juste la présentation du dossier dans le premier paragraphe suffira afin de démystifier ne serait-ce que les premières lignes… et puis, peut-être, une ou deux considérations en chemin afin de définitivement tirer une ou deux choses au clair.
Tout d'abord, il n'y pas 3,9 millions de Musulmans en Thaïlande, comme c'est écrit dans ce dossier, mais près de 8 millions, la différence est de taille ! Il y en avait 7,6 millions, il y a déjà plus de dix ans tel que le révèlent les travaux les plus sérieux réalisés sur ce sujet. Les autorités thaïlandaises l'admettent volontiers elles-aussi par le biais de leur ministre. Ce n'est donc pas 5,9% de la population mais un peu plus de 12%, ce qui change o combien la donne.
Ensuite, la question posée par la rédactrice est : « Mais comment sont-ils arrivés là ? » Alors que la véritable question est : Comment l'islam est arrivé ici ?
Les Musulmans de Thaïlande ne sont arrivés de nulle part, pour la plupart, l'immense majorité d'entre eux sont des locaux convertis à l'islam dès le XIVème siècle intégrés dans le royaume au fur et à mesure de ses extrapolations territoriales. Islam amené dans ces contrées par des marchands Maures, et non pas des soldats comme on l'a malheureusement vu lors des premiers échanges avec la chrétienté à partir du XVIème siècle, ici, en Asie. La parenthèse historique de la seconde ambassade envoyée au Siam par Louis XIV au XVIIème (1687) en est un fâcheux exemple. A cette époque, le bras armé du missionnaire n'était autre que l'appareil d'état (le soldat) de nos monarchies chrétiennes d'Europe. La tolérance n'était pas née. Le prosélytisme violent de nos ancêtres ne nous grandit en rien sur ce thème de la religion. C'est un premier point.
De deux, la gentille dame (la rédactrice) nous présente un groupe mineur de Musulmans arrivés au Siam de Perse, entre autres, à l'époque de Sukhothai au XIVème, alors que le Royaume de Siam s'est constitué au milieu du XIIIème, à peine un siècle auparavant.
C'est un peu comme si l'on parlait d'une part de la population aujourd'hui française arrivée dans l'hexagone au temps de Clovis ou de Charlemagne, pour vous faire la comparaison, ça parle, non ?!
C'est sympa pour l'analyse historique certes, mais je ne l'ai pas ainsi décrypté dans le ton de l'article, sans paranoïa aucune pourtant, je ne suis pas musulman. J'ai davantage remarqué un relent tendancieux qui apparait dans tout le dossier, un regard non-objectif sur la réalité de l'islam en Thaïlande. En vérité, un parti pris mais mal pris. C'est dommage !

Les gentils rédacteurs du dossier du mois (combien sont-ils ? mystère !) nous apprennent donc, dans un flou artistique certain, que les Malais (l'immense majorité des Musulmans de Thaïlande, vivant essentiellement dans l'Isthme de Kra) ont débarqué dans le royaume a un moment donné, si tenté que cela soit vrai. Elle se croit dans l'empire romain au moment des invasions barbares ou quoi ?! Je lui conseille d'aller feuilleter un bouquin de Boulbet décrivant les principaux groupes qui composent le peuple thaï. Elle s'apercevra ainsi que le courant Malais-Thaï en constitue un large bout (ce qu'elle avoue par la suite, cela dit). On parle ici d'ethnologie, non pas d'invasion malaise digne d'un film hollywoodien, comme cela le sous-tend en raccourci dans l'article. Ça fait pitié !
Sinon, je n'ai à peu près rien appris sur les Musulmans de Thaïlande (pourtant si particuliers !) après la lecture de ce dossier. C'est encore dommage !
J'aurais apprécié qu'on laisse plus volontiers les religieux de coté, et qu'on me parle davantage de la communauté musulmane elle-même puisque nous vivons avec eux, c'est mon cas en l'occurrence. Je vis à Rawai, pas très loin d'une mosquée, l'imam est le seul d'entre eux que je ne vois à peu près jamais alors que je me réveille avant le chant du muezzin.

La fin du dossier est édifiante ! Que vient faire ce Français converti dans une mosquée pakistanaise en Thaïlande dans les ruelles de Pattaya ?! Pour un scoop, c'est un scoop ! Sauf que je ne vois pas très bien pourquoi il ramène sa fraise, celui-là, dans une présentation de l'islam en Thaïlande. Si jamais vous pouvez faire avancer le schmilblick, appelez de suite, parce que moi, je n'y entrave que couic !

Consolez-vous tout de même, les deux premières pages du magazine sont de moi, en guise d'éditorial, elles sont arrivées là (sur le Paris-Phuket) par un concours de circonstances, un quiproquo, c'est ainsi et c'est pas grave, ce fut négocié d'un commun accord. Lisez, c'est de la balle !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 DEMENAGEMENT

Sinon, j'ai changé de maison, il y a un ou deux mois, de style inconnu ?! Et des bacs à la con avec des poissons dedans… des arbres tout autour, des bouquets de palmiers, des oiseaux en farandole… et puis, la nuit, le royaume des grillons, il parait, sauf qu'en ce moment, c'est la mousson où les grenouilles ont l'avantage du nombre et inondent tout l'espace de leurs croassements sonores, des rassemblements gigantesques, des manifs du tonnerre, des congrégations de crapauds qui, attirés par la fraternité du lieu, rappliquent de tout coté… un opéra, je vous dis !... des concours de chants à n'en plus finir, des mélodies de timbres à vous évanouir, à qui mieux mieux !… un bordel immense à déchirer le ciel ! Des vocalises en délire, des extases à la pelle !… Bref, le panthéon des grenouilles,crapauds et autres batraciens, leur Cote d'Azur à eux, leur colonie de vacances en somme… un endroit charmant.

Puis, le soir, au crépuscule, sur la terrasse, la magie opère… extraordinaire ! Le coucher de soleil !!... Les moustiques aussi d'ailleurs, de partout qu'ils arrivent, en bataillons, escadres, la grande armée qu'ils déplacent, la guerre mondiale qu'ils déclenchent… Inimaginable!... En doudoune qu'il faut se le mater, le Sunset ! Ou mieux encore, en combinaison de survie, c'est pas géant pour prendre le frais, forcément, c'est étanche, mais question moustique, ça marche. Ou bien tu avales deux bouteilles de rhum, cul sec, et il parait que tu les sens plus les moustiques et que tu peux te le faire peinard, le coucher de soleil, « Que tu les en…. les moustiques…avec deux bouteilles de rhum dans la gueule ! » C'est mon voisin qui m'a dit ça, il est Norvégien. Il est là depuis longtemps, il a découvert le truc au début, il y a des années... C'est un fana du Sunset, il ne rate pas un crépuscule… après, il dort à la belle étoile, jusqu'à l'aube. C'est un lyrique.

Derrière, c'est un Français. Un marin en quête de boulot, de bateau. Un fortiche de la voile qui compte plusieurs traversées en solitaire à son actif. Certains disent qu'il a trop passé de temps à parler aux oiseaux. Moi, je crois qu'il a trop mangé d'omelettes aux champignons magiques, oui ! Quoiqu'il en soit, ça lui donne un coté mystérieux, un genre. Il a le regard un peu perché, certes, un peu inquiet, un peu dans la lune… mais il n'a pas l'air méchant. Il a juste la pupille de l'œil exceptionnellement dilatée, comme une chouette. De trop près, parfois, ça fout les jetons. Ce n'est pas un mauvais garçon, juste un autre fada qui rentre dans la ronde, un autre funambule sur le fil des tropiques… Le truc plaisant, c'est que le bonhomme n'est pas vraiment bourré de certitudes. Il n'est pas là, à vous déballer un océan de sottises, avec un air important à la clé… tellement occupé à mater l'araignée collée au plafond. Un brave type, cela dit.

Vous savez quoi ? Je vais pas tout de suite adhérer à l'amicale du quartier, je vais attendre un peu, je vais me laisser aller au plaisir des rencontres, hein ?! Putain ! Et l'autre qui m'invite pour ses noces d'argent ou de diamant, va savoir ? C'est un hôpital psychiatrique que cette cité, c'est le refuge des désespérés, l'asile des traumatisés, je commence à comprendre pourquoi la nana de l'agence était tellement sexy, elle espérait me refiler le cadeau sans garantie, chienne de vie !

Non, je le crois pas, c'est quoi encore ? La veuve et l'orphelin, là ! sur mon palier ! Il parait qu'il faut donner pour le culte, pour le denier, il parait qu'il faut banquer, je m'exécute sans rechigner.

Non ?! Les pompiers maintenant ! L'almanach de la nouvelle année ! Ils sont en avance cette année, ils traînent pas des fois qu'on se déciderait à rendre l'âme, à trépasser, le gars me propose d'acheter l'histoire pour une décennie, il m'en file onze pour le prix. C'est honnête, je lui dis oui. Je lui souhaite bonne chance, il me promet l'apocalypse, les gémonies. Contrairement à ce que l'on croit, le client n'est plus roi aujourd'hui.
Prenant mes aises dans ce cauchemar ambulant, je remarque un truc toutefois, mille et un clébards enragés veillent au grain aux portes de la cité, et moi qui n'ai même pas un poisson rouge pour me protéger. C'est pas le chemin de la fraternité que mon nouveau quartier pourtant si épris de modernité, il y règne une atmosphère de nouveau monde, un air de progrès… c'est pas gagné !

J'ai fait des recherches sur le nom du soï (de la rue en thaï), le soï des condamnés que ça s'appelle, c'est de là qu'est né le dernier foyer de peste bubonique au siècle dernier. Le bal des fantômes, quoi ! Putain, il m'a pas dit ça le vendeur de timeshare, il m'a juste dit que Lady Gaga était passée là.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 ECHAPPEE BELLE

Je glisse sur l'asphalte dans la nuit du Siam, des lambeaux de mousson déchirent le firmament, un spectacle inouï imbibe mes pupilles sous la pleine lune, un paysage fantasmagorique défile sur cet écran géant parsemé de pitons calcaires, les monolithes karstiques emplissent ce colossal espace. La genèse et puis l'apocalypse, tout passe en un éclair de seconde sous la voûte, c'est Hollywood puissance mille.

Un parterre d'étoiles ouvre ma route, des bouquets de palmes gigantesques surgissent d'un théâtre d'ombre ramayanesque, c'est du lourd. Une jungle en délire s'érige entre ciel et terre, je vous dis pas les bestioles qui vivent dedans, c'est pas le moment d'avoir une panne, Krabi 50. A fond les ballons, la petite musique qui le fait bien dans le cockpit de ma bagnole centenaire, j'ai l'impression de franchir le mur du son, compteur 50.
Un serpent gros comme un tronc d'arbre déboule à la vitesse de la lumière, il me double sans prévenir, je suis la risée de la haute forêt, les singes se moquent, la moindre tortue me laisse sur place. J'appuie sur le champignon avant que les félins ne débarquent et file telle la foudre dans ce zoo à ciel ouvert, compteur bloqué, 60.
Un barrage ! Trois pachydermes en plein meeting sur la route de la jungle, j'en entends ricaner quelques-uns, non ils ne sont pas roses, trois évadés d'une plantation de retour sur la terre sacrée, mon beau ficus roi des forets, je viens de tomber sur le sanctuaire des mammouths, ça pèse. Je fais pas le malin avec ma coccinelle de voiture, je file doux et trace ma route, chacun son chemin.
Putain, c'est quoi encore ? Je le crois pas ! Un auto-stoppeur, ici, en pleine nuit sur le domaine des génies ! Heureusement que la signalisation veille au grain sur les routes en Thaïlande, un panneau, quelque peu avant, averti de la chose : Attention Fantôme ! Chez nous, en Occident, c'est pas tant les fantômes qui nous inquiètent, on focalise ailleurs, c'est plutôt les radars le problème, ils sont davantage susceptibles encore, ils rigolent jamais, eux. Va donc pour les fantômes, c'est plus fun.
Un truc me chiffonne toutefois, Krabi 50, se pourrait-il que je tourne en rond depuis des heures ? Et pas de pompe à essence à l'horizon, pas la moindre lumière. Ca y est, l'orage s'annonce, l'écho du tonnerre fracasse tout l'espace, le vent se la joue furie, des chutes d'eau dignes de l'apocalypse, des cataractes, le déluge. Manquait plus que ça, rideau, on va tous se noyer, sauf que je suis tout seul ici-bas, pas un signe d'humanité. Les sangsues cernent la bagnole, y en a de partout, des nids, des farandoles. L'atmosphère se gâte, ça rapplique de tout coté, tous les habitants de la haute forêt, des intrigues se nouent, je deviens le centre de tout intérêt, la panique me submerge, je flippe comme jamais, serait-ce moi le déjeuner ?!
Je me réveille, je suis dans mon lit, peinard, a Rawai, ce n'était qu'un cauchemar, un keriodoxa s'épanouit à ma fenêtre, un bouquet de palmes baigne dans l'azur. Cette île est resplendissante, elle me fascine toujours encore malgré ses autos en surnombre, malgré son urbanisation galopante. Je fais corps avec cette terre, respire ses essences, hume le parfum des rivages et libère mon spleen dans cette atmosphère. Curieux de sa nature, de son histoire, de sa culture, je compose avec ce monde cosmopolite d'hier et d'aujourd'hui, je colle à ces mélanges, j'improvise mon quotidien avec les miens au milieu de tous, humble nomade en quête de grâce et de paix.
Cette île m'a enchanté, entre foret primaire et station balnéaire, j'ai trouvé mon palais. Une dryade (nymphe des forêts) est venue me visiter et m'a ouvert ses jardins secrets, je me suis finalement sédentarisé. Balaises, ces petites fleurs, non ?!

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 SALUT BONHOMME

Pascal nous a quittés. Il n'avait pas mis le casque. Il avait pourtant la tête dure, un héritage du Sud-ouest de la France entre Pyrénées et Dordogne. Un temps attiré par la route des Cathares, puis celle des Indes, il poussa plus loin jusqu'à se retrouver ici, comme nous tous, à Phuket. Il avait élu Rawai, ce rivage légendaire, afin d'installer sa tropicale chaumière. Une institution à vrai dire, c'était notre bar, notre cantine et plus encore, c'était notre rendez-vous quotidien, notre messe, le pain et le vin. Il était la réincarnation de notre bon roi Henri dans la version poule au pot ou bien même couscous et autres confits. Sa table gargantuesque accueillait les plus gourmands en quête de ces accents qui composent le monde culinaire jusque dans notre palais.
Pascal nous a quittés. Allez savoir ce qui lui est passé par la tête, peut-être a-t-il voulu éviter un véhicule venant en face, peut-être a-t-il bu le dernier verre qui fait la différence, on ne saura jamais, quelle importance. Il rentrait juste peinard chez lui, sa dernière course jusqu'au bout de la nuit. Que dire, quoi ajouter si ce n'est qu'il va nous manquer. On fait comment, nous, maintenant, pour remplacer la table ronde ?
Entre Brassens (les copains d'abord) et Rabelais (Pantagruel en est une clé), nous perdons un ami certes, mais aussi un messager du bon-vivre, un mage épicurien, un chantre libertaire. Sa guinguette fut bien plus qu'un resto, c'était le village d'Astérix recomposé, le bateau ivre d'Arthur Rimbaud, la tribune de la communauté où rires et débats s'épanouissaient, j'en entends encore l'écho, c'était tous les soirs le bouquet.
Pascal nous a quittés. C'est bien le plus mauvais plan qu'il nous ait fait, le seul plat qu'on ne digère pas. On est tous orphelins désormais. Errant entre lune et soleil sur le rivage au hasard des marées, je pense à lui et lui rend hommage. On a perdu un copain, Rawai ne sera plus jamais pareil.
Je fais quoi, moi, maintenant?! Avec qui je bois ma bière, en aparté, sous le regard des anges dans le silence des dieux ?! Y as-tu seulement pensé ? Saches que si, un jour, l'envie te prend de réapparaitre, de renaitre, nous serons tous là à t'acclamer, à tout partager… tu vas nous manquer !
Je te salue mon frère !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 HOLLANDE PRESIDENT

Ca y est, nous avons un nouveau président, François Hollande qu'il s'appelle, c'est pas zarbi, ça, pour un Français d'avoir pour nom Hollande, un truc à signaler à la cellule FIN de Rawai mais lequel avertir, ils sont si nombreux, ils ont fait 99% aux élections, ici, ils cherchent activement le centième pour le lyncher, j'ose pas dire que c'est moi alors j'ai balancé mon voisin, un Norvégien, je leur ai dit qu'il a un passeport français, un buste de Jaurès dans son salon, et toute la collection de Zola dans sa bibliothèque, il déclame des poèmes de Victor Hugo, le matin, en se levant. Ni une ni deux, ils ont brûlé sa maison, ils ont même empalé le chien, Dindon qu'il s'appelait, brave clébard certes, mais un peu con aussi, il a bouffé trois fois son maître qui voulait juste rentrer dormir peinard chez lui, Dindon ne l'a pas reconnu, il n'avait plus de flair. Faut dire qu'il était presque centenaire, le clebs, un dingo australien, je crois, une race chelou, hyper parano sur le kangourou, un syndrome inouï, il se croyait chez lui en Australie, le cabot, il a pris le proprio pour le dernier des voleurs, pour le yéti, il a bouffé Ali Baba dans sa propre caverne, dans son lit. Le meilleur ami de l'homme qu'on dit. Sale bête, oui.
Hollande président. Il a plutôt l'air sympa, le mec, on dirait qu'il met moins d'ego dans l'histoire, moins de cinéma que bien d'autres, il me semble davantage concerné par sa fonction plutôt que par son aura, l'avenir nous le dira. J'ose croire que cet humaniste marquera son époque, plantera sa griffe dans l'air du temps.
Hollande président. Son air bonhomme est plutôt un gage de confiance, dans son physique apparaît un coté rabelaisien qui me plait, un air d'été, entre le temps des cerises et les congés payés. Plus proche de nous que ces prédécesseurs, vraisemblablement, plus humble également, il promet la transparence, ce qui n'a jamais été la caractéristique de cette fonction, un flou artistique a toujours régné quant à de nombreux intrigues, magouilles et secrets entourant cette demeure qu'on nomme l'Elysée.
Hollande président. Il veut même rester vivre chez lui, le temps de son mandat, il refuse d'habiter au palais, du jamais vu chez les élites. Vous me direz, tant que l'épicier te livre quelques caisses de beaujolais à domicile afin de survivre à l'hiver malgré la crise, ça devrait le faire. Néanmoins, la cave de l'Elysée doit être géante, voire inouïe, t'as pas assez de temps pour la vider, cinq ans, c'est pas assez. C'est pour ça qu'ils ont l'air tous bourrés, c'est pas de la piquette qu'ils écument, c'est du lourd, la meilleure cave de France, je vous dis. Quoi ? on peut rêver, non ?! Un ancien ministre me confirmait hors micro, pour y avoir souvent goûté au goulot dans les beaux salons dorés, le poivrot, je cite ses mots : « C'est pas des bouteilles de PD, c'est de la balle, le machin, quand t'es ministre, c'est carrément la barrique, le tonneau, c'est du lourd. » Et vous savez tous que je ne mens jamais, je ne romance aucunement, hein ?!
Hollande président. Moi, ce type me plait, je l'ai écouté comme vous tous, il ne saurait faire pire que les autres, je lui souhaite bonne chance, il fera son possible sans écraser la misère, c'est sûr, il porte en lui une espérance. Cependant, je ne crois pas que les politiques pèsent autant, aujourd'hui, dans notre univers, la finance a pris le relais dans ce monde vénal.
Bon, je sais pas vous mais, moi, je vais soigner mes fièvres, la dengue encore, à moins que ce ne soit la malaria. Putain, c'est pas gagné. Font chier ces moustiques.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 BONJOUR PRESIDENT

Un nouveau président, il parait, non pas le camembert, bien sûr, mais celui de la république. Y en a, c'est des rois, y en a d'autres, c'est des présidents, c'est ainsi, nous, c'est des présidents. Y a même des roi-présidents, c'est pour dire, c'est plus rare mais y en a, en Corée du Nord, je crois, faut voir ce qu'ils en chient aussi, c'est déjà pas gagné avec un président, alors les deux à la fois, c'est du lourd.
J'arrive même pas à être le président de chez moi, bon dernier de l'histoire, ma fille et ma femme passent avant, d'autorité, c'est elles qui l'ont imposé, alors président de la république, vous imaginez, hein?! Moi, non. D'un autre côté, président, ça n'a jamais été vraiment ma tasse de thé, une seule fois, je crois me souvenir, président des élèves, une année, un vrai bordel au lycée, ils n'ont pas voulu renouveler l'affaire, trop risqué. Alors j'ai viré anachorète, j'ai revendu mon costume de scène au rabais et me suis mis en quête d'une grotte, n'est pas ermite qui veut. J'ai demandé à tous les allumés qui passaient là, adeptes de Shiva ou bien de Bob Marley, les deux écoles de l'époque, s'ils ne connaissaient point une caverne pour l'été, l'hiver bonjour. Ils m'ont gentiment recommandé quelques granges a hippies en Ariège dans les Pyrénées, c'est là-bas qu'ils se fournissaient, c'est là-bas que ça poussait. Les illuminés, ça foisonnait, qu'ils disaient, des Jésus et des Bouddhas comme s'il en pleuvait, y avait même des Krijnahs et autres ninjas, un genre nouveau qui essayait de tirer la couverture à soi, des jaloux.
Ni une ni deux, je file là-bas pour me ressourcer auprès de dame nature, à portée de Bernadette Soubirous, dans une grotte voisine, mais l'histoire fut toute autre, ils avaient déjà inventé les raves-party, les hippies, c'était l'année de l'ecstasy. J'ai pas pu terminer ma licence d'anachorète, j'ai dû redoubler, j'étais pas concentré. Font chier ces babas, ils m'ont bousillé mes études, au moins autant que les blaireaux, un savant mélange à vrai dire, on sortait à peine des années-banania.
Du coup, j'en ai pas foutu lourd, au rythme où ça partait, ma carrière était déjà niquée. Je me suis laissé emporter par les atmosphères, j'ai pas été pleurer ma mère, le coté littéraire. Sur la route, quoi. J'ai rien demandé à personne, même pas aux miens des fois qu'il faudrait leur rendre, ils n'avaient déjà pas grand-chose, je me voyais mal leur taper leurs deux balles d'économie pour aller me taper la cloche jusqu'à la lie, y en aurait eu pour des générations que de cette folie, des culpabilités en wagons, de pugilat, des tonnes et des camions, mille ans après, ils en auraient parlé encore : “Le petit batard, il a jamais rendu le blé!”. J'ai préfère m'arracher désargenté, j'ai croisé mon père qui partait bosser, sur le palier, je lui ai dit que je partais humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliés. Vaste programme a-t-il confirmé, il m'a demandé si j'avais pas croisé Ulysse, notre vieux boxer irlandais handicapé, un chien perdu qui nous avait trouvé, une race unique, il n'en avait sorti qu'un exemplaire, la mode n'a pas suivi, Ulysse est tombé dans l'oubli. Il devenait fou à chaque fois que Babouche passait, le chat du voisin, un sacré de Birmanie, s'il vous plait, la star du quartier, il faisait le malin devant Ulysse qui n'avait que trois jambes pour le courser, une putain d'aventure, c'était jamais gagné.
Je suis donc parti, une petite cigale passait, elle m'a pris la main et m'a dit viens, comme dans le début de “la mémoire des vaincus” de Michel Ragon, quand Flora prend la main de Fred : “Allez viens, on va faire la vie…” à chacun ses héros. Un accent de Rimbaud dans la pupille et vogue le bateau ivre jusqu'au bout de la nuit. Président, je laissais tomber, trop compliqué, un dur métier. Je me destinais vers des horizons plus secrets, les foules n'auraient pas marché, c'était d'avance joué. Clown, peut-être, mais pas président, ça l'aurait pas fait. Je suis donc allé courtiser les muses, l'ambiance était plus détendue, aucune tenue exigée, peinard à souhait. Je vous rassure, y avait pas grand monde, j'étais le seul pour ainsi dire, on avait droit à cinq mille kilomètres de rivages oubliés chacun, pour le coup, afin de trouver le spleen au milieu des mangroves, bonjour les moustiques. J'en ai ramené une folle dengue dans mes bagages, un morceau de fièvre à faire chuter un pachyderme. J'ai passé des heures à côtoyer les anges, des jours et des nuits. Des meetings avec Jésus, avec Bouddha, j'en ai eu cent dans mes délires paludéens, je suis même entré sur le domaine des génies, c'est Boulbet, le con, qui m'a embrouillé, « som nam na » qu'il disait, il faisait le malin avec son palud.
Dites, j'ai fait une rechute les deux dernières semaines, la dengue encore, j'ai pas bien suivi les élections, il parait que Boulbet s'est présenté, j'en étais sûr, il est balaise Tabé !
Je sais pas vous mais, moi, j'ai une montée de fièvre, une crête, un sommet, je crois bien que je vais m'allonger, font chier tous ces fantômes avec leurs caprices, leurs voluptés, vivement que je trépasse afin de survivre à l'histoire. Dites, c'est qui le président ?

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 EPHEMERE

J'ai les doigts qui me démangent, un air de Clapton qui passe et mille et un guitaristes se joignent à l'histoire afin de tabasser le bœuf, de taper le bœuf voulais-je dire, un excès d'enthousiasme m'a un moment égaré, un machin à se mettre toutes les associations pour défense des animaux à dos à tout jamais, sur un simple lapsus, alors que je me lamentais pour une guitare, je voulais juste donner ma griffe sur cette chanson légendaire, une improvisation éphémère. Le sel de la vie, quoi.
Mais j'ai plus de guitare, je l'ai vendue y a des mois pour payer l'école de ma fille, j'étais content qu'elle serve ainsi, elle me rendait alors un fier service même si mes doigts en pleurent encore.
Y a un truc géant dans l'écriture, c'est que, même si tu es de ce monde le dernier, comme aucun autre déshérité, une plume et un bout de papier te suffisent pour jeter ta sève sur la voie lactée ou bien même dans cette putain de zone qui nous entoure jusqu'au bout de la nuit, crève-la-dalle ou gavé, il te faut maintenant composer avec l'alchimie verbale, il te faut balancer ton foutre dans l'immensité. Un stylo et quelques feuillets, c'est pas cher donné.
C'est pas pour autant gagné, faut pas rêver. Le verbe, faut-il y avoir passé du temps à le cultiver, à le dompter, c'est comme un os qu'on aurait rongé par tous les bouts, jusqu'à la moelle épinière, jusqu'à ne plus s'en défaire. La schizophrénie s'en empare, elle rentre dans l'histoire, tu ne vis plus que sur un pied dans l'atmosphère, l'autre est dans l'imaginaire. Tu fais feu de tout bois afin de ne nourrir, pour ainsi dire, que cette sphère quitte à provoquer quelques feux follets.
Mais comme disait Verlaine, ce n'est que de la littérature, même si cette chienne a tendance à te rendre chèvre. Dès que les muses, la nuit venue, courent sur le rivage, voilà que ton être se transcende sous la voûte, épris de folles galopades dans l'univers émotionnel, tes neurones percutent la lumière à une vitesse dingue, c'est le bal des métamorphoses. Suive qui pourra. Ton essence qui se répand et qui se mélange au tout venant, rire et larmes atteignent leur paroxysme sans qu'une forme de lucidité ne vienne à te manquer, nuance oblige, quelqu'en soit le délire, tu vis dans la réalité, tangible ou non, les fantômes n'ont qu'à bien se tenir, ils n'ont plus seuls cette exclusivité.
Les volcans surgissent dans la nuit du monde, mille et un tsunamis déferlent sur les rivages ivres de chaos, les bateaux ne savent plus ou toucher terre, ou s'amarrer. Océan et lande, rivage et bocage viennent se mélanger, c'est la mare aux canards, la fête des batraciens. Moitié singe, moitié poisson, je surfe sur la vague entre mer et mangrove, je touche à mon identité entre brasse et grimace, moitié crabe, moitié lémurien.
Dites, vous avez vu ? On a échappé au pire, un tsunami s'est presque levé pour nous écraser, nous faire déchanter… alors, plutôt qu'un requiem, on va se la jouer carpe diem.
Font tous chier avec leur éternité.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Ô TOULOUSE !

Que dire de tout ce qui nous arrive, hein?! J'en ai le souffle coupé, presque, nous vivons des temps de grandes fractures, une époque de mutation.
Et dire que je suis Toulousain, j'en éprouve un sentiment particulier que dans la ville rose une telle folie soit possible, j'en suis tout retourné, j'en perds mon latin à vrai dire, je ne reconnais plus les miens, le serment est cassé, celui de la grande cité, celui qui nous unissait, ce petit con est venu tout polluer avec ses idées à deux balles issues, non pas de la culture musulmane, mais de la civilisation hollywoodienne, la civilisation de l'image, les scénarios à deux francs cinquante qui portent au sommet le culte de la personnalité plutôt que d'oser s'aventurer sur le domaine de la pensée, la version pathétique de l'humanité. Le genre humain est capable de tout, du pire comme du meilleur, nous venons de vivre la plus mauvaise des versions, font chier tous ces cons qui se prennent pour dieu, font chier tous ces élus épris de mission évangélique ou non, foutez-nous la paix avec vos connections divines, un fond de bon sens devrait suffire, c'est Jean Boulbet qui ne cessait de le penser, le bon sens commun lui paraissait souvent bien meilleur que toutes ces idées générées par les sauveurs de l'humanité, j'adhère à sa pensée.
Le genre humain reste partout le même, ses qualités et ses travers sont identiques où que l'on soit, les atmosphères changent, seules, un temps donné, c'est tout, les mêmes folies nous accompagnent, toujours, entre guerre et paix. Des contentieux énormes surgissent, des failles sans fin, les victimes finissent même parfois par devenir de véritables bourreaux, c'est con mais c'est ainsi, on ne se refait pas, faut croire, le genre humain a fâcheusement tendance, quelquefois, à perdre toute mémoire du fond des madrasas pakistanaises jusqu'à Mohamed Merah, et dans bien d'autres sphères toutes cultures, toute religions mélangées, qu'on se le dise. Toujours est-il que ces petits voyous épris de guerre, ces dictateurs en herbe, ne déplaceront pas des montagnes dans le domaine de la pensée, le sort qu'ils nous réservent dans leur argumentaire est bien pire que tous les autres encore, l'Histoire est pleine d'exemples sur ce thème, les bûchers abondent dans l'Histoire de l'humanité, le cimetière est leur emblème, les armes en guise de drapeaux, ils nous creusent les tombes de toute liberté.
Moi, Français, j'ai grandi avec tous, Arabes, Espagnols, Italiens ou Portugais, toutes les confessions étaient représentées, chrétiens, juifs et musulmans, j'en ai appris la richesse de la diversité, j'en ai appris la vie cosmopolite de notre monde d'aujourd'hui, mes premières fiancées sont issues de ces communautés,
Je suis né et j'ai grandi dans le même quartier que Mohamed Mehra, Nougaro aussi, les Minimes ne sont pas si loin, nous avons tous été sur les bancs de la même école, l'école de la république, elle s'appelait « Ecole Jules Ferry », c'est pas des conneries. Issus de l'immigration ou non, nous étions tous les doigts d'une même main, nous composions ensemble le quotidien, on mangeait au même plat, cassoulet, couscous ou paella, c'était le temps de l'amitié, le temps de la paix.
C'est là-bas, moi qui suis loin aujourd'hui, c'est pourtant là-bas que j'ai appris la fraternité. Je suis triste, aujourd'hui, de voir naître en ce lieu un élan contraire… Ô Toulouse !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 C'EST PAS GAGNE

La vie qui passe comme une longue course sur l'asphalte, non sur le moment certes, mais avec un certain recul; en live, c'est différent, les neurones virevoltent pour survivre à l'histoire, faut gérer la furie qui déboule à tous les étages, pas toujours le temps de philosopher sur l'instant, à vif, dans l'œil du cyclone, à fond les ballons, la démence tout azimut sur un fond surréaliste dans les affres de la tourmente entre un millier de claques qui volent tout autour comme seul environnement tangible, le décor est planté. La vie au quotidien, quoi.
Evidemment, y en a toujours un, de crétin, pour nous mystifier avec son sempiternel “c'est fou ce que le temps passe vite”, abruti, oui, va dire ça quand ça craint de tout coté sans joker aucun pour te retourner, les bons moments certes, mais pas la galère, quand elle s'installe, c'est généralement pour durer, la chienne, ça s'attache vite, ces sales bêtes, ça te colle a la peau pour des années, des décennies, voire des vies, c'est ainsi.
C'est pas pour gâcher l'atmosphère que je dis cela, c'est juste qu'il y en a marre de leurs refrains à deux balles, leurs sornettes débiles, leurs enthousiasmes redondants afin de se persuader que tout ça valait la peine d'être vécu, une façon comme une autre de ne pas se suicider tout de suite malgré ce doute qui plane intérieurement jusqu'à ton lit de mort. C'est pas gagné.
On va y aller plus léger dans l'aventure sans avoir à donner des gages de santé mentale à ce point inouïs afin de gaver ceux qui nous entourent que tout va pour le mieux puisque c'est si rarement le cas, hein ?! Jusque-là tout va bien… sauf que la démence devient exponentielle dans la sphère, et qu'on est loin d'être tiré d'affaire. Pas de quoi s'époumoner, donc, ni afficher des sourires béants à tout bout de champ, ça ferait chelou, pas crédible, des fois qu'on te prendrait pour un adepte de ces confréries ivres de béatitude prêt à s'émerveiller au moindre brin d'herbe rencontré en chemin ou autre scarabée déboulant sur ta route aveuglement tel un damné, moustique fiévreux, ortie phalloïde, fourmi tueuse, rafflesia carnivore, sangsue vorace ou bien même bouton d'or et coccinelle des neiges. Font chier, ces contemplatifs.
Pas besoin non plus d'en rajouter ô combien en sens contraire comme ces dingues enragés avides de tout exterminer, le genre humain en premier, le cinoche de ceux qui se proclament épris de bien-commun, de nouveaux bûchers en perspective pour enfin renaître à jamais, les sauveurs de l'humanité, un type récurrent dans l'histoire de la civilisation, un regard manichéen comme il n'en faut plus aucun, le cancer des fortiches et du super héros à la petite semaine davantage en quête de faire régner la terreur chez le voisin que chez lui-même, quoiqu'il soit capable de terroriser les siens aussi, le bâtard, le fils de sa race, le tyran, l'histoire de la poutre et la paille qu'on se fourre dans l'œil, quoi, un classique.
Je disais quoi, là ? Ah oui, la nuance ! Sans cet attribut dans la cervelle, rien n'est possible, un dialogue de sourds, je vous dis, une calamité, le bal des arrogances et des susceptibilités, la bêtise en avant toute pour seul étendard, seul drapeau, une tannée ! Y a mieux à faire, non ? Il suffit de considérer que l'on n'est point le seul élément dans l'histoire sans pour cela devenir le dernier pour autant, loin de là, il est définitivement hors de question de faire des concessions à ce point inouïes et perdre ainsi notre essence, notre poésie.
Suivant ce sage principe philosophique, ce matin, je me réveille, philanthrope comme jamais, juste avant de découvrir – stupeur ! – le chat du voisin qui niquait, là, tranquille, dans mon jardin, sur ma pelouse vierge, ameutant au passage le monde quasi entier par ses exploits sonores tout au moins. Il se voyait sorti d'un bouquin de Kafka, il se prenait pour un tigre, le con, il se la jouait roi de la jungle au pays des mille et une nuits, en pleine matinée ! Ni une, ni deux, je file chez le voisin manière de lui pourrir sa journée, personne n'est parfait. Je lui balance à la gueule son putain de chat tout en l'invectivant à souhait afin de paraître crédible dans ma démarche. Le voici carrément furieux, prêt à me lyncher avec ses deux molosses, un pitbull des Indes et un dingo australien, l'embrouille commence à prendre forme… Le moment idéal pour lui résumer la philosophie de ce pays, de ce peuple Thaï, en deux phrases seulement, je vous les écris afin de les connaître aussi : 1. Eviter le conflit en permanence ; 2. Tout ce qui n'est pas amusant n'est pas digne d'intérêt.
C'est pas gagné, hein ?! Je vous laisse sur l'affaire méditer. Pendant ce temps, je vais m'en jeter un petit, vous le croirez jamais, une cliente m'a envoyé de France une bouteille de Romanee-Conti, on croit rêver, je m'en vais de ce pas la goûter… à votre santé !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 METISSAGE

L'ombre et la lumière… dans une danse légère sur une folle étincelle, une valse éclectique sur un tango argentin, une musique éternelle dans le silence des dieux, le yin et le yang dans toute sa sphère, sa poésie, son mystère.

Un bout d'azur et un petit nuage, un grain qui passe dans une flaque de soleil, une brise dans le palais des vents, un opéra résonne sous les cieux et puis un silence.
Un olivier planté dans une bambouseraie, un air de rien au milieu de tout, une vague et un palmier trônant sur les cimes, une odyssée particulière, pour lui, pour elle, les tropiques et puis les neiges éternelles.
Un diapason debout sur les flots en transe, un bateau ivre et le chant des sirènes, un bouquet de jungle en délire sous la voûte en plein océan sur un écrin d'écume.
Toi, moi et de la foudre dans l'atmosphère, des éclairs géants et le tonnerre qui déchire cet immense espace surréaliste aux confins du globe dans le pays des tsunamis sur la terre des volcans.
Un rivage oublié et le parfum des tempêtes, un ballet nuptial d'éphémères, les lucioles en fête sous la voûte dans la nuit des îles, une cigale et un grillon aussi, une alchimie qui passe dans l'atmosphère, une métamorphose et un élan lyrique.
Un air de Django et puis un nuage, une musique de Miles, So What, et ce putain de blues qui déchire la nuit sur le Domaine des Apsaras. Un bas-relief sur les temples d'Angkor ou bien sur le Borobudur, Aphrodite sous les tropiques et Shiva qui se prend pour Dionysos.
Le mystère féminin et la folie des hommes, un dièse sur un bémol et toute la sève qui se balance sous la voûte à cheval sur deux hémisphères.
Une brise méditerranéenne dans le palais des moussons, un bouquet de forêt primaire au cœur de la cité millénaire et une grappe de soleil sur des lambeaux d'orage.
Ta misère et la mienne dans ce monde en survie, un écho dans la zone et nos regards qui flambent sur une folle ivresse jusqu'au bout de la nuit.
Salade de fruits jolie jolie et le sourire des anges en guise d'ouverture sous les feux de la rampe dans l'aube naissante.
Une petite frimousse dans le petit matin, un clin d'œil, une grimace et la vie qui danse dans les yeux de Nina.
CHAMPAGNE!

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 UN DOUTE ?!

Seul et déambulant sous la voûte, sur mon bateau ivre, je vogue à l'appel des sirènes qui me dessinent ma route par quelques sillons habilement tracés sur l'écume afin de mieux me perdre. Facile, ma boussole est cassée, elle s'est emballée et n'en fait plus qu'à sa tète, elle a perdu le nord, elle l'a oublié, trop froid là-haut, faut pas déconner, c'est plutôt le sud qui la branche, moi qui la croyais à l'ouest, elle ne penche qu'à l'est, son dada, c'est l'Asie, c'est toujours vers là-bas qu'elle s'aimante, son caprice, sa petite folie. Moi, je suis.
Ebloui par la nuit, dérivant sur les rivages d'Extrême-Orient, le mystère s'épaissit et je glisse irrésistiblement. La magie s'installe, ici plus de carré, tout est rond. Des scènes inouïes défilent sur mes paupières, des opéras fabuleux surgissent devant mes yeux, un océan de lumière passe sous les cieux, un instant de grâce dans le silence des dieux. Ma vie entière dans ce souffle, dans cet élan, je n'ai idée du temps que dans le présent, sans devenir imbécile pour autant, j'ose ma vie sur d'autres éléments. Et même si cela vous parait consternant, demain n'est pas le chemin.
Entendez-moi bien, je n'explique rien, j'ai juste un peu de mal à comprendre tout ce qu'on me dit depuis ma plus tendre enfance. Témoin depuis toujours de ces renversants états d'âme, la vie, quoi, je n'en crois pourtant aucun, autant qu'ils puissent être à me soutenir leurs fables, leurs contes, leurs chimères, je tente un pas contraire, j'ose une autre atmosphère. Demain n'est pas le chemin, quoiqu'ils nous disent, c'est juste une façon pour eux de nous mystifier, papa, maman ou même le voisin, c'est juste un tic, une manière, un refrain récurrent quand on ne sait point se taire, quand on se retrouve sur la chaire à expliquer la vie à autrui… tout ce qu'il ne faut jamais faire.
Ce n'est pas que j'aime à pousser vers le sens contraire, o combien non, je suis plutôt bon public, est-ce une raison pour nous prendre pour des cons ?! S'il y avait un secret, depuis longtemps on le saurait, les secrets, ca ne se garde vraiment jamais, c'est ce qui se dit en premier.
Vous savez quoi?... j'y retourne dans l'histoire, dans la vie, comme nous tous, sans en faire tout un roman, sans appeler maman, je me balade ainsi sous le firmament, sans la ramener aucunement… à chaque jour suffit sa peine, ses tourments.
Tiens, j'ai un trouble à l' instant, je pense à Proust et à Dostoïevski… à la recherche du temps perdu entre crimes et châtiments. C'est juste pour taquiner mon pote Virgule, je lui avais promis de ne plus faire de références, il m'assure que ça déroute, parfois. C'est pas pour vous les casser, certes non, il n'y a pas d'élitisme a la clé, jamais, l'histoire de la littérature est là pour nous le rappeler, mais comment voulez-vous que je ne les croise de temps à autres, on vit tous depuis si longtemps ensemble qu'il serait con de les zapper, de Chateaubriand à Céline, d'Homère à Baudelaire, d'Horace jusqu'au dernier de ma race, « nulla die sine linea ». Et puis quelle importance ? plus personne ne lit désormais, la civilisation de l'image a tout emporté, un véritable tsunami, oui. C'est ainsi. Alors je me permets d'en saluer un ou deux en chemin, je ne peux m'empêcher, je vis dans un monde obsolète ou seuls les fantômes apparaissent… sauf que les filles sont là, ma fille et ma nana, pour me jeter à la face tous ces accents de la modernité… je vous rassure, rien n'a changé depuis l'aurore, depuis l'Antiquité, tout se décline, tout se conjugue avec les mêmes souffrances, la même poésie… c'est peut-être pour ça que j'aime tant la vie.
Allez champagne, c'est ma tournée !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LES COPAINS D'ABORD

C'est parti Mesdames et Messieurs, alchimie verbale puissance deux, un putain d'arbre au milieu et la sève qui jaillit sur les feuilles, sur nos cheveux, les racines du ciel plantées dans nos artères, dans notre imaginaire… un, deux, trois : feu !
Des cloches, des tambours, des gongs, des moulins à prières sous le soleil dans l'écume du jour; des psaumes, des cierges et des fumées d'encens sous la voûte embrasant le firmament dans la nuit du monde.
L'humanité s'éveille, rires et larmes abondent, rêves et cauchemars vagabondent, espoirs et vanités défilent sur le pavé, c'est la ronde folle qui commence entre arrogance et humilité, c'est selon selon, il y en a pour tous les goûts, à toutes les sauces, c'est le bal des pitiés, un hymne à la joie aussi, à la gaieté, un hymne fraternel et léger, c'est selon selon… entre guerre et paix.
Du cinoche grandeur nature à faire pâlir Hollywood et ses sbires, un théâtre latin recomposé avec tous les accents du monde, les couleurs de l'immensité. Un deux trois, j'ose : l'Iliade et le Ramayana sur les mêmes planches dans un radio-crochet, Shiva et Dionysos qui se la mettent cher, l'un est Rimbaud, l'autre est Verlaine, Robinson est là aussi, il fait son Crusoé dans l'ombre de Vendredi, toute la bande à Platon déboule telle une gay-pride dans la fumée des pétards sous les éclairs des feux-follets, une zone comme jamais. Romeo s'amène avec Orphée, Juliette, déçue, est partie rejoindre Eurydice dans les enfers, plus de place, plus de ticket, seuls les garçons ont pu entrer. Tristan a largué Iseult afin de se joindre a la rave, il se la joue Apollon aux cotés d'Ulysse, Penelope peut bien attendre. Le concert peut commencer, ils ont fait venir la Castafiore au Simon Cabaret, Aphrodite n'était pas invitée.
Putain, j'ai zappé ! Ca y est, je suis parti en live, excusez, c'est le rosé ! Le toubib m'avait pourtant dit de ne pas exagérer. Font chier ces toubibs, personne ne les écoute plus aujourd'hui, leur secret est percé, ils nous prennent pour des cobayes, pour leur garde-manger ; le serment d'Hippocrate, c'est pas fun, ils l'ont brûlé, seule la Benz compte avec le cash-money, pas de temps pour la pitié. De toute façon, on va tous crever, c'est ce qu'ils se disent dans leurs cabinets. Au suivant, bordel !
Non, je délire, Céline était toubib, ça se respecte, ces conneries. On va pas taper sur les profs, hein, on a tous fait ca en chemin quand on avait que dalle à se mettre sous la dent au hasard de nos pérégrinations afin de gagner quelques ronds quand dans nos vies il faisait faim. Le verbe, quoi. On va pas taper non plus sur les musiciens, sans eux, la vie serait la pire des nuits et puis comment écrire sans ce tremplin ?! On gagne du temps à la clé, sinon, il nous faudrait des millénaires pour accoucher de toutes ces proses, tous ces récits. Tiens, si on tapait sur les yachties, exceptés Michel et les deux Philippe, le noir et le blanc, le yin et le yang, le Barong et le Garuda, le Popeye des mers et Simbad le marin, les deux allumés de l'ile, c'est pas gagné !
Et puis laisse tomber les yachties, font chier aussi, on va mettre la pression sur Antoine, c'est le seul ici-bas à fonder une dynastie, allocations familiales obligent. Li et Lou ont beau servir de vitrine, mille et un enfants illégitimes trainent dans les rues, c'est promis, demain, j'avoue tout à Michelle… Ô putain !
Vous savez quoi? Bacchus m'appelle, il est tout seul dans sa cave, il aurait un petit vin pas dégueulasse à me faire goûter, on va y aller, on sait jamais. Virgule est au courant, il a reçu un SMS afin de se régaler, ils sont capables de siffler la bouteille, ces deux, faut pas trainer… Heureusement que Bobol n'a pas de téléphone et que Teten s'est barré, sinon c'était niqué, l'histoire. Stephan est a Katu, il n'aura pas vent de l'histoire, et Joce fait du tourisme dans les émirats… j'ai peut-être ma chance. Font chier tous, des pique-assiettes, ces radins, oui. Philippe à la guitare et Kamel dans le vent, flute oblige, pour quelques accents lyriques… Et Jean-Lou qui nous la fait Prince de Manchester au milieu de la nuit, je l'aime bien ce petit con, il a une folie commune avec ma fille, la petite Nina, ils sont tous les deux complètement dingues… c'est pas gagné. Sales mioches ! Et voici Hervé qui nous la fait je ne doute de rien, balaise, le mec, tout mon respect.
Et Violette aussi, déconnons-pas… sans oublier Jean-Pierre !
Je vous salue, mes frères !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 CA DEVRAIT LE FAIRE

Sur un air de mousson, qu'elle se la fait, l'histoire, c'est pas commun que je sache, hein?! Ca ne rajoute pourtant rien au smilblick, qu'on se le dise, rien à tirer du contexte, des circonstances, que dalle. Juste une virgule qui passe dans l'air, un soupçon, un zeste afin de mordre dans la nuance et recomposer la sphère dans toute son atmosphère. Des petits bouts de rien apparaissent au beau milieu de l'infini, quelques lucioles dans la galaxie.
Et moi, petit homme errant dans l'immensité, comme pour ainsi dire tous, en quête de grâce et d'éphémère sur le domaine des grillons et autres cigales, je zone et hurle tel un loup sous la voûte à m'en déchirer les neurones jusqu'au bout de la vie. Epris de contes et de chimères, je m'aventure sur ces terres emplies de légendes et bascule dans le monde d'Homère, mon véritable père, c'est l'heure des mystères. Shiva est là, aussi, et des accents ramayanesques défilent sur mon odyssée, un bouddha géant surgit dans la haute forêt, nous entrons sur les terres des thévadas. Les génies sont là, des elfes, des fantômes en veux-tu en voilà, c'est le bal des esprits. Putain, c'est pas gagné.
Je m'attends au pire, à tout moment, c'est pour ca que je vis dans l'instantané, seul le présent m'occupe, seule la paix, je ne veux rien gâcher. Ma philosophie a peut-être quelque peu changée, il est vrai, depuis ce putain de tsunami. Tout ne tient qu'à un fil, et encore, c'est beaucoup dire, c'est déjà espérer. Quelques âmes s'animent afin de nous bourrer le mou, prétendant que le hasard n'existerait, un air sérieux au milieu du visage, une idée à deux balles, un accent pathétique sur un édredon de bêtise. Font chier ces nouveaux missionnaires, d'où qu'ils viennent, écolos, religieux ou bien humanitaires, prosélytes en tout genre, imbéciles en freelance. Seuls quelques-uns d'entre eux sont nourris par la flamme, beaucoup d'autres nous déversent leur trop plein d'âme, quitte à nous refiler aussi leurs axiomes simplistes, leurs théorèmes, aigreurs, enthousiasmes redondants et complexes mélangés, leurs tabous, leurs névroses, quoi, la nuance n'est plus de mise. Vous me direz, on s'en fout, peut-être pas malgré tout, on vit ici tous ensemble, on est tous locataire, quoiqu'on en pense, c'est pas une raison pour nous prendre pour des demeurés et commencer à nous l'expliquer, l'histoire, la rhétorique ne suffit pas, ni les bons sentiments.
Putain ! Des étoiles filantes comme s'il en pleuvait sous la voûte, des gerbes de lumière, des bouquets, c'est la fête dans la baie, Chalong s'illumine comme jamais, Rawai dévoile son rivage par la lune éclairé, et des lambeaux de mousson participent au spectacle, au show, un rêve, un mirage, là, sous les cocotiers, un accent particulier, un accent de liberté qui me semble échapper à la folie du monde… et même si cela ne devait durer que quelques secondes, ça devrait le faire.
Bonne soirée.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 C'EST L'HEURE DES VOLUPTES

Bon, ça devrait le faire ou non?! Je sais pas trop à vrai dire, on marche sur un fil, on est tous des funambules malgré les certitudes, pour ceux qui en auraient, on file dans le mur à vitesse grand V. Pas de quoi en faire un fromage, il en est ainsi de tout temps, vraisemblablement, on se gausse du progrès a tue-tête, on s'en gave du petit déj au souper, on s'en repaît. Le progrès, dites-vous ?! C'est l'art de se faire la guerre sans se salir les mains, l'extermination propre, pas de tache de sang sur les jolis habits des dieux, ceux qui pensent le bien pour l'humanité dans un déluge de feu. Le progrès, quoi. On évalue ça à notre lunette de chiotte, a notre bidet.
Un pote m'écrit, on lui prend la tête afin qu'il se trouve un but à la vie, le sens des responsabilités, la femme et les petits, voiture, maison, économies. Il se contente de vivre sans crime, assassinat, mais ça ne passe pas, ça ne suffit pas, sans but pas de ticket, pas de cinéma. Ca tombe bien, des reconnaissances, il n'en veut aucune, il s'en arrange ainsi jusqu'au trépas. C'était sans compter sur les autres, il lui faut coller au projet, au divin apôtre. Sans but, pas de trêve, pas de repos, ça va pas le faire, on lui a pourtant dit devoir et patenôtre, le sens des prières. Il ne veut rien savoir et n'en fait qu'à sa tête, ou selon son cœur, dit-il d'un air moqueur, c'est pas gagné, p'tit Joce, amicalement votre.
Les copains qui débarquent sur un air de jazz, Bacchus est avec eux, quelques bouteilles de bon vin, rouge comme le sang du Christ, les enfants d'Homère qui se la font Iliade dans leur odyssée, les sales gosses au milieu de l'azur sur « nuages » de Django, un refrain de Miles, so what, et des accents d'insouciance dans un monde de pitié. Ici, pas de prophète, pas de casse-tête, on vit sur les notes de la civilisation grecque, on se la joue tous les modes, on extrapole sur toute gamme, on improvise sur un air de mousson, on ose toutes les clés. Rimbaud est là, à nos cotés, mauvais sang et puis le bateau ivre, il nous repasse le calumet et nous invite à fumer, des tabacs forts comme il disait, c'est l'heure des voluptés.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 ILLUMINATION

C'est le dernier jour de l'année, ou le premier de l'autre, c'est vous qui choisissez… quand sera-t-il de la prochaine, hein ?! Les prévisions sont pas géantes, les chroniqueurs se déchaînent, voilà qu'on nous annonce le pire. Depuis déjà un bon moment, on nous parle d'apocalypse, rien d'original en vrai, pas besoin de lire dans les entrailles d'une chèvre ou d'un putois pour en connaître la matière, pas besoin non plus de plonger son regard dans les étoiles pour en apprendre davantage. Non, il suffit de se relire « Voyage au bout de la nuit » de l'ami Céline pour en deviner la substance. Je vous rassure, c'est loin d'être un scoop, ça commence à dater, le bouquin est paru en 1932, sauf que rien n'a changé depuis, c'est toujours d'actualité et ça m'étonnerait que ça change un jour. Le genre humain y est décrit comme jamais dans toute sa splendeur, sa vérité. Tout est dit sur notre réalité existentielle, aucunement besoin d'en rajouter, Céline a mieux fait que tous sur ce thème, ce sujet, aucune mystification à la clé, la messe est dite dans son entier. Ô putain !
Que cela ne chagrine personne toutefois, il en est ainsi, rien de grave en soi, c'est toute la vie, seul l'angle de vue change, c'est con mais ça vaut le coup d'œil.
Rien ne nous empêche de relire Rimbaud aussi, ses visions extatiques nous font toucher au miracle et ses délires métaphoriques nous ôtent toute limite. En somme, un océan de lucidité dans les fièvres d'un regard bien trempé et les transes de tes neurones dans cette folle zone sous une voûte incendiée. Des émotions qui passent en wagons dans l'atmosphère à la vitesse de la lumière, à fond les ballons.
Des volcans qui dansent tout autour et la peste qui rode, la pourriture de l'âme aux alentours, un rêve qui se dessine, une espérance qui naît sous son plus bel atour. Un ballet sous hypnose et la race des tiens sur le tremplin, cinq cent générations de bâtards qui s'envolent sur le machin, une civilisation entière dans la sphère, une putain de galère… passe en guise de caravane et une meute de clébards se déchaînent sur le rivage afin de coller au décor.
Et pourtant, des mystères comme s'il en pleuvait, des grâces en veux-tu en voilà, des grappes de sourires jusqu'au plus haut de ta hotte, des contes, des voluptés à t'en mettre plein les poches, a t'en remplir les bottes. Petit Poucet aux pompes de sept lieux, assoiffé de lumière jusqu'au bout de la nuit, j'ose semer mes cailloux dans la poussière, dans le vent, j'en balance à tout va, comment s'étonner, après, si je perds mon chemin, la générosité m'étouffe, je prends mes cailloux pour des pépites afin que tous en profite, je me prends pour Jésus après la marée, à la criée, miracle et poissons obligent, c'est Noël encore.
Vous savez quoi? Je vous abandonne sans pitié et sans aucune autre pensée, je vais chercher ma fille qui sort de l'école, je vais chercher ma princesse jusqu'au bout de l'aurore, cette fille m'étonne, du haut de ces sept ans, elle transcende mon être, mon identité, elle me fait toucher à l'inaccessible, à l'ultime volupté, elle m'empêche de devenir carrément dingue ou idiot… cinglé, quoi. Ce qui me laisse penser qu'on a toujours besoin de plus petit que soi, c'est ainsi et c'est tant mieux, depuis quand l'arrogance est-elle de mise, hein?!... Des conneries, oui, nous ne sommes que peu de chose, en vérité, mais assez pour ne point nous faire mystifier par le premier dingue venu, par le fou missionnaire épris de frissons à ce point mystiques. Aussi con que l'on soit, nous valons notre pesant d'or, non ?!
A peu prés que dalle pour ainsi dire…

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 SPLEEN

Je me balade dans la nuit de l'île, je baye aux corneilles sous la voûte et m'enivre de ces essences, de ces atmosphères, je passe tel un fantôme dans ce mystère, j'erre…
Je viens humer le parfum des moussons sur ce rivage, je baguenaude sous la danse des nuages, mes pas dans l'écume folâtre qui se la joue mousse de Champagne sur le sable.
Une mélancolie m'étrangle, je fais corps avec ces paysages, cette terre m'interpelle, cette langue me parle, ces voix, ces rires résonnent dans mes neurones jusqu'au fond de mon ventre…
Des rêves passent sous des lambeaux de firmament, des tranches de vie grosses comme des quartiers d'orange resurgissent jusqu'au tréfonds de l'âme, jusqu'au bout de ma souffrance, allez savoir pourquoi des moments de joie indéfinissable se métamorphosent quelquefois, avec le temps, en souffrance alors qu'aucun bémol n'est dans la sphère pour en diminuer la substance ?! C'est étrange… La nostalgie n'est pourtant pas présente, je la hais, cette chienne, qu'on se le dise, juste la mélancolie m'accompagne… J'entends un cri dans l'immensité, un putain de blues qui déchire la nuit comme jamais, allez savoir pourquoi je ne retiens que ça dans l'histoire, un vrai mystère ?!
Mon alchimie est telle qu'il me faut composer avec elle, les plus grandes fièvres m'habitent, les plus féroces, mon existence n'est qu'un délire paludéen, une parenthèse asthmatique, une balade en surf sur un tsunami, c'est ainsi.
Vous savez quoi ? je vais me débarrasser de la Grèce Antique, au panier (bien fait !), font chier ces Grecs ! A moins que ce ne soit déjà fait, d'où ma présence ici, peut-être, qui sait ? C'est mon ami Virgule qui me l'a soufflé, le thème, mais un vieux coté révérencieux me tenait à l'Olympe, déjà que je n'ai pas grand-chose, il m'a fait toucher à la misère, je n'osais l'anathème, un putain de réflexe judéo-chrétien, même si c'est né après, peu importe. A vrai dire, je n'ai point de révérence à faire, c'est juste un alibi pour dire plus encore, comment se taire ? Il faut faire feu de tout bois pour nourrir sa sphère, quitte à user de rhétorique pour embrouiller l'affaire, n'est pas caution qui veut. C'est pourquoi j'en rajoute, moi, enfant ailé de cette civilisation, moi, enfant de rien au milieu de nulle part, moi, la bohême dans cette folle jungle, j'en rajoute afin de ne paraître rien sur cette terre désespérée. Ce qui ne m'empêche point de saluer qui je veux en chemin, une virgule dans cette putain de vie, c'est déjà pas si mal, non?! Une grimace complice dans le petit matin afin d'y noyer son chagrin, hein ?! Un bouquet de palmes dans une flaque de soleil sous des lambeaux d'azur plutôt qu'un putain de mur, pour sur ! La vie, quoi.
Tout ça pour dire que civilisation grecque ou non, les Romains sont pas mal non plus, c'est eux qui héritèrent du cadeau, va t'en faire après celui qu'on dit être Alexandre le Grand… du Shakespeare, oui, du Corneille, du Racine. Si seulement Rimbaud m'était conté…
Bon, j'arrête de délirer, la vie n'est qu'une larme.
Vive le Siam !
Bonne année !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 C'EST NOEL !

C'est le temps des pardons, des crèches et des santons, chacun s'anime dans son foyer afin de recomposer l'histoire comme si on y était. Le temps du petit Jésus, mon beau sapin, de la nativité… encore une bonne occasion pour s'en mettre jusqu'à plus soif, pour s'en remplir la lampe comme jamais.
C'est le temps d'allumer la cheminée ou bien la télé, c'est selon selon, ils nous ont mis Sébastien, ils ont viré le curé… putain, c'est pas gagné. Ils vont nous ressortir tous leurs animateurs, les meilleurs, les mêmes qu'on voit depuis tout bébé, ils étaient nés avant la télé, c'est le bal des fantômes. A moins qu'ils nous les aient clonés, qui sait ? Ils avaient la trouille de nous annoncer leur trépas, ils pensaient qu'on ne survivrait guère à une telle calamité, des fois que le suicide nous tenterait, ils nous ont ressorti Drucker et Sabatier.
Ce que j'en dis, moi, en vérité, pas grand chose, c'est juste pour rigoler, du moment qu'on se tape la dinde, ça devrait le faire. Pas celle de la télé, bien sur, je ne pensais point à Miss France, je n'ai pas cette élégance. C'est le temps des joyeuses agapes, c'est Noël. Enfin, peut-être pas pour tout le monde, vu ce qu'ils nous balancent aux infos, famines, révolutions ou tsunamis, c'est le temps des déluges, des grandes dépressions, des conflits. Il parait que la peste bubonique réapparaît, c'est confirmé, sans déconner, j'ai lu ça dans le “Paris-Phuket”, notre Télé 7 jours à nous.
Ce que j'en pense, moi, en vérité, pas grand-chose, c'est juste pour dire, pour rigoler, du moment qu'on se tape la dinde, j'en demande pas davantage, la dinde, c'est sacré. En Australie, c'est l'autruche qu'il se tape, eux, à Noël, le syndrome Obélix, leur sanglier à eux, de gros mangeurs, là-bas, à chacun ses délices, ses voluptés, à chacun son Noël.
Hier, avec les filles, nous avons fait le sapin, Noël oblige, il ne manquait plus que la neige, nous nous en sommes très bien passés d'ailleurs, les tropiques, c'est pas mal aussi. Ma fille veut un château en Espagne, le jour J, et une rivière de diamants au pied du sapin, il fait chier ce Père Noël, ça se voit qu'il a pas de mioche, lui, le con, sinon il ferait pas ainsi le malin. Elle a pété les plombs, oui, la petite fleur de lotus (ma fille), elle se prend pour l'aurore quand elle se réveille, elle lit ça dans les yeux de son père... c'est pas gagné.
On se prépare pour Noël avec ma fille... Ma femme est allée rejoindre les siens à Korat, elle en mourait d'envie, c'est moi qui l'ais envoyée dix jours là-bas afin qu'elle se fasse le nouvel an avec eux. Moi, la famille, ça tourne court, ma fille, ma nana quand elle est la,, un ou deux potes et aussi loin que je cherche, c'est à peu près tout, je vois pas davantage...
On va donc se faire Noël tous les deux avec Melle Nina, je vais me payer une bonne bouteille (c'est tous les jours Noël!), rouge comme le sang du Christ puisque je crois savoir que c'est son anniversaire, et un IPAD pour Nina, elle voulait un château en Espagne comme je vous l'expliquais alors, mais je vais m'en tenir à l'IPAD, c'est pas mal non plus, hein?!
Nina veut aller en France en vacances, j'ose pas lui dire mais l'argent que je gagne, je le dépense, on ne sait jamais de quoi demain sera fait, va t'en lui expliquer, c'est pas gagné... un IPAD, c'est déjà pas si mal, non?! ça coûte un bras, ce machin, 20 000 bahts pour être précis, alors le ticket pour la France, il va falloir attendre...
On pensait être 40 pour Noël, comme dans l'histoire d'Ali Baba, finalement on sera que deux, c'est déjà pas si mal. On va se taper la dinde, ou bien l'autruche si jamais, et on va aller braquer les cadeaux du Père Noël, on va lui faire sa fête, on va le dépouiller comme jamais, on va le mettre à l'amende, on va même lui braquer sa charrette pour filer dans la nuit des îles à fond les ballons, saloperie de Père Noël, une sacrée ordure, oui !

Dites, vous avez vu, ils vont bâtir une cité sur la lune, ils vont y déporter tous les dingues, les allumés, je sais pas vous mais, moi, ils m'ont déjà filé un ticket, je l'aurais gagné dans un concours télé, je serais le premier, il parait, pour une fois que j'ai du bol. C'est Noël !

Je vous la souhaite joyeuse, la veillée… c'est pas gagné

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 ATMOSPHERE

Je me tape un verre à la santé du monde, du vin rouge comme le sang du Christ, un bon vin de messe, je ne vous dirais point lequel, ça vous rendrait jaloux. C'est pas pour faire le malin, mais c'est du bon, un de ces vieux vignobles plantés par nos amis Romains, y a deux mille ans sur ces terres qu'on nomme le panthéon de Bacchus, vous voyez?! Par contre, ça coûte un bras, faut vraiment être léger pour se lâcher, deux semaines de diète après, un petit ramadan en somme, un festival végétarien.
Ne gâchons-pas l'atmosphère, et goûtons-ça avec respect, le coté religieux de l'histoire, des gens ont tout donné, leur amour en chemin, de fameux alchimistes, oui, des épicuriens, des hédonistes. Moissons et vendanges sur des terres de légendes, et Homère qui resurgit pour nous conter l'histoire, c'est parti.
Putain, il est bouchonné, et moi qui m'étais saigné jusqu'à plus soif afin de toucher au miracle, c'est à pleurer. Ouvrons une deuxième, la bouteille, c'est sacré, faut pas déconner, hein ?! Putain, je le crois pas, je vais buter le marchand, je vais lui faire rendre gorge jusqu'à la lie… Et puis, non, je vais lui ramener le tout bien gentiment, philosophie oblige, et… je vais lui faire bouffer les deux bouteilles entières, je vais le faire courir jusqu'en Bourgogne afin qu'il me ramène les deux mêmes. Je déconne, depuis dix ans que je ne suis revenu dans l'hexagone, je bois les meilleurs vins de France, et tous ne sont pas bouchonnés, c'était juste une entrée en matière. Phuket a ce coté extravagant qu'on trouve tout en son royaume, cette île est une idylle, qu'on se le dise. La raison n'a plus de mise, on touche au panthéon. Je vous défie de me dire ce qu'on ne pourrait trouver sur l'île si ce ne sont les neiges éternelles, hein?! Cela dit, qui s'attendrait à les trouver sous les tropiques ? Faut pas rêver !
Cette terre est légendaire, elle recèle encore mille et un mystères, des flaques de soleil l'inondent de toute part, elle ruisselle. Les flots de son rivage la bercent depuis des millénaires, elle baigne dans cette Mer qu'on appelle Andaman, plantée ainsi au beau milieu de l'océan, détachée du continent depuis à peine deux mille ans. Mais, aujourd'hui, reine des îles car la plus grande dans ce royaume, la plus belle de ces contrées, celle qu'on dit posée comme une perle dans le plus bel écrin.
Une dimension existentielle l'anime depuis toujours. Là, sont venus se sédentariser ces fameux gitans, anciens nomades de la mer des archipels birmans jusqu'à ceux d'Indonésie, les Mokens, ils ont élu ces rivages et les ont rendus désormais mythiques, ils les ont choisis. Dans ces temps-la, ils n'avaient que l'embarras du choix, on peut leur faire confiance, la civilisation des loisirs n'était pas née. C'était le temps de l'empire romain, ici naissait la première civilisation bouddhiste theravada, fraichement arrivée de l'ile de Sri Lanka et principalement installée sur l'ile de Sumatra ainsi que dans l'Isthme de Kra, dans cette ville de Nakon Srithamarat, non loin de Phuket. Les Mokens, eux, étaient déjà là.
Comme nous, ils choisirent cette terre, comme nous, ils y restèrent, peut-être y mourrons-nous ensemble ? Qui sait ? Il parait que pour renaître ici, sur cette île de légende, il faut y mourir aussi, je veux bien tenter ma chance. Finalement, c'a du bon la métempsychose, la réincarnation, on se la joue transmigration de l'âme, on se la fait tout feu, tout flamme. Même Kafka en pèterait d'apothéose, il kifferait comme jamais, entrez dans la danse aux métamorphoses… on peut rêver. Et pourtant, la religion des mystères, rappelez-vous, ces trois mythes conjugués, Dionysos, Orphée et Déméter, dans l'Antiquité Grecque, ils y croyaient aussi, ils cultivaient cette atmosphère.
Allez, je m'en refais un petit, pour la route, je vais méditer sur ma prochaine vie, celle-là n'aura pas suffit, un vrai bordel, oui. En attendant, je me retape un verre… Thierry

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Salut vous,
Appelez-moi Stakhanov, j'ai beaucoup bosser, certes, au moins deux ou trois jours semaine presque, une pause sur le chemin des misères, six jours en novembre pour être précis et quelques pièces dans l'escarcelle afin de tout payer ou presque... quelques bonnes bouteilles partagées avec les muses et le chant des cigales pour me distraire, font chier ces fourmis.


LE SAUT

Une putain d'histoire, oui! Un saut à l'envers dans cette vie-là et peut-être même dans la prochaine, inouï, non?! Vous suivez, j'espère? Sinon, ça va pas le faire. Une histoire de cabriole, donc, une histoire dingue, voire carrément folle, le saut de l'ange dans les affres de la démence, une inédite page sur ce chemin qui ne mène à rien, un interlude sur des lambeaux d'azur afin de toucher au miracle, on se passera de l'oracle.
Je disais quoi, déjà? Ah oui, une putain d'ivresse sur un fil inespéré, le trip du funambule, quoi, la zone sur un trop plein d'azur, les deux pieds dans le plat et ta langue qui fourche, c'est jamais gagné.
On peut cependant douter, la folle étincelle, on peut même se renverser, qui sait ? on peut grave se la jouer, on peut tout faire et aussi le contraire, c'est selon selon, mais pas toujours, ca dépend du hasard, ça dépend du bon vent.
Des grappes, de l'eau bénite, et un suppositoire en guise de tremplin pour l'écho de ta panse, pour le fun des intestins; aujourd'hui, on se lâche, c'est Byzance. Des crêtes mélancoliques qui fusent sous la voûte à la vitesse des étoiles filantes et tes neurones qui captent la lumière dans un déluge digne de l'apocalypse, c'est la fête aux neuneus ! Le feu de tes entrailles et la folie de ta cervelle, une juste balance, la sphère dans toutes ses nuances.
Des feux tout flamme sur le rivage et Rawai qui s'embrase comme une cigarette, comme un bâton d'encens sur le royaume des fantômes, j'en perds tous mes esprits. Une armée d'ombres défile dans la nuit de l'ile à l'assaut du moindre vertige dès que les néons s'allument, tout un monde se presse et grouille, c'est le ballet nocturne des insomniaques, une ronde noctambule.
Un ballet nuptial d'éphémères et le feu des lucioles sous le firmament, un bouquet de sourires et ce putain de cri dans l'immensité, le bonheur dans ses nuances, dans toute sa tragédie.
Souvent du fiel, ce cancer, beaucoup de folie, du cinéma en veux-tu en voila, au petit bonheur la chance, quoi, si ce n'était cette démence… Le monde des paradoxes sur une planète perchée dans la dernière des galaxies, une extrapolation dans l'univers des vivants… la vie, la mort, c'est pareil, ca tue pareil.
Les anges aussi, les bons et les moins bons (les moyens, quoi), un défilé sur le chemin de l'existence, et quelques dièses dans les trappes de l'espérance. Quelques bémols aussi… et tes neurones seules capables d'appréhender toute chose afin de survivre à la zone, avec un peu de chance pour ne pas sombrer. Gardons ces facultés mentales et de cœur aussi issues d'un fond de bon sens et de savoir-vivre malgré toutes nos épreuves afin de rester sympas, si jamais, il est hors de question de se faire dominer par l'aigreur ; sans pour autant se sentir obligé de sourire béatement et de relancer l'enthousiasme à tout moment, chacun fera ce qu'il pourra, à chaque jour suffit sa peine.
Ceci dit, carpe diem d'abord, sinon on est mort, on ne peut rien réussir sans cet adage-là, une formule arithmétique en somme, l'éphémère en rêve et en identité. Ne me soupçonnez-pas d'avoir à ce point trop de légèreté, il n'en est rien, des tonnes s'amassent à mes cotés que je traîne comme un boulet, une tannée en vrai, de casseroles, un véritable ballet, oui, un océan de pitié, c'est loin d'être gagné, personne n'est parfait. Je me masturbe les neurones dans les transes de ma cervelle à m'en faire péter les méninges, ça le fait son et lumière, de tous les coins ça fuse, ça bondit et rebondit, c'est la foire aux mélancolies. J'ai beau faire et refaire, ça le fait pas du tout, j'ai du zapper un ou deux bouts, à trop vouloir croquer dans l'atmosphère, j'ai marché sur les tabous comme sur des braises on le ferait, sur des cailloux.
J'ai filé, là-bas, du coup, sur la terre des volcans et des tsunamis, quelque part en Asie, tout au fond de ma vie, au royaume des bambous… et dire que certains me croient fou.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 C'EST TOUS LES JOURS DIMANCHE !

Tiens, une onde de volupté qui passe sous la ronde des astres, un rêve tout en couleur, là, à portée. Pas de quoi s'époumoner, en vérité, quelques dièses avant que les grandes orgues ne sonnent sur un air d'apocalypse. Ca y est, j'ai encore plombé l'atmosphère… fallait pas me faire confiance, fallait me couper les doigts comme ils ont fait à Victor Jara, fallait appeler au pugilat. Je vous l'ai pourtant dit, les armes, les mots, c'est pareil, ça tue pareil, des missiles que tu prends dans le bide, les orgues de Staline…
C'est juste pour dire…
Tiens, ma fille qui me fait une crise, existentielle je veux dire, il lui pousse des ailes, des accents de mélancolie, un spleen digne de son père, c'est pas gagné. Je peux comprendre, ceci dit, à son âge, j'en étais déjà ô combien imbibé, la charge me faisait quelquefois plier, fils d'Homère, je voyageais dans mon odyssée…
C'est juste pour dire…
Tiens, les infos qui commencent, des suicides, des guerres, des catastrophes, des tsunamis, c'est parti. Un cocktail Molotov sur ton petit déjeuner, crimes et châtiments sur ton rêve de paix. Un bordel, oui, la course dans les enfers, la vie dans toute sa simplicité, sa vérité, un monde de clébards, tous enragés, et un nonos en guise de pompon dans les transes des hymnes, des défilés.
C'est juste pour dire…
Tiens, un nouveau projet qui naît, je tente de m'associer, manière de participer puisque je suis sollicité, la meute qui débarque, tous les dingues du lieu, l'arène mise à feu, pas de quartier. Un hôpital psychiatrique, oui, des poubelles comme s'il en pleuvait, des redondances a deux balles, des arrogances avec, en magasin, que dalle; et ca voudrait t'expliquer la vie, le monde des rêves et la philosophie. On croit rêver, c'est le bal des furies sur un air d'été, font chier tous ces ânes, ces imbéciles dans leur costume de papier. Un parachute, une bouée pour vite s'échapper.
C'est juste pour dire…
Tiens, le fantôme de Boulbet qui vient me visiter, on se relit Montaigne, La Boétie, on se fredonne quelques airs, Brassens oblige, celui qui troussa la chanson française, disait-il, la danse des superlatifs, et la mémoire qui jamais ne flanche, les copains d'abord.
Une balade sur les sentes des sylves, son rêve illuminé, et un sourire largement déployé devant son astre, le keriodoxa (elegans, s'il vous plait), un incomparable palmier, une grâce dans les profondeurs de la haute forêt.
Retour à la ville et un repas autour d'une bonne attablée digne de Rabelais, des débats, des rires et des coups de poing sur la table en toute franchise, en toute amitié, ici pas de chichi, de cinéma ni de mines pincées, c'est le temps des agapes, une joyeuse équipée.
C'est juste pour dire…
Tiens, mon ami Virgule danse dans la nuit des îles, il m'envoit des proses à fracasser les anges et ose les suivre dans leur sillage tout au bout de la nuit jusqu'au parfum de l'aube, il se la joue lutin dans le petit matin et transcende nos rires, nos larmes sur un air de mousson. Chez lui, le verbe bondit et resurgit au milieu du cratère tel un volcan qui délire dans l'atmosphère, le souffle des éléments dans le palais des vents, il taquine la rime et nous jette la foudre de son imaginaire, il balance son foutre au milieu des géants, c'est le choc des titans.
C'est juste pour dire…
Tiens, Stephan qui nous met le feu a l'azur, il trampoline sur les décibels, ces filles le prennent déjà pour l'enfant caché de Marcus Miller, sa femme le prend pour le petit frère d'Arthus Bertrand, y a que la vieille qui reste lucide, elle le sait cinglé depuis le début, pas cons ces vieux, hein ?!
Je déconne, c'est de la balle... bravo !
C'est juste pour dire…
Tiens, c'est reparti sur la route des temples, faut bien bosser, un parterre digne de la Grèce Antique comme invités et le salon de Platon qui file sous la voûte à l'assaut des nuages et des vertiges qui passent. On grimpera sur la montagne aux oiseaux-mouches, un opéra grandiose défilera devant nos yeux sous le regard de Kuan Him et du Bouddha Doré. Ici se dresse le plus beau des chédis, très haut perché sur le domaine des génies.
C'est juste pour dire…

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LA DENGUE !

Tout est niqué, je vous le dis ! C'est ainsi. Aucun espoir, quoi qu'on en dise… L'espoir, la belle histoire, des contines pour les tout petits, oui, des formules quand on ne sait plus quoi dire afin de relancer l'enthousiasme. D'un autre coté, on le savait déjà et ça n'aura pas servi à grand-chose que cette connaissance-là. Donc… on reste comme des cons… malgré les circonstances, si ce n'est quelques mystères rencontrés en chemin qui constituent ce qu'on appelle le monde des exceptions, vous voyez ?! Parce que moi, parfois, j'ai du mal, vraiment. Je fais pas exprès pourtant, sans rire… J'ai du chopper une folle dengue, j'ai beau chercher, je ne vois d'autre explication. Sauf que ça commence à durer, l'histoire, j'ai dépassé depuis longtemps crête ou abysse tout genre confondu, je défie la sphère des statistiques, une putain d'énigme pour l'univers des spécialistes si tenté que cela ait un jour existé, les spécialistes ?!

Les fièvres sont là, certes, depuis si longtemps que je ne sais plus vivre sans, une fidélité sans tache nous lie, des extases nous accompagnent, on se la joue tango dans nos errances paludéennes, on se la joue cerise sur le gâteau.

Boulbet me disait que la vie était toujours plus forte. La vie, cette chienne-là, je la respire jusqu'au bout de mes neurones… et plus encore. C'est toute ma quête, c'est ma conquête ! J'irai marcher sur les braises si elle me le demandait, la vie, j'irai cracher sur les tombes. Je serai même capable de plier sans elle, comment faire?! Je suis amoureux de la vie, c'est tout mon drame, ma litanie, je ne peux vivre sans elle… jusqu'à l'infini, jusqu'à mon lit de mort.

Des élans lyriques m'inondent, me bouleversent, je tourneboule dans cette atmosphère. Des poussées mystiques, des raz de marée mélancoliques affluent de tout coté, me percutent, je chavire, je me noie mais trouve, je ne sais comment, quelque oxygène, trois petites bulles posées à la surface que je tête comme un damné. C'est la saison des tsunamis.

Santé !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 LE PARADIS SI JE VEUX.

Je reviens du cinéma avec ma belle, du coup, j'en finis ma prose un peu dingue, un peu folle. Elle me ressemble (ma prose, non pas ma belle) et grâce a elle, je m'évapore, elle me tient par les couilles, elle me libère ou m'aliène, peut-être, peu importe, je vis avec elle.

Tiens, pour se détendre, deux minutes de silence sur une petite prose légère afin de reconsidérer l'histoire et parfumer l'atmosphère. Une grappe de mots sur une feuille blanche tel un dépucelage, deux ou trois taches d'encre comme un volcan de foutre entre la robe et l'échelle pour grimper au rideau et libérer ton âme de tous ses oripeaux. Font chier tous ces ânes, ces imbéciles dans leurs habits de cardinaux.

La guerre et quelques instants de paix, l'essentiel d'une vie, cette folle alchimie, du Tolstoï en vérité, oui, un théâtre d'ombres et quelques jets de lumière sur le chemin des gémonies dans l'écho des plaintes des suppliciés. Le quotidien, quoi, et la race des tiens pour témoigner de ce pugilat sur des millénaires dans les affres de la civilisation. Un christ ensanglanté sur le coin de la gueule dès que tu nais et ses plaies pour te réjouir dans les transes de la culpabilité sur ton chemin de croix. Le paradis si je veux. Et des millions de casseroles accrochées à ta queue dans le silence des dieux afin de prévenir la meute de ton entrée dans l'arène. Crimes et châtiments sur ton rêve de paix et ce putain de mur pour te lamenter. Peines et tourments comme seul chapelet et cette vaine espérance en guise d'eau bénite dans ton gobelet. Un poisson pourri dans ta gamelle au déjeuner et une couleuvre à t'avaler au moment du diner. La misère en auréole et en identité, une promesse de félicité, mystification oblige, et un élan, peut-être, sur le pont des suicidés. Le paradis si je veux.

Quelques fantômes m'accompagnent, chemin faisant, témoins vivants de ces scènes qui roulent sur mes paupières à m'en faire péter l'œil, de ces paysages dingues qui peuplent ma cervelle, hantent ma mémoire et incendient mes neurones jusqu'aux tréfonds de l'âme, jusque dans mon ventre. O Seigneur !
Entre religions du livre et bouddhisme theravada, sans dieu ni maitre, je bondis, moi, l'enfant d'Homère, pourtant épris de lyrisme et d'élans mystiques mais fils de Descartes et des Lumières aussi, je bondis hors de la sphère à m'en faire péter la rondelle jusqu'a la lie, je jouis. Ma bible : Céline, le voyage, et les poètes maudits.
Moi qui n'ai pas souvent dit maman, je pleure ma mère comme un enfant, je fais feu de tout bois et me prosterne devant l'astre lunaire, fasciné, j'en perds tous mes esprits. Pleine ou croissant, j'en savoure tous les instants, je m'y répands.
A la grâce de dieu ou bien du vent, plume et langue bien perchées, le verbe émancipé, je passe, les godasses trouées, entre désert et océan. Cigale ou grillon, je crève la dalle bien souvent, au hasard des saisons. Je parle aux arbres et aux oiseaux, je bavarde même avec les chiens, je me suffis de que dalle, d'un moindre rien.

Né rat, version Chine, horoscope oblige, et clébard aussi à force de trainer dans la rue, je m'invente une famille, la mienne, celle des romanos, des moins que rien, les fous du roi, les saltimbanques et vis sur le rivage des gitans, ceux de la mer, ces fameux Mokens dans la Mer Andaman. Ici, pas de cinoche, les protocoles, y en a aucun, on n'en fait qu'a sa tète, ou selon son cœur comme ils le disent dans leur langue, à chacun ses images, ses métaphores, à chacun sa zone, son histoire, sa poésie.
Enthousiaste barré, à la limite du péché, je pleure de multiples vies dans le sourire, je me lache, o combien, sans retenue et sans frein, j'ose me branler dans le vent et me foutre de tout, sans peine à jouir. Je me la joue dièses dans leurs bémols, je me la joue opéra, ivre et basané, je me la fais théâtre d'ombres dans mon royaume. Une saison en enfer, et même le paradis si je veux.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 ENFANT DE NULLE PART AU MILIEU DE RIEN

Issu de la cité au hasard des rues, les poches vides et l'âme vagabonde, je zone sous la voûte en quête de grâce, de volupté, les neurones aux aguets et le verbe en guise de moteur et de bouée.

Dans ma besace, mon balluchon, un bouquet d'éphémères et un calice empli de contes, de chimères, mon garde-manger, mon panier.
Entre ciel et misère, grappes d'azur et morsures, je chemine ainsi sur un parterre de palmes et d'épines jusqu'au bout de la nuit.
Des scènes dignes de la genèse ou de l'apocalypse imbibent mes pupilles à s'en faire péter l'iris, les yeux bouffés par tant de lumière, tant d'incendies.
Entre élans mystiques et raison pure, je parcours ces terres à l'affût du moindre lièvre ou tortue, je cigalise pendant que les crapauds-buffles s'égosillent sur un air de mousson. Désespoir lucide ou bien compassion, mes étapes s'enchaînent au rythme des saisons dans ces contrées ou surgissent volcans et tsunamis.
Eventré de lyrisme, je succombe sous la charge, je me noie… avant que, je ne sais comment, un instinct premier ressurgisse… à moins que ce ne soit cette démence inouïe, cette dingue folie qui me sauve, je n'en ai aucune idée, je me contente de ressusciter, appelez-moi : Lazare.
Et dire que certains veulent vivre un siècle, a mon âge j'ai déjà cette impression, cette illumination, et je suis déjà usé, o combien. Rimbaud, Céline, Cioran, ou êtes-vous ?!

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Du bleu à l'âme… j'ai choppé ça comme un courant d'air, en passant, au milieu de rien sur un bouquet de tempêtes entre ciel et terre. Des flots de mélancolie déferlent sur mes neurones a la dérive… c'est la fête aux neuneus !! Je me retrouve, seul, devant mon identité, latin que je suis, et un peu grec aussi… entre tragédie et comédie, je surfe sur la vague de ma folie… entre Homère et Socrate, j'hésite : le rivage ou le large ?
Déjà petit, ça déconnait grave. J'arrivais pas à me concentrer. J'étais perché. Pour dessiner, par exemple, à l'école ou au catoch, quand il fallait croquer papa, maman ou le Christ… je leur dessinais un cocotier. Ni une ni deux, ça les calmait. Enfin, pas toujours, des fois, ça libérait leurs furies. C'était plus fort qu'eux. Pour les bluffer, je leur récitais n'importe quoi à l'imparfait du subjonctif. Des fois, ça marchait, ça leur coupait le sifflet. Plus tard, entre Jimmy Hendrix et mai 68, j'abordais la modernité. Quelques accents de Rimbaud dans la pupille, un bouquin de Muriel Cerf en poche, le diable vert, et vogue la galère… humer le parfum des tempêtes sur les rivages oubliés, vous voyez ?!
Moi, je voyais pas tout à fait encore. Il m'a fallu plonger dans le voyage… jusqu'au bout de la nuit. Sacré Ferdinand !
Aujourd'hui, c'est coton. La vie, quoi. Un petit bout échappé de l'azur, une jolie grimace sur le domaine des apsaras… et mon fantôme qui flotte dans ces tropiques insaisissables. Voyage jusqu'au bout du mystère… peut-être?!! Orphée, encore… je suis fatigue. J'ai du bleu à l'âme…
Bacchus m'a privé des dernières vendanges. Zappées, les folles agapes… zou ! Pas une grappe… que dalle! Pas facile, après… la philosophie, tout ça. Le coup du nonos… on veut pas le lâcher, forcement, ça fout un coup. J'entends un chant. Un blues qui déchire la nuit sous les feux follets, un accent lyrique dans l'immensité. Aya ! Pas facile a gérer, j'ai raté un épisode, joker, non?! Tant pis, alors… Putain, ça va pas le faire, la !... laissez-moi 2 ou 3 secondes, le temps de reprendre mon souffle, Eole m'a mis a terre… un rêve de sultane, un petit bout de lune posé sur ce rivage… la bible et le coran face a face, un poids séculaire sur le coin de la gueule et toute la misère du monde sur ma soutane. J'ai pas tout compris… demeure l'essentiel, non ?! J'ai du éluder un truc en chemin, le cote littéraire afin de mordre quand même dans l'atmosphère. Vous ne voulez tout de même pas que je me foute sur la croix… alors, restons dans la métaphore. Jai ien ien. O putain ! c'est pas gagne... j'ai beau faire, j'ai un peu de mal, je vais peut-être pas y arrivé du premier coup, hein ?! J'ai pas droit a un malaise, la?!... allez, un p'tit malaise, quoi, pour le fun ! Je disais quoi, là?! Ah oui, Aphrodite, Héphaïstos… les conneries du genre, version je te la mets à froid dans la stratosphère sous les néons des dieux… la cigale et la fourmi en plus, c'est tout. Pas de quoi en faire un fromage, non?!
Je vous sens distrait, la. Un manque de concentration, sans doute, un p'tit chagrin occasionné par des vents contraires sous le feu d'Hélios. Un abysse, une crête et c'est reparti. J'ai du blues à l'âme…

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 ALCHIMIE

Putain, c'est parti !... Quelques météorites se lancent à l'assaut de cette éponge qui me sert de cervelle, et percutent mes neurones à fond les ballons. Elles hurlent, les folles, sous les flammes, baignant dans un océan de braises échappées des enfers à la gloire de l'apocalypse… Un délire haut en couleur, juste là, sur mes pompes… sur la fourche du diable et dans les crocs du Cerbère !

Une onde de choc digne des gémonies sur le chemin du purgatoire, une marche à l' envers pour une chute en or, une chute qui pèse...

Un tremplin à délires sous la voûte et le tout en vision panoramique, le feu de la terre, en direct, rien que pour ta poire, et l'écran qui t'écrase la gueule te vociférant dans les feuilles l'écho des prières sur des millénaires. Alléluia !

Des ombres qui passent et la lumière qui se la joue redondance, c'est le bal des furies qui déboule dans l'arène, la foire aux mélancolies, une balade en surf sur un tsunami.

Les neurones à vif sur un chemin d'épines, j'entre dans la ronde épris de frénétiques danses jusqu'au parfum de l'aube, dégoulinant d'aurore et de transe. C'est la full moon party sur le domaine des génies, un morceau de spleen, version tropiques, vaste comme un incendie sur un bouquet de fièvres puissance mille. C'est balaise, je vous le dis, c'est de la balle, c'est du lourd...

Perdu dans l'immensité au milieu du néant sous la voûte, j'ose trois pas dans le silence des dieux et, les deux pieds au bord du gouffre, me jette sans parachute, dans ce vide, dans cet abime. Alléluia !

Issu de la Grèce Antique et du christianisme, enfant de Descartes et des Lumières, barré comme Rimbaud ou bien Céline, je chemine aux cotés de ma fille sous le regard des anges en toute évanescence, je ne suis pas un exemple.

Ami du Bouddha aussi, vivant en terre theravada, à cheval sur deux parallèles, Iliade et Ramayana, Dionysos ou bien Shiva, je parcours ces contrées jusqu' à la lisière des confins insoumis, j'entre dans ce domaine ou les ombres sont reines.

Des élans lyriques sous le firmament, des bagatelles, des massacres ; la misère en arrogance, errance oblige, et l'âme des humbles dans mon panier, dans ma besace… c'est mon marché à moi, messieurs dames, c'est mon casse-dalle.

Un hommage, en passant, a deux héros des lettres modernes, Rabelais et Pivot, l'un avec l'almanach, l'autre avec apostrophes, ces deux géants qui ont fait entrer la littérature dans nos chaumières, dans nos putains de vies…

Et puis, juste pour le fun, un bonjour à Fabrice Luchini, le seul mec qui réconcilie Aristote et Platon, l'ami de Céline et de Cioran, le troubadour de la scène, le jazzman de la syntaxe, notre conteur à nous…

Elle est pas belle, l'histoire ?... Une putain d'aventure, oui !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 FRAGILE

Tout ne tient qu'à un fil quoiqu'on en dise, quoiqu'on en pense. Je traine ce précepte depuis ma putain d'enfance, seule certitude devant l'éternel, seule vérité. L'enthousiasme développé en chemin, agapes et rires, n'y change rien, que dalle. C'est ainsi, aucun chagrin, aucune larme à la clé, pas besoin d'en rajouter, aucune litanie, pas de cinoche particulier ni de grandiloquence dans cet énoncé.

Entre misère et volupté, entre rage et fatalité, quelques bulles de spleen crèvent l'atmosphère comme autant de pétards mouillés, de danses éphémères dans un élan mort-né.

Tout ne tient qu'à un fil quoiqu'il se passe, cet adage ne souffre aucune exception, aucune contradiction ; un chemin de croix en guise de parterre étoilé et un fouet pour te défouler, si jamais, dans les transes de la culpabilité. Alléluia !

Entre dogmes séculaires et laïcité, entre bonnes intentions et état policier, écolos ou bien curés, plus d'espace pour oser respirer, plus de champ ou planter ma graine, ma liberté… je ne suis qu'un humble, qu'un damné. Marre des ces grands seigneurs de l'Histoire ou de la modernité, le monde reste à inventer.

Epris de douces folies, de légèreté, je zone sous la voûte a la recherche de mon moi évaporé, de mon péché. Malgré tous mes excès, ivre de genèse et d'apocalypse, je titube a l'approche de ces mystères qui emplissent ma sphère, je me la joue religion du livre ou bien enfant d'Homère.

Le tout sur un air de mousson entre monolithes karstiques et lambeaux d'azur, c'est mon décor surréaliste, mon panorama en terre theravada sur le chemin des apsaras. Shiva ou Dionysos, Jésus ou bien Bouddha, Iliade ou Ramayana, je vogue entre deux mondes à la lisière de la schizophrénie.

Tout ne tient qu'a un fil…

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Ce soir, c'est mon anniversaire
Alors je me suis laché, je vous en ai compose une belle
Une barrée, une éphémère
Une dingue qui donne des ailes
Santé !

ET POURTANT…
Au saut du lit, une grappe sur le tapis, un rêve inassouvi et ta misère en garantie. Ta sève, ta rage et ton essence en alchimie, soit à peu près que dalle sous la ronde des astres. Jusque-la, on est d' accord.

Et pourtant…
Un petit bout de folie qui passe dans la nuit, un mystère à ce point inouï que j'en perds tout instinct de survie. Cette petite souris me cloue jusqu'au parfum de l'aube, jusqu'à la lie. Du souffre, du miel et de la fleur de sel. Ta vie, la mienne… soit pas grand-chose, en vérité.

Et pourtant…
Le bal des chimères, la roumba des illusions et des petits bouts de rien jusqu'à l'infini. Une crête, un abysse et tes phantasmes qui surgissent au milieu de la nuit. La course du funambule dans le silence des dieux sous le regard des anges.

Et pourtant…
Ta vie qui passe comme un fantôme et ton âme qui flambe dans la tourmente. Des orages lunaires, des histoires de martien à qui mieux mieux et tes tripes qui baignent sur le parvis.

Et pourtant…
Un morceau de rêve, un bonbon à la menthe et ta douleur dans l'atmosphère. Des feux tout fou dans les bras de Morphée et ta matière grise qui brûle dans la lumière. C'est le bal des furies sous le feu d'Eole, c'est ta putain de vie dans un tsunami.

Et pourtant…
Une bulle de jazz dans la stratosphère, un petit bout d'azur décroché du ciel et ton blues dans l'immensité sous la ronde des astres… ton âme en délire au milieu des flammes, ta rage dans le vent, ton souffle sur les éléments et de la lave dans tes artères.

Et pourtant…
Un petit bout de ciel rien que pour ta gueule sous le regard des anges et ce putain de mystère, sous la voûte, impossible à éluder. Un loukoum sur la voie lactée, un joujou incontrôlable et toute ta putain de sève pour ce challenge. La cerise sur le gâteau, si j'ose, peut-être…

Et pourtant…
Un parfum, une alchimie, et ta mémoire qui bloque sur le nonos. Ta vie entière sur ce brasier et ton essence qui se consume à la vitesse de la lumière. Une pluie de lasers sur ta solitude et une ode lyrique, si jamais, au milieu du néant.

Et pourtant…
La vie, comme ça, la mort quelquefois, l'instant de grâce sur un moment bénin et un petit bout insaisissable dans l'œil du cyclone. Les rires fusent, les larmes abondent, la ronde des mélancolies et la rage de tes neurones pour seul appétit. Un banquet dans la cour des miracles, une incursion sur le panthéon, une immersion chez ton cousin poison et ta balance qui a pété les plombs.

Et pourtant…
Un bouquet de chimères sur un lit d'étoiles en parterre, un ballet nuptial d'éphémères… des odes, des ballades et un concert de casseroles… des mélancolies qui passent, des rêves, des humeurs, des cauchemars dans l'atmosphère… et mon spleen qui vogue sur un tapis volant dans la nuit des iles a fond les gamelles, a fond les ballons.

Et pourtant…
Du fond de ma retraite, moitie ermite moitie anachorète, un croissant de lune en guise de lampe de chevet, des feux follets dans mes cheveux et ce sourire crétin, image de mon reflet, j'ose trois pas dans le silence des dieux… et vous salue, filles, dames et messieurs, amis lecteurs, avec panache et respect… poil au nez.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Une lame de fond, un bruit sourd et profond, une lande qui émerge, un bouquet de jungle sur un désert marin, un volcan qui sommeille quelque part en Asie dans l'Océan Indien.

Des nuages qui roulent déboulant sur l'azur comme un bataillon de furies et une mer renversée sous un ciel d'écume embrasé par un soleil englouti.

Des images qui passent à une vitesse folle et le même visage qui apparaît sur ce rivage oublié.

Une fille qui se réveille sous les tamariniers, un petit bout de grâce à s'en décoller la rétine et des éclats de rire sous des lambeaux d'azur.

Un mystère aussi épais que la planète terre, aussi léger que l'atmosphère, aussi dense que d'étoiles un parterre.

Un petit bout de ciel sur un morceau de rêve et toute la voûte concentrée sur cette grappe de soleil au beau milieu du firmament.

Ma vie pour une danse avec elle, mon souffle dans son haleine, sa main dans la mienne pour une ronde éphémère, moitie cigale moitie grillon, et les racines du ciel dans nos artères.

Mes yeux sur ce croissant à jamais posés et les mille et une fièvres de son regard dans mes prunelles, dans mes iris, plantées.

Mes yeux sur cette étoile née, la même que celle du berger, et ma vie portée par ce mystère impossible à éluder.

La foudre qui tombe sur ma poire et un ballet de vents en furie sur mon chemin d'errances empli de grimaces et de parades sauvages.

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 PUTAIN QUELLE AVENTURE !

Je me mate le crépuscule sur Rawai, de la balle ! Des arabesques pourpres comme je les aime et une ribambelle d'écarlates à couper le souffle. C'est de la dynamite ! Ca calme la folie... ou bien ça la multiplie, je sais pas trop. Je crois bien que tout alimente ma démence, en chemin, je fais feu de tout bois afin de me renverser le neurone tout azimut et poser quelques proses sur ce putain de papier. Je côtoie les muses depuis si longtemps... un peu dans la lune, quoi, et tout le feu de la terre qui déferle sur mon être dans le silence des dieux... Putain, quelle aventure !

Bon, vous, ça a l'air d'aller, non?! Le festival de la mousson commence, il parait, c'est la saison des crapauds buffles et de leurs opéras survitaminés, le temps des feux follets et des concours de chants par nos amies cigales. Ca ravive la mémoire que ces tremplins musicaux, tout revient à la surface sous le regard des anges, intact, même pas une virgule éludée, tu replonges dans l'atmosphère comme si tu y étais, comme autrefois, un retour à La Genèse, quoi, inouï. Putain, quelle aventure !

Merde, alors ! C'est l'ami Sek Losso qui déboule à l'instant dans la radio, mon chanteur Thaï préféré, j'en ai la cervelle qui fume et toute mes pores qui éructent, un million d'émotions, d'émois s'engouffrent dans l'histoire, des tranches de vie comme des quartiers d'oranges resurgissent au milieu de mille et une dingueries, c'est la foire aux mélancolies. C'est le bordel, oui ! Dire que la folie nous guette entre deux continents, deux furies... Entre mistral et mousson. Putain, quelle aventure !

Allez, je m'en remets un petit verre, un petit bout de volupté échappé des enfers à la gloire des poètes maudits dans le néant qui nous entoure. Un petit air fou afin de se protéger de toute démence environnante entre fureur et délire. Putain, quelle aventure! Sinon, bonne Songkran... putain, quelle aventure !

Voici venu le temps des joutes aquatiques et des ballets ludiques, le temps de la nouvelle année. Allez, un petit expresso pour la route, j'en suis a mon vingtième, un de plus, un de moins, quelle importance, ça fait bouillir la cervelle, c'est tout, c'est l'antidote contre Alzheimer m'a avoué mon cardiologue, un martien échappé de l'asile qui fume comme Gainsbourg. Un pote, quoi. Et voila que les cieux pleurent sous la voûte... c'est pas gagné. Putain, quelle aventure !

Ma fille tente de m'expliquer que la Terre est ronde en me montrant un globe, je lui réponds que c'est tout des conneries et que la terre est plate, bien sur, il faut pas écouter tous les vents qui passent. Qu'est-ce qu'ils sont cons, les mioches, à cet age, c'est inouï. Elle me sollicite afin de l'éclairer sur les chemins de la vie, dit-elle, je me garderai bien d'y filer le moindre conseil étant donne que j'ai a peu près toujours fais le contraire de ce qu'on m'a dit de faire. J'avais bien une ou deux certitudes, autrefois, mais depuis, elles ont volées en fumée. Donc, je me tais et ne l'ouvre que quand je n'ai rien à dire, sage principe. Putain, quelle aventure !

Ah, j'oubliais, je revais à la plage, incroyable, une décennie que je n'y avais foutu les pieds. Ma sirène de gonzesse m'entraîne dans son sillon, elle manque d'iode la petite fleur de lotus et plonge quotidiennement dans l'océan pour se ressourcer. Elle me fait son cinoch, la demoiselle de la mer, elle me la joue naïade et se métamorphose à souhait, juste pour ma volupté... putain, quelle aventure !

Entre Rawai et Nai Harn, j'hésite... le rivage ou le large?! Ces deux paysages me titillent le neurone, deux tremplins aux mélancolies, deux panoramas sous la voûte qui collent bien à mon délire, à mes folies qui dansent sous des lambeaux d'azur... putain, quelle aventure !

Allez, je me lance, je me jette dans la vie, splash, et tant pis pour la suite, j'ai perdu mon parachute... Putain, quelle aventure !

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Ca va, vous?! Les volcans se réveillent, il parait, dans les îles insoumises, la terre bouge et les raz de marées déferlent sur les rivages, c'est la saison des tsunamis ! Les hommes meurent, et ceux qui restent les pleurent... Et nous, pauvres fous égarés dans la multitude, écrasés de ténèbres, on déambule dans les décombres, on marche sur les ruines, on court sur les braises, le regard hanté par notre destinée, notre calvaire...

Les dieux n'en ont cure, ils sont blasés. Leurs orgies et banquets terminés, repus à souhait, ils se rendorment dans leur sommeil opiacé. Nous, les damnés, on garde la misère comme seul attribut, peines et labeurs comme pain ou riz, les tourments pour seule joie, seul avenir...

Un ange qui passe, un vertige, une ivresse... et mon âme qui galope dans les enfers. Hyènes et vautours à mes trousses, je zone dans les bas fonds à la recherche de mon moi évaporé, de mon péché.

Allez, venez ! Je vous emmène danser sur les volcans, nous irons toucher au feu sacré, nous irons prendre le pouls de la bête, dans les entrailles de notre terre, de nos tombes.

Bon, j'ai remplacé les tisanes par le café... ça fait chuter la température, il parait.

Un peu de musique, une clope, des folies qui dansent dans la tête... et c'est reparti sur le fil de l'existence tel un funambule perché sur le palais des vents, à l'assaut des tempêtes et des furies qui passent...

Entre fièvres siamoises et délires paludéens, je me réveille au milieu des marées dans un océan de mangroves. Un dédale de racines gît sous les palétuviers, des cathédrales burlesques surgissent entre mer et chlorophylle, et tout un monde semi aquatique émerge de cette fange surréaliste, c'est la fête aux reptiles, aux batraciens.

Des lézards géants, gros comme des longtail-boats, déboulent des Enfers et menacent comme Cerbère pendant que mille et un oiseaux de feu, martins-pêcheurs et pitas, nous la font Septième Ciel. Ils se la jouent multicolore, nos amis piafs, et se drapent des plus beaux atouts, c'est l'heure des voluptés. Crabes, moustiques et sangsues se jettent dans les interstices et inondent vite les derniers espaces afin de participer au festin. On dirait que l'atmosphère change... serait-ce moi, le dîner ?!

Enfin, un rayon de soleil perce à l'horizon, le déluge touche à sa fin, le sud thaïlandais gît sous des inondations historiques et nous baignons dans un décor surréaliste, c'est l'apocalypse...

Je me rappelle... des flamboyants sur la route, des écarlates en délire sous l'azur, un océan de chlorophylle et des pitons karstiques plantés comme des obélisques sous la voûte... des mosquées, des temples rutilants érigés entre ciel et terre...

l'asphalte qui défile et mes neurones qui claquent dans la lumière... je me rappelle.

Les paysages roulent sur mes paupières et semblent surgir d'un songe. C'est sûr, c'est ici qu'est né le monde !
Carpe Diem

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

Soumise à la clémence des flots de la Mer Andaman , Rawai la douce se réveille d'un sommeil de mille ans rattrapée par un réseau urbain tentaculaire aux allures balnéaires. Phuket Ville s'étend désormais jusqu'à son seuil révolutionnant ce rivage légendaire.

Sur un bouquet de palmes décroché de l'azur est venu se poser mille et une résidences pour retraités occidentaux en quête d'un éternel été et d'une jeunesse retrouvée. Au volant de rutilants 4/4 et autres Fortuner, ces messieurs nous provoquent d'étonnants embouteillages avides de croissants pour leur petit déjeuner ou bien pressés et quelque peu angoissés de rater cet heure annonçant l'apéro sous les cocotiers. Bars et boulangeries abondent dans les sois, les ruelles qui parcourent ce lieu et des accents citadins circulent sur le domaine des génies chassés aujourd'hui de leur panthéon terrestre. Les voilà tous rejetés à la mer comme de vulgaires icônes du passé, remplacés par des klébards enragés, cerbères de la modernité aux portes des propriétés qui s'étalent tout autour.

Et pourtant Rawai recèle toujours cet indéfinissable charme issu de la création, il suffit d'ouvrir les yeux sur les contours et de doucement les refermer à l'approche des muses venant pique-niquer au hasard du rivage sous les feux de Morphée. Une alchimie particulière se mélange à l'atmosphère dans la nuit des îles pendant que les crapauds buffles s'égosillent sur un air de mousson. C'est Rawai la nocturne entre mer et parterre étoilé au-dessus des nuages qui dansent sous la voûte. C'est Rawai l'indomptable parfumée d'essences siamoises dans le silence des dieux sous le regard des anges, c'est Rawai la rebelle éprise d'éternité, là ou les Mokens vinrent se sédentariser, il y a de cela plus de deux mille ans, ces fameux gitans de la mer qui élirent ce rivage pour le rendre animé et désormais mythique.

C'est mon Pérou à moi dans ce royaume épique, c'est ce petit bout d'Asie qui colore ma vie, c'est mon croissant de lune, mon étoile du berger, mon temple sacré, ma chapelle Sixtine, mon rêve illuminé.

J'y ai même croisé le fantôme de Jean Boulbet.

O Rawai ! Tu danses dans ma mémoire…

La lettre de Thierry Costes, sur rawai.fr, Phuket

 QUI ES-TU LES TOURISTES ?

Phuket et plus particulièrement Rawai Beach ont jadis eu la réputation d'être une destination de 'backpackers' venus profiter d'un cadre exceptionnel où il faisait bon vivre. L'ambiance hippie décontractée où s'entremêlaient odeurs de patchoulis affiné à l'encens et soirées électriques finissant au lever du soleil sur la plage ont longtemps été l'image de Rawai.

Les 'visiteurs' arrivaient en nombre - mais pas en masse - des quatre coins du monde curieusement nommé occidental, composés de contingents anglais, allemands, américains, australiens, italiens et, ne nous oublions pas, français. Entre 25 et 40 ans, rarement en couple - nous étudierons ce phénomène ultérieurement -, l'oeil vif, avide de découvertes exclusives et particulièrement joyeux lorsque se profilait l'heure des 'happy hours' dont on gardait les lieux presque secrets tant il étaient rares ...

De retour en l'an de grâce 2011 de notre ère, beaucoup d'anciens 'visiteurs' se trouveront fort étonnés du changement radical qu'a subi la plage de Rawai et ses proches alentours. Non pas que le charme tropical dela région ait succombé aux appétits féroces des 'prometteurs' immobiliers, Rawai se présente aujourd'hui comme une vraie destination internationale, accueillante pour tous où l'on échange ses expériences en russe, en polonais, en espagnol, en tchèque, en portugais, en arabe, en farsi ou en chinois pour ne citer qu'eux.

Les familles nombreuses ont choisi Rawai pour son calme, son large choix d'activités et d'excursions et surtout pour ses tarifs abordables si l'on compare les ardoises pratiquées sur d'autres plages à la réputation très sulfureuse dont bien entendu, nous tairons les noms par respect pour nos lecteurs les plus jeunes. Ainsi Rawai est devenue la belle cosmopolitaine de l'île de Phuket où l'on peut encore se parler, où on ne sourit pas qu'à votre porte monnaie et où l'on rit et prend le temps de vivre, loin des ghettos à milliardaires ou autres bas fonds aux lampions rouges où les "my friend" deviennent chaque jour plus effrayants.

D'où que vous nous lisiez, de Téhéran à Bogota en passant par Johannesburg, Rawai la moderne vous souhaite la bienvenue et vous accueillera comme il se doit.

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